Différences cliniques entre trouble obsessif-compulsif avec et sans accumulation compulsive

Différences cliniques entre trouble obsessif-compulsif avec et sans accumulation compulsive

Neuroanatomie

Trouble obsessif-compulsif. Concernant le TOC, les études en neuroanatomie amènent des résultats hétérogènes. À l’aide de l’ imagerie par résonnance magnétique (IRM), des anomalies au niveau structural, principalement sur le plan du volume dans certaines régions corticales, sont souvent rapportées dans le TOC. D’ailleurs, un volume anormal du noyau caudé est souvent observé (Robinson, Wu, Munne, & Ashtari, 1995).
Les données en neuroimagerie révèlent également des anormalités structurales et fonctionnelles au niveau du cortex orbitofrontal, du cortex cingulaire antérieur et, encore une fois, du noyau caudé. Chamberlain et al. (2005) ont émis l’hypothèse que le TOC peut être conceptualisé comme étant une dysfonction de la boucle latérale orbitofrontale, qui contient le cortex orbito-frontal, le cortex cingulaire et le noyau caudé, et que l’ échec dans les processus d’ inhibition cognitive et comportementale reflète plusieurs des symptômes . Cette boucle comprend le cortex orbitofrontal, le cortex cingulaire antérieur et le noyau caudé. Le cortex orbitofrontal est impliqué dans la prise de décisions et est lié à la médiation de réponses émotives aux stimuli biologiquement importants pour la survie. Le cortex cingulaire antérieur, quant à lui, joue un rôle dans l’anticipation de la récompense, la prise de décision , les processus attentionnels et motivationnels (Lechevalier, Eustache & Viader, 2008). Selon cette hypothèse, des dysfonctions sur le plan de cette boucle pourraient entraîner un TOC, une dépression ou des manies. Les régions cérébrales impliquées dans le TOC énoncées plus haut sont également responsables de la régulation des mécanismes d’ inhibition émotionneJle et de l’analyse et de l’ intégration des stimuli contextuels (Botez-Marquard, BolIer, & Botez, 2005). En effet, un hypermétabolisme est observé au niveau du noyau caudé, du cortex orbitofrontal et cingulaire, et du thalamus chez les personnes souffrant de TOC (Saxena et al. , 2001). 11 s’ est aussi révélé que ces anomalies se soient normalisées suite à un traitement pharmacologique ou après une intervention cognitivo-comportementale (Baxter, 1992).
Une étude rapporte également la contribution des circuits fronto-sous-corticaux dans la survenue des symptômes obsessifs-compulsifs (Saxena et al., 2003). Ces circuits interviennent, entre autres, dans la gestion de l’activité motrice et du comportement et relient de nombreuses régions du cortex frontal et du système limbique, qui contient l’ hippocampe, le fornix, l’ amygdale, l’ hypothalamus et la circonvolution circulaire, ce qui fait en sorte que leur implication clinique est large. Un dysfonctionnement de ces circuits peut, entre autres, être responsable de perturbations du contrôle émotionnel (Lechevalier, Eustache & Viader, 2008).
De plus, des examens en imagerie cérébrale structurelle ont révélé chez les patients souffrants du TOC un volume plus petit du cortex orbitofrontal et des noyaux gris centraux (Robinson et al. 1995). Les dysfonctions orbitofrontales sont habituellement associées à des difficultés d’inhibition cognitive (Roll s, 2004), tandis qu’ une dysfonction sur le plan des noyaux gris centraux semble être impliquée dans le ralentissement de la motricité manuelle chez les personnes souffrant de TOC (Robinson et al. 1995).
Trouble d’accumulation compulsive. En contrepartie, les personnes souffrant d ‘ accumulation compulsive semblent présenter un profil neuroanatomique différent de celui des personnes souffrant des autres sous-types de TOC. Lors d ‘ une étude utilisant la tomographie par émission de positrons, certains auteurs ont pu déterminer que les personnes souffrant d’ accumulation compulsive ont un schéma d’activité cérébrale différent des autres personnes souffrant de TOC (Hurley et al. , 2008). Les accumulateurs compulsifs présentent un plus faible métabolisme dans le cortex occipital, région cérébrale associée dans le traitement de l’ information visuelle. Ils présenteraient également un métabolisme plus faible que les TOC non-accumulateurs dans le gyrus cingulaire antérieur et dans le thalamus. Les chercheurs en sont aussi arrivés à la conclusion que la sévérité de l’ accumulation compulsive était corrélée avec une plus faible activité à travers le gyrus cingulaire dorsal antérieur. Saxena et al. (2004) ont comparé des accumulateurs compulsifs à d ‘ autres sous-types de TOC et ces auteurs ont démontré que les accumulateurs compulsifs présentent un métabolisme du glucose significativement plus faible dans le gyrus cingulaire dorsal antérieur et postérieur.
La diminution de l’activité cérébrale dans plusieurs parties du cortex cingulaire pourrait être responsable de nombreux symptômes d ‘ accumulation compulsive. Le cortex cingulaire antérieur est impliqué dans le traitement cognitif et émotionnel , le contrôle exécutif, la motivation, l’ attribution de l’importance de l’ émotion aux stimuli, le contrôle émotionnel et la résolution de problème. Le cortex cingulaire postérieur, quant à lui, est impliqué dans la gestion des évènements visuels, l’ orientation, la mémoire et le traitement des stimuli émotionnels (Botez-Marquard, Bolier, & Botez, 2005). Les symptômes de l’accumulation compulsive peuvent donc être mis en lien avec les fonctions spécifiques de ces substrats neuronaux.
Anderson, Damasio, et Damasio (2005), de leur côté , suggèrent que les régions impliquées dans l’ accumulation compulsive seraient le cortex frontal ventromédian , préfrontal et antérieur de même que les régions temporales médianes. Ces régions moduleraient ou empêcheraient les prédispositions d’acquérir et de collectionner en s’ ajustant à l’ environnement. Des dysfonctions de ces régions entraîneraient donc un dérèglement des comportements d’ acquisition et de collection.
Bref, alors qu ‘ un volume anormal du noyau caudé et une dysfonction de la boucle latéral orbito-frontale, qui contient le cortex orbitofrontal, le cortex cingulaire et le noyau caudé, semblent être les principaux responsables des dérèglements engendrés dans le TOC, la neuroanatomie de l’ accumulation compulsive s’ en différencie. Bien que le métabolisme du cortex cingulaire soit aussi affecté, il s’ agirait davantage d’ un métabolisme plus faible au niveau du cortex occipital et du thalamus. Ces distinctions au niveau neuroanatomique sont importantes à prendre en considération , puisqu ‘elles peuvent influencer, entre autres, les traitements pharmacologiques développés.
Intégration et tableau récapitulatif. En somme, le TOC et ce qui est encore à ce jour considéré comme un de ses sous-types, l’ accumulation compulsive, ne présentent que peu d’éléments communs, lorsque comparés sur divers plans. Le tableau 1 met en évidence les similitudes et les divergences présentes dans les tableaux cliniques des deux troubles.
Une des différences les plus importantes qui distingue l’ accumulation compulsive des autres sous-types du TOC est la nature égosyntonique des symptômes d’accumulation. En effet, les accumulateurs ne rapportent qu’une faible reconnaissance de leur problème d’accumulation. Toutefois, la plupart des personnes souffrant de TOC reconnaissent que leurs obsessions et leurs compulsions ne sont pas logiques et leur causent une détresse importante (Steketee & Frost, 2003).Une autre différence clinique révélatrice est la réponse au traitement. En effet, les personnes souffrant d’accumulation compulsive n’ont souvent pas l’ impression d’avoir de problème et leurs différents comportements d’accumulation sont souvent suffisamment renforçateurs pour générer un sentiment de sécurité qui les maintient dans ces mêmes comportements. Ainsi, les interventions pharmacologiques et psychologiques sont toutes deux moins efficaces chez les personnes souffrant d’accumulation compulsive. Alors que les ISRS sont reconnus comme étant efficaces lors du traitement du TOC, les personnes souffrant d’ accumulation compulsive présentent une faible
réponse aux ISRS et sont associées à un faible pronostic (Mataix-Cols et al. , 1999). En ce qui concerne l’ intervention psychologique, les accumulateurs compulsifs sont reconnus pour ne pas bien répondre à l’ EPR puisqu’ ils vont abandonner prématurément , ne vont pas se conformer au traitement et vont offrir en fin de compte une faible réponse au traitement (Abramowitz, Franklin, & Cahill, 2003; Abramowitz, Franklin, Schwartz, et al. , 2003). De plus, les accumulateurs compulsifs présentent un niveau d’ insight plus faible que les personnes souffrant de TOC (Frost et al. , 1996), ce qui nuit également à l’ efficacité de l’ intervention psychologique.
Dans le cadre des études en neuroimagerie, les personnes souffrant d’ accumulation compulsive présentent des profils d’ activité neuronale différents que les personnes souffrant de TOC (Mataix-Cols et al. , 2004).Dans le TOC, les processus cognitifs altérés concernent la surestimation de la responsabilité, l’importance du contrôle des pensées ainsi que le perfectionnisme et le besoin de certitude. Pour ce qui de l’accumulation compulsive, les principaux processus cognitifs atteints sont les déficits au niveau du traitement de l’ information (prise de décision , catégorisation , organisation, difficultés en mémoire) , l’attachement émotionnel aux possessions, l’évitement comportemental et les croyances erronées par rapport aux possessions (Mataix-Cols et al., 2010).
Bref, ces nombreuses différences rendent évident le fait que l’augmentation de la compréhension clinique de l’accumulation compulsive ajoute de la pertinence à l’idée de ne plus considérer l’accumulation comme étant un sous-type du TOC.

Le spectre du trouble-obsessif-compulsif

Le spectre du trouble obsessif-compulsif constitue un regroupement de troubles ayant des similitudes au niveau pathologique, sémiologique et épidémiologique (Eric Hollander, Friedberg, Wasserman, Yeh, & Iyengar, 2005). Ce spectre comprend différentes catégories de troubles, autant sur le plan des obsessions que des compulsions.La première comprend les troubles dont les obsessions sont pathognomoniques, soit les troubles alimentaires et certains troubles somatoformes, comme la peur d’une dysmorphie corporelle et l’hypocondrie. La deuxième comprend les troubles du contrôle des impulsions, comme les paraphilies, la trichotillomanie, la pyromanie ou la cleptomanie, entre autres . La troisième englobe les pathologies neurologiques entraînant des symptômes obsessifs ou compulsifs, par exemple le syndrome Gilles de la Tourette, les troubles envahissants du développement ou certaines démences.Un groupe de travail étudie actuellement le concept de spectre du TOC. Ainsi, pour le futur DSM-V, il a été proposé d’enlever le TOC de la catégorie des troubles anxieux afin de l’ insérer dans une catégorie regroupant le spectre des troubles obsessifs- compulsifs (Bartz & Hollander, 2006). Les troubles compris dans ce spectre auraient des similarités sur le plan de la phénoménologie, de la comorbidité, de la génétique et de la réponse au traitement et sont caractérisés par des pensées et des comportements répétitifs. Il semble que beaucoup d ‘ efforts restent à investir dans cette classification afin de la rendre appropriée. Selon Hollander, Kim, Braun, Simeon, et Zohar (2009), il faudrait, entre autres, clarifier les critères d’inclusion du spectre et les sous-types.Certains auteurs, dont Mataix-Cols et al. (2010), suggèrent qu ‘ il serait pertinent que le sous-type accumulation fasse partie du spectre du TOC, plutôt que d’être un sous-type du TOC.Utilité de la perspective neuropsychologique dans la comparaison du trouble obsessif-compulsü et de l’accumulation compulsive.L’évaluation neuropsychologique tend originalement à faire le lien entre une perturbation cognitive ou émotionnelle et un site cérébral lésionnel. L’ approche évaluative a dû entreprendre une adaptation importante suite à l’arrivée de l’ utilisatjon des données d’ imagerie, fort utiles pour localiser les lésions cérébrales. Ainsi, le mandat de l’ évaluation neuropsychologique a évolué , étant maintenant de prédire les comportements dans plusieurs situations du quotidien. En ce sens, l’ approche neuropsychologique est reconnue comme étant de plus en plus contributive à l’évaluation des psychopathologies. Bien que d’ abord développées afin de localiser et quantifier les déficits causés par une lésion cérébrale , les épreuves neuropsychologiques sont également une mesure sensible aux déficits induits par une psychopathologie et amènent à argumenter les impressions cliniques et contribuent à expliquer le fonctionnement et ainsi tracer le profil des personnes présentant diverses pathologies, dont le TOC et le TAC. Les résultats à celles-ci pourraient donc en venir à être utilisés comme critères diagnostic ou pour argumenter les impressions cliniques (FIor-Henry, 1990).Les études en neuropsychologie permettent de faire la distinction entre les déficits ou les difficultés perçues par le patient et les problèmes cognitifs objectivables par les épreuves neuropsychologiques. La comparaison entre les mesures auto-rapportées et les résultats aux tests neuropsychologiques permet également au psychologue de dresser un portrait clair du fonctionnement du patient. Certains comportements rapportés en thérapie peuvent être le résultat de déficits , ce qui influencera l’ approche du thérapeute face à la problématique. Il est donc important pour le thérapeute d’en être conscient et ainsi, de travailler de façon cohérente avec son patient, c’est-à-dire en tenant compte des particularités au niveau cognitif. Par exemple, bien que les personnes souffrant de TOC soient conscientes de l’ irrationalité de leurs obsessions ou de leurs compulsions, elles ne peuvent s’ empêcher de les effectuer. Grâce aux recherches effectuées en neuropsychologie, il est alors possible de donner du sens et d’ expliquer cette difficulté du point de vue d ‘ un problème de contrôle cognitif (Rachman & Likierman, 1980). Cela peut être lié à des problèmes frontaux, et donc des fonctions exécutives.
La prochaine section se veut une étude comparative du profil neuropsychologique associé avec le TOC et celui associé à l’accumulation compulsive. La pertinence de cette section réside dans le fait qu’ en comprenant le profil neuropsychologique, il est alors possible, dans le cadre de l’ intervention psychologique, d’adapter les interventions avec le fonctionnement cognitif typique de la population avec laquelle on intervient.

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Table des matières

Introduction
Contexte théorique
Comparaison clinique du trouble obsessif-compulsif et de l’accumulation compulsive5
Définition et tableau clinique
Trouble obsessif-compulsif
Trouble d’accumulation compulsive
Distinguer le trouble d’accumulation du syndrome de Diogène
Processus cognitifs
Trouble obsessif-compulsif.
Trouble d’accumulation compulsive
Différences cliniques entre trouble obsessif-compulsif avec et sans accumulation compulsive
Prévalence
Trouble obsessif-compulsif.
Trouble d’accumulation compulsive
Traitement pharmacologique et psychologique
Trouble obsessif-compulsif.
Trouble d’accumulation compulsive
Neuroanatomie
Trouble obsessif-compulsif.
Trouble d’accumulation compulsive
Intégration et tableau récapitulatif
Le spectre du trouble-obsessif-compulsif..
Utilité de la perspective neuropsychologique dans la comparaison du trouble obsessif compulsif et de l’accumulation compulsive
Comparaison des profils neuropsychologiques du TOC et de l’accumulation compulsive
Vitesse psychomotrice
Trouble obsessionnel-compulsif
Trouble d’accumulation compulsive
Attention
Trouble obsessif-compulsif
Trouble d’accumulation compulsive
Mémoire
Trouble obsessif-compulsif.
Trouble d’accumulation compulsive
Fonctions exécutives
Trouble obsessif-compulsif
Trouble d’accumulation compulsive
Analyse critique de la documentation actuelle sur la neuropsychologie du TOC
Analyse critique des écrits scientifiques actuels portant sur la neuropsychologie de l’accumulation compulsive
Comparaison et tableau récapitulatif
Conclusion
Répercussions cliniques en évaluation
Répercussions cliniques en intervention
Références

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