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LE DIAGNOSTIC CHEZ L’ADOLESCENT
Bien que les troubles de personnalité apparaissent dès la fin de l’adolescence, ce diagnostic est rarement posé avant l’âge de 18 ans ce qui entraine une perte de chance pour le patient.
La question de la fiabilité et de la pertinence de ce diagnostic chez l’adolescent a été très controversée du fait de données contradictoires concernant la validité du diagnostic et sa stabilité dans le temps, d’une crainte de stigmatisation de sujets dont le développement de la personnalité n’est pas achevé et du fait de difficultés à différencier les difficultés normales liées à l’adolescence des difficultés dues au TPB (Miller et al., 2008). Si la présentation du TPB est plus aiguë chez l’adolescent, elle partage des éléments essentiels constitutifs du trouble avec la présentation des adultes.
Les spécificités observées seraient en lien avec le fait que, chez l’adolescent, on observe une hyperactivité amygdalienne et une faible réorganisation structurelle des systèmes de contrôle et de régulation préfrontale qui régulent l’expérience émotionnelle.
On retrouve des prévalences similaires chez les adolescents : le TPB touche 3% de la population générale des adolescents, représente 11% des consultants, et jusqu’à 50% des hospitalisations en pédiatrie (Chanen et al., 2008).
Depuis le DSM-IV, ce diagnostic peut être fait chez les adolescents si les traits de personnalité sont non adaptatifs et envahissants depuis plus d’un an, et si cette clinique n’est pas associée à un stade développemental particulier. La limite d’âge a été retiré du DSM-5, mais reste présente et fixée à 16 ans dans la CIM 10.(Crocq et al., 2015; Organisation Mondiale de la Santé, 1993)
Plusieurs guidelines étrangères apportent d’ailleurs des recommandations de diagnostic et prise en charge spécifiques à l’adolescent (Euler et al., 2018; National Collaborating Centre for Mental Health (Grande-Bretagne), 2009; National Health and Medical Research Council (Australia), 2013).
EVOLUTION DU TPB
Deux études prospectives de grandes échelles sur l’évolution du TPB constatent que les symptômes observés sont moins stables et que le pronostic est moins pessimiste que ce qui était auparavant admis.
Zanarini et ses collègues en 2003 (Zanarini et al., 2003) ont pu montrer que les rémissions sont fréquentes et que le taux de rémission augmente progressivement au fils du temps : ainsi près de 75% des patients borderlines inclus étaient en rémission
à 6 ans (laissant donc 25% de la population incluse sans rémission). Ce taux de rémission observé est identique à celui retrouvé par Paris et Zweig-Frank en 2001 (J. Paris & Zweig-Frank, 2001) ; ces-derniers en poursuivant l’observation de leur population sur 27 ans ont pu constater que l’amélioration clinique se poursuivait même après plus de 20 ans d’évolution du trouble.
Zanarini et ses collègues en 2003 (Zanarini et al., 2003) ont également constaté que les rechutes étaient rares (6% de rechute chez les patients en rémission). Le laps de temps avant la première rémission et le faible taux de rechute laisse à penser que la rémission est en lien avec des modifications développementales qui, une fois acquises, ne se perdent pas facilement.
Cette « perte » du diagnostic de TPB a pu amener certains auteurs, dont Gunderson, à remettre en question la place du trouble borderline au sein des troubles de la personnalité (stable dans le temps par définition). Cependant, la rémission étant définie par le fait de ne plus remplir les critères diagnostiques du DSM, elle ne signifie pas une disparition complète des symptômes. L’équipe de Zanarini a étudié l’évolution de 24 symptômes du TPB (Zanarini et al., 2003). Il est retrouvé que les symptômes affectifs sont les plus résistants (présents chez 94.5%-98.6% à l’inclusion, et chez 61%-79.2% à 6 ans), ce qui pourrait faire d’eux le noyau central du TPB. Les symptômes impulsifs sont ceux qui ont la meilleure évolution. Les symptômes cognitifs et interpersonnels ont quant à eux une évolution intermédiaire (Zanarini et al., 2003). Globalement on peut regrouper les symptômes en 2 catégories : ceux qui relèvent de l’expression de la maladie aiguë qui régressent rapidement (scarification, tentatives de suicide, symptômes « psychotic-like » …), et ceux qui relèvent de la construction identitaire du sujet borderline, de son tempérament, qui tendent à persister (sensation chronique de colère, de vide, phobie abandonnique, perception négative de l’environnement…) (Bourvis et al., 2017). Ainsi la diminution de la prévalence du TPB avec l’âge pourrait être un artéfact, possiblement en lien avec une diminution de l’impulsivité liée à l’âge. Bien qu’il soit admis que la personnalité est soumise à des changements tout au long de la vie, les critères diagnostiques n’ont encore jamais été adaptés à l’âge.
DIFFICULTES RENCONTREES POUR POSER LE DIAGNOSTIC : DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS ET COMORBIDITES
TPB et autres troubles de la personnalité du cluster B :
Les troubles de la personnalité sont classés en 3 groupes fondés sur des similitudes descriptives. Le TPB est inclus dans le cluster B, « groupe théâtral-émotif », au côté des personnalités antisociale, histrionique et narcissique. Il peut parfois être difficile de les différencier, que ce soit du fait des similitudes cliniques, mais aussi du fait de stéréotypes sociaux concernant les rôles et les comportements typiques attendus de la part des individus de chaque sexe (Crocq et al., 2015). Les tableaux ci-dessous regroupent les points communs mais aussi les éléments spécifiques de chacun des troubles.
TPB et trouble de la personnalité impulsive :
Dans la classification CIM-10, le TPB (F60.31) est inclus dans les personnalités émotionnellement labiles (F 603) au côté de la personnalité impulsive (F 60.30). Ces deux diagnostics partagent de nombreuses caractéristiques comme définis dans la CIM-10 : « tendance nette à agir de façon impulsive et sans considération pour les conséquences possibles, une humeur imprévisible et capricieuse, une tendance aux explosions émotionnelles et une difficulté à contrôler les comportements impulsifs, une tendance à adopter un comportement querelleur et à entrer en conflit avec les autres, particulièrement lorsque les actes impulsifs sont contrariés ou empêchés. » (Organisation Mondiale de la Santé, 1993)
La personnalité impulsive sera caractérisée « principalement par une instabilité émotionnelle et un manque de contrôle des impulsions » (Organisation Mondiale de la Santé, 1993). On pourrait alors se représenter la personnalité impulsive comme une forme tronquée de la personnalité borderline, ne présentant pas de dysrégulations relationnelles (efforts frénétiques pour éviter l’abandon, relations instables avec idéalisation et dévalorisation des autres) ni de dysrégulations cognitives (troubles de l’identité liés à la perception de soi, pensées paranoïdes transitoires ou sensation de dissociation dans des situations stressantes).
TPB et Trouble bipolaire :
Les relations entre TPB et trouble bipolaire (TB) alimentent un débat animé depuis de nombreuses années. Quand certains auteurs s’appliquent à différencier ces deux troubles aux nombreuses similitudes (Paris, 2007), d’autres sont en faveur d’une inclusion du TPB au sein d’un « spectre bipolaire » remettant en cause l’existence même du TPB comme entité propre (Acta Psychiatrica Scandinavica & Akiskal, 2004).
Le « spectre bipolaire » étendrait l’entité nosographique actuelle du trouble bipolaire, en incluant le « trouble bipolaire de type III » (hypomanie induite par antidépresseur) et le « trouble bipolaire de type IV » (trouble bipolaire à cycle ultra-rapide) ; ce-dernier décrivant les fluctuations de l’humeur typiques du TPB (Acta Psychiatrica Scandinavica & Akiskal, 2004; Paris, 2007).
Les nombreuses ressemblances entre trouble bipolaire à cycle ultra-rapide et TPB questionnent les auteurs : le trouble bipolaire à cycle ultra-rapide pouvant être analysé comme un trouble bipolaire avec TPB comorbide ou expliquant ces similitudes par le fait d’une altération de l’axe du stress commune au TB et au TBP (Coulston et al., 2012).
Pour l’équipe de Feliu-Soler (Feliu-Soler et al., 2013), les différences de durée d’épisode thymique, le type de fluctuation et la réponse aux traitements pharmacologiques, sont autant d’arguments pour différencier ces deux troubles. Dans une études cas-témoins de 140 sujets, Feliu-Soler et coll. (Feliu-Soler et al., 2013) ont tenté de trouver des différences au sein des similitudes, en étudiant l’attention et l’impulsivité dans ces deux populations et chez des sujets contrôles. On retrouve une vitesse de traitement de l’information plus rapide chez les borderlines et plus lente chez les bipolaires suggérant une atteinte cognitive plus importante et diffuse chez les patients bipolaires, et un déficit de l’attention sélective chez les borderlines versus un déficit de l’attention soutenue chez les bipolaires.
Henry et coll. en 2007 ce sont eux penchés sur l’instabilité émotionnelle (Henry, 2007) ; cette labilité s’exprimerait chez les borderlines principalement par des affects dysphoriques (tristesse, angoisse, colère, irritabilité) quand les sujets bipolaires exprimeraient plus d’euphorie.
Dans une revue de la littérature en 2012 (Coulston et al., 2012), Coulston et coll. ont recherché des différences entre ces deux pathologies concernant la dysrégulation émotionnelle, l’impulsivité, les antécédents de traumatisme dans l’enfance et leurs possibles substrats neurologiques. L’absence d’étude de comparaison directe entre ces deux populations et des données insuffisantes pour chacun des critères observés ne permettent pas de tirer de conclusions définitives. Néanmoins, les nombreuses ressemblances entre trouble bipolaire à cycle rapide et TPB questionnent les auteurs : le trouble bipolaire à cycle rapide est-il un trouble bipolaire avec TPB comorbide ou bien ces ressemblances sont-elles en lien avec un trouble de l’humeur et des altérations de l’axe du stress communs aux deux pathologies ?
Comorbidités multiples :
Les comorbidités les plus fréquemment retrouvées sont : les troubles de l’humeur (96%), les troubles anxieux (88%), un autre trouble de la personnalité (74%), les troubles de l’usage de substance (64%-66%), les états de stress post-traumatiques (46-56%), les troubles alimentaires (53%), le trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) (15%) et les troubles somatoformes (10%). (Chapman & Fleisher, 2018; Lieb et al., 2004).
La présence de comorbidité complique la prise en charge et aggrave le pronostic. Leur prise en charge permet d’améliorer la clinique du trouble de personnalité sous-jacent.
Troubles de l’humeur :
Les troubles dépressifs sont la comorbidité la plus fréquente chez les patients borderlines avec un taux oscillant entre 41% et 83% (Euler et al., 2018; Lieb et al., 2004). La dépression chez le sujet borderline se manifestera par une majoration des angoisses abandonniques et de l’auto-agressivité, un sentiment de vide, de colère et de culpabilité plus marqué. Il faut porter une attention particulière au risque suicidaire cumulatif de ces deux pathologies.(American Psychiatric Association Practice Guidelines, 2001; Euler et al., 2018).
10 à 20% des patients souffrant de TPB présentent un trouble bipolaire comorbide (Gunderson et al., 2018; Lieb et al., 2004). Akiskal et coll, dans une étude prospective évaluant l’apparition de trouble bipolaire chez des sujets borderlines, retrouvaient un taux de 15% d’apparition sur une période d’évaluation allant de 6 mois à 3 ans (Henry, 2007). Ainsi, tout épisode affectif isolé doit faire évoquer un trouble bipolaire associé ou remettre en question le diagnostic de TPB.
Trouble anxieux :
Il représente une prévalence de 88% chez les patients borderlines avec : 23 à 47% de phobie sociale, 16 à 25% de troubles obsessionnels compulsifs et 31 à 48% de troubles paniques (Lieb et al., 2004).
Autre trouble de la personnalité :
Plus de 60% des borderlines sont affectés par un autre trouble de la personnalité. Les personnalités pathologiques comorbides les plus fréquentes sont : le trouble de la personnalité anxieux-évitant (43 à 47%), le trouble de la personnalité dépendante (16 à 51%) et la personnalité paranoïde (14 à 30%) (Euler et al., 2018; Lieb et al., 2004). D’autres études citent le trouble de la personnalité narcissique et le trouble de la personnalité anti-sociale comme autres comorbidités fréquentes (Euler et al., 2018).
Troubles addictifs :
Plus de la moitié des patients borderlines souffrent d’un trouble de l’usage de substance qui va impacter négativement le TPB, majorant le risque suicidaire et les comportements à risque (Lieb et al., 2004).
Mais si la prévalence des troubles de l’usage de substances est plus importante que dans la population générale (environ deux fois plus fréquente pour le trouble de l’usage de l’alcool et cinq fois plus fréquente pour l’usage ou l’addiction à des drogues (Zanarini et al., 2011)), il est important de noter que cette prévalence diminue considérablement avec le temps (Zanarini et al., 2011). Dans une étude de suivi d’une population de 290 patients borderlines, l’équipe de Zanarini a observé que 90% des patients avec un trouble de l’usage de substance ou d’alcool étaient en rémission après 10 ans d’évolution.
Les addictions comportementales sont également fréquentes (Euler et al., 2018).
Etat de stress post-traumatique (ESPT) :
Avec une prévalence de 26% à 56% selon les études l’ESPT comorbide entraine une symptomatologie borderline plus sévère du fait des symptômes psychotic-like et des états dissociatifs plus fréquents, ainsi que d’une suicidalité majorée (Euler et al., 2018).
Trouble du comportement alimentaire (TCA) :
La boulimie nerveuse affecte 25% des patients borderlines (devant l’anorexie et l’obésité). Elle est généralement associée à une émotionalité négative, une impulsivité, des comportements automutilants et une suicidalité plus marqués (Euler et al., 2018).
TDAH :
Le TDAH a une prévalence de 15% dans la population borderline. Il représente aussi un facteur de risque de développer un TPB (Amad et al., 2014). Associés, ces deux troubles entrainent une impulsivité plus élevée et un plus grand déficit de mentalisation que chaque trouble pris individuellement (Euler et al., 2018). Lorsqu’un TDAH comorbide est suspecté, il est recommandé d’adresser en consultation spécialisée (Euler et al., 2018).
L’émergence très fréquente de comorbidités ou complications tels que les troubles anxieux, la dépression, les addictions, rendent le tableau moins lisible et la prise en charge plus complexe.
AIDES AU DIAGNOSTIC : LES INSTRUMENTS DE MESURE
Le polymorphisme clinique du TPB en fait un des diagnostics les plus complexes de la nosographie psychiatrique. Les similarités dans la présentation clinique avec d’autres pathologies psychiatriques sont à l’origine d’errances diagnostiques et donc thérapeutiques. Une identification d’autant plus difficile que certains de ces diagnostics différentiels peuvent également être des comorbidités ; la question du diagnostic peut se poser en termes de « ou » mais aussi en termes de « et ».
Devant ces difficultés, l’utilisation d’instruments standardisés permet d’augmenter la validité du diagnostic. Les différentes « guidelines » étrangères recommandent de mener un entretien structuré ou semi-structuré afin d’établir le diagnostic et d’éliminer les diagnostics différentiels ou d’identifier les comorbidités (American Psychiatric Association Practice Guidelines, 2001; Euler et al., 2018; National Collaborating Centre for Mental Health (Grande-Bretagne), 2009; National Health and Medical Research Council (Australia), 2013). Ces questionnaires permettent également au patient de se reconnaitre dans les symptômes ou situations décrits dans les questionnaires, et ainsi d’adhérer au diagnostic posé.(American Psychiatric Association Practice Guidelines, 2001; Euler et al., 2018; National Collaborating Centre for Mental Health (Grande-Bretagne), 2009; National Health and Medical Research Council, 2013).
Si leur usage est systématique en recherche, ces outils restent peu utilisés en pratique clinique, notamment du fait d’un manque d’habitude de recours aux échelles ou de durées de passation longues rendant difficile leur mise en place.
Le tableau ci-après liste les principaux instruments standardisés recommandés par le NICE (National Institute for Health and Care Excellence), le NHRMC (National Health and Medical Research Council) et la SSPP (Société Suisse de Psychiatrie et Psychothérapie), disponibles et validés en français.
Tableau 6: Entretiens et questionnaires pour le diagnostic de TPB(Bouvard et al., 1999; Cloos et al., 2006; Euler et al., 2018; Hyler et al., 1990; Laconi et al., 2016; Maffei et al., 1997; Mirkovic et al., 2020; National Collaborating Centre for Mental Health, 2009; National Health and Medical Research Council, 2013; Zanarini et al., 2003)
FACTEURS BIOLOGIQUES
Les monoamines cérébrales :
Depuis les années 1990 de nombreuses études ont étudié le rôle des monoamines cérébrales dans le TPB. On retrouve notamment l’implication du système sérotoninergique avec l’impulsivité, l’instabilité affective et l’auto-agressivité, du système dopaminergique avec l’impulsivité et les symptômes de dissociation/déréalisation, et du système noradrénergique avec la dysphorie des affects (Martín-Blanco et al., 2016).
De nombreuses études suggèrent une activité centrale en sérotonine diminuée dans le TPB. Un déficit en sérotonine (5-HT) serait associé avec certains symptômes du TPB : l’instabilité de l’humeur et les comportements auto-agressifs (Crowell et al., 2009; Martín-Blanco et al., 2016). Cependant, les déficits en monoamines cérébrales ne sont pas spécifiques au TPB et sont retrouvés dans d’autres troubles de la personnalité et d’autres pathologies psychiatriques.
La dysrégulation de l’axe du stress :
Les études portant sur la dysrégulation de l’axe du stress chez les patients borderlines retrouvent des résultats très contradictoires, qui pourraient s’expliquer par des différences méthodologiques majeures (mode de recrutement des populations, méthodes et condition du dosage de cortisol etc.).
Crowell et coll. (Crowell et al., 2009) rapportent que l’anxiété chronique entrainerait une augmentation de la réponse de l’axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien, axe qui selon les modèles animaux serait en relation avec le système neuro-endocrinien, et serait à l’origine d’une dysrégulation de la réponse au stress. L’axe du stress serait aussi impliqué dans les comportements suicidaires (Lester, 1992). La dysrégulation de l’axe du stress se retrouve dans de nombreuses pathologies psychiatriques et notamment dans le TPB et l’ESPT (Bourvis et al., 2017).
Depuis les années 1990 de nombreux points communs ont été constatés entre ces deux pathologies. Sur le plan neurobiologique, (Rinne et al., 2002) puis (Yehuda et al., 2004) ont montré que les patients souffrant d’ESPT présentaient des taux de cortisolémie plus faibles que la population témoin, une densité de récepteurs de glucocorticoïdes plus importante et un rétrocontrôle négatif plus marqué lors de l’administration de 0.5mg de DEXAMETHASONE. Lors d’une étude cas-témoin menée chez 32 patients borderline sans ESPT comorbide et exempts de tout traitement pharmacologique et 18 patients témoins appariés selon l’âge et le genre, l’équipe de Carrasco en 2007 (Carrasco et al., 2007) a pu retrouver des résultats similaires avec une corrélation statistiquement significative entre l’importance du rétrocontrôle et la sévérité de la clinique du TPB.
En parallèle, Bourvis et coll dans une revue de la littérature parue en 2017 (Bourvis et al., 2017; Gunderson et al., 2018), rapportent quant à eux un taux de cortisol salivaire basal plus élevé, une réponse au stress plus rapide, et un rétrocontrôle négatif plus faible chez les patients borderlines que chez les sujets sains. Ces modifications seraient associées à une diminution de la taille et de la densité neuronale de l’hippocampe, laissant penser à un effet neurotoxique de l’excès de glucocorticoïdes (Perroud, 2014).
Selon Bourvis et coll (Bourvis et al., 2017), ces résultats opposés pourraient s’expliquer par l’existence de 2 types de patients borderlines. D’une part les patients au « profil post-traumatique », caractérisés par la présence d’antécédents traumatiques qui montrent un taux de cortisol de base diminué ou normal, une réponse cortisolique au stress diminuée ou normale et un rétrocontrôle négatif augmenté. D’autre part, les patients « profil dysphorique », caractérisés par la présence de symptômes thymiques qui montrent un taux de cortisol de base élevé, une réponse cortisolique au stress augmenté et un rétrocontrôle négatif diminué (Bourvis et al., 2017).
La perturbation de la balance neuro-végétative :
Afin d’expliquer l’impulsivité des sujets borderlines, des équipes ont exploré l’hypothèse d’une activité sympathique accrue au détriment d’une activité parasympathique. Face à une source de stress, ce phénomène privilégierait une réponse comportementale active (« fight or flight » soit l’attaque ou la fuite) alors que la réponse parasympathique vagale, favorisant un comportement adaptatif plus subtil, serait inhibée (Bourvis et al., 2017).
Une méta-analyse de cinq études cas-contrôles (Koenig et al., 2016) avec un total de 128 sujets borderlines et 143 sujets sains a montré un tonus vagal de repos significativement diminué chez les borderlines et une association significative entre diminution du tonus vagal au repos et augmentation de l’impulsivité et de la labilité émotionnelle. L’étude ne permet cependant pas de dire si cette balance neurovégétative perturbée, non spécifique du TPB, est un phénotype qui précède le développement du TPB ou s’il en est une conséquence.
L’ocytocine :
L’ocytocine joue un rôle clef dans les schémas d’attachement, les conséquences d’une exposition précoce à des stresseurs environnementaux, la réponse future à une situation de stress aiguë et dans la transmission non génétique de traits comportementaux. L’équipe de Bertsch en 2013 (Bertsch et al., 2013) a montré que le taux sérique d’ocytocine chez les patientes borderlines était significativement plus faible que chez les sujets sains et que ce taux était inversement corrélé à la présence d’antécédent de psychotraumatisme précoce.
FACTEURS NEUROLOGIQUES
Le modèle de Gross (Gross, 1998) décrit les processus émotionnels selon les étapes suivantes. La phase de perception du stimulus durant laquelle l’information est transmise au thalamus par les organes sensoriels puis évaluée par les aires limbiques pour organiser la réponse émotionnelle. Et la phase de régulation émotionnelle faite par le cortex préfrontal qui permet la réévaluation du stimulus puis la modulation et l’adaptation de la réponse émotionnelle. On observe donc un circuit court via le thalamus et l’amygdale qui apporte une réponse de type « survie », et un circuit long via le cortex préfrontal qui apporte une réponse analysée (Lotstra, 2002).
Au cours des premières années de vie, les traumatismes pourraient avoir des conséquences définitives sur le circuit de la peur et l’amygdale, sans laisser de trace mnésique du fait de la maturation hippocampique tardive (vers l’âge de 2-3 ans). Bourvis et coll. (Bourvis et al., 2017) rapportaient une diminution des volumes amygdalien et hippocampique ainsi qu’une hyperactivité des régions impliquées dans le circuit de la peur chez des sujets ayant subi des traumatismes précoces.
Une série d’études rapportées par Crowell et son équipe (Crowell et al., 2009) suggèrent que le TPB est associé à un déficit du circuit fronto-limbique incluant le cortex orbito-frontal et ventro-latéral préfrontal, l’amygdale, l’hippocampe, le gyrus fusiforme, le cortex cingulaire antérieur, les ganglions de la base et le thalamus. Aucune de ces atteintes n’est spécifique du TPB.
Plusieurs théories élaborées par Davidson, Putnam et Larson en 2000 puis Mann en 2003, soulignent la relation entre un dysfonctionnement fronto-limbique et une vulnérabilité à la dysrégulation émotionnelle et à l’impulsivité. Ces théories suggèrent que le circuit préfrontal impliqué dans l’inhibition des réponses comportementales serait insuffisant face à l’hyperactivité limbique.
Ces théories pourraient amener plusieurs hypothèses. D’une part, les antécédents de traumatismes pourraient avoir des conséquences à long terme sur l’amygdale avec un hyperfonctionnement du circuit de la peur au détriment de la région corticale. D’autre part, il existe un défaut d’activation préfrontale primaire à l’origine d’un défaut d’inhibition des aires limbiques. Cependant une méta-analyse de neuro-imagerie fonctionnelle menée par Amad et Radua en 2017 (Amad & Radua, 2017), retrouve au contraire une hyperactivation basale des zones limbiques associée à une hyperactivation basale de certaines régions frontales (le cortex cingulaire antérieur, les gyri frontaux inférieur et supérieur gauche), zones qui seraient impliquées dans le traitement de la douleur et dans les symptômes dissociatifs (symptômes permettant au sujet de se détacher d’une situation émotionnellement trop douloureuse). Ces résultats remettent en question l’hypothèse jusqu’alors communément admise et rappellent les résultats observés dans les populations souffrant d’ESPT. Ils sont toutefois nuancés par l’auteur du fait de l’hétérogénéité des populations étudiées et de la présence de nombreuses comorbidités ne permettant donc pas d’attribuer ces résultats au TPB seul.
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Table des matières
INTRODUCTION :
PARTIE A. ETAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES SUR LE TROUBLE DE PERSONNALITE BORDERLINE
I. EMERGENCE DU CONCEPT NOSOGRAPHIQUE, CRITERES ET DIFFICULTES DIAGNOSTIQUES :
1 EMERGENCE DU CONCEPT NOSOGRAPHIQUE
2 CRITERES DIAGNOSTIQUES
3 EPIDEMIOLOGIE
4 LE DIAGNOSTIC CHEZ L’ADOLESCENT
5 EVOLUTION DU TPB
6 DIFFICULTES RENCONTREES POUR POSER LE DIAGNOSTIC : DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS ET COMORBIDITES
6.1 TPB et autres troubles de la personnalité du cluster B :
6.2 TPB et trouble de la personnalité impulsive :
6.3 TPB et Trouble bipolaire :
6.4 Comorbidités multiples :
7 AIDES AU DIAGNOSTIC : LES INSTRUMENTS DE MESURE
II. HYPOTHESES ETIOPATHOGENIQUES :
1 FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX
2 FACTEURS BIOLOGIQUES
2.1 Les monoamines cérébrales :
2.2 La dysrégulation de l’axe du stress :
2.3 La perturbation de la balance neuro-végétative :
2.4 L’ocytocine :
3 FACTEURS NEUROLOGIQUES
4 LE MODELE VULNERABILITE-STRESS
5 FACTEURS GENETIQUES ET EPIGENETIQUES, L’HYPOTHESE D’UNE INTERACTION GENEENVIRONNEMENT
III. CONCLUSION DE LA PARTIE A :
PARTIE B. PRISE EN CHARGE DES PATIENTS SOUFFRANTS DE TPB : SYNTHESE DES RECOMMANDATIONS :
I. RECOMMANDATIONS EXISTANTES :
1 RECOMMANDATIONS FRANCAISES
2 RECOMMANDATIONS ETRANGERES
II. PRINCIPES GENERAUX DE LA PRISE EN CHARGE ET PLAN DE GESTION, SYNTHESE DES GUIDELINES A L’ETRANGER (NICE, NHRMC, APA, SSPP) :
III. LA PLACE DE L’HOSPITALISATION ET LA GESTION DES SITUATIONS DE CRISE :
IV. LA PSYCHOTHERAPIE :
1 THERAPIE COMPORTEMENTALE DIALECTIQUE
2 THERAPIE BASEE SUR LA MENTALISATION
3 THERAPIE FOCALISEE SUR LE TRANSFERT
4 LA THERAPIE DES SCHEMAS
V. LA PRISE EN CHARGE PHARMACOLOGIQUE :
VI. CONCLUSION DE LA PARTIE B
PARTIE C. EVALUATION DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES DANS LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS SOUFFRANT DE TPB A L’ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE (EPSM) DE CAEN
I. INTRODUCTION
II. MATERIEL ET METHODE
1 SCHEMA DE L’ETUDE
2 POPULATION ETUDIEE
3 MESURES
III. RESULTATS
1 CARACTERISTIQUES DE LA POPULATION ETUDIEE
2 CARACTERISTIQUES DES HOSPITALISATIONS
3 PRISE EN CHARGE MEDICALE
4 PRISE EN CHARGE PHARMACOLOGIQUE
IV. DISCUSSION
1 CARACTERISTIQUES DE LA POPULATION
2 CARACTERISTIQUES DES HOSPITALISATIONS
3 PRISE EN CHARGE MEDICALE
4 PRISE EN CHARGE PHARMACOLOGIQUE
5 CONCLUSION DE L’EPP
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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