Diagnostic radiologique de la goutte
Echographieย
Lโรฉchographie ostรฉo-articulaire, grรขce aux sondes hautes frรฉquences (7,5โ15MHz), est actuellement un outil dโutilisation quotidienne en rhumatologie pour le diagnostic et le suivi thรฉrapeutique de nombreuses pathologies rhumatismales. Cette technique facile dโaccรจs, non irradiante, non invasive, peu coรปteuse, permet une รฉtude multiplanaire avec une haute rรฉsolution spatiale en temps rรฉel des tissus superficiels, incluant les รฉrosions articulaires. Elle doit cependant รชtre pratiquรฉe par un opรฉrateur spรฉcifiquement formรฉ aux explorations ostรฉoarticulaires [11]. Lโรฉchographie ostรฉo-articulaire est un outil diagnostique intรฉressant, dโune part, elle peut guider et faciliter la ponction dโรฉpanchements de faible volume, tant dans les articulations quโau sein des tรฉnosynovites goutteuses ou des tophus.
Dโautre part, elle peut aussi mettre en รฉvidence des signes propres, trรจs รฉvocateurs de goutte et plus prรฉcoces que les anomalies radiographiques [12]. Lโaspect le plus informatif est sans doute lโimage en ยซ double contour ยป [12] due aux dรฉpรดts de cristaux dโUMS ร la surface du cartilage hyalin (Grassi et al., 2006). Lโimage dite en ยซ double contour ยป (Figure nยฐ9) est un รฉpais lisรฉrรฉ hyperรฉchogรจne localisรฉ ร la surface articulaire. Ce liserรฉ se trouve au sein du cartilage dans la chondrocalcinose, et non ร sa surface [10]. Un autre signe รฉchographique รฉvocateur de la goutte est lโaspect en ยซ tempรชte de neige ยป au sein des รฉpanchements articulaires, qui se traduit par un aspect hรฉtรฉrogรจne du liquide articulaire avec des agrรฉgats hyperรฉchogรจnes de taille et de formes diffรฉrentes. Cela rรฉsulte du caractรจre trรจs hรฉtรฉrogรจne des รฉchos induits par les dรฉpรดts dโUMS situรฉs dans le liquide articulaire et la synoviale [13].
Lโimage dite en ยซ tempรชte de neige ยป (figure nยฐ10) caractรฉrise la crise articulaire goutteuse [10]. Aussi, des tophus peuvent รชtre retrouvรฉs dans les tissus sous-cutanรฉs ou juxta-articulaires sous la forme de masses ovoรฏdes dโรฉchogรฉnicitรฉ hรฉtรฉrogรจne [10]. La mise en รฉvidence dโรฉrosions articulaires et de dรฉpรดts tophacรฉs fait partie des indications habituelles de traitement afin de prรฉvenir la destruction articulaire et la nรฉphropathie uratique. Cependant, lโapparition de tels signes radiologiques est tardive. Outre son rรดle diagnostic dans les formes atypiques, lโรฉchographie aurait donc รฉgalement un intรฉrรชt thรฉrapeutique, vu que lโobservation dโรฉrosions et/ou de tophus incitant ร mettre en route un traitement de fond [10].
Rรฉgime alimentaire Lโรฉducation du patient et les conseils alimentaires sont des aspects fondamentaux de la prise en charge du patient [22]. Le rรฉgime a รฉtรฉ longtemps la seule mรฉthode connue pour lutter contre lโhyperuricรฉmie, actuellement aprรจs lโavรจnement de mรฉdications puissantes contre lโhyperuricรฉmie, elle passe au second plan dans la prise en charge, mais il reste un bon adjuvant aux hypouricรฉmiants. A lui seul, il permet la rรฉduction de 10 mg/l le taux dโuricรฉmie [22]. Il faut conseiller un rรฉgime pauvre en purines, ร savoir rรฉduit en viandes, pauvre en abats et crustacรฉs et riche en laitages ร faible teneur en graisses [23]. Lโautre mesure est dโobtenir du patient une rรฉduction drastique de la prise dโalcool, alcools durs, mais aussi de la biรจre (quโelle soit avec ou sans alcool) dont la consommation est un facteur de risque indรฉpendant [24]. Un rรฉgime en arabe est proposรฉ au service de Rhumatologie, Hopital Ibn Tofail CHU Mohamed VI (Annexe 3). La non-observance de cette mesure est ร lโorigine de gouttes faussement rebelles. La consommation de laitages est inversement proportionnelle ร lโuricรฉmie. Ces mesures favorisent la rรฉduction de lโobรฉsitรฉ et du surpoids et peuvent permettre de rรฉduire lโuricรฉmie de 60 ฮผmol/l (10 mg/l). Elles contribuent surtout ร faciliter le contrรดle des troubles mรฉtaboliques associรฉs (HTA, dyslipidรฉmie).
Traitements hypo-uricรฉmiant Les traitements hypo-uricรฉmiants ont complรจtement transformรฉ le pronostic de la goutte. Un traitement hypo-uricรฉmiant est indiquรฉ chez les patients ayant des accรจs rรฉpรฉtรฉs, une arthropathie, des tophus, ou des lรฉsions radiographiques, ce qui dรฉfinit la goutte sรฉvรจre [22]. Au premier accรจs, il nโy a pas de recommandation systรฉmatique pour un traitement de fond sauf ร penser quโun stock dโurate plus faible sera plus facile ร rรฉduire. La stratรฉgie habituelle en France est dโattendre le deuxiรจme ou le troisiรจme accรจs dont le dรฉlai de survenue est variable โ de quelques semaines ร quelques annรฉes โ dans le but de rรฉduire le risque iatrogรจne. Cette prescription peut aussi dรฉpendre du souhait du patient [22]. Lโexistence dโune lithiase urique est aussi considรฉrรฉe par beaucoup dโexperts comme une indication ร lโallopurinol. ยซ Lโobjectif du traitement hypo-uricรฉmiant est de favoriser la dissolution des cristaux et dโen prรฉvenir la formation grรขce au maintien lโuricรฉmie en deรงร du seuil de saturation pour lโurate sodium, cโest-ร -dire infรฉrieur ou รฉgal ร 360 micromol/l, soit โค ร 60 mg/l ยป.
On dispose actuellement dโun mรฉdicament inhibiteur de la xanthine oxydase, lโallopurinol, et de deux uricosuriques disposant dโune AMM, le probรฉnรฉcide et la benzbromarone [22]. 2-2-1- Allopurinol L’allopurinol est un traitement hypo-uricรฉmiant bien connu et efficace [25]. Il appartient ร la classe des pyrazolopyrimidines,il sโagit dโ un inhibiteur purinique de la xanthine oxydase (XO), il constitue le traitement de rรฉfรฉrence de la goutte chronique. Administrรฉ par voie orale, son absorption est rapide. Sa demi-vie est dโenviron 1heure, la demi-vie de lโoxypurinol qui est son mรฉtabolite actif est dโenviron 18 ร 30 heures. Leur รฉlimination se fait par voie rรฉnale. Cโest un puissant inhibiteur de la synthรจse de lโacide urique, dont lโefficacitรฉ, rapide et dose dรฉpendante, permet de guรฉrir la majoritรฉ des gouttes, y compris dans le syndrome de Lesch et Nyahn [26]. Cโest un traitement au long cours dont il faut ajuster la posologie ร lโuricรฉmie cible selon lโรขge, lโรฉtat rรฉnal et la tolรฉrance. Il doit รชtre dรฉbutรฉ ร la posologie de 100 mg/j qui est progressivement augmentรฉe de 100 mgโ voire 50 mg chez le sujet รขgรฉ โ toutes les deux ร quatre semaines selon lโuricรฉmie atteinte et adaptรฉe ร la fonction rรฉnale (mention VIDAL).
La dose maximale est ร ajuster selon lโobjectif de 360 ฮผmol/l dโuricรฉmie. Il nโy a pas de limite ร la posologie si la fonction rรฉnale est normale. Il est ainsi possible dโaugmenter la dose jusquโร 400, 500, voire 900 mg/j. Une uricรฉmie infรฉrieure ร 300 ฮผmol/l est sans doute une cible thรฉrapeutique plus judicieuse en cas de tophus, pour en permettre la dissolution rapide mais il nโy a pas dโessai thรฉrapeutique pour rรฉpondre ร cette question. La surveillance du traitement est clinique (tolรฉrance cutanรฉe, digestive, lithiase xanthique exceptionnelle dans la goutte commune) et biologique (contrรดle semestriel de la NFS et des SGOT) [22]. Il faut signaler quโil potentialise lโaction des anti-vitamine K (AVK) et que lโampicilline peut รชtre une source dโรฉruption plus frรฉquente en cas de prescription associรฉe dโallopurinol. L’allopurinol est un traitement hypo-uricรฉmiant bien connu et efficace. Toutefois, certaines questions se posent quant ร son efficacitรฉ et ร sa tolรฉrance [25].
Des manifestations dโintolรฉrance digestive (nausรฉes, vomissements, diarrhรฉe) sont signalรฉes dans 5 % des cas mais, le plus souvent, ne contre indiquent pas la poursuite du traitement. Deux ร 5 % des goutteux ont une intolรฉrance cutanรฉe ร lโallopurinol, se signalant par une รฉruption prurigineuse รฉrythรฉmato-papuleuse ou eczรฉmateuse qui survient habituellement quelques semaines aprรจs le dรฉbut du traitement. Ces รฉruptions imposent habituellement lโarrรชt dรฉfinitif du mรฉdicament car une rรฉintroduction expose ร la survenue dโun syndrome dโhypersensibilitรฉ (DRESS) [27,28]. Cโest lโinsuffisance rรฉnale qui, en imposant une limitation de posologie, va occasionner une insuffisance dโefficacitรฉ du mรฉdicament. Perez-Ruiz et al. ont ainsi montrรฉ que prรจs de la moitiรฉ des insuffisants rรฉnaux traitรฉs par allopurinol ne pouvaient obtenir une uricรฉmie en dessous de 360 ฮผmol/l [29].
Uricosuriquesย
En cas dโรฉchec rรฉel ou dโallergie ร lโallopurinol, de nouvelles options thรฉrapeutiques sont donc ร mรชme d’intรฉresser les cliniciens qui comme nous sont impliquรฉs dans le traitement au long cours de la maladie goutteuse, sans toutefois mรฉconnaรฎtre l’utilitรฉ des mesures gรฉnรฉrales pour contrรดler l’hyperuricรฉmie [30]. Tout d’abord, certaines molรฉcules ont une action hypo-uricรฉmiante faible ร modรฉrรฉe en augmentant l’excrรฉtion urinaire d’acide urique, c’est-ร -dire par un mode d’action uricosurique. Leur utilisation expose le malade ร 2 risques le dรฉclenchement de lโaccรจs dans les premiers jours du traitement ou en cas dโarrรชt brutal ainsi que le dรฉveloppement de la lithiase urique. Ainsi des prรฉcautions sont ร prendre vรฉrifier que lโuricosurie est normale (<600 mg/24 heures en rรฉgime libre), et sโassurer de lโabsence dโantรฉcรฉdent lithiasique urinaire. Deux uricosuriques sont officiellement disponibles, le probรฉnรฉcide et la benzbromarone. Tous deux induisent le risque de lithiase urique quโil faut prรฉvenir en assurant une diurรจse suffisante et par le contrรดle du pH urinaire quโil faut maintenir au dessus de 6, en alcalinisant si besoin les urines [22].
Fรฉbuxostat Cโest un nouveau mรฉdicament hypo-uricรฉmiant, il a รฉtรฉ dรฉveloppรฉ au dรฉbut des annรฉes 2000 [33]. L’Agence europรฉenne des mรฉdicaments a donner au fรฉbuxostat lโAMM en mai 2008, elle a accordรฉ le fรฉbuxostat pour le traitement de la goutte ร la dose de 80 ร 120 mg/j , et la Food and Drugs Administration a donnรฉ son accord en Fรฉvrier 2009 ร la dose de 40 ร 80 mg/j [34]. Le fรฉbuxostat est un composant non purinique, inhibiteur sรฉlectif de la xanthine-oxydase [35]. Il possรจde un profil pharmacocinรฉtique intรฉressant dans la mesure oรน la courbe n’est pas modifiรฉe chez les patients ayant une altรฉration modรฉrรฉe de la fonction rรฉnale ou de la fonction hรฉpatique. Son taux sanguin ne semble pas รชtre modifiรฉ par une insuffisance rรฉnale [36]. La voie d’excrรฉtion est essentiellement hรฉpatique.
Cela le diffรฉrencie de l’allopurinol. Il diminue le taux d’acide urique [37,38] et le volume des tophus [38]. Le fรฉbuxostat entraรฎne une diminution importante des taux d’uricรฉmie [39], avec un taux infรฉrieur ร 40 mg/l (pour une valeur de base moyenne de 90 mg/l) chez prรจs de la moitiรฉ des patients, ce qui offre une alternative trรจs efficace pour les patients ayant une rรฉponse incomplรจte ร l’allopurinol. Et il semble supรฉrieur ร l’allopurinol en ce qui concerne la baisse de l’uricรฉmie [36]. Il existe une augmentation du nombre de crises de goutte ร lโinitiation du traitement [37], imposant une administration en concomitance avec la colchicine pendant plusieurs mois. Ces effets secondaires sont essentiellement des anomalies du bilan hรฉpatique, une diarrhรฉe, des maux de tรชte, des vertiges, des douleurs musculaires. Ce mรฉdicament ne doit pas รชtre donnรฉ avec d’autres molรฉcules mรฉtabolisรฉes par la xanthine oxydase thรฉophylline, mercaptopurine et azathioprine [34].
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Table des matiรจres
Introduction
Matรฉriel et Mรฉthode
I- Objectif de lโรฉtude
II- Mรฉthodologie
1-Type dโรฉtude
2-Durรฉe de lโรฉtude
3-Population cible
4-Echantillonnage
5-Collecte des donnรฉes
6-Recommandations de lโEULAR pour la prise en charge de la goutte
6-1-Objectif de ses recommandations
6-2-Mรฉthode de sรฉlection de ses recommandations
Rรฉsultats et analyse
I-Taux de rรฉponse
II-Traitements de 1รฉre intention de lโaccรจs aigu goutteux
III-CAT thรฉrapeutique devant les effets indรฉsirables de la colchicine
IV-Indications dโun traitement hypouricรฉmiants
V-Objectif thรฉrapeutique dโuricรฉmie sous uricofreinateurs
VI-Posologie de lโallopurinol
VII-Choix des mรฉdicaments pour la prรฉvention des rรฉcidives
dโaccรจs goutteux
VIII-Prise en charge des co-morbiditรฉs et des facteurs de risques
IX-Rรจgles hygiรฉno-diรฉtรฉtiques
Discussion
I- Diagnostic de la goutte
1-Diagnostic positif
1-1-Critรจres de ROME 1963 (Tableau I )
1-2- Critรจres de New York 1966 (Tableau II)
1-3-Critรจres de l’American College of Rheumatology (ACR)
1977(Tableau III)
1-4-Recommandations de lโEULAR 2006
2-Diagnostic radiologique de la goutte
2-1-Radiographie standard
2-2-Echographie
II -Traitement
1-Traitement de lโaccรจs
1-1-La colchicine
1-1-1 -Modalitรฉs de prescription
1-1-2 Les effets secondaires
1-1-3-Contre-indications
1-2-Anti-inflammatoires non stรฉroรฏdiens (AINS
1-2-1- Indomรฉtacine
1-2-2- AINS inhibiteurs spรฉcifiques de la COX-2
1-2-2- Autres AINS
1-3-Corticoรฏdes
1-4- Immobilisation et glaรงage
1-5-Prรฉvention
2-Traitement de fond
2-1-Rรฉgime alimentaire
2-2-Traitements hypo-uricรฉmiant
2-2-1- Allopurinol
2-2-2 Uricosuriques
2-2-2-1-Probรฉnรฉcide
2-2-2- Benzbromarone
2-2-2-3- Rasburicase
2-2-2-4- Fรฉbuxostat
2-2-2-5-La Vitamine C
2-2-3-Autres mรฉdicaments ร effets uricosuriques
2-2-3-1-Le losartan
2-2 -3-2-Le fรฉnofibrate
III-Pratiques des mรฉdecins gรฉnรฉralistes devant une goutte
1-Traitements de 1รฉre intention de lโaccรจs aigu goutteux
2- Conduite ร tenir thรฉrapeutique devant les effets indรฉsirables
de la colchicine
3-Indications dโun traitement hypouricรฉmiants
4-Objectif thรฉrapeutique dโuricรฉmie sous uricofreinateurs
5-Posologie de lโallopurinol
6-Choix des mรฉdicaments pour la prรฉvention
des rรฉcidives dโaccรจs goutteux
7-Prise en charge des co-morbiditรฉs et des facteurs de risques
8-Rรจgles hygiรฉno-diรฉtรฉtiques
IV โ Les forces de lโรฉtude
V- Les limites de lโรฉtude
VI- Amรฉlioration des pratiques des mรฉdecins gรฉnรฉralistes
Conclusionโฆ
Rรฉsumรฉs
Annexes
Bibliographie
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