L’île de Madagascar est considérée au niveau international comme un véritable laboratoire de processus évolutifs. C’est un pays à mégadiversité. De part son insularité, il possède une richesse exceptionnelle en biodiversité floristique et faunistique avec un niveau d’endémisme remarquable. Parmi les 490 genres d’arbres et de grands buissons, 161genres sont endémiques de Madagascar (SCHATZ, 2001). Cet endémisme est observé non seulement au niveau des espèces floristiques mais aussi au niveau des espèces faunistiques. Parmi les espèces d’animaux, Madagascar abrite un taux d’endémisme spécifique de 100% en lémuriens et caméléons (PFUND, 2000).
Une grande surface de la partie orientale de Madagascar est couverte par des forêts sempervirentes humides et subhumides. Ces forêts s’étendent sur une superficie de 31.199.455ha (RAZAFY FARA et RANDRIAMAROLAZA, 2003). Les écosystèmes de forêts sempervirentes humides constituent un habitat privilégié pour la majeure partie de la diversité biologique de Madagascar. Pendant ces dernières décennies, cette forêt n’est pas à l’abri des pressions anthropiques. Les défrichements, les exploitations massives et abusives ainsi que le passage quasi annuel des feux de brousse et des cyclones constituent des menaces pour la biodiversité.
Face à ces différentes pressions, plusieurs espèces animales et végétales disparaissent parallèlement avec la perte de l’habitat naturel (GOODMAN et RASELIMANANA, 2007). Aujourd’hui, 63% de la population de lémurien sont en danger de disparition (MITTERMEIER et al., 2006). Parmi ces espèces, Propithecus diadema ou « Simpona » appartient à la catégorie des espèces en danger (EN) (www.iucnredlist.org). Cette espèce de lémurien a été trouvée auparavant dans la forêt de la Réserve Spéciale d’Analamazaotra. Il est parmi les lémuriens les plus chassés par la population rurale. Par conséquent il a disparu de cette réserve en 1973. (DAY et RAMAROKOTO, 2006). Suite à l’exploitation minière effectuée par la compagnie AMBATOVY à Ambatovy, des milliers d’animaux et plusieurs populations de lémuriens ont dû être transférés dans la forêt du corridor Mantadia-Zahamena. Dans le but d’éviter la surpopulation dans cette forêt et pour sauver les lémuriens d’Ambatovy, un projet sur la réintroduction et la translocation de population de Propithecus diadema a été réalisé dans la Réserve Spéciale d’Analamazaotra en 2006, suivant un accord de collaboration entre le MNP Andasibe, l’Omaha Henry Doorly ‘Zoo (HDZ) et la compagnie AMBATOVY.
Après cette réintroduction de Propithecus diadema dans la Réserve Spéciale d’Analamazaotra, la plupart des études déjà effectuées dans la réserve a été concentrée surtout sur la surveillance écologique de cette espèce ainsi que sur la reproduction et la génétique de la population. Les données sur l’habitat de ce lémurien sont encore insuffisantes. Suite à la destruction de la forêt soit d’origine naturelle soit d’origine anthropique; la connaissance de l’état actuel de l’habitat de ce lémurien, en particulier la phénologie des espèces consommées par ce lémurien est un facteur important pour évaluer son adaptation dans la Réserve Spéciale d’Analamazaotra. C’est pourquoi l’ONG Madagascar Biogeography Project (MBP) en collaboration avec le Département de Biologie et Ecologie Végétales de l’Université d’Antananarivo a mis en place un projet de recherche sur l’étude phénologique des espèces végétales qui assurent l’alimentation de Propithecus diadema. La question qui se pose est : Est-ce que les espèces végétales qui constituent la base alimentaire de Propithecus diadema sont encore suffisantes pour la survie de ce lémurien dans la Réserve Spéciale d’Analamazaotra? Cette étude qui s’intitule « Phénologie et évaluation de statut de conservation des plantes les plus consommées par Propithecus diadema dans la Réserve Spéciale d’Analamazaotra» pourra aider à répondre à cette question. Les objectifs de cette recherche est de fournir une base de données phénologiques sur les espèces végétales qui assurent la base alimentaire de Propithecus diadema et d’évaluer leur statut de conservation.
PRESENTATION DU MILIEU D’ETUDE
SITUATIONS GEOGRAPHIQUE ET ADMINISTRATIVE
La Réserve Spéciale d’Analamazaotra (RSA) est située dans la commune rurale d’Andasibe qui est localisée dans le Faritany de Toamasina, de la région Alaotra Mangoro et du Fivondronana Moramanga. Andasibe se trouve à 225km de Toamasina et à 138km d’Antananarivo entre la latitude 18°45’à 19°05’ et la longitude 48°20’ à 48°30’ (carte 1) ; elle est limitée à l’Est par les montagnes d’Andriambavibe dans le Parc National de Mantadia, limitrophe de la commune d’Ambalavola ; au Nord par Ambatovy, limitrophe Commune Ambohibary, à l’Ouest par Farahevitra, limitrophe de la commune Ampasimpotsy et au Sud par les forêts de Vohidrazana et de Manadriana, limitrophe Commune Lakato.
HISTORIQUE DE LA CREATION DE LA RESERVE (DUFRESNE et CLOUTIER, 1989)
Toute la région d’Andasibe était dans le temps recouverte de forêts. Le besoin en bois d’énergie (bois de chauffe et fabrication du charbon) et en traverses de chemin de fer de 1901 jusqu’à 1910 entraînait la déforestation de la région. Près de 43.663 hectares de forêts naturelles constituaient le domaine privé de l’ancien Service des Chemins de fer de Madagascar; mais depuis 1913, environ 1.500ha de forêts naturelles ont été classées en Station Forestière à Analamazaotra. Cette station a été à vocation de reboisement jusqu’en 1961. Les principales activités de la Station étaient axées sur des essais et des recherches en matière de défense et restauration des sols, de sylviculture, de technologie du bois et de pisciculture. En 1970, quelques parcelles de la Station furent classées en Réserve de faune pour Indri, et la gestion de la Réserve a été assurée par la Direction des Eaux et Forêts (DEF) par le biais du Service de la Protection de la Nature. Le nom d’Analamazaotra venait de la proximité d’une rivière longeant la Station SudNord et qui porte le même nom. La Réserve Spéciale d’Analamazaotra a été créée par l’arrêté n° 2278 MAER/ SEGREF/ FOR du 21 Juillet 1970. Elle a une superficie de 810ha.
MILIEU ABIOTIQUE
Topographie
La région d’Andasibe est située sur le rebord de la falaise Betsimisaraka et présente un relief très accidenté et très disséqué. Elle se présente en une succession de crêtes d’altitude 1100m à 1200m et de vallées étroites très encaissées. L’ensemble des crêtes et des talwegs présente un aspect caractéristique en « accordéon » (HERVIEU, 1960).
Hydrographie
La commune rurale d’Andasibe dispose d’un réseau hydrographique de plusieurs rivières dont: SAHATANDRA, FIRIKANY et ANALAMAZAOTRA; et deux lacs de barrage à savoir: le lac Vert qui est nommé ainsi à cause de sa couleur verte due à sa richesse en planctons et en algues, ce qui fait qu’il est très poissonneux et le lac Rouge qui contient beaucoup de terre argileuse.
Géologie et Pédologie
Le système géologique rencontré dans la RSA est le système du graphite du socle cristallin d’âge précambrien du groupe Manampotsy (HERVIEU, 1960). Les sols sont généralement de type ferralitique jaune et rouge violacé selon la teneur en oxyde de fer. Ces sols ferralitiques sont sablo-argileux (ANDRIASATARINTSOA D. 2006).
Climat
La position en altitude d’Andasibe (930m en moyenne) le rattache au domaine du Centre de l’Est malgache (PERRIER DE LA BATHIE, 1921 – HUMBERT ET COURSDARNE, 1965). Cette situation lui confère des caractères de sous région climatique de la région orientale (DONQUE, 1975), influencée par l’Alizé. La région d’Andasibe est aussi marquée par les passages de cyclones tropicaux (décembre- avril) qui se succèdent au cours des années, ces cyclones apportent une grande quantité de pluie. Le climat est de type perhumide, il est caractérisé par deux saisons bien distinctes (Figure 1) :
– Saison chaude et humide, de novembre en avril, caractérisée par une température élevée de 21°C et de fortes précipitations avec un pic de 535 mm.
– Saison fraîche, d’avril à août, caractérisée par une température plus ou moins faible de 16°C et des pluies fines avec une valeur de 156 mm.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: PRESENTATION DU MILIEU D’ETUDE
1. SITUATIONS GEOGRAPHIQUE ET ADMINISTRATIVE
2. HISTORIQUE DE LA CREATION DE LA RESERVE (DUFRESNE et CLOUTIER, 1989)
3. MILIEU ABIOTIQUE
3.1. Topographie
3.2. Hydrographie
3.3. Géologie et Pédologie
3.4. Climat
3.4.1. Précipitation
3.4.2. Température
3.4.3. Diagramme ombrothermique de GAUSSEN
3.4.4. Vents
4. MILIEU BIOTIQUE
4.1. Flore et végétation
4.2. Faune
4.3. Milieu humain
4.3.1. Démographie (Monographie- Andasibe, 2010)
4.3.2. Activités économiques
a) Activités agricoles
b) Autres activités
Deuxième partie: MATERIELS ET METHODES
1. MATERIELS BIOLOGIQUES
1.1. Classification de P. diadema (Mittermeier et al., 2006)
1.2. Caractères morphologiques
1.3. Structure sociale et reproduction
1.4. Groupes d’individus de P.diadema étudiés
2. ETUDES PRELIMINAIRES
2.1. Etudes bibliographiques
2.2. Méthode d’enquête
2.3. Suivi et observation de l’animal
3. CHOIX DES ESPECES VEGETALES CIBLES
4. CHOIX DES SITES D’ETUDE
5. ETUDE PHENOLOGIQUE DES ESPECES VEGETALES CIBLES
6. ETUDE DENSITE SPECIFIQUE ET DE L’ABONDANCE NUMERIQUE DES ESPECES CIBLES
7. ETUDE DE LA REGENERATION NATURELLE DES ESPECES CIBLES
8. ETUDE DE LA FLORE ASSOCIEE AUX ESPECES CIBLES
9. EVALUATION DU STATUT DE CONSERVATION DES ESPECESCIBLES SELON LES CRITERES DE L’UICN 2001
9.1. Etude de la distribution des espèces cibles
9.1.1. Elaboration de la carte de distribution pour chaque espèce cible
9.1.2. Analyse de la carte de distribution
9.2. Evaluation des risques d’extinction des espèces sélectionnées
Troisième partie: RESULTATS ET INTERPRETATIONS
1. RESULTATS DES ENQUETES ETHNOBOTANIQUES
1.1. Catégorie des personnes enquêtées
1.2. Espèces utilisées par les paysans autour de la réserve
2. ACTIVITES JOURNALIERES DE P. diadema
2.1. Posture
2.2. Locomotion
2.3. Manière de se nourrir
2.4. Manipulation de la nourriture
3. PLANTES CONSOMMEES PAR P. diadema
3.1. Régime alimentaire de Propithecus diadema
3.2. Taxons les plus consommées par P. diadema
3.3. Répartition des classes de diamètre et de hauteur des arbres consommés par P. diadema
3.4. Fréquence de consommation des plantes par P.diadema en fonction de la saison
3.4.1. Durant la saison chaude et humide (novembre à avril)
3.4.2. Durant la saison fraîche (mai à octobre)
4. ESPECES VEGETALES CIBLES
5. DESCRIPTION DES ESPECES CIBLES
5.1. Chrysophyllum boivinianum (Pierre) Baehni
5.2. Erythroxylum sphaeranthum H. Perrier
5.3. Ocotea racemosa (Danguy) Kostern
5.4. Streblus dimepate (Bureau) C.C. Berg
5.5. Symphonia clusioides Baker
5.6. Syzygium emirnense (Baker) Labat & G. E. Schatz
6. SITES D’ETUDES ET LEURS CARACTERISTIQUES
7. DENSITE SPECIFIQUE ET ABONDANCE NUMERIQUE DES ESPECES CIBLES
8. CYCLE PHENOLOGIQUE DES ESPECES CIBLES
8.1. Distribution des individus des espèces étudiées dans les cinq sites
8.2. Phenologie des espèces cibles
8.2.1. Chrysophyllum boivinianum
8.2.2. Erythroxylum sphaeranthum
8.2.3.Ocotea racemosa
8.2.4. Streblus dimepate
8.2.5. Symphonia clusioides
8.2.6. Syzygium emirnense
9. REGENERATION NATURELLE DES ESPECES CIBLES
9.1. Taux de régénération des espèces cibles
9.2. Structure démographique de la population
10. FLORE ASSOCIEE AUX ESPECES CIBLES
11. EVALUATION DU STATUT DE CONSERVATION DES ESPECES CIBLES
11.1. Distributions géographiques des espèces cibles
11.2. Evaluation des risques d’extinction
11.2.1. Identification des menaces et pressions sur les espèces cibles
11.2.2. Evaluation du statut UICN
Quatrième partie: DISCUSSIONS ET RECOMMANDATIONS
1. REMARQUES SUR LES METHODES UTILISEES
2. DISCUSSIONS SUR LES RESULTATS OBTENUS
CONCLUSION GENERALE