Différenciation terminale de l’épithélium de la cornée normale et des patients atteints de kératocône

Embryogénèse

   La cornée est un organe épithélio-mésenchymateux et sa constitution fait appel à un assemblage de différents éléments tissulaires constitués à partir de l’ectoderme (pour l’épithélium) et du mésoderme (pour le mésenchyme) (Figure 2) (Collomb 2010). Au cours du développement, la cornée se forme après que la vésicule cristallinienne se soit détachée de l’ectoderme par la migration des cellules mésenchymateuses périoculaires, issues des crêtes neurales (Yang 2006). L’ectoderme est composé de trois principales structures: l’ectoderme de surface qui va former l’épiderme et les l’épithélium de surface; le tube neural qui est à l’origine du cerveau et du système nerveux central et la rétine; les crêtes neurales, qui vont former le système nerveux périphérique le derme, le stroma et l’endothélium cornéen. En rouge sont présentés les composants de la peau et de l’œil.

Les cellules basales

   Les cellules basales représentent la couche germinative de l’épithélium. Ce sont les seules cellules épithéliales capables de mitose. Les cellules filles se déplacent en avant vers la surface, en maintenant le contact avec les cellules voisines jusqu’à ce qu’elles se desquament dans le film lacrymal. Il s’agit d’une couche monocellulaire de cellules cylindriques qui mesurent 18 µm de haut et 10 µm de diamètre reposant sur une lame basale (Poli 2014). Leur noyau est ovale et il est orienté dans le grand axe, c’est à dire perpendiculairement à la lame basale. En microscopie électronique à balayage, les cellules basales présentent un cytoplasme riche en granules de glycogène, qui constituent une source d’énergie métabolique stockée à utiliser en période de stress épithélial, comme l’hypoxie et la cicatrisation. Les filaments d’actine sont visibles le long du côté cytoplasmique de la membrane et peuvent être importants pour la migration cellulaire lors de la cicatrisation, au cours de laquelle les cellules basales peuvent devenir mobiles (Klyce 1972). On trouve aussi des microtubules et surtout des filaments de kératines qui les connectent entre eux par l’intermédiaire des desmosomes et avec la lame basale par les hémi-desmosomes. A ce niveau, les cellules expriment la paire de kératines 5 et 14 (Pitz and Moll 2002). Au niveau des faces apicales et latérales des cellules, on retrouve des jonctions du type gap et des desmosomes, les deux étant impliqués dans la cohésion. Chaque épithéliocyte est ancrée à la lame basale via les hémi-desmosomes qui assurent l’adhérence forte de l’épithélium cornéen à la lame basale sous-jacente (Poli 2014). La lame basale est synthétisée par les cellules épithéliales et sépare la membrane de Bowmann de l’épithélium cornéen. Elle a une structure assez complexe (Figure 5) et on y retrouve du collagène IV et VII, des laminines, de la fibronectine et des protéoglycanes dont certains contenant du sulfate d’héparane (Torricelli et al. 2013). Les collagènes sont des protéines fibrillaires extracellulaires qui ont une structure hélicoïdale à trois brins. Trois chaînes polypeptidiques appelées chaîne α sont enroulées les unes autour des autres pour former une molécule de collagène. L’association des différentes formes de chaîne α va permettre d’identifier les types de collagène. La famille des collagènes comporte 19 formes différentes de molécules chez les vertébrés. L’épaisseur de la lame basale, de 80 Å environ, peut augmenter avec l’âge et dans certaines circonstances pathologiques (diabète ou dystrophie de Cogan).

Les cellules superficielles

   Les cellules superficielles épithéliales (Figure 6) sont réparties en 2 ou 3 couches de cellules squameuses très différenciées. Ces cellules présentent des caractéristiques structurales bien particulières. En microscopie optique, elles sont allongées et aplaties, ayant une forme polygonale avec une longueur de 40 à 60 µm. Leur noyau ne persiste que sous forme de mottes chromatiniennes condensées et les mitochondries sont rares. Une particularité importante des cellules superficielles est que leur membrane cytoplasmique apicale est redressée de microvillosités et de microplis de 0.5-1 µm d’épaisseur, ce qui augmente considérablement la surface d’échange avec le film lacrymal et assurent aussi son ancrage (Poli 2014). Une propriété essentielle de la couche cellulaire superficielle est le complexe des jonctions formé avec les cellules latéralement adjacentes. Ce complexe est constitué des jonctions serrées qui entourent complètement la cellule et qui empêchent ainsi le mouvement des substances du film lacrymal dans les espaces intercellulaires de l’épithélium. Le complexe des jonctions serrées apical en combinaison avec la très faible perméabilité de la membrane externe de la cellule squameuse superficielle est la représentation anatomique de la propriété de barrière de l’épithélium cornéen. Les terminaisons nerveuses sensorielles dans l’épithélium aident à préserver l’intégrité de cette importante structure de barrière de surface en provoquant une réponse douloureuse importante aux blessures. Un test clinique visant à déterminer si cette barrière est intacte utilise des colorants, tels que la fluorescéine, qui est instillés dans le sac conjonctival. La surface épithéliale normale se tâche peu ou pas du tout. Plusieurs facteurs, tels que la perte rapide ou anormale de cellules épithéliales ou l’incapacité à former des jonctions serrées, entraînent une coloration de la surface de l’épithélium cornéen. Grâce à la microscopie électronique à balayage, on peut distinguer 3 types de cellules superficielles en fonction de leur luminosité et de leur densité en microvillosités et en microplis (Figure 7):
– les cellules claires, riches en microvillosités et microplis, de petites tailles, représentant 30 % des cellules superficielles ;
– les cellules intermédiaires, les plus nombreuses (± 40 %) ;
– les cellules sombres, de grande taille, dont les villosités et les plis sont limités à la partie centrale. La variation dans le nombre et la taille des microplis correspondrait à une différence de maturation cellulaire. Les cellules claires seraient les plus jeunes, les cellules intermédiaires seraient des cellules matures, et les cellules sombres, des cellules hyper-matures en voie de desquamation vers le film lacrymal. Les cellules superficielles, hautement différenciées, expriment les marqueurs tardifs de différenciation cornéenne. Le couple de kératines K3/ K12 est reconnu comme caractéristique de ce tissu (Chaloin-Dufau et al. 1993). Le film lacrymal est l’interface entre l’œil et le monde extérieur. Il est composé d’eau, d’enzymes, d’immunoglobulines, de lipides, de différents métabolites et de cellules exfoliées multinucléées. Le film lacrymal s’organise en trois phases (Figure 8) : lipidique, aqueuse et mucineuse.
– la phase lipidique est une couche superficielle de 0,1 µm d’épaisseur, directement au contact de l’air, qui permet de retarder l’évaporation du film lacrymal. Elle est sécrétée par les glandes de Zeiss et de Meibomius présentes au niveau de la marge palpébrale (Lozato, Pisella, and Baudouin 2001).
– la phase aqueuse est une couche intermédiaire de 7 µm, sécrétée par les glandes lacrymales avec un débit d’environ 1,2 µL/min ;
– la phase mucineuse est une couche profonde, sécrétée par les cellules caliciformes de l’épithélium conjonctival. Ce mucus est en relation avec les cellules apicales épithéliales par l’intermédiaire du glycocalyx.

La réfraction

   La cornée est l’élément réfractif le plus important de tout le système oculaire humain, car elle représente les deux tiers du pouvoir réfractif de l’œil en l’absence d’accommodation. L’indice de réfraction du stroma est de 1,376 (collagène=1,55, substance fondamentale= 1,34). L’interface principale de réfraction se situe entre l’air et le film lacrymal précornéen. Avec un pouvoir de réfraction de 48 dioptries au niveau de sa face antérieure et de -5 dioptries au niveau de sa face postérieure, la cornée représente un dioptre de 43 dioptries. La cornée est un exemple de lentille sphéro-cylindrique, classiquement divisée en deux zones :
– une zone centrale d’environ 4 mm de diamètre, légèrement décalée en bas et en dedans, réalisant une calotte sphérique régulière de rayon de courbure constant;
– une zone périphérique s’étendant jusqu’au limbe montrant un aplatissement progressif. Son rayon de courbure moyen central est de 7.7 mm. Le rayon de courbure maximal se situe au niveau du limbe (car la cornée est asphérique).
Le rôle principal de la cornée est de faire converger les rayons lumineux incidents qui se dirigent ensuite au travers de la chambre antérieure de l’œil, vers le cristallin puis au niveau de la rétine. Ce pouvoir optique important provient de la structure et de la forme de la cornée : elle possède une courbure plus importante que celle du cristallin et surtout, elle est au contact de l’air ambiant, offrant la plus grande différence d’indice de réfraction aux rayons lumineux incidents (indice de la cornée; 1.376, indice de l’air : 1, soit une différence égale à 0.376 : à titre de comparaison la différence d’indice entre l’humeur aqueuse et le cristallin est environ 10 fois moins importante) (Grosvenor and Goss 1998).

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : REVUE DE LA LITTERATURE
Partie 1: La cornée humaine: structure et fonctions
1.1.1 Introduction
1.1.2 Embryogénèse
1.1.3 Histologie
1.1.3.1 L’épithélium cornéen
1.1.3.1.1 Les cellules basales
1.1.3.1.2 Les cellules intermédiaires
1.1.3.1.3 Les cellules superficielles
1.1.3.2 La membrane de Bowman
1.1.3.3 Le stroma
1.1.3.4 La couche Dua
1.1.3.5 La membrane de Descemet
1.1.3.6 L’endothélium
1.1.4 Le limbe et les cellules souches
1.1.4.1 Le limbe
1.1.4.2 Les cellules souches
1.1.4.2.1 Le renouvellement de l’épithélium cornéen
1.1.4.2.2 La régulation du renouvellement de l’épithélium cornéen
1.1.5 Innervation cornéenne
1.1.6 Fonctions de la cornée
1.1.6.1 La protection du segment antérieur de l’œil
1.1.6.1.1. Barriere semi perméable et antimicrobienne
1.1.6.1.2 Barrière mécanique
1.1.6.1.3 Barrière photoprotectrice et antioxydante
1.1.6.2 La réfraction
1.1.6.3 La transmission de la lumière
Partie 2 : La peau humaine : structure et fonctions
1.2.1 Introduction
1.2.2 Embryogénèse
1.2.3 Histologie
1.2.3.1 L’épiderme
1.2.3.1.1. La couche basale
1.2.3.1.2. La couche épineuse
1.2.3.1.3. La couche granuleuse
1.2.3.1.4. La couche cornée
1.2.3.2 Le derme
1.2.3.3 L’hypoderme
1.2.4 Les cellules souches
1.2.4.1 Le renouvellement de l’épiderme
1.2.5 Fonctions de la peau
Partie 3: Les programmes de différenciation terminale de l’épiderme et de l’épithélium cornéen
3.1 Introduction
3.2 Les kératines
3.3 Le complexe jonctionnel
3.3.1 Les jonctions serrées- les claudines
3.3.2 Les jonctions d’ancrage : les desmosomes
3.4 Le complexe de différenciation épidermique
3.4.1 La régulation de l’expression des gènes du complexe de différenciation épidermique
3.4.2 L’involucrine
3.4.3 La loricrine
3.4.4 La famille SFTPs : exemple des filaggrine, filaggrine 2 et hornerine
4.1 Définition
4.2 Étiologie et facteurs de risque
4.2.1 Facteurs génétiques
4.2.2 Facteurs environnementaux
4.2.3. Facteurs géographiques
4.3 Physiopathologie
4.4. Analyse histologique de la cornée kératocônique
4.5 Classification du kératocône
4.6 Manifestations cliniques
4.7 Méthodes d’exploration
4.8 Diagnostic précoce = Mapping épithélial
4.9 Traitements du KC
4.9.1 Prise en charge contactologique
4.9.2 Prise en charge chirurgicale
4.9.2.1 Le traitement stabilisateur du KC : le « cross-linking » du collagène cornéen (CXL)
4.9.2.2 Les anneaux intra-cornéens pour le KC
4.9.2.3 Les implants toriques
4.9.2.4 Greffes de cornée
4.9.2.5 Les traitements combinés
4.9.3 Nouvelles stratégies à l’étude dans le traitement du KC
CHAPITRE II : OBJECTIFS DE LA THESE
CHAPITRE III: RESULTATS EXPERIMENTAUX
ARTICLE
CHAPITRE IV : DISCUSSION
CONCLUSION

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