En 2000, Kofi Annan, alors secrétaire de l’Organisation des Nations Unies, alerte les autorités sur le besoin de surveiller et gérer durablement les écosystèmes afin de maintenir le bien-être humain. En 2001 est créé un groupe de surveillance scientifique en charge de l’évaluation des écosystèmes pour le nouveau millénaire (Millenium Ecosystem Assessment). Et le constat est amer : plus de la moitié des services écosystémiques sont dégradés ou utilisés de façon non durable (Tallis and Kareiva 2005). Gretchen Daily définit les services écosystémiques comme des conditions et des procédés par lesquels les écosystèmes naturels et les espèces qui les peuplent, participent à et améliorent la vie humaine (Daily 2012). Ces services sont donc essentiels à la vie sur Terre. Parmi les plus populaires se compte la pollinisation : de nombreuses plantes dépendant de la pollinisation animale, un déclin des pollinisateurs pourrait, à terme, faire décliner le nombre d’espèces végétales sauvages et altérer le rendement des plantes cultivées et ainsi mettre en péril la nutrition animale et humaine (Klein et al., 2007). Les services écosystémiques peuvent être classés en différents groupes, comme le suggère un rapport du Milllenium Ecosystem Assesment (figure I.1) (Corvalán et al., 2005). Les services de soutien tels que le cycle de l’eau ou la formation du sol sont essentiels à la production des autres services et sont donc à la base de cette classification. Vont découler des services de soutien, les services régulant ou modulant les phénomènes naturels telle que la pollinisation ; les produits potentiellement commercialisables tirés de certains services ; et enfin, les bénéfices non-matériels des écosystèmes profitables à l’Homme tels que les services culturels.
En France, les écosystèmes et leurs services sont évalués depuis 2012 via l’initiative EFESE (Evaluation Française des Ecosystèmes et des Services Ecosystémiques). Des groupes de travail ont été constitués pour étudier les services rendus par les six principaux écosystèmes présents sur le territoire français : les écosystèmes forestiers ; les écosystèmes agricoles ; les écosystèmes urbains ; les milieux humides ; les milieux marins et littoraux ; les zones rocheuses et de haute montagne. Le rapport intermédiaire de l’EFESE publié en 2016 alerte sur le fait que seulement 22% des habitats et 28% des espèces d’intérêt communautaire (ou espèces protégées) apparaissent en état « favorable » de conservation (EFESE 2016). Or, c’est l’état écologique des écosystèmes (favorable, défavorable inadéquat, défavorable mauvais ou inconnu) qui conditionne leur capacité à fournir durablement des services.
Haut lieu des services écosystémiques, les sols stockent plus de carbone que l’atmosphère et la végétation réunies : environ 2000 milliards de tonnes de carbone y sont stockées sous forme de matière organique (IPCC 2013). De plus, ils renfermeraient près du quart de la biodiversité mondiale actuellement décrite (Decaëns et al., 2006). Le sol ne fait pourtant pas l’objet d’une protection spécifique comme l’eau ou l’air et il a fallu attendre 2006 pour que la commission européenne reconnaisse officiellement le besoin de protéger les sols aux vues de leur dégradation sans précédent (European Commission 2006a).
La diversité des sols s’observe à la fois à l’échelle macroscopique mais également à des échelles plus fines, jusqu’à l’échelle microscopique. A cette échelle, différents habitats peuvent être caractérisés. Ceux-ci, appelés « hot-spots », sont contenus dans un faible volume dans lequel les interactions sont plus intenses. Ils sont classés en fonction de l’apport en carbone libre de la zone considérée (Kuzyakov and Blagodatskaya 2015) :
La rhizosphère (2A) est le sol sous l’influence des racines des plantes et le carbone y est apporté principalement par les exsudats racinaires (Hartmann et al., 2008).
-La détritusphère (2B) est le sol sous l’influence des résidus végétaux et le carbone y est présent sous forme complexe, peu assimilable, comme la lignine (Neergaard and Magid 2015).
-La drilosphère (2C) est le sol sous l’influence de l’activité des vers de terre. Le carbone y est présent dans les turricules (fèces du ver) à la fois sous forme labile, facilement assimilable, et sous forme plus complexe (Schlatter et al., 2019).
-Les agrégats (macro et micro) (2D) de sol contiennent de la matière organique apportée par lessivage de la détritusphère et de la rhizosphère (Kaiser and Kalbitz 2012).
Au niveau macroscopique, les sols peuvent être perçus à différentes échelles : du champ et du paysage agricole jusqu’à la région voire le pays en prenant en compte de multiples facteurs. On peut considérer la diversité du sol au niveau de sa texture, comme présenté en figure I.3A, mais également en fonction de ses propriétés physico-chimiques telles que son pH, sa teneur en carbone, en phosphore, et, plus globalement, en nutriments ou en eau. C’est autant d’éléments qui sont pris en compte pour l’exploitation des sols et c’est pourquoi les deux cartes (figure I.3A et B) qui présentent les différents types de sols français et les pratiques culturales sur le territoire national sont quasiment superposables .
Le caractère hétérogène à la fois à l’échelle microscopique et macroscopique va grandement influencer l’activité biologique des sols qui est soutenue à près de 90% par les microorganismes qui accomplissent de nombreuses fonctions soutenant les services écosystémiques rendus par les sols (Wall et al., 2013).
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : Synthèse bibliographique
1) Santé, environnement, écosystèmes
a) De l’importance des services écosystémiques
b) Importance des microorganismes dans les sols
2) Les communautés microbiennes au temps de l’anthropocène
a) Anthropocène et utilisation des produits phytosanitaires
b) L’écotoxicologie microbienne
c) Evaluer l’effet des produits phytosanitaires sur les microorganismes du sol
3) Impact écotoxicologique des herbicides de la famille des β-tricétones
a) Origine et utilisation des herbicides β-tricétones
a) Mode d’action des herbicides β-tricétones
b) Les impacts des herbicides β-tricétones sur les communautés microbiennes
Présentation du sujet de thèse
Chapitre II : Le gène hppd comme biomarqueur des herbicides β-tricétones dans les sols
Résumé de la publication
Article 1
Chapitre III : Effets des herbicides β-tricétones sur des HPPDs bactériennes modèles
Introduction
Article 2 (à soumettre)
Résultats complémentaires
Conclusion
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