Les rhinosinusites chroniques touchent environ 15% de la population européenne.Elles sont responsables d’une altération de la qualité de vie au même titre que les dorsalgies ou l’insuffisance cardiaque et représentent un coût direct et indirect pour la société, estimé plus important que celui la maladie ulcéreuse ou encore de l’asthme aigu . La rhinosinusite chronique est définie par la persistance de symptômes et/ou d’images radiologiquessinusiennes pendant plus de 12 semaines . Les rhinosinusites chroniques fongiques (fungal chronic rhinosinusitis, FCRS) forment un groupe à part au sein de cette population. Leur prévalence est inconnue du fait de critères diagnostiques variables selon les études . Il en existe plusieurs sous-groupes en fonction de leur caractère invasif (sinusite fongique invasive indolente) ou non invasif (balle fongique et sinusite fongique allergique). A la différence des rhinosinusites bactériennes ou inflammatoires le traitement des FCRS est toujours chirurgical . Le diagnostic pré-opératoire des FCRS est donc un enjeu important puisqu’en cas de suspicion, forte, le praticien peut d’emblée programmer un geste chirurgical. La confirmation diagnostique ne sera apportée par la mycologie et l’anatomopathologie qu’en post-opératoire. Pour notre travail de thèse, nous souhaitions étudier la valeur pronostique des examens paracliniques dont nous disposons actuellement pour le diagnostic pré-opératoire des FCRS en pratique courante : scanner, IRM, bilans biologiques standard et immunologiques, examens mycologiques. Pour cela nous avons réalisé une étude prospective sur des patients opérés de rhinosinusites chroniques à partir de laquelle nous présentons deux travaux. Le premier article avait pour but d’établir un arbre diagnostique pré opératoire des FCRS afin d’aider le chirurgien ORL à poser l’indication opératoire dès que nécessaire. Le deuxième article avait pour but de rechercher au sein de profils clinique, radiologique, mycologique, immunologique, anatomopathologique des rhinosinusites chroniques opérées des critères diagnostiques de sinusite fongique allergique en pré-opératoire.
Les rhinosinusites chroniques fongiques (FCRS) sont un groupe à part au sein des rhinosinusites chroniques (CRS). Les FCRS sont hétérogènes dans leur présentation clinique, biologique et radiologique. Elles sont rarement invasives (sinusite fongique invasive indolente (SFII)). Les FCRS non invasives sont : la balle fongique (BF, 71 à 88% des FCRS 1,2) et la sinusite fongique allergique (AFS, 6 à 10% des CRS ).
Selon Fokkens et al la prise en charges des CRS débute par 4 semaines de lavages de nez et corticostéroïdes locaux. En cas de persistance de symptômes peu sévères et s’il n’existe pas de complication cérébro-orbitaire, un traitement par lavages de nez et corticostéroïdes locaux. Si les symptômes sont plus sévères, une TDM des sinus (à distance du traitement antibiotique ou d’une surinfection) est recommandée. Dans le cas des CRS avec polypes, deux corticothérapies orales associées à un traitement local à 3 mois d’intervalle sont préconisées, soit 6 mois de surveillance minimale. Dans certains cas, dont les critères sont mal définis, la chirurgie peut être envisagée avant le traitement médical. C’est le cas des FCRS qui nécessitent toutes un traitement chirurgical 6-9 . Les coûts globaux liés aux CRS peuvent être réduits significativement par le recours à la chirurgie 10 . L’IRM n’est pas indiquée en première intention du processus diagnostique. Le diagnostic de certitude de FCRS s’appuie sur l’anatomopathologie et est donc fait en postopératoire 11. L’orientation diagnostique pré-opératoire aiderait le clinicien à adapter sa prise en charge (médical et chirurgical) mais également le radiologue, l’anatomopathologiste et le mycologiste en guidant leurs méthodes d’analyse. L’objectif de ce travail était d’établir un arbre diagnostique pré-opératoire des FCRS en comparant un groupe de FCRS tout diagnostic confondu (BF, AFS, SFII) à un groupe de NFCRS (non fungal chronic rhinosinusitis- rhinosinusites chroniques non fongiques) avec ou sans polypes.
MATERIELS ET METHODES
Etude
Cette étude a été approuvée en Janvier 2016 par le comité de protection des personnes (annexe 1). Il s’agissait d’une étude prospective clinique physiopathologique en soins courants, ouverte, monocentrique avec analyse synchrone des données la clinique, la radiologie, l’immunologie, la mycologie et l’anatomopathologie d’une population de CRS opérée. L’inclusion a été effectuée sur douze mois de Février 2016 à Février 2017, lors de la consultation. L’étude était proposée à tous les patients présentant une CRS avec indication chirurgicale dans le service ORL de notre centre hospitalier universitaire. Les données anonymiséess étaient collectées lors de l’hospitalisation. Pour être inclus étaient : un âge supérieur à 18ans, être atteints d’une CRS avec indication opératoire et avoir donné leur consentement éclairé écrit pour la participation à l’étude. Les critères d’exclusion étaient : le diagnostic de pathologie muco-ciliaire, une sinusite évoluant depuis moins de 12 semaines, un état mental ou moteur ne permettant pas la pleine compréhension ou participation à l’étude, le non-respect des critères d’inclusion.
Bilans cliniques et paracliniques
Pré-opératoire
Clinique
L’ensembles des données recueillies pour ce travail était rassemblées dans un cahier d’observation anonymisé (annexe 2). Les données épidémiologiques étaient : âge, sexe, allergie connue, asthme, intolérance à l’aspirine, état immunodéprimé. Le score clinique ADORES a été utilisé pour coter l’intensité des symptômes rhinologiques (anosmie ou cacosmie, douleur (maxillaire, frontale, autre), obstruction nasale, rhinorrhée (aqueuse, purulente ou postérieure), épistaxis). Dans ce score chacun l’intensité des symptômes pour chacun des 10 critères est noté de 0 à 3 pour chaque côté, obtenant le total étant sur 60 points. Le score endoscopie de Lund et MacKay était utilisé en consultation 12, sur 10 points, il étudie 5 items variant de 0 à 2 : présence de polypes, œdème, rhinorrhée, cicatrisation et croûtes.
Biologique
Les paramètres biologiques du bilan sanguin pré-opératoire relevés étaient : une numération des polynucléaires éosinophiles et neutrophiles sanguins (normes respectivement < 0,8 G/L et 1,8 à 7,5 G/L), mesure de la protéine c-réactive (CRP, normale < 5,0 mg/L). Un prélèvement sanguin additionnel de 5 ml réalisé sur tube sans anticoagulant était envoyé permettant l’exploration de la sensibilisation allergique aux moisissures par :
➤ La recherche d’IgE circulantes spécifiques (figure 1) des deux espèces les plus couramment impliquées : Aspergillus fumigatus et Alternaria alternata. La présence d’IgE circulantes spécifiques signe une sensibilisation de type allergique. La positivité est définie par un taux d’IgE > 0,10/kUI 13. En cas de positivité des IgE anti aspergillaires et/ou anti-Alternaria, l’exploration du profil moléculaire (réponse IgE vis-à-vis des allergènes protéiques individuels) était réalisée .
➤ La mesure du titre d’IgE totales circulantes : augmenté dans les pathologies fungiques allergiques 13 contribue à interpréter le résultat des IgE spécifiques et renseigne sur l’existence d’un terrain atopique. Un titre est élevé si supérieur à 100 kUI/L.
➤ La mesure de la tryptasémie basale, reflet du nombre et du niveau d’activité des mastocytes du patient, marqueur de risque de survenue ou de gravité des manifestations allergiques d’étiologie diverse (peropératoire, alimentaire, hyménoptères…). La limite supérieure des valeurs de référence à 11,5 µg/L .
Un second prélèvement sanguin de 5 ml réalisé sur tube sans anticoagulant permettait la réalisation d’une sérologie aspergillaire. Pour cela deux techniques ont été utilisées : ELISA (trousse Sérion, Orgentec, Trappes, France) et l’immunoélectrophorèse (IEP) (Sebia, Evry, France). La technique ELISA recherche les IgG anti Aspergillus, germe le plus fréquent en France. Le seuil de positivité du fournisseur est à 70UI/ml. L’IEP forme des arcs de précipitation, le test était considéré positif à partir d’un arc. En cas de concordance positif/positif ou négatif/négatif des deux méthodes le résultat était rendu « positif » ou « négatif ». En cas de positivité d’un test et de négativité de l’autre le résultat était rendu « dissocié» et son interprétation laissée au clinicien en fonction du reste des résultats obtenus et du contexte clinique.
Radiologique : TDM et IRM
Les TDM étaient réalisées en mode basse dose (PDL – produit dose-longueur, environ 50 mGy.cm) sauf ceux nécessitant une injection de produit de contraste (PDL environ 250 mGy.cm). Les reconstructions coronales, sagittales, axiale en filtre tissulaire permettant de mieux apprécier le contenu sinusien, étaient systématiquement réalisées. La technique IRM s’appuyait sur des séquences en écho de spin T1et T2. Des plans transverses et coronaux ont été utilisés. Si une injection de produit de contraste était indiquée, celle-ci était réalisée en écho de gradient en saturation de la graisse et en coupe infra-millimétrique permettant des reconstructions multiplanaires.
Les critères d’imagerie retenus pour le diagnostic AFS étaient :
➤ En TDM :
o Une atteinte multisinusienne bilatérale et asymétrique
o Un comblement souvent total des sinus atteints
o Une densité hétérogène du matériel de comblement
o Un aspect d’érosion voire de lyse des parois sinusiennes est possible.
➤ A l’IRM :
o Un asignal T2 multiple.
Les critères d’imagerie pour le diagnostic d’une BF étaient 17-19 (figure 2b) :
➤ En TDM :
o Une atteinte unilatérale d’un sinus unique, le plus souvent maxillaire et parfois sphénoïdal.
o La présence de pâte dentaire dans la cavité densité métallique
o Un comblement contenant des microcalcifications.
o Un aspect d’érosion ou de déminéralisation peut être observé dans les formes pseudo-tumorales
➤ En IRM :
o Un asignal T2 unique.
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Table des matières
I Introduction générale
II Diagnostic pré-opératoire des sinusites fongiques: quels nouveaux outils?
II.1 INTRODUCTION
II.2 MATERIELS ET METHODES
II.2.1 Etude
II.2.2 Bilans cliniques et paracliniques
II.2.3 Définition des groupes
II.2.4 Méthode d’évaluation et statistiques
II.3 RESULTATS
II.4 DISCUSSION
II.4.1 Clinique
II.4.2 Imagerie
II.4.3 Immunologie et mycologie
II.5 CONCLUSION
II.6 REFERENCES
III Diagnostic pré-opératoire des sinusites fongiques allergiques : quels nouveaux outils ?
III.1 INTRODUCTION
III.2 MATERIELS ET METHODES
III.2.1 Etude
III.2.2 Bilans cliniques et paracliniques
III.2.3 Définition des groupes
III.2.4 Méthode d’évaluation et statistiques
III.3 RESULTATS
III.4 DISCUSSION
III.4.1 Clinique et Biologie standard
III.4.2 Imagerie
III.4.3 Immunologie
III.4.4 Mycologie
III.5 CONCLUSION
III.6 REFERENCES
IV Conclusion générale
V Abréviations
VI Annexes
VI.1 Accord CPP
VI.2 Dossier d’observation papier
VI.3 Tableau récapitulatif des éléments servant au diagnostic de sinusites fongiques
VII Résumés