DIFFICULTÉ SCOLAIRE ET USAGE DU PROGRAMME PERSONNALISÉ DE RÉUSSITE ÉDUCATIVE

Une société inclusive, une école inclusive ? Un contexte scolaire en mutation

             Le partage patrimonial, la hiérarchisation des vies, la question de la norme et de la conformité, de l’équité et de la liberté (Gardou, 2012) constitue le large cadre d’une réflexion personnelle et la raison principale d’un engagement associatif national dans une grande union fédérative d’associations à la fois militante et gestionnaire de services et d’établissements pour personnes handicapées. Le concept de société inclusive, la manière de « faire société » nous renvoie à la manière dont sont éduqués les enfants qui sont les membres de la société présente et de celle en devenir. Est inéluctablement interrogée la manière de « faire école » et se posent alors les questions d’éducation inclusive, de scolarisation inclusive. Le contexte social d’inclusion est tout aussi essentiel que les conditions épistémiques d’apprentissage dans l’accessibilité aux savoirs des élèves en situation de handicap. Il est donc indispensable d’articuler les dimensions physique, sociale et épistémique pour que les pratiques qui se veulent inclusives, ne se révèlent pas être un leurre institutionnel et sociétal (Feuilladieu, Gombert & Assude, 2015). La question de l’école inclusive devrait-elle se réduire au handicap ? Ne devrait-elle pas être bien distinguée de « l’inclusion scolaire » qui, à l’instar de la notion d’intégration scolaire, met l’accent sur l’accès physique à l’école et sur l’adaptation de l’élève aux normes de celles-ci au détriment des diverses dimensions intervenant dans l’adaptation de l’école à la diversité des profils [de tous les profils éducatifs] ? (Magdalena Kohout-Diaz, 2018). Aujourd’hui, en France, l’école ne semble pas pouvoir encore être qualifiée d’inclusive. En effet, l’école inclusive reposant sur la non catégorisation des élèves n’est toujours pas assortie des faits. Ainsi, la permanence de plans catégoriels conçus pour programmer, planifier, projeter les enseignements et parcours scolaires des élèves en difficulté, atteints de troubles spécifiques ou en situation de handicap notamment, démontre une incompréhension ou tout au moins un inaboutissement conceptuel de cette non catégorisation. Aujourd’hui, malgré la volonté affichée de changer de paradigme le « traitement » de la difficulté scolaire, des troubles et du handicap semble toujours s’envisager à partir d’une vision défectologique qui concourt depuis longtemps à une forme de délégation voire d’externalisation (Toullec-Théry, 2013) : auxiliaire de vie scolaire (AVS), réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), services et professionnels extérieurs à l’institution scolaire, etc. L’avènement d’une école [véritablement] inclusive implique alors de s’intéresser à l’existant, dans une visée d’évolution voire de transformation, notamment du point de vue des pratiques enseignantes pour concourir à l’accessibilité des savoirs et dépasser la seule « inclusion » physique des élèves (l’inclusion sociale passant par l’accès aux savoirs). Il paraît alors nécessaire, dans cette optique, d’analyser les outils mis à disposition des équipes enseignantes, les pratiques à l’œuvre dans une double dimension « pratique » et institutionnelle. Nous avons alors fait le choix d’étudier les plans personnalisés d’aide aux élèves qui constituent une demande institutionnelle, déjà installée de longue date. Ces outils vus comme des dispositifs d’aides (Barrère, 2013) sont-ils des ressources, des instruments qui pilotent les pratiques ? D’une manière générale, ces dispositifs paraissent parfois peu lisibles et concurrents, dans la mesure où ils évoluent rapidement (Toullec-Théry, 2017). Ils sont parfois proposés, parfois prescrits. Le traitement de la difficulté devrait alors être abordé par l’action et par conséquent nécessiter pilotage et régulation à chaque échelon institutionnel (Allal, 2017). Or les dispositifs prescrits bien que toujours régis par les textes officiels et circulaires instaurant la règle à partir du haut d’une chaîne bureaucratique provoquent souvent un dédoublement des chaines hiérarchiques, des tensions ou recoupements éventuels entre échelons centralisés ou déconcentrés de l’État. Les impératifs de la reddition de comptes complexifient aussi, en le brouillant parfois, le fonctionnement classique. Les règles peuvent, de plus, être en tension entre plusieurs instances et la justification par les résultats fait désormais concurrence à la seule légitimité du respect des procédures (Barrère, 2013). Dans ma pratique professionnelle de conseiller pédagogique, je suis fréquemment mobilisé pour intervenir dans le cadre du pôle ressource de circonscription (régi par la circulaire n° 2014-107 du 18-8-2014) qui assigne concomitamment des missions pour l’aide aux élèves et aux enseignants dans la circonscription. Les demandes formulées par les écoles au pôle ressource, les questions soulevées par les modalités d’intervention du pôle ressource (dont font partie les RASED) posent un certain nombre de questions. Parmi celles-ci, on trouve les dispositifs proposés aux équipes et en particulier les plans destinés aux élèves avec des difficultés, présentant un trouble des apprentissages, ou en situation de handicap. J’ai fait le choix, pour cette étude, d’en resserrer l’objet sur le PPRE et j’ai répondu favorablement à une proposition de participation à une recherche internationale relative aux plans d’intervention.

Une approche défectologique, une définition incertaine et mouvante

                 La notion de grande difficulté scolaire n’apparaît pas dans la législation française, ni même dans les textes réglementaires (Delaubier, Saurat, 2013). Elle ne fait l’objet d’aucune définition. Elle renvoie seulement à la situation d’élèves qui ne parviennent pas à approcher les compétences attendues, à un moment de leur scolarité. Ils sont alors souvent considérés « en échec », dans leur parcours d’apprentissage. Cette notion est donc relative dans la mesure où les exigences de l’institution et des enseignants eux-mêmes peuvent être différentes. La notion de difficulté, quant à elle, alors qu’elle est souvent citée dans les textes, ne fait pourtant pas, non plus, l’objet d’une définition. Son « extension semble variable d’un texte à l’autre » (Delaubier, Saurat, 2013). Elle englobe parfois l’ensemble des « difficultés sensorielles, motrices ou intellectuelles » (Code de l’éducation ; art. D. 321-1), se référant à une conception essentialiste du handicap. Elle peut englober d’autres fois les « troubles spécifiques du langage oral et/ou écrit, telle la dyslexie » (Code de l’éducation ; art. L. 321-4) et les difficultés liées à la santé (Code de l’éducation ; article L. 111-1). Enfin, elle est quelques fois abordée, de manière plus restreinte en se distinguant du handicap (Code de l’éducation art. L. 321-2) ou des « besoins éducatifs particuliers » (Code de l’éducation ; art. D. 332-6).

L’habilitant et le disciplinant

              Le PPRE détient une fonction de pilotage, à chaque échelon institutionnel, depuis l’échelon national jusqu’aux écoles et aux classes en passant par les rectorats, les directions départementales et les circonscriptions du premier degré. En France, nous l’avons vu le lexique employé pour dénommer les différents plans est hétérogène. Nous sommes confrontés à une équivocité qui peut limiter voire empêcher le travail des différents acteurs. Comment insuffler dans les écoles et établissements une dynamique d’actions alors que les objectifs de tels dispositifs sont peu clarifiés ? Les travaux de Koenig et al. (2016)5 affichent la nécessité de développer une dimension habilitante chez les acteurs, c’est-à-dire de « développer les compétences et induire un changement positif des attitudes ». Or « les mesures habilitantes ne produisent guère d’effet en l’absence de toute mesure disciplinante » (p.30). Ces dernières, quand elles n’ont pas valeur de sanction, constituent en effet des leviers de progrès extrêmement intéressants (Detchessahar, 2011). Quelles seraient alors les modalités de pilotage des cadres de l’Education Nationale ou du directeur d’école qui donneraient l’opportunité de construire des éléments d’intelligibilité d’un dispositif comme celui du PPRE et qui donneraient des éléments clarifiés de pilotage des pratiques ? En effet, selon Koenig et al. « Les salariés des organisations étudiées, loin de souffrir des excès ou de l’omniprésence du management, pâtissent à l’inverse de l’absence (…) d’un manageur empêché, happé par d’autres exigences que celles du travail et de son animation ». Est- ce aussi le cas dans la mise en œuvre des PPRE ?

Une difficulté scolaire attribuée à l’élève (hypothèse 1)

             Dans le domaine de la difficulté scolaire, afin d’impulser une réflexion d’équipe et pour apporter des réponses individualisées aux élèves concernés, rappelons que le législateur a conçu un cadre normatif catégoriel basé sur une conception largement ontologique de la difficulté scolaire. Par exemple, les élèves rencontrant des difficultés doivent pouvoir bénéficier de la mise en œuvre d’un plan individuel basé sur un diagnostic (nous avons centré notre analyse sur les PPRE). En France, les plans prennent des appellations et des formes différentes pour des élèves, selon qu’ils soient reconnus en situation de handicap, atteints d’un trouble des apprentissages, atteints d’une maladie ou rencontrant des difficultés dites « ordinaires ». Ce cadre législatif se combine avec des représentations ancrées chez les acteurs interviewés et notamment chez les deux enseignantes qui semblent attribuer largement les difficultés aux élèves eux-mêmes. Nous avons vu que le cadre législatif et règlementaire qui est régulièrement modifié entraine une forme d’instabilité législative et administrative qui n’est pas sans effet sur les représentations et pratiques des acteurs interviewés.

Un cadre équivoque et une forme d’instabilité règlementaire (hypothèse 2)

                Le travail des acteurs du système scolaire est largement régi par des lois et des prescriptions amenées à être déclinées à différents niveaux de pilotage depuis le ministère jusqu’aux circonscriptions de l’éducation nationale pour le premier degré. Les règles constituent des repères, des cadres qui orientent l’action des acteurs sans toutefois prédire ce qu’ils feront. L’interprétation successive des textes à chaque échelon de la chaine hiérarchique entraine des applications variées et incertaines. Les réformes qui se succèdent à un rythme soutenu conduisent à une forme de profusion d’injonctions, de changements de cap depuis les lois cadres d’orientation ou de programmation jusqu’aux circulaires ou notes de service qui peuvent sembler éloignées des pratiques scolaires concrètes. Cette forme d’instabilité, ce manque de cohérence et cet éloignement des pratiques concrètes est dénoncée au sein de quatre des cinq entretiens, implicitement par les cadres pour ce qui concerne la succession des réformes et très explicitement par le directeur et l’enseignante spécialisée pour la variabilité des procédures retenues.

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Table des matières

Introduction
Partie 1 Contexte
I. Une société inclusive, une école inclusive ? Un contexte scolaire en mutation
II. Construction d’un problème
II.1 La France, un pays « à part »
II.2 Le PPRE comme dispositif de traitement de la difficulté scolaire, poursuite de la construction d’un problème
II.2.1 Évolution historique de la difficulté scolaire au regard des attentes systémiques et sociales
II.2.2 La difficulté scolaire pensée, en France, comme un traitement (défectologique) particulier
II.2.3 Une approche défectologique, une définition incertaine et mouvante
II.3 Des dispositifs spécifiques prescrits comme réponse institutionnelle à la difficulté scolaire
II.3.1 Un cadre équivoque ou une forme d’instabilité règlementaire
II.3.2 La question de la règle dans un « contexte managérial singulier »
III. Une problématisation et des hypothèses
IV. Éléments du cadre méthodologique et théorique
IV.1 L’habilitant et le disciplinant
IV.2 Une analyse à conduire
IV.3 Une approche quantitative et qualitative
IV.4 Le cadrage institutionnel
Partie 2 Analyse du recueil de données
I. Analyse quantitative et qualitative des entretiens des représentations et des pratiques au sujet des PPRE
I.1 IENa – inspecteur d’académie adjoint
I.2 IEN – inspecteur de l’éducation nationale
I.3 DIR – directeur d’école
I.4 EC – enseignante classe
I.5 ES – enseignante spécialisée RASED
II. Analyse quantitative et qualitative des entretiens : les représentations à propos de la difficulté scolaire
II.1 IENa – inspecteur d’académie adjoint (IENa)
II.2 IEN – inspecteur de l’éducation nationale (IEN)
II.3 DIR – directeur d’école (DIR)
II.4 EC – enseignante classe (EC)
II.5 ES – enseignante RASED (ES)
Partie 3 Discussion
I. Une difficulté scolaire attribuée à l’élève (hypothèse 1)
II. Un cadre équivoque et une forme d’instabilité règlementaire (hypothèse 2)
III. Validation ou non validation de nos hypothèses
III.1 Hypothèse 1
III.2 Hypothèse 2
IV. Des pratiques habilitantes à favoriser
Conclusion
Bibliographie
ANNEXES
Résumé

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