Des conséquences du co-enseignement : objectifs et avantages
Si le co-enseignement est une pratique de plus en plus répandue, il est essentiel de comprendre pourquoi il se développe.
Co-enseigner: mieux enseigner aux élèves à besoins spécifiques
Le co-enseignement s’est développé en France en même temps qu’est née la politique d’école inclusive. C’est donc pour une meilleure inclusion des élèves à besoin spécifique que le co-enseignement est proposé. Une étude longitudinale menée sur trois ans par Walther Thomas (1997) en primaire et secondaire dans des classes à co-enseignement a démontré quatre nets bénéfices de cette pratique pour les élèves à besoins spécifiques: une augmentation de la confiance en eux et en en leurs capacités à apprendre, de meilleurs résultats scolaires, le développement du savoir-vivre, du savoir-être et de meilleures relations avec les camarades de classe. Sa recherche montre une meilleure réussite pour ces élèves en contexte de coenseignement que lors des cours où un seul enseignant est présent. Tremblay observe également de meilleures performances en lecture/écriture sous l’effet du co-enseignement (Tremblay, 2012b, 2013; cité par Tremblay, 2015). L’une des raisons de ces effets positifs sur les élèves à besoin spécifique est que le co-enseignement permet de réduire la stigmatisation de ces élèves grâce à un enseignement plus individualisé (Cook & Friend, 1995) permis par la présence des deux enseignants :
« Le coenseignement offre l’avantage de réduire le ratio enseignant/élèves pour permettre aux premiers d’interagir plus souvent avec les élèves en difficulté et leur fournir un enseignement plus individualisé et intensif (Friend et Cook, 2007), tout en étant moins stigmatisant (Murawski et Hughes, 2009). » (Tremblay, 2015)
C’est la diminution du ratio enseignant/élèves qui apporte plus d’opportunités d’interactions individuelles avec les élèves en difficulté. Ces interactions constituent une aide directe pour acquérir des connaissances mais aussi un soutien moral qui conduit à une plus grande motivation.
Co-enseigner : multiplier les contextes d’apprentissage, augmenter les chances de réussite pour tous
Si le co-enseignement peut bénéficier aux élèves à besoins spécifiques, c’est aussi parce qu’il permet de varier les contextes d’apprentissage. Les différentes configurations à exploiter (cf. 1.1.3) conduisent les enseignants à endosser une multitude de rôles et de rendre chaque moment d’enseignement profitable. Murawski et Dieker (2004) donnent quelques exemples de répartition des rôles dans leur article (cf. annexe 4) et montrent des possibilités d’imbrication des rôles enseignants. Pour optimiser le temps et rendre le contexte d’apprentissage plus fécond, elles proposent par exemple qu’un enseignant vérifie les devoirs à faire pour la séance pendant que l’autre fait l’appel. Cette simple répartition pragmatique a une meilleure efficacité car elle apporte un gain de temps au profit des moments d’apprentissage. De même, elles proposent que l’un des enseignants explique les consignes oralement pendant que l’autre les écrit sur le tableau ou réexplique des concepts complexes.
Les élèves ont donc trois opportunités pour comprendre les consignes : une première forme orale, une forme écrite et/ou une reformulation par une nouvelle personne. Or, l’on sait que plus les contextes d’apprentissage sont variés, plus les élèves seront nombreux à comprendre et mémoriser ce que l’on enseigne. Ainsi la recherche tend à montrer que le co-enseignement a un impact positif sur l’ensemble des élèves :
“One way of understanding this part of a co-teaching rationale is to think of coteaching as an opportunity to increase the instructional options for all students. For example, although co-teaching occurs because students with disabilities need support services in a general education classroom, gifted and talented students may also benefit because more options can be created for individualizing their learning.”(Cook & Friend, 1995 p4)
Cook et Friend citent ici les effets observés sur des élèves à haut potentiel pour qui cette individualisation des pratiques co-enseignantes est aussi avantageuse. Ainsi, bien qu’il naisse d’un besoin d’accompagnement d’élèves en difficulté, le co-enseignement offre une multiplication des contextes d’apprentissage et de meilleures perspectives d’évolution,bénéfiques non seulement aux élèves à besoin spécifiques, mais aussi à tous les élèves d’un groupe.
Le co-enseignement: une politique éducative, une recommandation ministérielle
Si les pratiques de co-enseignement se développent, c’est aussi parce qu’elles sont de plus en plus encouragées par la législation. Dans les circulaires officielles, le co-enseignement apparaît comme un moyen de multiplier les opportunités d’apprentissage pour tous les élèves: « Les organisations pédagogiques qui produisent les meilleurs résultats et permettent d’assurer la mise au travail des élèves seront recherchées. Il conviendra de mobiliser à propos les dispositifs pédagogiques les plus appropriés aux objectifs visés : co-observation, co-enseignement, petits groupes hétérogènes, petits groupes homogènes provisoires, etc. » (circulaire n° 2014-077 du 4-6-2014)
Le co-enseignement est ainsi présenté dans les textes officiels comme une organisation pédagogique visant une optimisation des résultats des élèves et une efficacité de leur travail.
Ces modalités d’enseignement ont d’ailleurs déjà été mises en place de manière régulière dans le cadre du dispositif “plus de maîtres que de classes” dans les écoles primaires de REP+ (Réseau d’Education Prioritaire +) et REP (Réseau d’Education Prioritaire), dans le but de gérer l’hétérogénéité inhérente au développement de l’Ecole inclusive. L’objectif du dispositif est “de mieux répondre aux difficultés rencontrées par les élèves et de les aider à effectuer leurs apprentissages fondamentaux, indispensables à une scolarité réussie” grâce notamment à une variation et une adaptation des situations pédagogiques (circulaire n° 2014-077 du 4-6-2014). Le co-enseignement qui se développe dans le secondaire est une pratique similaire à ce dispositif du primaire.
Selon S. Thiboud, chargée de mission académique au rectorat de Grenoble et conceptrice du dispositif Apprenance dans la Drôme, le co-enseignement permet “de résoudre à plusieurs une difficulté professionnelle qu’on ne peut résoudre seul” dans la mesure où il place les élèves dans une situation d’apprentissage plus propice à l’expression et à la remédiation de leurs difficultés. La présence de deux enseignants, selon elle permet d’aider les élèves à décrypter les codes scolaires, et de renforcer les sentiments métacognitifs (cf.3.4).
Tant les travaux de recherches que les circulaires éducatives incitent donc à développer la pratique du co-enseignement dans le contexte inclusif de l’école, dans le but de mieux gérer l’hétérogénéité. Si l’on veut rendre ce dispositif efficace, il convient alors des’interroger sur les notions d’inclusion et d’hétérogénéité.
Inclusion et hétérogénéité
Hétérogénéité et inclusion : éléments de définition
Les notions d’hétérogénéité et d’inclusion sont étroitement liées. Tra Bi Semi définitune classe hétérogène comme une classe ‘où tous les élèves – bons et moins bons – sont ensembles’. Une classe hétérogène inclut donc des élèves de tous niveaux. D’après DuruBellat et Mingat (1997, cités par Dupriez et Draelants, 2004), la question de la gestion de l’hétérogénéité a émergé dans les années 1970 en France en raison de deux facteurs: “les vagues de massification scolaire” qui ont conduit à une multiplication des effectifs dans le secondaire, et l’apparition du collège unique. C’est donc l’évolution de l’école qui a conduit à une plus grande hétérogénéité des classes et qui invite à observer la notion d’inclusion. Le terme « inclusion » n’apparaît d’ailleurs qu’à partir de 2005 pour remplacer progressivement le terme « intégration » (Thomazet, 2006). Cette évolution dénote une différence de conception de la gestion de l’hétérogénéité qui va de pair avec la naissance de l’école dite inclusive.
L’Ecole inclusive : de l’intégration à l’inclusion, vers une perception positive de l’hétérogénéité
Depuis la loi Haby du 11 juillet 1975 relative à l’éducation, “tout enfant a droit à une formation scolaire qui, complétant l’action de sa famille, concourt à son éducation.”. L’école doit alors “favoriser l’égalité des chances” par le biais de “dispositions appropriées [qui] rendent possible l’accès de chacun, en fonction de ses aptitudes, aux différents types ou niveaux de la formation scolaire.” (Loi n°75-620). En 1975, l’école se veut donc déjà inclusive puisqu’elle s’adresse à tous les enfants. Elle se veut également égalitaire, sa missionétant d’offrir les mêmes chances à tous. Dès 1975, l’hétérogénéité à l’école est admise comme un fait à gérer par l’école et ses différents acteurs. La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances permet une avancée d’autant plus conséquente que l’école prévoit alors d’inclure les élèves en situation de handicap. A partir de 2005, “le service public d’éducation doit veiller à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction”. Cette loi constitue un tournant en termes d’éducation car c’est alors à l’école de “s’assurer que l’environnement est adapté” à la scolarité de l’élève, quels que soient ses besoins particuliers (circulaire n° 2016-186 du 30-11-2016) et non à l’élève de s’adapter à son environnement.
Cette loi fait écho à la Charte européenne de Luxembourg sur l’intégration scolaire des handicapés adoptée dès 1996 qui affirme que « L’école pour tous et pour chacun entend s’adapter à la personne et non l’inverse. Elle place la personne au centre de tout projet éducatif en reconnaissant les potentialités de chacun et ses besoins spécifiques ». C’est cette évolution qui conduit à parler d’école « inclusive » plutôt que d’intégration des élèves. Ce changement de termes fait évoluer la façon dont est pensée l’articulation entre l’école et l’hétérogénéité.
Quand on pensait « intégration », c’était aux élèves de sortir de l’école pour une éducation spécialisée. Avec la notion d’école inclusive, c’est l’école qui doit mettre en place des dispositifs en son sein pour que tous les élèves puissent y rester. (Thomazet, 2006) : « Après une période ségrégative, puis une période intégrative, progressivement, s’est développée sous le terme d’inclusion une conception de la scolarisation au plus près de l’école ordinaire, qui suppose non seulement l’intégration physique (l’établissement spécialisé se déplace dans l’école) et sociale (les élèves à besoins particuliers partagent les récréations, repas, ateliers récréatifs… des élèves des filières régulières), mais aussi pédagogique afin de permettre à tous les élèves d’apprendre dans une classe correspondant à leur âge ceci quel que soit leur niveauscolaire »
C’est donc parce que l’école se veut inclusive que les niveaux et les besoins des élèves sont hétérogènes voire très hétérogènes au sein des classes, mais c’est aussi parce qu’elle est inclusive qu’elle se doit de gérer l’hétérogénéité. Dans cette perspective, suite à l’adoption de la loi de 2005, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en classes ordinaires a nettement augmenté, et différents dispositifs ont alors été mis en place afin d’optimiser cette inclusion.
La place donnée à l’inclusion progresse encore avec la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, puisqu’elle rappelle non seulement la nécessité de permettre à tous élèves de recevoir un enseignement adapté, mais elle présente également l’hétérogénéité de l’école inclusive comme un bénéfice pédagogique qui doit conduire les élèves à avoir un regard positif sur la différence (loin°2013-595).
Si c’est à l’école de penser positivement l’hétérogénéité, il s’agit alors de savoir comment la gérer.
Différencier pour gérer l’hétérogénéité
Différenciation pédagogique: éléments de définition
En effet, si l’hétérogénéité est inhérente à la nature-même de l’école, il s’agit alors demettre en place des solutions pour que celle-ci reste inclusive et que chaque élève puisse progresser. Pour cette raison, le référentiel de compétences des métiers du professorat et de l’éducation présente comme l’une des dix-neuf compétences de l’enseignant la nécessité de prendre en compte la diversité des élèves. La maîtrise de la différenciation pédagogique fait ainsi partie des compétences de l’enseignant, parce qu’elle est nécessaire pour le progrès de tous les élèves, et que tous ne peuvent avoir le même niveau de développement et les mêmes acquis au préalable (Tra Bi Semi, 2012).
Perrenoud (1997) définit la différenciation comme le fait de rompre avec une pédagogie frontale qui propose les mêmes exercices pour tous. Selon lui, l’enseignant doit varier les ressources en classe afin de trouver une organisation de travail qui mette tous les élèves dans leur zone de développement proximale, c’est-à-dire dans une situation de travail féconde.
Perraudeau (1997 ; cité par Jobin & Gauthier, 2008) aborde la différenciation pédagogique de la même manière en soulignant la nécessité de diversifier les modes d’apprentissage pour des groupes hétérogènes, tout en visant un objectif commun. La différenciation peut être mise en place dans plusieurs domaines : les dispositifs, les contenus, les supports, les tâches, les aides,les guidages, les méthodes, les évaluations et la remédiation (Puren, 2000a).
Co-enseignement : un biais efficace de la différenciation
Le co-enseignement permet de proposer une meilleure individualisation de l’enseignement (cf.1.2.2). En ce sens, c’est un biais de différenciation puisqu’il permet une plus grande variation des modalités d’enseignement et augmente ainsi les chances de réussite pour tous. La définition-même du co-enseignement le fait entrer dans un dispositif de différenciation, dans la mesure où co-enseigner, c’est gérer un groupe hétérogène. Si le dispositif est un biais de différenciation, les tâches, les aides, les guidages ou les évaluations proposés en classe pendant les moments de co-enseignement sont autant de domaines qu’il est possible de différencier au sein même du dispositif. Dans le cadre d’une recherche-action,Tremblay (2015) a effectivement montré que le co-enseignement favorise l’émergence de la différenciation en contexte inclusif. Les six formes telles qu’il les présente permettentd’approcher la différenciation pédagogique de différentes manières (cf. Annexe 1 & 2). Le co-enseignant qui observe peut repérer les points forts et difficultés des apprenants pour en prendre note puis les prendre en compte pour faire des choix de configuration pertinents pour les séances suivantes. Le co-enseignant de soutien peut répondre de façon individuelle aux élèves en difficulté, permettant ainsi une meilleure fluidité du cours et une réduction de la stigmatisation de ces élèves. La différenciation porte dans ce cas sur l’étayage au moment de la réalisation d’une tâche, d’un exercice. Les différents repérages effectués par le biais de ces deux dernières configurations permettent alors d’aboutir à des configurations du type coenseignement parallèle ou co-enseignement en ateliers avec des groupes différenciés.
Nous avons vu la façon dont la naissance de l’école inclusive a changé les modalités de scolarisation des élèves et invite à adopter un regard positif sur l’hétérogénéité qu’elle se doit de gérer. Le co-enseignement est alors apparu comme l’un des moyens mis en place pour proposer une véritable gestion de l’hétérogénéité. Nous nous demandons alors comment ces principes d’adaptation de l’école peuvent s’appliquer à un domaine particulier de la didactique, à savoir l’enseignement de la lecture en classe d’anglais.
Guider la compréhension : développer des stratégies de compréhension
Pour accomplir une tâche de lecture, plusieurs barrières telles que le vocabulaire ou le manque de connaissances préalables sont à lever (Gabb, 2002 ; cité par Alyousef, 2005). Pour lever ces barrières et enseigner à comprendre, l’enseignant doit mettre des moyens à disposition des élèves pour déduire du sens en repérant des indices et en créant des liens (Courtillon, 2003), c’est-à-dire, proposer des stratégies de compréhension adaptées et transférables. Une stratégie de compréhension se définit par « un agencement organisé, finalisé et réglé d’opérations choisies par un individu pour accomplir une tâche qu’il se donne ou qui se présente à lui » (CECRL, 2001 p.15). Si l’on veut que les élèves acquièrent de réelles stratégies, il s’agit alors pour l’enseignant d’indiquer les différentes opérations qu’il est possible de réaliser pour accomplir la tâche de lecture. Plusieurs stratégies existent pour lire et déduire le sens d’un texte écrit. Le CECRL (2017) propose une échelle de ces stratégies et les classifie en 3 types :
« – l’exploitation des illustrations, des modèles de présentation, des titres, sous-titres, de mise en page, etc.
– la capacité à déduire du sens du co-texte et du contexte langagier ;
– l’exploitation d’indices langagiers : allant des nombres et des noms propres, en passant par les préfixes, les suffixes, les racines des mots, les connecteurs temporels et logiques, à l’utilisation experte d’une variété de stratégies. »
Parce que ces stratégies sont générales, transférables à tout type de texte, elles doivent être proposées aux élèves pour les rendre de plus en plus autonomes dans l’accomplissement de la tâche. Il s’agira d’apprendre aux élèves à anticiper le contenu des textes, à observer le paratexte, à repérer des détails signifiants et éclairants. La phase qui précède la lecture est notamment un moment clé pendant lequel l’enseignant doit aider les élèves à repérer les éléments qu’ils connaissent déjà, à activer leurs connaissances sur le sujet présenté dans le texte en observant les titres, sous-titres, les photographies ou encore la structure du texte. Ces stratégies sont qualifiées par Alyousef (2005) de « stratégies de pré-lecture ».
Le rôle de l’enseignant lors des phases de compréhension écrite d’une séquence pédagogique est donc de guider l’élève en lui fournissant ces stratégies transférables.
Toutefois, le but, si l’on veut enseigner la lecture, est de rendre l’élève autonome dans cette pratique et donc de l’aider à percevoir la transférabilité de ces stratégies.
Du guidage vers l’autonomie : verbaliser pour automatiser
Selon Giordan (1998 : cité par Carré, 2000), la difficulté de « l’apprendre » réside dans le passage « d’un fonctionnement automatique mais local, adapté aux quelques situations que l’apprenant a l’habitude de traiter, à une mobilisation plus large de procédures de pensée intégrées dans des stratégies gérées consciemment.» (p.9). L’objectif pour un enseignement efficace est donc de rendre les stratégies de compréhension conscientes pour les élèves, si l’on souhaite qu’ils les réutilisent de façon autonome. Un guidage qui ne propose qu’une suite de stratégies ne saurait donc suffire. Pour rendre ces stratégies conscientes, l’élève doit avoir une réflexion sur la manière dont il peut résoudre les problèmes posés en situation de compréhension écrite. Bosson, Hessels & Hessels-Schlatter (2009) affirment que l’entraînement des stratégies est plus efficace s’il s’accompagne par une réflexion métacognitive qui aide les élèves à prendre conscience des stratégies qu’eux-mêmes emploient et de leurs effets, qu’elles conduisent à un échec ou à une réussite. En d’autres termes, si l’on donne l’opportunité aux élèves d’observer leur propre démarche, et d’observer ce qui fonctionne ou non pour eux, ils pourront prendre conscience des stratégies efficaces et les réutiliser dans un autre contexte. La verbalisation de la pensée et de la démarche permettent cette métaréflexion (Büchel, 2007 ; cité par Bosson, Hessel & Hessels-Schlatter, 2009). Elle consiste pour les élèves à expliciter ce qu’ils sont en train de faire ou ce qu’ils s’apprêtent à faire. La verbalisation, c’est-à-dire la mise en mots de la démarche utilisée, a ainsi pour but de faire évoluer les stratégies de l’élève. Cette idée rejoint les recommandations de Joly et Thiboud, créateurs du dispositif Apprenance qui vise à rendre les pratiques enseignantes plus efficaces. Selon eux, il faut, pour gérer l’hétérogénéité et permettre à tous les élèves de progresser, rendre l’enseignement plus explicite, c’est-à-dire plus réflexif grâce à un guidage méta-analytique. Dans le cadre de ce dispositif, la verbalisation peut porter sur le domaine cognitif, comportemental ou affectif. Elle peut avoir lieu à trois moments distincts (Joly, Thiboud) :
-la verbalisation pro-active : elle a lieu avant la réalisation de la tâche. Les questions invitent les élèves à verbaliser les stratégies qu’ils vont pouvoir mobiliser pour le type de tâche proposée. Cette phase doit permettre aux élèves d’endosser le costume d’élève.
-la verbalisation active : elle a lieu au moment de la réalisation de la tâche. L’on invite les élèves à expliciter ce qu’ils sont en train de faire, à questionner l’intérêt de ce qu’ils sont en train de faire pour les prochaines tâches similaires.
-la verbalisation post-active : cette dernière est réalisée après la tâche. Elle incite les élèves à avoir une métaréflexion sur ce qu’ils ont accompli.
Ces phases permettent progressivement à l’élève de prendre conscience des stratégies qui fonctionnent ou qui sont inefficaces et doivent donc être suivies de moments de remédiation.
L’enseignant, dans son guidage, s’assure alors de proposer de nouvelles stratégies plus adaptées que l’élève pourra s’approprier. (Bosson, Hessels & Hessels-Schlatter, 2009)
Selon Thiboud, le co-enseignement est un moyen de rendre possible cette métaréflexion.
Selon elle, la présence de deux enseignants dans une classe doit favoriser l’apparition d’espace de médiation entre l’élève et la tâche. Ces moments servent alors à inviter à l’explicitation, à la verbalisation des stratégies employées lors des différentes phases présentées ci-dessus. En ce sens, le co-enseignement doit devenir moins explicatif mais plus explicite en favorisant ces moments de verbalisation par les élèves. Le co-enseignement permettra alors d’autonomiser les élèves face à la lecture en les aidant à acquérir des stratégiesde compréhension transférables viala verbalisation.
Formulation de la problématique
Les différents travaux de recherche portant sur le co-enseignement entre un enseignant de la discipline et un enseignant spécialisé tendent à montrer que cette pratique a un impact positif sur tous les élèves. Elle remplirait alors son rôle puisqu’elle a émergé après la création de l’école inclusive avec pour but de gérer plus efficacement l’hétérogénéité des classes du primaire ou du secondaire en multipliant les contextes d’apprentissage.
D’une part, peu de travaux se sont intéressés au co-enseignement avec deux enseignants d’une même discipline, de même statut. Cette pratique étant pourtant de plus en plus répandue tant dans le primaire que dans le secondaire, il est de mise de se demander si son efficacité estla même auprès d’élèves de collège.
D’autre part, l’un des effets notés est une meilleure performance en lecture. Il est alors intéressant d’observer les effets de cette pratique sur les phases d’accompa gnement à la compréhension écrite visant l’apprentissage de la lecture. Le co-enseignement est censé favoriser des espaces de médiation qui, par le biais de la verbalisation, conduisent les élèves vers l’autonomie. Si les élèves reçoivent plus d’étayage lors des séances de co-enseignement, nous pouvons nous demander la façon dont cette pratique peut effectivement les mener versplus d’autonomie.
Nous nous posons alors la question suivante : quel est l’impact du co-enseignement sur les performances de lecture en anglais des élèves du secondaire ?
Il semble d’abord pertinent de s’intéresser à l’une des formes de co-enseignement les plus observées dans le secondaire, qui demande moins de temps de planification commun, à savoir un enseignant au rôle principal, un co-enseignant au rôle de soutien. Nous étudions ensuite une forme de co-enseignement pensée pour différencier en formant des groupes, à savoir le co-enseignement par atelier, afin d’en observer les effets dans le contexte d’une classe hétérogène de 6ème.
Ainsi, au regard de nos lectures et pour mener nos expérimentations, nous formulons les deux hypothèses suivantes :
1) La présence d’un second enseignant actif en soutien individuel durant la phase d’accompagnement à la compréhension écrite a un impact positif sur l’automatisation des stratégies.
2) Le concept de co-enseignement par atelier est une forme efficiente de coenseignement dans la phase d’accompagnement à la compréhension écrite pour tous les élèves.
|
Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : Etat de l’art
1. Le co-enseignement
1.1. Le co-enseignement: éléments de définition
1.1.1. Définition élémentaire
1.1.2. Ce que le co-enseignement n’est pas: co-enseignement et co-intervention, deux pratiques à distinguer
1.1.3. Différentes formes de co-enseignement
1.2. Des conséquences du co-enseignement : objectifs et avantages
1.2.1. Co-enseigner: mieux enseigner aux élèves à besoins spécifiques
1.2.2. Co-enseigner : multiplier les contextes d’apprentissage, augmenter les chances de réussite pour tous
1.3. Le co-enseignement: une politique éducative, une recommandation ministérielle
2. Inclusion et hétérogénéité
2.1. Hétérogénéité et inclusion : éléments de définition
2.2. L’Ecole inclusive : de l’intégration à l’inclusion, vers une perception positive de l’hétérogénéité
2.3. Différencier pour gérer l’hétérogénéité
2.3.1. Différenciation pédagogique: éléments de définition
2.3.2. Co-enseignement : un biais efficace de la différenciation
3. (Co-)enseigner la lecture en anglais: compréhension de l’écrit et stratégies d’apprentissages
3.1. Lecture et compréhension de l’écrit en langue étrangère : éléments de définition
3.2. Choisir un support écrit
3.3. Guider la compréhension : développer des stratégies de compréhension
3.4. Du guidage vers l’autonomie : verbaliser pour automatiser
Chapitre 2 : Formulation de la problématique
Chapitre 3 : Méthode
1. Participants
2. Matériel
3. Procédure
4. Analyse des résultats
Chapitre 4 : Discussion et conclusion
1. Re-contextualisation
2. Mise en lien avec les recherches antérieures
2.1. Hypothèse
2.2. Hypothèse
3. Limites et perspectives
4. Conclusion
Bibliographie
Sitographie
Sommaire des annexes