Anatomopathologie
La luxation récidivante des ATM est l’apanage de la femme ; avec un sexe ratio de 3/1 pouvant atteindre 9/1 dans certaines études [32]. Cette pathologie est relativement rare, par rapport aux troubles des ATM qui intéressent 20-40% de la population selon les études d’Heffez [32]. On retrouve également dans son étude que seulement 2% de ses patients arrivent au traitement chirurgical. Sur le plan anatomopathologique on distingue 02 types de luxations de l’ATM : A] luxation condylo-méniscale ou luxation méniscale La luxation méniscale est la principale forme articulaire [38]. Ainsi la luxation antérieure, avec l’interposition du ligament et la partie postérieure du disque entre le condyle et l’éminence temporale, provoque des douleurs. Le repositionnement du disque articulaire lors de l’ouverture de la bouche dans les luxations réductibles provoque un craquement caractéristique. Ce craquement disparait après une longue évolution ce qui signifie que le disque a quitté l’environnement articulaire. Si l’ouverture buccale est inférieure à 25 mm (blocage en fermeture) on parle de luxation non réductible. Cependant il y a lieu de constater que le disque n’est jamais vraiment responsable de la pathologie articulaire.
Dans certains cas le ménisque est coupé en deux, sa partie postérieure déchirée empêche le condyle de reprendre sa position en arrière [44]. Le disque est donc l’expression, la matérialisation, le témoin, mais il ne peut en être l’étiologie [38]. Par conséquent, ce type de luxation peut être réductible, ou irréductible lorsque le ménisque reste bloqué en avant. Ceci rejoint la conception de Jean Delaire « le disque est une structure qui évolue, et son examen, à un moment donné, est le reflet du fonctionnement passé et actuel des articulations temporo-mandibulaires » [38]. On a constaté que le disque comprimé contre l’éminence temporale peut développer des synéchies, qui vont le rendre adhérent au condyle temporal. Dans ce cas le claquement se produira toujours au même degré d’ouverture et de fermeture. Le terme de « cliking »est encore utilisé pour indiquer le moment de la réduction discale. Quand le disque adhère à la cavité glénoïde suite à des phénomènes inflammatoires et n’arrive plus à se déplacer, on parle de disque en condition de « Stuck ».
Par contre si le disque est fixé en antérieur après son déplacement antérieur, on parle de « locking »ce qui définit l’incapacité de recapture du disque par le condyle (fig-21-). Ceci explique l’ouverture en baïonnette. [13,38] Ainsi une nouvelle nomenclature des luxations discales réductibles, tenant compte de la présence ou non d’un disque collé est née :
– Luxation discale réductible à disque mobile
– Luxation discale réductible à disque collé.
Luxation Condylo-temporale
Il s’agit de la luxation du condyle mandibulaire qui quitte la cavité glénoïde et n’arrive plus à réintégrer sa place. On distingue 03 types de luxations :
Luxations dynamiques
La LA Bloquée : souvent bilatérale ; dans ce cas le condyle passe en dessous et en avant de l’éminence temporale déchirant la capsule et la synoviale alors que le ménisque reste souvent a sa place maintenue par son frein postérieure. L’ensemble de ces conditions empêchent la rétro pulsion du condyle.
Les récidives fréquentes de ces LA Bloquées pouvant aboutir à la luxation «follement récidivante » de Lenormand.
La LA non bloquée (physiologiquement réductible) : En liaison avec des particularités anatomiques individuelles, diminution de la saillie osseuse, anomalie méniscale et hypoplasie ligamentaire on retrouve la luxation habituelle de Bercher Friez où il n’y a pas de blocage de l’articulation contrairement à la luxation continuelle de Sébileau.
(2) Luxation Postérieure (LP), ayant comme mécanisme un choc direct sur le menton et s’accompagne d’une fracture du conduit auditif externe. L’ouverture buccale est impossible.
(3) Luxation Latérale (LL), interne ou externe, il s’agit d’une fracture luxation.
Luxation Supérieure (LS), qui représente une véritable urgence neurochirurgicale, car dans ce cas le condyle mandibulaire s’enfonce dans la fosse cérébrale moyenne.
Luxations Statiques
Ce ne sont pas de véritables luxations. Il s’agit d’une dislocation articulaire en position de repos V) Diagnostic des luxations récidivantes de l’articulation temporo-mandibulaire
Clinique
L’évaluation clinique des patients présentant des LRATM est identique à la conduite diagnostique devant une autre pathologie articulaire.Pour suivre la pensée de Sir William Hossler : « le diagnostic positif doit précéder le traitement , ce qui impose, dans un premier temps d’avoir trouvé l’étiologie , et l’on ne peut diagnostiquer que ce que l’on connait »[38]. Lorsque le nombre de récidives est supérieur à 02 sur une période de 06mois on parle de LRATM [6]. L’entretien (interrogatoire) ainsi qu’un examen clinique ou physique centré sur le système masticateur suivi d’examens complémentaires radiologique et morphologique surtout focalisés sur l’ATM permettent de poser le diagnostic. L’interrogatoire représente une partie importante de l’évaluation clinique car il fournit la clé du diagnostic positif. Il débute par les données épidémiologiques (âge, antécédents médicaux chirurgicaux,…etc.). La luxation condylienne survient généralement suite à un bâillement, des vomissements ou lors de cris. Parfois, chez le dentiste, lors de l’ouverture buccale.
Le patient se présente dans le cadre de l’urgence, bouche ouverte et dans l’impossibilité de la fermer. Il existe une déformation du visage qui intéresse le 1/3 moyen de la face qui est allongée. On note une dépression pré-auriculaire, un faux prognathisme ainsi que des troubles fonctionnels à type de difficulté d’élocution et un écoulement salivaire [56,28]. Par ailleurs il rapporte des claquements, une gène et des troubles occlusaux. En consultation normale le patient se plaint généralement de douleurs localisées surtout au niveau d’une articulation. Cette douleur unilatérale est en relation avec une surcharge de la région rétro-discale fortement innervée et/ou une inflammation de la capsule articulaire (capsulite). Des spasmes musculaires touchant essentiellement le muscle ptérygoïdien latéral peuvent également engendrer cette douleur (signe de Hilton). Ces douleurs sont d’intensité variable allant d’une simple gène à la douleur franchement invalidante [19]. C’est le syndrome d’ADAM (Algies et Dysfonctionnements de l’Appareil Manducateur)[43]. L’évaluation de cette douleur peut se faire grâce à l’échelle visuelle analogique ou EVA qui est une réglette qui permet au patient d’auto-évaluer sa douleur ressentie au moyen d’un curseur. Le claquement « bruit articulaire » est le maître signe de l’atteinte articulaire, il peut se présenter essentiellement sous forme de crépitements.
Le craquement (ou claquement) correspond au franchissement du disque dans les luxations méniscales antérieures réductibles et peut être observé lors de l’ouverture et/ou fermeture buccale ainsi que lors des mouvements de latéralité et de propulsion. Sachant qu’un claquement isolé et occasionnel est très fréquent dans la population normale sans que ceci nécessite forcément une prise en charge thérapeutique.
Si le traitement a permis la disparition du claquement articulaire, il faudra cependant, vérifier si le disque est à nouveau en bonne coaptation avec son condyle, ou s’il est définitivement luxé [38,28]. Dans ce dernier cas le condyle aura plus tendance à se luxer. L’examen physique se résume à évaluer le système masticateur. L’examen de l’ATM à la recherche d’une dysfonction lors des mouvements d’ouverture et de fermeture. Une ouverture buccale normale est estimée a 45mm soit 02 travers de doigts et 10mm en antérieure et latéralement. L’inspection recherche une asymétrie faciale ou une hypertrophie musculaire. La palpation apprécie la fonction des muscles à la recherche de trémulation, spasmes ou contractures voire même un point douloureux. La cavité glénoïde est habitée par son condyle ou non. L’auscultation à l’aide d’un stéthoscope recherche un bruit de claquement ou craquement. L’examen endo-buccal permet de savoir si il y a un chemin d’ouverture en zigzag ou au contraire en 02 temps et appréciera l’articulé dentaire. On évalue la classe occlusale du patient selon la classification d’Angle (tableau 3).
Biologie
La biologie trouve rarement son indication. Un bilan inflammatoire (VS, CRP,…) peut être utile dans le cas où on recherche une pathologie ayant occasionnée ces luxations telle une maladie inflammatoire ou infectieuse aiguë ou chronique [28]. 3-Imagerie conventionnelle L’exploration radiologique de l’articulation temporo-mandibulaire reste difficile du fait de sa complexité anatomique qui comprend des tissus durs (os) et des tissus mous (disque, ligaments, muscles, membrane synoviale, etc.). Ces éléments ont des densités différentes et par conséquence difficiles à visualiser avec une seule technique d’imagerie. En première intention une radiographie panoramique (orthopantomogramme) est suffisante. Elle permet de bien visualiser les surfaces articulaires « tissus dur Os » et permet d’exclure une atteinte dentaire pouvant mimer une atteinte de l’ATM ou une éventuelle fracture. Par contre, elle ne nous donnera aucun renseignement quant au disque articulaire, étant donné que celui-ci est cartilagineux « tissus mou ». Les incidences de Schüller sont utiles également pour une appréciation osseuse et confirme la position du condyle mandibulaire en avant de l’éminence temporale dans les luxations condyliennes. L’incidence de Hirtz offre une vue globale de la base du crane et permet d’apprécier la configuration d’ensemble de la mandibule. Certaines incidences comme l’incidence de Weinberg permettent d’objectiver un désordre articulaire par des signes indirects à savoir une asymétrie de positionnement des condyles dans la cavité glénoïde [18]. Un contact os sur os « bone on bone » suggère une perforation discale [13].
Cette radiographie conventionnelle est la technique de choix pour l’évaluation de la pathologie arthrosique en mettant en évidence des remaniements qui s’étendent au niveau sous-chondral créant un aplatissement de la tête condylienne et l’apparition de becs d’ostéophytes [13]. 4-L’arthrographie Décrite en 1947 par Norgaard, elle utilise plusieurs techniques : Arhtrographie union bicompartimentale, simple ou double contraste. Elle permet d’évaluer, outre l’anatomie osseuse, la position du disque, sa taille et sa forme, la présence d’une perforation, la réduction éventuelle du disque en position normale et l’amplitude du mouvement condylien. Elle reste cependant un examen invasif avec injection de produit de contraste (allergisant) [16,19]. Ce sont les études de Ferrar et McCarty dans les années 70, qui ont permis d’objectiver radiologiquement pour la première fois le positionnement au repos et lors de l’ouverture buccale du disque articulaire, ainsi que sa possible luxation chez certains sujets d’où est née la théorie dite du « dérangement interne ».
L’axiographie
L’axiographe est un instrument de mesure permettant l’enregistrement graphique des mouvements du condyle mandibulaire. Elle permet de suivre l’excursion mandibulaire dans les différents plans de l’espace. La cinématique condylo-discale est alors visualisée dans les mouvements d’ouverture, fermeture et de propulsion essentiellement. L’axiographie est utile pour la caractérisation des troubles de la mécanique articulaire. L’examen par axiographie est un document médico-légal qui prouve juridiquement l’existence d’une pathologie. Son coût est relativement conséquent et sa maîtrise longue Undt a utilisé cette technique dans le traitement de ses patients, qui a donnée d’ailleurs des résultats satisfaisants.
La Tomodensitométrie (TDM)
Elle est d’utilité limitée selon certaines écoles [28], mais les techniques d’imagerie moderne ainsi que certains appareils avec de très grandes performances «TDM spiralée avec de multiples détecteurs» offrent cependant de nouvelles possibilités [19] .L’information numérique obtenue lors de la prise de l’image peut ensuite être manipulée à l’aide de logiciels spéciaux « M3D » permettant d’identifier et d’isoler certaines structures particulières pour mieux les visualiser [19].
La TDM peut mettre en évidence des signes arthrosiques très précoces de même que la position du disque qui peut être évalué avec une grande fiabilité [16]. 7-Le Cone Beam C’est une nouvelle acquisition en matière de radio-diagnostic. C’est un appareil de tomographie volumique numérisé par faisceaux coniques ouvert permettant de balayer l’ensemble de la masse à radiographier en un seul passage, à l’inverse de la TDM qui effectue des coupes linéaires par de multiples rotations. C’est un appareil moins irradiant que la TDM classique ; en effet il réalise des clichés des tissus minéralisés (Os, Cartilage) dans touts les plans de l’espace.
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Table des matières
PARTIE THEORIQUE
I- Introduction
II- Historique
III- Etude Anatomique
1. Embryologie
2. Phylogénèse de l’articulation temporo-mandibulaire
3. Anatomie topographique
4. Anatomie descriptive
5. Anatomie Fonctionnelle
6. Anatomie chirurgicale
7. Physiologie et biomécanique
IV- Anatomopathologie
V- Diagnostic des luxations récidivantes de l’articulation temporo-mandibulaire
1- Clinique
2- Biologie
3- Imagerie conventionnelle
4- Arthrographie
5- Axiographie
6- Tomodensitometrie(TDM)
7- Cone Beam
8- Imagerie par résonance magnétique (IRM)
9- Endoscopie
10- Modélisation tri-dimensionnelle M3D
VI- Diagnostic étiologique
VII- Diagnostic Differentiel
VIII- Formes cliniques
IX- Traitement
A- Buts
B- Moyens
1/ Traitement médical
1-1 Les médicaments
1-2 La physiothérapie
1-3 La gouttière de libération occlusale
2/ Traitement chirurgical
2-1 Les voies d’abord
2-2 Les techniques chirurgicales : Evolution des idées
C- Indications
D- Evolution et Complications
PARTIE PRATIQUE Problématique et Objectifs
I. Problématique
II. Objectifs
Matériels et Méthode
I. Matériel d’étude
1/ Critères d’inclusion
2 / Critères d’exclusion
3 / Recrutement des patients
4 / Gestion des données
II. Méthodologie
1/ Diagnostique
2/ L’information du patient
3/ La planification de l’intervention
4/ Bilan pré-opératoire
5/ Protocole d’anesthésie réanimation
6/ Le traitement chirurgical des LRATM
6-1 Tracé de l’incision
6-2 Infiltration
6-3 Incision
6-4 L’arthrotomie
6-5 La technique chirurgiacle
7/ Surveillance et soins post-opératoires
8/ Complications
Résultats et Commentaires
I-Données épidémiologiques
1-1 Répartition selon le sexe
1-2 Répartition selon l’âge
1-3 Répartition selon l’activité
1-4 Répartition selon l’état matrimonial
II-Période pré-opératoire
2-1 Répartition selon les antécédents médicaux-chirurgicaux
2-2 Répartition selon le début de la symptomatologie
2-3 Répartition selon le nombre de récidives
2-4 Répartition selon la méthode de réduction des épisodes de Luxations
2-5 Répartition selon la réponse au traitement médical
2-6 Répartition selon l’aspect général de la cavité buccale
2-7 Répartition selon la classification d’Angle
2-8 Répartition selon la symptomatologie
2-9 Répartition selon le degré d’ouverture buccale
2-10 Répartition selon les examens complémentaires radiologiques
III- Période per-opératoire
3-1 Répartition selon la voie d’abord chirurgicale utilisée
3-2 Répartition selon l’ATM opérée
3-3 Répartition selon l’acte chirurgical
3-4 Répartition selon le temps opératoire
3-5 Répartition selon la technique chirurgicale choisie
3-6 Répartition selon la durée d’hospitalisation
VI- Période post-opératoire
4-1Répartition selon la douleur post-opératoire
4-2 Répartition selon le drainage
4-3 Répartition selon l’état de la cicatrice
4-4 Répartition selon les séquelles de paralysie faciale
4-5 Répartition selon les complications infectieuses
4-6 Répartition selon le Follow up
Discussion
I- Discussion épidémiologique
1-1 Incidence et niveau socioéconomique
1-2 Discussion selon le sexe des patients
1-3 Discussion Selon l’âge des patients
II- Discussion diagnostique
2-1 Discussion selon les antécédents médico-chirurgicaux
2-2 Discussion selon le début de la Symptomatologie
2-3 Discussion selon les symptomes retrouvés
2-4 Discussion selon le nombre de récidives par jour et la méthode de réduction
2-5 Discussion selon l’aspect de la cavité buccale et la classification d’Angle
2-5-1 L’ouverture buccale
2-5-2 L’état général de la cavité buccale
2-5-3 L’état dentaire
2-6 Discussion selon les résultats des examens complémentaires et le diagnostic étiologique
2-6-1 L’Orthopantomogramme
2-6-2 L’imagerie TDM/IRM
2-6-3 La Modélisation 3D(M3D)
III- Période post-opératoire
3-1 Discussion selon la voie d’abord chirurgicale
3-2 Discussion selon le nombre d’ATM abordées
3-3 Discussion selon la durée d’intervention
3-4 Discussion selon la technique chirurgicale
3-5 Discussion selon la durée d’hospitalisation
3-6 Discussion selon les complications
3-7 Discussion selon le Follow up
CONCLUSION
ANNEXE 1
BIBLIOGRAPHIE
CAS CLINIQUES
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