Différencier l’oral pédagogique et l’oral didactique 

EVALUER L’ORAL : UNE PRATIQUE PROFESSIONNELLE

Quel oral évaluer ?

Différencier l’oral pédagogique et l’oral didactique

Avant d’évaluer, faut-il savoir quel oral évaluer. D’autant que dans ce domaine les frontières sont floues. Les didacticiens distinguent deux grandes familles qu’ils nomment sous un vocable varié : outil/objet, paroles scolaires et non scolaires, oral pédagogique et oral didactique, oral à apprendre ou oral pour apprendre. Il est utile de les décrire succinctement :
– L’oral pédagogique est tous les actes langagiers des élèves qui ne peuvent pas être pris en compte dans une perspective d’enseignement. C’est l’oral de communication ou la relation verbale que l’enseignant construit avec ses élèves. Notons que cet oral est obligatoire (on ne peut pas enseigner sans parler), dissymétrique (l’enseignant et les élèves ont des statuts inégaux) et variable (ses règles parfois différent d’une classe à l’autre).
– L’oral didactique : c’est l’oral objet d’enseignement que l’enseignant décline en séquences organisées dans une programmation afin de faire acquérir aux élèves les éléments du programme. Il s’appuient fréquemment sur les genres oraux (conte, interview, exposé…) avec quelques fois un certain formalisme qui peut rendre l’exercice artificiel, rappelle Pascal Dupont et Michel Grandaty : « Par exemple si «débattre» participe depuis la Grèce antique à la vie de la cité et l’expression des citoyens, cette activité scolarisée peut rapidement tourner à vide dans cette perspective : quel enjeu vital (vitalisant) lui donner parfois ? ».

Des recherches récentes

Les recherches sur l’évaluation de l’oral ont évidemment accompagné celles sur la didactique de l’oral. Et elles ne sont pas nombreuses. L’activité scolaire d’écriture a longtemps été privilégiée. Heureusement cet état a fortement évolué depuis quelques décennies. « La réflexion sur le rôle de l’oral égale parfois aujourd’hui celle de l’écrit dans la réflexion pédagogique. Il s’agit là d’une évolution notable qui concerne aussi bien la didactique du français que celle des autres disciplines et dont témoignent les programmes de 2002. ». Des problématiques s’étaient déjà amorcées dans le courant de la pédagogie institutionnelle, et dans les années 20 avec le mouvement Freinet, autour de l’instauration d’instances de concertation et de discussion qui mécaniquement impliquaient une réflexion sur la régulation des échanges oraux. Un peu plus tard, le Plan de rénovation de l’enseignement du français au cycle élémentaire portée par l’inspecteur Marcel Rouchette importe des notions de la linguistique appliquée (primauté de l’oral, objectifs communicatifs) et surtout s’assigne à faire de l’oral un objet d’apprentissage. Plus récemment deux écoles ont fortement contribué à renouveler et approfondir la didactique de l’oral : d’une part en Suisse à la Faculté de Sciences de l’Education de Genève autour de Bernard Schneuwly et sa réflexion sur les genres formels oraux calqués sur des situations de communication réelles (entretien radiophonique, lecture à haute voix, le débat public par exemples), d’autre part en France avec les groupes de recherches INRP et du Centre de Recherches en Didactique du Français de Metz, dont la réflexion porte moins sur des contenus d’enseignement mais sur les interactions ordinaires entre les différents acteurs de la classe.

Les contraintes de l’évaluation de l’oral

Pour donner une définition rapide de l’évaluation, nous nous appuyons sur cette citation de Charles Hadji selon laquelle « pour pouvoir donner un avis concernant la valeur d’un travail, il faut d’abord que je donne les moyens d’appréhender cette valeur. C’est en cela que consiste, au sens strict, l’évaluation. Trois mots clés émergent alors : vérifier, situer, juger ».
Cette priorisation de ces trois verbes nous paraît présenter sous une forme simple ce qu’est une évaluation. Il s’agit donc à la fois de « vérifier » que des connaissances ou des compétences enseignées ont été acquises, de « situer » un élève ou le travail d’un élève par rapport à un niveau au travers de critères et d’indicateurs, et de « juger » la valeur de cet élève ou du travail de cet élève par une notation ou une appréciation.
Plusieurs contraintes rendent l’évaluation de l’oral plus complexe à réaliser. Tout d’abord il est nécessaire de rappeler l’omniprésence de l’oralité dans les pratiques de classes, qu’il s’agisse de celle de l’enseignant comme celle de l’élève, qui irriguent de manière transversale toutes les disciplines, et sous des formes et des situations disparatess, en dehors comme en dedans de la classe. Pour vérifier une compétence ou une connaissance, il est pourtant indispensable de la cerner et de la circonscrire. Voilà une première contrainte. En outre l’oral est une production spontanée, un fait linguistique linéaire et successif sur lequel l’enseignant ne peut pas s’arrêter. Il ne peut n’être ni gommé, ni corriger, ni différer comme l’écrit.
Par ailleurs les paramètres qui structurent un énoncé sont nombreux, se superposent et s’entremêlent (les éléments syntaxiques et sémantiques, l’intonation, les variations de débit, les attitudes du corps, la voix) sans pouvoir être séparés les uns par rapports aux autres.
Claudine Garcia-Dabanc le rappelle : « L’oral est difficile à observer et complexe à analyser.
Les paramètres qui interviennent dans l’interprétation d’un énoncé oral sont nombreux et concomitants ». Il est ainsi préconisé de n’évaluer qu’un ou très peu de paramètres à la fois, et auprès d’un groupe restreint d’élèves. Les élèves peuvent ainsi se concentrer sur ce qu’ils ont appris tandis que l’enseignant ne se dispersera pas dans de multiples et impossibles observations.
Un autre obstacle est le temps incompressible qu’impose l’évaluation de l’oral autant en classe qu’après la classe. En effet le propre d’une production orale est qu’elle ne peut pas être produite par plusieurs énonciateurs en même temps (comment éviter alors la cacophonie ?) et rarement sur des durées très courtes (un énoncé de quelques mots est-il un énoncé évaluable ?). Dans le cas d’un enregistrement de productions orales il faut également compter sur le temps consacré à le réécouter ou le visionner, voire dans certaines procédures de le transcrire. Il faudra donc adjoindre à tout processus d’évaluation des moyens techniques, principalement d’enregistrement sonore ou vidéo, qui permettront à l’enseignant de fixer les traces d’une production orale (mais plus difficilement d’une compréhension orale) en vue de l’analyser. Ces traces sont à envisager sous la forme du brouillon, selon les mêmes attentes qu’à l’écrit. Sur cette question des moyens techniques se posent deux remarques : la première est portée par Claudine Garcia-Debanc qui se demande si la didactique de l’oral ne devrait pas mettre en œuvre des procédés qui lui seraient propres et éviter de « faire comme » l’écrit. Deuxième remarque que j’ai observé en classe : bien que les élèves soient aujourd’hui familiers avec les images, ils sont réticents à réentendre leur voix ou revoir leur image. Elle produit une excitation ou une répugnance réelle. Cette dimension est d’autant plus importante qu’une trace vidéo se focalise sur la personne de l’élève. Dans le cas d’un visionnage collectif d’une performance orale de quelques élèves, ceux-ci voit leur corps, avec ses défauts, ses gaucheries et ses lourdeurs, sous les regards de leur camarades, mettant en branle toute une dimension affective cachée. Or ce n’est évidemment pas cela qui est évalué. Mais n’y-a-t-il pas le risque que l’élève confonde évaluation de sa personne physique et évaluation de sa production orale ? Puisqu’il s’agit d’une performance, et surtout dans le cas des élèves les plus sensibles ou les plus fragiles, ou dans des classes où le climat est propice aux moqueries et aux petites humiliations, comment ôter le risque qu’un élève se sente jugé intimement ?

Evaluer des apprentissages et des progrès

« Sans critères spécifiques d’évaluation et sans un enseignement de l’oral au préalable qui permet aux élèves d’apprendre et de s’améliorer, l’évaluation peut facilement devenir subjective » annonce Christian Dumais. Toute évaluation d’une production orale est donc complémentaire d’un enseignement de l’oral. Et ce afin d’éviter de produire des relevés et des appréciations qui ne témoigneraient que d’une intuition – aussi juste et précise soit-elle souhaitée par l’enseignant – qui ne procurera qu’une illusion d’évaluation, forcement subjective et inéquitable. Ne peuvent donc être évalués que des objets enseignés clairement énoncé aux élèves, dotés de critères objectifs, formulés périodiquement. Idéalement la séquence d’enseignement comprendrait à son début une étape pendant laquelle les élèves détermineraient leurs objectifs d’apprentissage. Autre point : il est aventureux de ne s’appuyer que sur des outils d’évaluation empruntés à des manuels ou des ouvrages spécialisés au risque d’évaluer des apprentissages qui n’auront pas été enseignés. L’enseignant doit donc faire l’effort de construire ses propres outils d’évaluation, au moins d’adapter des modèles.

CONSTRUIRE DES CONDITIONS D’EVALUATION

EVALUER L’ORAL OBJECTIVEMENT

Quelle compétence et quel apprentissage évaluer ?

Le socle commun de connaissances, de compétences et de culture fournit aux enseignants le cadre nécessaire à la mise en œuvre des apprentissages en classe. La production orale n’en est évidemment pas absente. Les titres du domaine 1, intitulé « Les langages pour penser et communiquer », ainsi que sa première composante, « Comprendre, s’exprimer en utilisant la langue française à l’oral et à l’écrit », n’oublient pas de préciser que la maîtrise de la langue s’effectue certes à l’écrit, mais aussi à l’oral. L’évaluation de ces compétences à atteindre se structure sur une échelle de 4 niveaux :
– Le niveau 1 de l’échelle (« maîtrise insuffisante ») correspond à des compétences non acquises au regard du cycle considéré ;
– Le niveau 2 (« maîtrise fragile ») correspond à des savoirs ou des compétences qui doivent encore être étayés ;
– Le niveau 3 (« maîtrise satisfaisante ») est le niveau attendu en fin de cycle, c’est lui qui permet de valider à la fin du cycle 4 l’acquisition du socle commun ;
– Le niveau 4 (« très bonne maîtrise ») correspond à une maîtrise particulièrement affirmée de la compétence, qui va au-delà des attentes pour le cycle.
Par ailleurs le site internet Eduscol.fr propose un outillage précis du niveau attendu des élèves à chaque fin de cycle dans le domaine de l’oral qu’il a été utile de consulter pour alimenter et préciser mes outils d’évaluation.
Il convient également de rappeler que l’oral à une place entière en tant qu’objet d’enseignement dans le Programme d’enseignement du cycle de consolidation (cycle 3) de 2015. Ainsi les compétences travaillées en cycle 3 du programme s’organisent en 4 parties rassemblées sous l’intitulé « Comprendre et s’exprimer à l’oral » qui renvoient aux deux grandes fonctions de la parole : l’émission et la réception. Elles se structurent autour de l’apprentissage de l’écoute (« Écouter pour comprendre un message oral, un propos, un discours, un texte lu »), de la production orale en face d’un public (« Parler en prenant en compte son auditoire ») et des multiples productions orales informelles qui rythment une journée de classe (« Participer à des échanges dans des situations diversifiées »). La dernière compétence est une compétence métacognitive visant à faire réfléchir l’élève sur ses propres productions. (« Adopter une attitude critique par rapport au langage produit »).
Mon objectif d’enseignement a porté sur la deuxième compétence (« Parler en prenant en compte son auditoire pour tenir un propos élaboré et continu relevant d’un genre de l’oral »). Cette compétence vise à développer les ressources de la voix et du corps indispensables pour être entendu et compris (clarté de l’articulation, débit, rythme, volume de la voix, ton, accentuation, posture du corps, gestuelle, mimiques).
Les objectifs d’apprentissage qui seront évalués ont été les suivants :
– Apprendre à maintenir un énoncé oral pendant une durée continue prédéfinie.
– Apprendre à identifier les composantes corporelles d’une production orale.
– Apprendre à orienter son corps et positionner sa voix vers l’auditoire pour se faire comprendre.
Ces trois apprentissages se sont inclus dans une séquence visant la présentation d’un exposé collectif sur Louis XIV pendant lequel chaque élève a du réaliser une production orale d’environ 1 minute. L’exposé collectif aura duré une vingtaine de minutes et aura été présenté à une classe tierce (l’autre classe de CM1 de l’école).

S’appuyer sur un genre oral formel connu : l’exposé

L’oral dispose d’un ensemble d’objets d’enseignements formels relativement vastes et surtout concrets pour les élèves qu’on appelle les genres (ou types) oraux. Les genres oraux les plus répandus sont le débat, l’exposé, le récit structuré, l’interview et l’enquête, mais il ne s’agit évidemment pas d’une liste exhaustive (existe aussi la négociation, l’entretien, la plaidoirie…). Chaque genre oral, par leur nature, met plus ou moins en avant les composantes de la langue, en particulier discursives (par exemple le débat et la plaidoirie utiliseront une structure argumentative). Ce sont des genres que l’élève fréquente régulièrement depuis le début de sa scolarité, en tout cas pour des élèves de CM1. Il nous a semblé important de s’appuyer sur cette familiarité dans la perspective d’une première tentative d’évaluation d’une production orale. Plus encore, nous avons souhaité utiliser le genre oral formel que l’élève manipule avec peut-être le plus d’enthousiasme : l’exposé. « Faire un exposé » est un exercice presque attendu par les élèves, provoquant à la fois crainte et envie, et comme l’indique Joaquim Dolz et Bernard Schneuwly, il « représente l’une des rares activités orales qui soient pratiquées avec une réelle fréquence dans les classes » . Malgré tout il convient de préciser un point : l’exercice de l’exposé implique la maîtrise d’un ensemble de compétences multiples : exploitation des sources et recherche documentaire, structuration et hiérarchisation des informations et des idées, préparation de supports écrits…. Autant d’objectifs que nous n’avons pas souhaité observer afin de nous concentrer uniquement sur d’autres compétences : en d’autres termes il ne s’agira pas d’évaluer le « savoir faire un exposé » mais le « savoir dire un exposé ».

Choisir des outils d’enregistrement adaptés

Parce que l’oral ne laisse pas de trace, l’utilisation de technologies média est indispensable à une bonne évaluation sur au moins deux points. Le premier est qu’un enregistrement permet de revenir à posteriori sur une production orale et autorise donc à l’enseignant à analyser celle-ci dans des conditions équivalentes à celles d’une évaluation écrite. Il peut, autant de fois que le temps le lui permet, revenir sur l’énoncé à évaluer.
Deuxièmement un enregistrement autorise une rediffusion avec les élèves à la manière du travail de réécriture, avec des procédés de brouillons successifs. Il ne s’agit toutefois pas de reproduire des oraux identiques – ce ne serait que de la mémorisation – mais plutôt de reproduire des situations de productions analogues, suffisamment familières pour l’élève afin qu’il y projette ses savoirs en cours de construction, et suffisamment variées afin que la prise de parole reste spontanée. Principalement l’enseignant a le choix entre deux types d’enregistrement :
– L’enregistrement sonore : il existe actuellement tout une série d’enregistreurs semi professionnels largement suffisants pour une pratique en classe. On peut également utiliser les applications d’un téléphone portable. Son principal avantage est sa simplicité d’utilisation : un enregistrement peut se réaliser très rapidement et spontanément, sans passer par des manipulations et des installations techniques fastidieuses. Son utilité me paraît plus particulièrement adaptée à une évaluation diagnostic, pour des productions courtes, et impliquant des observations centrées sur la langue et la prosodie. En outre une utilisation originale de l’enregistreur sonore serait de distribuer cet outil à deux ou trois élèves (à condition d’avoir les moyens financier d’en faire acquérir à l’école), pendant un temps restreint, et de les inciter à s’enregistrer régulièrement hors de la classe soit à partir d’exercices formels (s’entraîner à dire un récit, à présenter un exposé), soit à travers des jeux oraux plus ludiques et originaux.
– L’enregistrement vidéo : l’outil vidéo est un outil d’enregistrement de plus en plus simple à utiliser grâce à la démocratisation d’ordinateurs qui peuvent capter et mémoriser des images sur des durées relativement longues. Couplé à un vidéoprojecteur, un ordinateur permet de travailler avec les élèves sur un revisionnage et de tisser une continuité pédagogique. L’enregistrement vidéo offre la possibilité également d’étendre les observations aux aspects corporels qui entourent une production orale. Par contre il implique un certain temps d’installation de sorte qu’il est indispensable de l’installer à l’avance dans la salle.
Dans le cadre de ce mémoire j’ai choisi de travailler uniquement avec des enregistrements vidéo avec pour objectifs d’avoir au moins 2 captations différentes par élèves, afin de visualiser des progrès.

L’EVALUATION DES ELEVES A L’EVALUATION DE MA PRATIQUE

ANALYSE DE LA SEANCE D’EVALUATION

Organisation de la séance d’évaluation

L’évaluation s’est déroulée le vendredi 6 avril (dernier jours avant les vacances scolaires), en matinée, de 10h30 à 11h15. Elle s’est déroulée dans le contexte suivant : mes élèves présentaient un exposé collectif à l’autre classe de CM1 de l’école, découpé en autant de chapitres que d’élèves (23). Chaque élève devait présenter leur exposé sur une durée de 1 minute, en se présentant seul devant leur public. Un support écrit était autorisé. Dans le cas d’utilisation de documents historiques lors de l’exposé, ceux-ci étaient projetés sur grand écran par un vidéoprojecteur derrière mes élèves. Les élèves se sont présentés successivement par groupe de 5.

La grille d’évaluation

J’ai utilisé deux grilles d’évaluation. La première est celle que j’avais initialement prévue lors de mes travaux préparatoires.
Lors du visionnage de l’évaluation, cette m’a semblé inappropriée et insuffisante car elle visait trop d’objectifs et manquait de précision. Principalement, les modifications ont porté sur l’insertion d’indicateurs observables et explicites (quels sont les signes visibles qui permettent, par exemple, de savoir si un élève articule), et sur une réduction du nombre de critères à évaluer : en avoir donc moins, mais mieux décrits. En outre, j’ai souhaité les formuler par rapport à la finalité qui paraît prioritaire dans une production orale : se faire comprendre.

Bilan de l’évaluation

Seul un élève n’a pas suivi l’évaluation, non pas parce qu’il était absent, mais parce qu’il avait oublié chez lui le support écrit nécessaire à la présentation de son exposé. Il s’agit de l’élève le moins à l’aise à l’oral, un élève attachant mais impulsif et désorganisé, pour qui les prises de parole s’accompagnent toujours d’une gestuelle heurtée et agressive. Sans évidemment remettre en cause le motif de son oubli, je ne peux pas m’empêcher d’y voir une tentative d’échapper à un exercice difficile pour lui. J’ai seulement tenté de ne pas l’exclure de cet moment collectif en le maintenant avec ses camarades (et ne lui proposant pas de devenir observateur avec les élèves de l’autre classe).
La synthèse de l’évaluation sur la « capacité à produire un énoncé oral continu » montre une réussite moyenne de l’ensemble de la classe. En effet, seuls 6 élèves ont produits un énoncé continu et compréhensible. L’objectif de l’apprentissage est bien de se faire comprendre. C’est pourquoi il a été différencié les élèves dont l’énoncé est continu et compréhensible, de ceux dont l’énoncé est continu mais incompréhensible. Etait considéré comme compréhensible un énoncé linguistiquement construit et audible.

Focus sur 2 cas : Angéla et Thomas

Angela

Angéla est une élève timide et irrégulière qui ne pas prends pas fréquemment la parole en classe. Toutefois ses interventions orales sont souvent justes et bien formulées. Lors des premiers enregistrements pendant les jeux oraux, Angéla manifestait un trac visible par des petits tics (se tortiller les cheveux) et un énoncé haché et entrecoupé de silences et d’hésitations. Les progrès constatés par l’évaluation sont significatifs : elle ne se tortille plus les cheveux, a une posture droite et régulière, maintien sa tête et regarde son auditoire tout le long de son énoncé. Elle utilise son écrit comme une ressource et qu’à de rares moments, principalement pour rechercher une information qu’elle utilise comme un repère, tout en maintenant sa posture (ce sont les yeux qui se déplacent). Elle est impliquée et sérieuse, et n’est pas attirée par l’écran. Sa production orale a été continue et longue, précise et sans hésitation, ni coupure ou oubli, en renvoyant à un document visuel diffusé derrière elle avec facilité et aisance. L’évaluation a donc sanctionné l’acquisition des apprentissages enseignés.

Thomas

Thomas est un élève très participatif en classe, peut-être souvent bavard, mais n’hésitant à prendre la parole, avec un langage clair et un vocabulaire précis. Ses interventions sont par contre plutôt désordonnées, débordantes d’énergie et en conséquence quelques fois sans fondement. Lors des premiers enregistrements pendant les jeux oraux, Thomas a montré de l’enthousiasme et de l’envie, mais l’évaluation n’a pas montré de progrès. Il regarde souvent la caméra derrière lui, sourit, rigole, manipulant sa capuche et sa veste, n’arrivant pas à entrer dans son rôle. Il joue avec son papier, le fait passer autour de lui, ne regarde pas le public, ou rarement. Son cou se plie pour lire son écrit, duquel il n’arrive pas à se détacher. Son énoncé est audible mais pas assez fort.

Les prolongements

L’évaluation doit permettre dans un second temps d’entrer dans une phase de remédiation afin de traiter les différences observées lors des performances des élèves.
L’objectif est donc de s’orienter vers la part d’élèves qui nous a semblé ne pas avoir acquis ou construit les compétences attendues. Les fiches d’évaluation individuelles ont cette qualité de permettre d’identifier assez finement les points à travailler. La remédiation portera d’abord sur la capacité à produire un énoncé continu d’une durée d’environ une minute. Revenir à des jeux oraux me semble être adapté pour faire progresser les élèves sur cet apprentissage.
J’envisage pour ces jeux oraux de mettre en place des binômes que je sélectionnerai, l’un des deux membres du binôme étant les élèves ayant acquis la compétence à produire un énoncé long. Il aurait donc pour fonction d’aider leur camarade. Une autre partie de la remédiation sera portée sur la dimension corporelle d’une production orale (la voix et le corps) à travers une séquence qui réinvestira un autre genre oral : l’interview.
En outre je me pose deux questions liées l’une à l’autre sur les prolongements de cette évaluation. La première porte sur la remise aux élèves des résultats de leur évaluation.
Toute évaluation écrite, dans toutes les disciplines, s’accompagne de la remise d’une fiche indiquant le niveau d’acquisition de l’apprentissage évalué (acquis, en cours d’acquisition, non acquis). Mon interrogation porte sur le timing à adopter pour cette remise de résultat.
Doit-il suivre assez immédiatement l’évaluation comme dans d’autres disciplines, ou doit-il se faire plus tard lorsque des progrès plus manifestes seront observables. Ma seconde interrogation porte sur le visionnage collectif de l’évaluation. Il me paraît indispensable d’en organiser un. Car si l’évaluation m’a donné un relevé précis des niveaux d’apprentissage des élèves, il est important que les élèves soient aussi en mesure de se repérer par rapport aux objectifs d’apprentissage mais aussi par rapport à leurs propres progrès. Pour cela, l’élève doit pouvoir comparer différentes productions, idéalement sur des périodes relativement éloignées de plusieurs semaines, entre lesquelles se dérouleraient de nouvelles séances. Ainsi, afin de donner un intérêt pédagogique à ce visionnage, et de ne pas le limiter seulement à un agréable et distrayant moment, il me semble qu’il aurait plus d’intérêt à se dérouler plus tard dans l’année, en même temps que la remise définitive des résultats.

 

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Table des matières
1. INTRODUCTION 
2. EVALUER L’ORAL, UN ENJEU PEDAGOGIQUE 
2.1. L’ILLUSION DE LA PARTICIPATION ?
2.1.1. L’oral est partout et nulle part, tout le temps et jamais
2.1.2. Participer n’est pas apprendre
2.2. EVALUER L’ORAL : UNE PRATIQUE PROFESSIONNELLE
2.2.1. Quel oral évaluer ?
2.2.1.1. Différencier l’oral pédagogique et l’oral didactique
2.2.1.2. Des recherches récentes
2.2.2. Les contraintes de l’évaluation de l’oral
2.2.3. Evaluer des apprentissages et des progrès
2.2.4. Différentes modalités d’évaluation
3. CONSTRUIRE DES CONDITIONS D’EVALUATION 
3.1. EVALUER L’ORAL OBJECTIVEMENT
3.1.1. Quelle compétence et quel apprentissage évaluer ?
3.1.2. S’appuyer sur un genre oral formel connu : l’exposé
3.1.3. Choisir des outils d’enregistrement adaptés
3.1.4. Produire des grilles d’observation pour les élèves
3.1.5. Produire des grilles d’évaluation pour l’enseignant
3.2. RESUME CHONOLOGIQUE
3.2.1. Résumé synoptique
3.2.2. Diagnostiquer
3.2.3. Enseigner
3.2.4. Evaluer
4. DE L’EVALUATION DES ELEVES A L’EVALUATION DE MA PRATIQUE 
4.1. ANALYSE DE LA SEANCE D’EVALUATION
4.1.1. Organisation de la séance d’évaluation
4.1.2. La grille d’évaluation
4.1.3. Bilan de l’évaluation
4.1.4. Focus sur 2 cas : Angéla et Thomas
4.1.4.1. Angela
4.1.4.2. Thomas
4.1.5. Les prolongements
4.2. EVALUATION DE MES OUTILS
4.2.1. Un enseignement à expliciter et à programmer
4.2.2. Et pourquoi ne pas avoir aussi évalué la compréhension orale ?
4.2.3. Favoriser des évaluations en petit groupe, avec des outils améliorés, dans des situations multiples
5. CONCLUSION 
6. REFERENCES 
6.1. Livre
6.2. Page sur internet

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