Le système éducatif des universités publiques du Sénégal est marqué depuis ses débuts, surtout vers les années 1980 par des mutations profondes du fait de la démocratisation de l’enseignement universitaire ouvrant la porte à tous les jeunes bacheliers. Ce principe qui ignorait la rationalisation dans la gestion des effectifs du supérieur connaitra une courte période de pause avec le décret du 26 Mai 1994 conférant désormais aux établissements publics d’enseignement supérieur et de formation la charge de l’orientation des bacheliers. Ceci en remplacement du fait que l’orientation à l’université était automatiquement validée par une commission qui statue sur les demandes enregistrées sur fiches au niveau des lycées, lesquelles étaient centralisées à la Direction de l’enseignement supérieur, jugée à cette période comme inefficace dans la gestion des effectifs orientés dans les universités publiques. En lieu et place de porter un véritable coup d’arrêt à la massification en faisant une sélection en fonction des places disponibles pour un meilleur taux d’encadrement et par conséquent un meilleur taux d’efficacité, les conseils de Département et conseils de Faculté, suivirent encore une fois de plus le nombre important de nouveaux bacheliers qui ne cessait de croitre. « Depuis, les effectifs des étudiants n’ont pas cessé d’augmenter d’un rythme spectaculaire surtout à l’université Cheikh Anta Diop, passant de près de 13 000 étudiants en 1980, ce qui était déjà le maximum de sa capacité d’accueil » , à plus de 60 000 en 2010 et aujourd’hui estimé à plus de 80 000. Selon Romainville (2004 :132) , les effectifs du supérieur auront ainsi été multipliés par 11 en 40 ans ; à l’échelle mondiale, les chiffres sont tous aussi éloquents : 13 millions d’étudiants en 1960, 82 millions en 1985 et 100 millions prévu en 2025 ; entrainant en cela des changements dans la pratique des enseignements et apprentissages en remodelant l’architecture de l’offre de formation.
Les gouvernements qui se sont succédé au Sénégal, de 1960 à nos jours, ont tous eu leur politique en matière d’éducation et de formation sans une suite logique, surtout pour le soussecteur de l’enseignement supérieur. Cependant, ils ont toujours été confrontés au problème de financement de la politique éducative de manière général et particulièrement du soussecteur de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Contexte et justification
Contexte
L’enseignement supérieur occupe une place centrale dans ce monde gouverné par les sociétés du savoir. Dans notre pays (le Sénégal), tous les gouvernements qui se sont succédé, ont accepté que l’enseignement supérieur, soit un pilier fondamental du développement socioéconomique. Jusqu’au début des années 80, l’université sénégalaise qui se réduisait à celle de Dakar, vivait sur son passé et son option prioritaire se résumait à former essentiellement de la main-d’œuvre pour la fonction publique. Au fil des ans, malgré l’évolution de l’environnement global et local, les Facultés et Ecoles de l’UCAD ont gardé, pour l’essentiel, les mêmes missions et, corrélativement, les mêmes filières de formation alors que la dynamique sociétale induisait de nouvelles problématiques. En quelques années, la question de la pertinence de nos établissements d’enseignement supérieur s’est posée avec notamment les constats et orientations dégagés par ; les Etats Généraux de l’Education et de la Formation (EGEF) de 1981, la Concertation Nationale sur l’Enseignement Supérieur (CNES) de 1992, le Programme d’Appui à l’Enseignement Supérieur (PAES), etc. Les évaluations des uns et des autres ont montré que les performances de l’université sont restées, globalement, modestes eu égard aux problèmes et besoins exprimés par la société Sénégalaise.
D’ailleurs depuis les années 1990, l’enseignement supérieur dans les pays de l’UEMOA dont le Sénégal fait partie, est caractérisé, comme dans un grand nombre de pays du monde, par une expansion rapide des effectifs. Partant souvent d’un nombre d’inscriptions encore relativement bas au début du millénaire, l’enseignement supérieur dans les pays d’Afrique francophone de l’Ouest a connu un développement considérable en seulement 10 ans. Selon les statistiques de l’UNESCO (cf. tableau 1), les effectifs du Sénégal ont été multipliés par 3, ceux du Bénin, du Togo et du Mali par 4, et ceux du Burkina par 6. Ce phénomène a eu lieu suite à l’adoption des politiques d’éducation pour tous vers la fin des années 1990, qui ont grandement élargi le pool de recrutement des bacheliers et donc contribué à accroître la pression de la demande sociale qui s’exerce actuellement sur l’enseignement supérieur dans les pays concernés.
La réforme qui secoue actuellement avec force l’enseignement supérieur sénégalais et surtout l’université Cheikh Anta Diop de Dakar est en partie une réponse à ce besoin. Elle tire ses origines des réflexions menées à la fin de la première décennie du XXIème siècle et qui ont débouché sur l’élaboration du « Document de stratégie pour l’Enseignement supérieur au Sénégal : 2011–2016 » adopté en janvier 2011. Ce document était construit autour de deux axes stratégiques à savoir : améliorer l’efficacité de l’enseignement supérieur et développer un cycle d’enseignement professionnel court. Dans le cadre du premier axe stratégique, la vision s’articulait autour de trois questions majeures suivantes,
1- la régulation des flux d’entrée dans le supérieur,
2- la limitation de la durée de séjour des étudiants dans le système,
3- la promotion de l’enseignement supérieur privé.
A la même époque, une importante réforme a été progressivement menée dans les universités sénégalaises suite au vote de la loi n° 2011-05 du 30 mars 2011, relative à l’organisation du système Licence, Master, Doctorat (LMD) qui permet de mettre le système d’enseignement supérieur sénégalais avec ses homologues, en Afrique et dans le monde . Enfin, l’année 2011 a également vu la signature du Projet de gouvernance et de financement de l’enseignement supérieur axé sur les résultats (PGF-Sup) entre le gouvernement du Sénégal et la banque mondiale en mai 2011. Le PGF-Sup comporte deux grandes composantes à savoir :
a) Une composante « renforcement du système de gouvernance dans l’enseignement supérieur » avec la création de la Direction générale de l’enseignement supérieur (DGES) et de l’Autorité nationale d’assurance qualité de l’enseignement supérieur (ANAQ-Sup), bras technique du ministère de l’Enseignement supérieur en matière de contrôle de la qualité, qui est chargée des habilitations et accréditations des programmes et des établissements d’enseignement supérieur, la mise en place d’un système de suivi et d’évaluation et la conduite d’études visant au développement de la connaissance du secteur ;
b) Une composante « amélioration de l’efficacité des institutions universitaires » avec signature de contrats de performances (CDP) entre l’Etat et les universités, la diversification et l’accroissement de l’offre de formation professionnalisant avec la construction de l’Institut supérieur d’enseignement professionnel (ISEP) de Thiès et l’amélioration de l’environnement d’apprentissage avec la construction de la 2ème université de Dakar, la réhabilitation de l’infrastructure pédagogique de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) et de nouvelles constructions sur les campus de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB), de l’Université de Thiès (UT), de l’Université Alioune Diop de Bambey (UADB) et de l’Université Assane Seck de Ziguinchor (UASZ) ainsi que le renforcement de l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) avec l’interconnexion des universités, le déploiement de réseaux Wifi sur les campus pédagogiques et sociaux et le développement des cours en ligne.
Afin d’apporter des réponses durables et efficaces aux problèmes structurels et aux défis auxquels fait face l’enseignement supérieur au Sénégal, l’année 2013 constitue sans doute, un tournant décisif. Durant cette année, nous avons en effet assisté à trois évènements majeurs à savoir d’une part, à l’organisation de la Concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur (CNAES), assises nationales inclusives ayant procédé à un diagnostic du système et mené à une importante réflexion sur l’avenir du système ; d’autre part à la mise en place par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR), sous la conduite du Professeur Mary Teuw Niane, du « plan de développement de l’enseignement supérieur et de la recherche » qui présente une planification des actions et un plan de financement et enfin de la tenue d’un Conseil présidentiel sur l’enseignement supérieur, premier Conseil présidentiel du genre depuis l’accession du Sénégal à l’indépendance, qui a défini une feuille de route pour les dix prochaines années. Ce regain d’intérêt pour l’enseignement supérieur s’inscrit dans la volonté politique du Président de la République, Macky Sall, de faire de l’enseignement supérieur et de la recherche le levier du développement économique et social du Sénégal.
Problématique et Cadre théorique Conceptuel
Problématique
L’enseignement supérieur en Afrique, dont l’histoire remonte, pour nombre de pays, à la période coloniale, a connu, tant du point de vue de ses objectifs que de son orientation stratégique, trois grands moments au cours de son évolution. Il s’agit de l’ère des Universités coloniales, celles instituées par le colon ; de celle des Universités de l’indépendance, celles qui devaient affirmer la souveraineté nationale au lendemain des indépendances à travers la nationalisation, voire l’autonomisation du champ académique ; et enfin celle des Universités du développement dont le contenu, défini par les dirigeants nationaux, est censé correspondre aux exigences du développement. Dans le contexte de la mondialisation, le développement passe nécessairement par l’innovation et la mise à niveau des différents secteurs d’activités. Pilier fondamental du développement à travers la constructions d’une société de savoir (ressources humaines de qualité) apte à répondre efficacement au problèmes posés par les populations, le sous-secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche a connu plusieurs problèmes ces dernières années. Marqué par la croissance rapide des effectifs, en 2012 déjà, L’université Cheikh Anta Diop de Dakar comptait 70 252 étudiants, soit 79% des étudiants régulièrement inscrits dans les 5 universités publiques du pays. Le nombre total d’étudiant dans les universités publiques du Sénégal à cette période était formellement de 88 944. Le nombre de nouveaux bacheliers qui devait croitre dans les années à venir est de 33 831 en 2012 et l’accueil de ce flux important dans les universités publiques constitue un problème aigu, malgré la contribution croissante du privé dans le renforcement de l’offre. En 2013, le sous-secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche avait un total de 5 universités publiques et comme toujours, les difficultés se ressentaient plus dans la région de Dakar qui abrite la première université du pays (Université Cheikh Anta Diop), composé de 6 facultés et 15 instituts et écoles.
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Table des matières
Introduction
Contexte et justification
1. Contexte
2. Justification
Problématique et Cadre théorique Conceptuel
problématique
cadre théorique Conceptuel
1. Discussion Conceptuelle
2. Question de recherche
3. Objectifs et Hypothèses de travail
Méthodologie
1. Revue Documentaire
2. Outils de recherche et d’exploitation de données
PREMIERE PARTIE : Diagnostic global du système de l’enseignement supérieur et de la recherche au Sénégal
I. Naissance et évolution du système d’enseignement supérieur au Sénégal
II. La réforme de 2013 est-elle donc à l’origine des crises ?
III. Les soixante-dix-huit (78) recommandations consensuelles de la concertation nationale et les grands axes de la réforme de 2013 du système de l’enseignement supérieur et de la recherche
A. Les soixante-dix-huit (78) recommandations de la concertation nationale
B. Les grands axes de la réforme de 2013 du système de l’enseignement supérieur et de la recherche
DEUXIEME PARTIE : La perception de la réforme du système de l’enseignement supérieur et de la recherche par les différentes composantes de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, les parents d’élèves et les personnes cibles
Chapitre 1 : La perception de la réforme par les étudiants selon les facultés et les Ecoles et Instituts de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar
A. Présentation des structures pédagogiques de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar :
Facultés, Instituts, Ecoles
Chapitre 2 : La perception de la réforme par les membres du personnel enseignants et de recherche (PER) selon les facultés, les départements, les Ecoles et les Instituts
Chapitre 3 : La perception de la réforme par les membres du personnel administratif et de service (PATS) à l’université Cheikh Anta DIOP de Dakar
Chapitre 4 : La perception de la réforme par les membres de l’association des parents d’élèves et les personnes cible
TROISIEME PARTIE :
1 : Les enjeux de la réforme du système de l’enseignement supérieur et de la recherche par les différentes composantes de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, les parents d’élèves et les personnes cibles
2 : Enjeux de la réforme du système de l’enseignement supérieur et de la recherche pour les étudiants de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar
3 : Enjeux de la réforme du système de l’enseignement supérieur et de la recherche de 2013 pour les membres du personnel enseignants et de recherche (PER)
3. Conclusion Générale
Conclusion
Bibliographie
Annexe