Difficulté de la mise en récit de l’histoire yougoslave

Ecrire l’histoire, est-ce que cela veut dire se rappeler de l’ordre, retourner vers le passé ou restaurer ce qu’on avait oublié ? Est-ce que l’histoire se construit à partir des restes du passé ou bien un historien la reconstruit-il à partir du présent ? Les souvenirs, nous appartiennent-ils de façon immuable ou sont-ils changeables et inconstants ? Comment reconnaître les limites où finit l’histoire et où commence la fiction ? Souvent nous rencontrons des récits du passé, dits historiques, qui visent à rapporter de manière cohérente une dimension de l’histoire. C’est sur ce modèle historiographique que se constituent les récits historiques à évocation politique. Ces récits utilisent des arguments politiques et sont développés de manière cohérente et rationnelle. Le récit historique relatant le passé prend une autre forme lorsqu’il est le fait de sentiments, expériences personnelles et émotions et non contraint à la rationalité des événements politiques. Dans ce second cas les écrits restent très subjectifs.

Des essais de rédaction de l’histoire yougoslave ont été nombreux, mais il est difficile de confirmer leur importance car aucune œuvre n’a traité l’ensemble de la période yougoslave de 1818 à 1991. Il faut souligner qu’après la Seconde Guerre mondiale, sont apparus plusieurs ouvrages : L’histoire de la Yougoslavie, 1973 de Ivan Bozic, Sima Cirkovic, Milorad Ekmecic, Vladimir Dedijer, ensuite L’histoire de la République socialiste fédérative de la Yougoslavie, 1985 de Dusan Bilandzic, puis L’histoire de la Yougoslavie 1988, de Branko Petranovic et finalement La création de la Yougoslavie, 1989 de Milorad Ekmecic. Il est à noter que trois de ces livres ont été publiés après la mort du président Josip Broz Tito. Ces ouvrages ont bouclé une période de l’histoire yougoslave mais ne génèrent pas de perspectives globales, car ils sont trop souvent influencés par la nationalité des auteurs. Des tentatives d’écriture d’ouvrages collectifs n’ont pas été fructueuses comme par exemple Istorija naroda Jugoslavije [Histoire des peuples de la Yougoslavie] i Istorija Komunisticke partije Jugoslavije / Saveza komunista Jugoslavije [Histoire du parti communiste yougoslave/ de la Ligue des communistes yougoslaves] bien que de nombreux historiens s’y soient engagés. Donc, écrire une œuvre historiographique n’était pas si simple et ce n’est pas plus facile maintenant étant donné que ce pays n’existe plus. Les ouvrages sur lesquels je vais fonder mon travail sont des publications plus récentes telles que : L’histoire de la Yougoslavie au 20e siècle de Marie-Janine Calic publiée en 2014 et Yougoslavie, pays qui disparaissait de Dejan Jović et qui date de 2003. On dit qu’il est nécessaire de s’éloigner émotionnellement de la Yougoslavie et d’en parler une fois que ce pays a disparu des cartes historiques et géographiques. Le démembrement de la Yougoslavie intrigue aujourd’hui de nombreux historiens. En effet, les confrontations sont arrivées de manière brutale et inattendue ce qui fait que la disparation de ce pays a surpris tout le monde, même la population yougoslave.

Cadre historique : de la création de la Yougoslavie à son déclin 

Le mot « Yougoslavie » signifie « pays des Slaves du Sud ». Cet ancien pays de l’Europe du Sud-Est a existé sous différentes formes entre 1918 et 2003  . La création de l’idée yougoslave tire ses origines de la période des Lumières et de la création de nouveaux pays souverains. Son idéal comprenait le progrès, la raison, la science et le développement ainsi que l’union culturelle et linguistique y compris la perception politique des citoyens. (Calic, Gasic, et Babic 2013 :122). De nombreux intellectuels et citoyens pensaient que la réalisation de la Yougoslavie était la matérialisation d’un rêve qui aujourd’hui nous parait utopique.

La Yougoslavie a connu trois régimes politiques différents au XXème siècle. Le premier régime fut une monarchie fondée le 1er décembre 1918 après la Grande Guerre et son souverain était Pierre 1er de Serbie (Petar I Karađorđević). Le premier nom de ce pays était Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, puis il fut rebaptisé en 1929 Royaume de Yougoslavie. Le Royaume de Yougoslavie a existé jusqu’à la capitulation d’avril 1941, puis à la fin de Seconde Guerre mondiale, la Seconde Yougoslavie est née. Donc, depuis le 29 novembre 1945, la République fédérale populaire de Yougoslavie a été dirigée par le parti communiste. Finalement, en 1963 elle change de nom pour celui définitif de « République fédérative socialiste de Yougoslavie » toujours sous la direction du Maréchal Josip Broz Tito. Celle-ci a survécu jusqu’en 1992 quand les quatres républiques yougoslaves ont proclamé la sécession.  Enfin le troisième régime yougoslave fut formé pendant les guerres civiles yougoslaves et il comprenait la Serbie, le Kosovo et le Monténégro. La « Yougoslavie » est officiellement morte en 2003 quand le pays a changé de nom pour celui de Communauté d’États Serbie et Monténégro, tout en conservant le même territoire.

La Yougoslavie n’est ni le premier ni le dernier pays qui a cessé d’exister au cours du XXème siècle. Il faudrait mentionner que l’Empire Ottoman, l’Empire Austro-hongrois, la Tchécoslovaquie, L’URSS etc. ont disparu lors le XXème siècle, mais aucun n’a montré autant d’antagonismes que la Yougoslavie lors de son déclin. Il parait que la Yougoslavie était un laboratoire, la Yougo-laboratoire , dans lequel des expériences ont été menées par les politiciens dont le résultat final fut la naissance des différentes unions nationales et ethniques, de pays si semblables et, pourtant si différents. L’élément fondateur de la création des pays issus de la Yougoslavie reste toujours le même : la guerre. La guerre a évolué jusqu’au mythe fondateur de la création d’un nouvel état yougoslave. Ainsi, après 50 ans, la guerre reste la raison principale de la création des pays croate, serbe et bosniaque.

Cependant, la Yougoslavie ne peut être expliquée qu’à travers son avènement et sa fin tragique car elle a existé pendant soixante-dix ans sous différentes formes, mais toujours avec les mêmes nations. Si nous remontons plus loin dans le passé jusqu’au début du XX ème siècle, la région qui deviendra la Yougoslavie regroupait douze millions d’habitants dont la majorité était les Slaves du sud de confessions catholique, orthodoxe et musulmane. Il y avait aussi des minorités ethniques et religieuses : les Turcs, les Albanais, les Allemands, les Hongrois, les juifs, les Roms, les Valaques etc. (voir Calic, Gasic, and Babic 2013:26). A travers cette région, le mélange ethnoreligieux était omniprésent en raison de nombreuses migrations provoquées par les guerres, la pauvreté, les influences politiques des empires ottomans et austro-hongrois. Donc, cette mosaïque ethnique, religieuse, culturelle, linguistique et traditionnelle dure depuis au moins un siècle. La création des nations modernes qui a commencé en Europe à la fin de XVIIIème siècle a aussi influencé les Balkans, mais elle fut longue et improbable dans ce territoire. Il faut souligner que malgré les différences confessionnelles et culturelles, les Slaves du sud se sentaient proches et semblables vu qu’ils habitaient tous sous la domination austro-hongroise ou turque. C’est pourquoi les intellectuels ont commencé à proclamer l’unification nationale avec comme base, la ressemblance culturelle (Calic, Gasic, and Babic 2013:27). Différents groupes ont commencé à se former au sein de cette région, surtout en fonction de la région de naissance ou de la langue maternelle, comme par exemple le slovène et le serbo-croate. En revanche, dans les régions où la population parlait la même langue, la différence se manifestait par rapport à la religion, ce qui était le cas en Bosnie où tous parlaient la même langue mais se différenciaient en tant qu’orthodoxes, catholiques et musulmans. Il est nécessaire de dire que les institutions ecclésiastiques autant orthodoxe que catholique, étaient un facteur majeur de l’identification et de l’intégration serbe et surtout croate. Ce fait n’est pas si étonnant lorsqu’on sait que l’église orthodoxe serbe, qui date du 12e siècle, veillait et protégeait la tradition nationale et étatique serbe lors de la domination ottomane d’où l’identité orthodoxe et serbe comme signe d’unité. A la fin de XIXème siècle, le géographe serbe Vladimir Karic a dit : « le serbe tient beaucoup à ce qu’on nomme christianisme et plus particulièrement orthodoxie et sa confession sera l’orthodoxie serbe. Ce phénomène a pris tellement d’ampleur que chaque serbe, où qu’il soit, est orthodoxe et doit être orthodoxe» (Calic, Gasic, and Babic 2013:29). Donc, les Serbes, les Croates et les Musulmans bosniaques ont commencé à se différencier par rapport à leurs confessions malgré leurs points communs tels que les bases linguistiques et la proximité géographique. La religion prenait de plus en plus d’importance dans la construction de leur identification nationale et l’ethnie était le point final de toutes leurs différences.

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Table des matières

Introduction
Explication du développement de la thèse et méthodologie de travail
Méthodologie de travail
Programme de travail et la problématique
L’ex-Yougoslavie en quelques dates
CHAPITRE I Difficulté de la mise en récit de l’histoire yougoslave
1.1. Cadre historique : de la création de la Yougoslavie à son déclin
1.1.1. La première Yougoslavie
1.1.2. La deuxième Yougoslavie
1.1.3. La crise yougoslave et les confrontations armées
1.1.4. La troisième Yougoslavie
1.2. Les Balkans comme la poudrière de l’Europe
1.2.1. Les limites des Balkans
1.2.2. De « l’aire culturelle » des Balkans et son habitant homo balkanicus
1.2.3. Le côté sombre de la culture dans les Balkans
1.3. La quête de l’identité yougoslave
1.3.1. L’identité yougoslave, existe-t-elle réellement ?
1.3.1.1. L’identité nationale en Yougoslavie
1.3.1.2. Double citoyenneté yougoslave
1.3.2. Qui est Yougoslave ?
1.3.3. La construction du mythe de Tito
1.3.3.1.Le culte de Tito à travers la culture populaire
Conclusion du premier chapitre
CHAPITRE II Les productions culturelles serbes pendant la crise yougoslave
2.1. L’Ethnie, la nation et le nationalisme dans le contexte yougoslave
2.1.1. Les groupes ethniques en ex-Yougoslavie
2.1.1.1. De l’ethnicisation du pouvoir et du pouvoir ethnique
2.1.2. La nation et le nationalisme
2.1.3. La nation – un produit artificiel ?
2.2. Yougoslavie – la capitale européenne de la guerre
2.2.1. Un avenir sombre en perspective et une culture prémonitoire
2.2.2. Les guerres yougoslaves dans le cinéma et la musique serbes
2.2.1.1. Les cris guerriers de la musique patriotique
2.2.2.2. Les guerres yougoslaves à travers l’œil de la caméra
2.2.2.3. L’art contre la guerre
2.3. Les générations perdues
2.3.1. Les égarés dans le cinéma et le théâtre
2.3.2. Les romans de la douleur
2.4.La Yougoslavie- le pays trahi
2.4.1. L’idylle yougoslave sous une loupe artistique
2.4.2. Qu’est-ce qu’il reste de l’utopie yougoslave
Conclusion du deuxième chapitre
CHAPITRE III La Yougoslavie : entre mémoire et oubli
3.1. Devoir de mémoire ou droit à l’oubli
3.1.1. La mémoire collective dominante en Serbie
3.1.2. La société serbe touchée par l’amnésie collective
3.1.3. Un passé aux couleurs du bonheur
3.2. Le Musée de la Yougoslavie dans la perspective historique
3.2.1. Rôle du musée dans la conservation du patrimoine
3.2.2. Les balades à travers le Musée de la Yougoslavie
3.2.2.1. La Yougoslavie du début à la fin
3.2.2.2. Le personnage de Tito et la construction d’un mythe
3.2.2.3. La Yougoslavie onirique
3.2.2.4. La Yougoslavie- le pays où ils ont vécu la meilleure période de leur vie
3.3. Les visages multiples de la Yougoslavie
3.3.1. La dolce vita yougoslave
3.3.2. Le Musée d’Art Contemporain de Belgrade
3.4. La Yougoslavie réinventée par les artistes
3.4.1. Dans la recherche d’un pays perdu
3.4.2. Qui suis-je ? A qui j’appartiens ?
3.4.3. L’utopie construite de rêves et de béton
3.4.4. Le récit historique à travers les films documentaires
Conclusion du troisième chapitre
Conclusion

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