Diagnostic différentiel entre Trouble du Spectre Autistique et Dysphasie Sémantique-Pragmatique

Théorie de l’esprit

Définition Le terme de « théorie de l’esprit » apparaît pour la première fois à l’initiative de Premack et Woodruff, en 1978. Ces auteurs évoquent alors la connaissance que semblent posséder les chimpanzés à propos des états intentionnels des sujets animés (2). Depuis leurs travaux, les recherches au sujet de la théorie de l’esprit sont florissantes. S’il est apparu il y a une quarantaine d’années, le terme de « théorie de l’esprit » est « désormais entré dans la terminologie courante pour se référer à ce domaine du savoir psychologique qui capte la capacité à attribuer des états mentaux, intentions, désirs et connaissances, à soi-même et à autrui, de voir les siens comme possiblement différents de ceux des autres, et d’en tirer les conséquences qui vont retentir sur son propre comportement et sur l’interprétation du comportement d’autrui. » (3). Nous pouvons compléter cette définition de Veneziano avec les travaux de Shamay-Tsoory et al., selon lesquels une partie de la « théorie de l’esprit » implique aussi une réflexion sur ses émotions propres et sur celles d’autrui, et serait liée aux capacités d’empathie (4). Pour Premack et Woodruff, l’empathie serait d’ailleurs une théorie de l’esprit restreinte, limitée aux motivations d’autrui et ne s’intéressant pas à sa cognition. Nous faisons le choix d’utiliser l’acronyme TOM – pour « Theory Of Mind » soit « Théorie De l’Esprit » – pour référer à la théorie de l’esprit dans notre travail, afin d’en fluidifier la lecture. Les différentes études témoignent du caractère composite de la TOM, en montrant combien les résultats peuvent être variables selon les épreuves proposées, tant sur le plan inter-individuel que sur le plan intraindividuel. Une première distinction peut être faite entre TOM cognitive et TOM affective. La première, aussi appelée TOM froide, consiste en la méta-représentation (modèle de découplage de Leslie (5)), compétence cognitive permettant de distinguer la description des états mentaux de celle du monde réel. La seconde, dite TOM chaude, concerne la signification sociale et émotionnelle des intentions d’autrui pour l’observateur (6). Pour Westby, cette TOM affective a deux composantes : la composante affectivecognitive, ou empathie cognitive, qui concerne la capacité à reconnaître les sentiments des autres, et l’empathie affective qui fait référence à la capacité « d’expérimenter » les émotions d’autrui. Cette dernière est suscitée par la perception ou la déduction de l’état affectif d’autrui et ne doit pas être confondue avec l’imitation ou la contagion émotionnelle (7). Les TOM affective et cognitive présentent plusieurs stades de développement : la TOM de premier ordre est la première étape dans le processus de décentration d’un sujet par rapport à sa propre vision du monde, à sa propre perspective (8) ; à ce stade, l’individu est capable de penser ce qu’autrui est en train de penser ou de ressentir. Il s’agit d’un raisonnement du type « Je pense que X pense/ressent… ». Bien qu’étant seulement la première étape de développement de la TOM, elle n’en est pas moins coûteuse sur le plan cognitif puisqu’elle demande de se détacher de son propre point de vue pour envisager celui d’un autre, recrutant ainsi de nombreuses fonctions exécutives telles que l’inhibition, la flexibilité mentale (switching) ou encore la mise à jour d’informations dans la mémoire de travail (updating) (9). L’un des moyens de tester cette TOM de premier ordre a été introduit par Wimmer et Perner dans leur étude princeps sur les fausses croyances. Il s’agit de l’histoire de Maxi qui veut récupérer du chocolat qu’il a rangé à un endroit mais qui a été déplacé en son absence. On demande alors à l’enfant : « Où Maxi va-t-il chercher le chocolat ? », ce qui met en concurrence sa vision du monde et celle du protagoniste, testant ainsi sa théorie de l’esprit. Dans cette étude, les enfants de moins de quatre ans ne sont pas capables d’accéder à ce point de vue qui n’est pas le leur et répondent en fonction de leurs propres connaissances (10). La TOM de second ordre fait appel à des méta-représentations de plus haut niveau et correspond à des représentations plus « internes » de l’individu mais également à la faculté d’adopter simultanément une double perspective, par exemple « Mr X pense que Mme Y pense que… ». Ce niveau de développement de la théorie de l’esprit permet à l’individu de comprendre notamment les métaphores, l’ironie et de réaliser des inférences (11). Happé a été l’une des premières à tester cette compétence en proposant aux sujets des « histoires étranges » (« Strange Stories »), petites saynètes mettant en scène tour à tour des situations, d’ironie, de double bluff ou de mensonge. Le sujet est alors testé sur sa compréhension de l’histoire de manière à dresser un profil de développement de sa TOM de second ordre (12). L’acquisition de cette composante de la TOM, si elle peut commencer vers cinq ou six ans, s’établit sur une longue période au cours du développement de l’individu tout-venant (13).

Trouble du spectre autistique

   Suite à ses observations, Kanner a fourni les premières descriptions du tableau autistique (64). Sa synthèse réunit les cas de vingt enfants, dont, selon lui, le comportement diffère de tout ce qui a pu être décrit. Malgré des variations aussi bien dans le degré d’atteinte que dans la manifestation des traits caractéristiques et dans le développement, l’auteur dresse le profil global de ces enfants. Le dénominateur commun semble être leur incapacité à se lier à autrui, dès le début de leur vie, alors que leur relation aux objets est très développée. En parallèle, Kanner parle d’une « extrême solitude autistique », présente invariablement chez tous les enfants, et caractérisée par une relation à l’autre toute particulière : conscience d’autrui atypique, contact visuel absent, « détachement » et « inaccessibilité » … D’après Kanner, si le langage émerge, il n’a pas vocation à transmettre ni de l’information ni du sens. Les enfants ont un bon vocabulaire, toutefois leur compréhension reste très littérale, avec une inflexibilité – soit l’incapacité à attribuer à un terme un sens différent de celui connu en premier.  Lorsque les phrases se forment, les enfants expérimentent pendant très longtemps une phase de répétition, ce que nous pouvons appeler l’écholalie différée. Ils ne présentent pas de difficultés avec le pluriel et les temps, la construction syntaxique est correcte, néanmoins l’utilisation des pronoms est plaquée, inappropriée, calquée sur ce qui est entendu. Notons que les enfants n’utilisent pas le pronom « je » et réfèrent à euxmêmes en utilisant la deuxième ou la troisième personne du singulier. Ils acquièrent cette utilisation à l’âge de six ans, au lieu de trois pour les enfants tout-venants (65). De plus, l’intonation entendue est aussi reproduite à l’identique. Parallèlement, les enfants ne distinguent pas un ton amical d’un ton plus dur lorsqu’on s’adresse à eux (aspect pragmatique du langage). Si nous nous attachons aux fonctions communicatives, Kanner ne repère pas de différences entre les enfants verbaux et les enfants mutiques. Ces enfants présentent des comportements répétitifs, qui semblent les rassurer. En effet, Kanner parle d’un comportement guidé par le « désir anxieux obsessif du maintien de la similitude », le moindre changement conduisant l’enfant « au désespoir ». Certains enfants vont de plus présenter des intérêts très restreints. Cependant, tous ces enfants présentent de bonnes « potentialités cognitives », et ne peuvent être considérés comme « faibles d’esprit », les faibles résultats aux épreuves de QI pouvant s’expliquer par un trouble affectif. Les troubles et difficultés ne sont pas non plus en lien avec un trouble auditif (64)

Spécificité et universalité des troubles de la TOM chez les enfants TSA

   L’un des premiers à s’être intéressé à un éventuel trouble de la TOM dans la population autiste est Simon Baron-Cohen. Dans une de ses premières études, menée de front avec Alain Leslie et Utah Frith, il émet l’hypothèse que non seulement les enfants autistes ne maîtrisent pas la théorie de l’esprit et ce malgré un niveau cognitif normal, mais que cette défaillance leur est propre, en faisant un déficit spécifique (1). Pour cela, il s’appuie sur le test de Sally et Anne (10) qu’il fait passer à un groupe d’enfants autistes, un groupe d’enfants porteurs de trisomie 21 (syndrome de Down) et un groupe d’enfants témoins. Si l’on pouvait s’attendre à ce que les enfants témoins réussissent le test, le fait que les enfants T21, qui présentent un niveau cognitif subnormal (QI < 80), le passent aussi avec succès est riche d’enseignements. En effet, il est révélateur d’une part du fait que l’échec rencontré par les TSA n’est pas entièrement imputable à leur limitation cognitive, d’autre part que ce trouble de la TOM serait spécifique aux TSA. Ceci sera plus tard remis en cause, notamment par Ozonoff et al., qui, forts des résultats de leur étude qui révèlent des difficultés en TOM chez les individus tout-venants, concluent à la potentielle nonspécificité des déficits de la TOM chez le TSA (89). Leslie et Frith proposent d’affiner les découvertes de Baron-Cohen en comparant les performances d’enfants TSA en méta-représentation – et donc en TOM – à celles d’enfants TSLO d’âge verbal équivalent. Non seulement le résultat est sans appel, puisque les deux tiers des TSA échouent là où tous les TSLO réussissent, mais l’on ne retrouve pas chez les TSA « l’enthousiasme complice détecté chez les TSLO à piéger l’expérimentateur… » Ces différences de performances et de comportement à niveau de langage équivalent tendent à prouver que ce dernier ne peut être tenu pour responsable des déficits de compréhension des états mentaux chez les TSA (86). En ce qui concerne la TOM de premier ordre des enfants autistes, Perner et al. apportent de précieuses informations. Dans l’une de leurs études, ils décèlent que les difficultés d’attribution de fausses croyances ainsi que les troubles de communication sont indépendants du développement intellectuel de l’enfant, n’étant le résultat ni d’un trouble mnésique, ni d’un retard mental global. Ces difficultés de compréhension des fausses croyances, bien présentes dans cette population, peuvent quantitativement être illustrées comme suit : un enfant autiste ayant un âge mental de treize ans peine à réaliser ce que maîtrise un enfant-tout venant de trois ans (âge mental). Ainsi, les auteurs résument leur recherche en concluant que les enfants autistes sont retardés dans leur acquisition de la TOM (36). Mais pour Hoogenhout et Malcolm-Smith, les déficits de TOM chez les enfants autistes à bas niveau de fonctionnement sont le fruit à la fois d’un retard et d’une déviance (55). En effet, si l’installation de la TOM est retardée, on observe un effet plafond et un plateau à un âge plus avancé, voire des régressions par rapport à des enfants du même âge chronologique (90), à l’instar des enfants souffrant de déficience intellectuelle ne présentant pas de TSA.

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Table des matières

Introduction
I. Bases théoriques
1. Théorie de l’esprit
1.1. Définition
1.2. Développement typique
1.3. Liens avec le langage
1.4. Evaluation
2. Terminologie et classifications
2.1. Evolution
2.2. Limites
2.3. Trouble du spectre autistique
2.4. Dysphasie sémantique-pragmatique
II. Problématique
III. Hypothèses
IV. Méthodologie
V. L’évaluation des compétences en théorie de l’esprit permet de préciser le diagnostic différentiel entre TSA et DSP
1. Spécificité et universalité des troubles de la TOM chez les enfants TSA
2. Caractéristiques des troubles de la TOM chez les enfants TSA
3. Caractéristiques des troubles de la TOM chez les enfants TSLO
4. Comparaison des performances en TOM des enfants TSA et des enfants TSLO
VI. Une rééducation ciblée de la théorie de l’esprit permet d’améliorer les compétences communicationnelles et interactionnelles
1. Pourquoi rééduquer la TOM ?
2. Quelle(s) modalité(s) de rééducation adopter ?
3. Quels axes privilégier ?
4. Quels supports utiliser ?
5. Accompagnement parental
Proposition d’un protocole de rééducation de la théorie de l’esprit
En séance
A la maison (accompagnement parental)
Conclusion
Bibliographie
Annexe

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