La gastro-entérite aiguë (GEA) est une inflammation du système digestif, qui se traduit principalement par des diarrhées et/ou des vomissements pouvant s’accompagner de nausées, de douleurs abdominales et de fièvre. Son origine est principalement infectieuse, à savoir virale, bactérienne ou parasitaire. La GEA est une pathologie très fréquente à la fois dans les pays industrialisés et dans les pays en voie de développement. Dans les pays en voie de développement, elle est responsable de 5 à 10 millions de morts par an et représente la première cause de mortalité infantile et la 4ème cause de mortalité toutes classes d’âge confondues, le pronostic étant aggravé par le contexte de malnutrition. En France, la mortalité est très faible mais elle reste un problème majeur de santé publique. (Cf. [1]) Seul l’impact médico-économique des GEA virales dans le cadre des infections à rotavirus de l’enfant a été mesuré en France. Chez les enfants âgés de moins de cinq ans, en partant de l’hypothèse que l’infection à rotavirus est responsable annuellement en France de 296500 épisodes de diarrhée aiguë, 131200 consultations, 19200 hospitalisations et 13 décès, les coûts directs liés au rotavirus seraient estimés à 44 millions d’euros. (Cf. [2]) En France, les GEA sévissent toute l’année mais des épidémies d’origine virale ont lieu à chaque période hivernale. Selon les données issues du réseau Sentinelles, ces GEA seraient à l’origine de 700 000 à 3,7 millions de consultations en médecine générale chaque hiver. (Cf [3]) Pour la saison hivernale 2012/2013 par exemple, l’épidémie de GEA a duré 4 semaines entre décembre et janvier et le réseau Sentinelles a estimé à 870000 le nombre de consultations en médecine générale pour « diarrhée aiguë ». (Cf. [4]) Une étude de l’InVS en population générale réalisée sur une période d’un an entre mai 2009 et avril 2010 en France métropolitaine estime à 21 millions le nombre d’épisodes de GEA survenant chaque année en France. Le taux d’incidence de GEA en France est estimé à 0,33 cas par personne et par an.
En France, la surveillance des GEA est assurée par plusieurs sources de données épidémiologiques complémentaires, notamment les données collectées via le réseau Sentinelles des médecins généralistes, en partenariat avec l’Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale (INSERM), et les données issues de l’Assurance Maladie, collectées et exploitées par l’InVS. La surveillance épidémiologique des GEA médicalisées contribue ainsi à mieux définir les mesures de veille sanitaire permettant de détecter plus précocement et d’enrayer l’apparition d’épidémies de GEA.
Le réseau Sentinelles permet le recueil, l’analyse, la prévision et la redistribution en temps réel de données épidémiologiques. Il regroupe 1300 médecins généralistes répartis sur le territoire métropolitain français, recensant de manière permanente ou pour une période limitée tous les événements de nature préalablement identifiée dont ils seront témoins. Il fonctionne pour un certain nombre de pathologies infectieuses (grippe, diarrhée aiguë, etc…), et permet la détection précoce d’épidémies régionales ou nationales afin de définir une politique de santé publique. Les données, transmises via internet, alimentent une base de données de l’INSERM et permettent la publication d’un bulletin hebdomadaire de diffusion restreinte (abonnés). Un bulletin d’information trimestriel destiné à l’ensemble des médecins généralistes les informe ensuite des résultats de la surveillance.
DIARRHEE AIGUE ET SPECIFICITE DES SYMPTOMES ET DE LA PRISE EN CHARGE CHEZ LE SUJET JEUNE
Définitions et spécificités
La gastro-entérite aiguë correspond à une inflammation simultanée de la muqueuse intestinale et de l’estomac, dont l’origine est principalement infectieuse. Elle se définit par l’apparition brutale de selles trop liquides ou trop molles et abondantes, et/ou de vomissement au moins trois fois par 24 heures, mais persistant moins de sept jours. La diarrhée aiguë, qui est un des symptômes principaux de la gastro-entérite, se définit cliniquement comme une augmentation du nombre (supérieur à trois par jour) et du volume (supérieur à 300 grammes par jour) des selles, et par une modification de leur consistance (molle ou liquide) ; son caractère aigu est affirmé par une survenue brutale et une évolution depuis moins de sept jours.
Il convient cependant de noter que la définition d’un transit normal varie selon l’âge et le type d’alimentation de l’enfant :
◆ Pour le nourrisson sous allaitement maternel, le transit normal correspond à une selle molle, grumeleuse et jaune d’or après chaque tétée ;
◆ Pour le nourrisson sous allaitement artificiel, le transit normal correspond à deux à trois selles pâteuses par jour ;
◆ Pour le nourrisson avec une alimentation diversifiée, le transit normal correspond à une à deux selles par jour ;
◆ Pour les enfants plus grands, le transit normal est supérieur ou égal à deux selles par semaine.
La diarrhée aiguë entraîne une perte excessive d’eau et d’électrolytes dans les selles, causée par un déséquilibre au niveau de l’entérocyte entre les processus hydro-électrolytiques d’absorption et de sécrétion. En l’absence de compensation de cette fuite hydro-électrolytique, le risque évolutif majeur est la déshydratation aiguë, qui peut être très rapide chez le nourrisson, d’où sa gravité potentielle. Le premier objectif de la prise en charge d’une diarrhée aiguë chez l’enfant est donc d’éviter toute déshydratation aiguë secondaire. Ainsi, le traitement repose essentiellement sur la correction des pertes hydro-électrolytique par l’utilisation de solutions de réhydratation par voie orale (SRO). La stratégie mise en place depuis quelques années par réhydratation orale associée à une réalimentation précoce a considérablement amélioré le pronostic des diarrhées aiguës de l’enfant. La prescription de médicaments antidiarrhéiques ou antibiotiques doit être limitée chez l’enfant : les antibiotiques seront réservés à des indications très précises et les antidiarrhéiques sont considérés comme des médicaments de confort dont il faudra évaluer le rapport bénéfice/risque chez l’enfant.
Dans les pays industrialisés, la diarrhée aiguë entraîne 3 à 4 millions de consultations médicales et représentent la deuxième cause d’hospitalisation infantile avec 7 à 10 % des hospitalisations avant l’âge de 5 ans. Chaque année, 20 à 30 nourrissons décèdent de déshydratation en France. L’incidence annuelle des diarrhées aiguës infantiles dans les pays industrialisés est estimée actuellement entre 1,3 à 2,3 épisodes par enfant, les chiffres étant plus élevés chez les enfants séjournant en collectivité. Cependant, les diarrhées aiguës du nourrisson restent majoritairement bénignes et évoluent spontanément vers la guérison en 48 heures.
Mécanismes physiopathologiques
Selon l’agent causal, plusieurs mécanismes physiopathologiques peuvent s’associer pour conduire à une diarrhée aiguë, par perturbation du cycle entéro-systémique de l’eau. Les diarrhées bactériennes sont de deux types : toxinique ou invasif. Le mécanisme entéro-toxinique correspond à la présence d’une bactérie sécrétant une entérotoxine (Choléra, Shigelle, Escherichia coli entérotoxinogène, Clostridium, etc), qui provoque une hypersécrétion d’eau et d’électrolytes suite à l’activation de l’adénylate-cyclase membranaire des entérocytes. Le risque de déshydratation est élevé car la diarrhée induite est aqueuse, afécale et profuse, de type cholériforme. Le mécanisme entéro-invasif correspond à l’invasion de la muqueuse digestive par une bactérie (Campylobacter, Yersinia, Escherichia coli entéro-invasif, Salmonelles, etc), provoquant ainsi une réaction inflammatoire intense de cette muqueuse puis une destruction par nécrose des entérocytes. Les selles sont sanglantes et glaireuses, voire purulentes, et les risque bactériémique est supérieur au risque de déshydratation. Il s’agit du syndrome dysentérique. Dans la diarrhée motrice, le mécanisme correspond à une simple accélération du transit intestinal : les selles sont de consistance molle et sont peu abondantes. Le mécanisme viral correspond à une invasion et à une destruction de la bordure en brosse des entérocytes par le virus. Cette destruction entérocytaire entraîne un renouvellement très accéléré d’où la prédominance d’entérocytes immatures, moins performants, conduisant à une diminution de la réabsorption. Il en résulte une diarrhée d’allure toxinique.
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Table des matières
I. INTRODUCTION
II. DIARRHEE AIGUE ET SPECIFICITE DES SYMPTOMES ET DE LA PRISE EN CHARGE CHEZ LE SUJET JEUNE
II.1 Définitions et spécificités
II.2 Mécanismes physiopathologiques
II.3 Critères de gravité
II.4 Diagnostic différentiels
II.5 Examens complémentaires
II.6 Etiologies
II.6.1 Virus
II.6.2 Bactéries
II.6.2.1 Salmonella
II.6.2.2 Shigella
II.6.2.3 Campylobacter jejuni
II.6.2.4 Escherichia coli
II.6.2.5 Yersinia enterocolitica
II.6.2.6 Vibrio cholerae
II.6.2.7 Clostridium difficile
II.6.2.8 Staphyloccocus aureus
II.6.3 Parasites
II.6.4 Diarrhées non infectieuses
II.7 Traitements de la gastro-entérite aiguë
II.7.1 Traitement de la déshydratation
II.7.2 Réalimentation précoce
II.7.3 Autres mesures thérapeutiques
II.7.3.1 Antibiotiques
II.7.3.2 Antidiarrhéiques
II.7.3.3 Antiémétiques
II.8 Prophylaxie
II.9 Conseils à l’officine
III. DIARRHEE AIGUE CHEZ L’ADULTE ET PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
III.1 Etiologies
III.1.1 Diarrhées post-antibiotiques
III.1.2 Autres diarrhées iatrogènes
III.1.3 Diarrhées aiguës de l’immunodéprimé
III.1.4 Autres causes des diarrhées aiguës
III.1.4.1 Intoxication alimentaire (hors toxi-infection alimentaire collective (TIAC))
III.1.4.2 Indigestion, dyspepsie
III.1.4.3 Causes psychologiques : stress, anxiété
III.1.5 Diarrhées glairo-sanglantes non infectieuses
III.2 Examens microbiologiques complémentaires : indications de la coproculture
III.3 Traitements de la gastro-entérite aiguë
III.3.1 Réhydratation
III.3.2 Traitements symptomatiques
III.3.2.1 Antidiarrhéiques
III.3.2.2 Prise en charge des autres symptômes associés
III.3.3 Traitements anti-infectieux
III.3.3.1 Les antibiotiques
III.3.3.2 Les antiseptiques intestinaux
III.4 Conseils à l’officine
III.4.1 Fiche conseil sur la gastro-entérite virale aiguë chez l’adulte
III.4.2 Conseils pour prévenir les nausées sous chimiothérapie anticancéreuse
IV. ENQUETE REALISEE EN MILIEU OFFICINAL : Etude « Officine2014 »
IV.1 Objectifs
IV.2 Matériel et méthodes
IV.2.1 Méthode de recueil des données
IV.2.2 Description de l’algorithme de l’InVS
IV.2.2.1 Décalage entre prescription et délivrance
IV.2.2.2 Présence de SRO
IV.2.2.3 Trithérapies ou plus
IV.2.2.4 Médicaments excluant et mono/bithérapies
IV.2.2.5 Nombre de boîtes maximum par classe et bithérapie
IV.2.2.6 Monothérapies
IV.2.2.7 Logigramme de l’algorithme
IV.2.3 Méthode d’analyse statistique des résultats
IV.3 Résultats
V. CONCLUSION