La Méditerranée constitue un des réservoirs majeurs de la biodiversité marine et côtière, avec la présence de plus de 17000 espèces, représentant 6,27% des espèces marines mondiales de macrophytes et de Métazoaires, avec un taux d’endémisme de 20,2% (Coll et al., 2010). Ce qui est considérable sachant que la surface de la Méditerranée n’est que de 0,82% de la surface de l’océan mondial et que son volume n’en représente que 0,32% (Bianchi et Morri 2000; Quignard et Tomasini 2000).
La forte biodiversité en Méditerranée est expliquée par son histoire paléogéographique et géologique particulière et complexe. En effet, elle est marquée par la crise de salinité messinienne et les fluctuations climatiques du Quaternaire récent, caractérisée par la succession de périodes glaciaires et interglaciaires, résultant en la création de différentes zones de transition géographique. Ainsi, la Méditerranée est connectée avec l’Océan Atlantique par le détroit de Gibraltar. Elle communique avec l’Océan Indien à travers la Mer rouge en passant par le canal de Suez. En outre, le détroit Siculo-Tunisien subdivise la Méditerranée en deux principaux bassins, l’un oriental et l’autre occidental (Astraldi et al., 1999; Krijgsman et al., 1999; Patarnello et al., 2007). Ces zones joueraient ainsi le rôle de barrières aux flux géniques, favorisant la fragmentation de l’habitat et l’altération des liens entre populations, conduisant à une différenciation entre les populations plus ou moins importante selon les espèces (Borsa et al., 1997; Astraldi et al., 1999; Paternello et al., 2007). Ces populations évoluent et acquièrent une certaine originalité qui se traduit par leur diversification. Ainsi, la structuration des populations d’une espèce donnée, n’est que la résultante d’une interaction complexe entre la dynamique de ses populations (phases larvaires pélagiques, comportement migratoire, recrutement, croissance, reproduction, mortalité,…), l’action des forces évolutives (dérive génétique, migration, flux génique, sélection, mutation, …) (Hoarau, 2004) et les conditions environnementales de leur milieu de vie.
Ces zones de transition géographique, sont parfaites pour l’étude des mécanismes responsables de la structuration génétique des populations marines. Avec une importante diversité morphologique et génétique selon l’habitat ou la distance géographique, Les athérines constituent un bon modèle pour l’étude de cette structuration/differenciation et speciation en Mer Mediterannée (Kiener et Spillmann, 1969).
La famille des Atherinidae est représentée par un seul genre et trois espèces: Atherina boyeri (Risso, 1810), Atherina hepsetus (Linnaeus, 1758) et Atherina presbyter (Cuvier, 1829). A. hepsetus est limitée à la Méditerranée, mais elle a également été signalée sur les côtes Est Atlantiques de l’Espagne, le Maroc, Madère et les îles Canaries. La distribution d’A. presbyter va des îles britanniques aux îles Canaries, la Mauritanie et le Cap-Vert (Quignard et Pras, 1986), elle a également été signalé dans l’archipel des Açores (Santos et al., 1997), et plus rarement, dans la Méditerranée occidentale. Bien que très sporadiques, la présence de cette espèce a été également signalée dans la Méditerranée occidentale (Kiener et Spillmann, 1969; Quignard et Pras, 1986) .
Atherina boyeri est un poisson téléostéen extrêmement euryhaline. Cette espèce habite les eaux côtières et estuariennes, y compris les lagunes côtières et plus rarement les eaux intérieures. Elle peut supporter de grandes variations de salinité allant de l’eau douce au lacs hypersalés (Gon et Ben-Tuvia, 1983), avec un record maximal enregistré de 110% (Henderson et Bamber, 1987). Atherina boyeri est commune dans la Méditerranée et les mers adjacentes, se retrouve également dans le Nord-Est de l’Atlantique, des Açores à la côte NordOuest de l’Ecosse (Kiener et Spillmann, 1969; Quignard et Pras, 1986). Elle est composée de populations locales semi-isolées, qui peuvent être différentes les unes des autres par rapports à leurs traits biologiques (Henderson et Bamber, 1987).
Milieux et peuplements
Présentation des sites d’échantillonnage
Les prélèvements ont été effectués en prenant en considération le type d’habitat, avec des échantillons provenant de milieux lagunaires et d’autres de milieux marins ou encore la distance géographique, avec des échantillons provenant des rives Nord et Sud de la méditerranée occidentale (fig. 1). Les milieux lagunaires sont représentés par cinq échantillons: lagune Mellah, oued Ziama en Algérie, lagune de Bizerte en Tunisie et étang de Mauguio en France. Les échantillons marins proviennent des côtes algériennes (golfe de Annaba) et françaises (étang de Thau).
Milieux lagunaires
Lagune Mellah
La lagune Mellah se situe à l’extrême Nord-est algérien (8° 20’ E et 36° 54’ N), en bordure de la Mer Méditerranée entre les deux caps Rosa et Roux. Cette étendue d’eau saumâtre est d’une forme grossièrement ovoïde, elle s’étend du Nord au Sud sur 4 km et d’Est en Ouest sur 2 km (Guelorget et Perthuisot, 1983), Avec une superficie globale d’environ 865 hectares (Thomas et al., 1973). D’une profondeur moyenne de 3,5 m (Messerer, 1999; Draredja, 2007), il communique avec la mer par un chenal long d’environ 870 m et de 15 m de large, profond d’environ 0,6 m et large de 10 m (Draredja, 2007). Il reçoit, en outre, les eaux douces des oueds Mellah et Bouaroug au sud, et de l’oued R’kibet à l’ouest. Ses extensions marécageuses se trouvent essentiellement au nord, au départ du chenal, et au sud, à l’embouchure de l’oued Bouaroug. Unique du genre en Algérie, la lagune Mellah appartient au complexe des zones humides du Parc National d’El Kala (PNEK), avec les lacs Oubéïra et Tonga. La lagune est située sous un climat de type méditerranéen, caractérisé par un hiver froid et humide et un été chaud et sec. Elle est soumise généralement aux vents du Nord et Nord-ouest de novembre jusqu’à mai et aux vents d’Est de juin jusqu’à octobre (Draredja, 2007). L’étendue lagunaire reçoit des précipitations directes de l’ordre de 5 à 8 millions m3 /an, correspondant à une hauteur d’eau comprise entre 0,60 et 1 m. Ces hauteurs d’eau apportent 22-36% du volume total de la lagune (Ounissi et al., 2002). Le Mellah fait partie d’un ensemble de dépressions, dont certaines sont endoréiques, situées au cœur des terrains gréseux et argilo-gréseux oligocènes de la nappe numidienne. Elle correspond vraisemblablement à une dépression endoréique lacustre würmienne, envahie par la mer lors de la remontée eustatique flandrienne (Guelorget et al., 1989). Les variations spatio-temporelles de la physico-chimie des eaux de la lagune ont été étudiées par Semroud (1983), De Casabianca-Chassany et al., (1991), Draredja et Kara (2004a) et Draredja (2007). Les températures enregistrées montrent une homogénéité des eaux de surface et celles plus profondes, avec une amplitude de variation qui ne dépasse pas 1°C. Un minimum de 10°C est enregistré en janvier et un maximum de 30,2°C en août. L’évolution de la salinité montre deux phases. La première est décroissante et couvre la période de crue, de novembre à mars, avec des valeurs qui diminuent de 34,8 à 25,4 psu. Durant la seconde phase qui coïncide avec la période sèche, de mars à novembre, cette tendance s’inverse. Cependant, aucune stratification des eaux n’est enregistrée (Draredja et Kara, 2004a; Draredja, 2007).
Oued Ziama
L’Oued Ziama fait partie du parc national de Taza. Ce parc est situé dans la partie Nord-est de l’Algérie et s’ouvre sur la Méditerranée par ses 9 km de côtes (plages et corniche). L’Oued est situé à 30 km au sud-ouest de Jijel et à 60 km à l’Est de Bejaïa. Il est entièrement localisé dans la wilaya de Jijel et s’étend sur deux daïras: El-Aouana et Ziama Mansouriah, incluant trois communes: El-Aouana, Selma Benziada, qui couvre près de 50% du territoire du parc national de Taza et Ziama Mansouriah. Malheureusemnt, cet oued n’a fait l’objet d’aucune étude physico chimique ou biologique. Le bioclimat dominant dans la région est celui de l’étage humide tempéré. La température moyenne du mois le plus chaud est de 27 °C pour le mois d’août et la température moyenne du mois le plus froid est de 12,7 °C pour le mois de janvier. La pluviosité annuelle moyenne est de 1200 à 1400 mm, mesurée à une altitude de 700 mètres au niveau du lieu dit maison forestière de Guerrouch (Anonyme, 2006).
Lagune de Bizerte
La lagune de Bizerte est située dans l’extrême Nord-Est de la Tunisie septentrionale entre 37°8’ et 37°14’ de latitude Nord et 9°46’ et 9°56’ de longitude Est. Elle s’étend sur une superficie de 128 km2 (la largeur maximale est de 11 km et la longueur maximale est de 13 km) avec une profondeur moyenne de 7 m. Elle est reliée en permanence à la mer Méditerranée par chenal rectiligne long de 6 km de longueur et 12 m de profondeur (Bejaoui et al., 2009). Elle est classée en troisième position après la lagune de Bou Grara (500 km²) et celle d’El Bibane (230 km²) (Zaouali, 1979).
La lagune de Bizerte est alimentée, d’une part, par les eaux marines via le canal de navigation largement ouvert à la mer, et d’autre part à partir du ruissellement de différents oueds, des apports à partir de la garaet el Ichkeul ainsi que des précipitations directes. Elle reçoit également des rejets domestiques et industriels des villes de Menzel Bourguiba, Menzel Abdel Rahmen et Menzel Jemil (Frisoni et al., 1986). Les moyennes thermique des eaux de surface et du fond sont respectivement de 14,97 °C et de. 14,64 °C (Essid, 2008). La salinité dépend du bilan hydrique entre les apports d’eau douce, d’une part, et les apports marins, d’autre part, avec de fortes valeurs en été (35,8 psu) et de faibles valeurs en hiver (33,9 psu) (Bejaoui et al., 2009). La température moyenne de l’eau montre une variation saisonnière avec un maximum au mois d’août (29 °C) et un minimum au mois de janvier (11 °C) (Bejaoui et al., 2009) .
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Table des matières
İNTRODUCTİON GÉNÉRALE
PREMIÈRE PARTIE Milieux et peuplements
1. Présentation des sites d’échantillonnage
1.1. Milieux lagunaires
1.1.1. Lagune Mellah
1.1.2. Oued Ziama
1.1.3. Lagune de Bizerte
1.1.4. Ètang de Mauguio
1.2. Milieux marins
1.2.1. Golfe de Annaba
1.2.2. Étang de Thau
2. Description des athérines
2.1. Caractéristiques de la famille
2.2. Caractéristiques du genre
2.2.1. Atherina hepsetus (Linnaeus, 1758)
2.2.2. Atherina presbyter (Cuvier, 1829)
2.3. Présentation de l’espèce Atherina boyeri
2.3.1. Position systématique
2.3.2. Caractéristiques morphologiques
2.3.3. Distribution géographique
2.3.4. Eléments de biologie
2.3.5. Valeur commerciale
2.3.6. Eléments de diagnose
DEUXIÈME PARTIE Différenciation morpho-somatique, otolithométrique et génétique d’Atherina boyeri dans différents habitats en Méditerranée
Chapitre I. Différenciation morpho-somatique
Introduction
1. Matériel et méthodes
1.1. Echantillonnage
1.2. Morphométrie
1.2.1. Caractères numériques
1.2.2. Caractères métriques
1.2.3. Dimorphisme
1.2.4. Analyse statistique
2. Résultats
2.1. Caractères numériques
2.2. Caractères métriques
2.3. Dimorphisme sexuel
2.3. Analyse discriminante
3. Discussion
Chapitre II. Différenciation otolithométrique
Introduction
1. Matériel et méthodes
1.1. Descripteurs de distance et indices de forme
1.2. Description du contour
2. Résultats
2.1. Indices de forme
2.2. Descripteurs de Fourier
3. Discussion
Chapitre III. Différenciation génétique
Introduction
1. Matériel et méthodes
1.1. Echantillonnage
1.2. Extraction de l’ADN
1.3. Amplification par PCR et visualisation
1.4. Analyses phylogénétiques
2. Résultats
2.1. Extraction de l’ADN
2.2. Arbres phylogénétiques
3. Discussion
TROISIÈME PARTIE Biologie de l’athérine Atherina boyeri de la lagune Mellah
Chapitre I. Âge et croissance
Introduction
1. Matériel et méthodes
1.1. Etude de l’âge
1.1.1. Écailles
1.1.1.1. Description des écailles
1.1.1.2. Prélèvement et examen des écailles
1.1.2. Otolithes
1.1.3. Dépôt des anneaux d’arrêt croissance et accroissement marginal
1.2. Modélisation de la croissance
1.2.1. Croissance linéaire absolue
1.2.2. Croissance relative ou relation taille-poids
1.2.3. Croissance pondérale absolue
1.3. Etude de l’âge par la méthode indirecte
1.3.1. Méthode de Petersen (1892)
1.3.2. Méthode de Bhattacharya (1967) ou des différences logarithmiques
2. Résultats
2.1. Âge
2.1.1. Relation entre la longueur totale du poisson et le rayon de l’écaille ou de l’otolithe
2.1.2. Accroissement marginal
2.1.3. Étude rétrospective de la taille par âge
2.2. Croissance
2.2.1. Croissance linéaire absolue
2.2.2. Relation taille-poids
2.2.3. Croissance pondérale absolue
2.3. Croissance méthode indirecte
2.3.1. Structure de la population
2.3.2. Identification des cohortes
2.3.3. Croissance linéaire absolue
2.3.4. Croissance pondérale absolue
3. Discussion
Chapitre II. Reproduction
Introduction
1. Matériel et méthodes
1.1. Indices utilisés
1.2. Distinction des sexes et apparition de la maturité sexuelle
1.3. Rapport gonado-somatique (RGS)
1.4. Rapport hépato-somatique (RHS)
1.5. Sex-ratio
1.6. Taille à la première maturité sexuelle
2. Résultats
2.1. Sex-ratio
2.2. Rapport gonado-somatique
2.3. Rapport hépato-somatique
2.4. Taille à la première maturité sexuelle
3. Discussion
Conclusion générale
Références bibliographiques
Résumés
Annexe