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DIAGNOSTIC DE LA NAEVOMATOSE BASO-CELLULAIRE
La NBC revรชt une multitude de tableaux cliniques diffรฉrents. Certains signes cliniques et radiologiques spรฉcifiques apparaissant parfois trรจs tรดt dans la vie des patients doivent รชtre surveillรฉs par lโรฉquipe mรฉdicale. Le recours aux examens complรฉmentaires doit permettre lโรฉtablissement dโun diagnostic de certitude le plus prรฉcoce possible afin dโamรฉliorer la prise en charge des malades.
Dโun point de vue odontologique, lโapparition, parfois prรฉcoce, en denture mixte, de lรฉsions kรฉratokystiques au potentiel agressif concernant le maxillaire et la mandibule doit nรฉcessairement faire รฉvoquer au praticien lโexistence de cette pathologie. Ce dernier รฉtant amenรฉ ร rรฉfรฉrer le patient dans un centre compรฉtent pour dรฉterminer lโassociation syndromique ou non de ces lรฉsions.
Sur le plan gรฉnรฉral, lorsque des signes cliniques ou paracliniques en lien avec la NBC sont suspectรฉs, des recommandations ont รฉtรฉ donnรฉes (10) :
– Consultation en mรฉdecine gรฉnรฉtique .
– รvaluation neurologique tous les 6 mois depuis la naissance jusquโร lโรขge de 3 ans puis tous les ans jusqu’ร lโรขge de 7 ans ร la recherche de signes de mรฉdulloblastome ou autres troubles du systรจme nerveux central .
– Mesures frรฉquentes de la forme et du pรฉrimรจtre crรขnien durant lโenfance .
– Examen dentaire clinique et radiographique incluant une radiographie panoramique annuel dรจs lโรขge de 8 ans .
– Consultation annuelle dermatologique de contrรดle et suivi des carcinomes basocellulaires. Lโexposition au soleil est ร proscrire pour les jeunes patients atteints du syndrome ou en cours de diagnostic.
CARACTรRISTIQUES รPIDรMIOLOGIQUES DE LA NBC
Lโincidence de la NBC varie de 1/57000 ร 1/256000 (10). La prรฉvalence de cette maladie passe de 1/57000 ร 1/164000. Parmi les patients prรฉsentant un carcinome basocellulaire, 1/200 est atteint par la naevomatose basocellulaire.
La transmission autosomique dominante de ce syndrome justifie le fait que lโatteinte soit sensiblement รฉgale entre les deux sexes faisant รฉtat dโun ratio homme-femme de 1/1,3 (11).
Lโรขge de survenue de la maladie est difficilement prรฉdictible, de nombreux symptรดmes restant latents trรจs longtemps.
Les carcinomes basocellulaires (variant de papules ayant la couleur de la peau ร des plaques ulcรฉrรฉes dโun diamรจtre allant de 1 ร 10 mm) sont habituellement localisรฉs au niveau du visage, du dos et du thorax. Le nombre de carcinomes basocellulaires varie de quelques-uns ร plusieurs milliers. Dans le cadre de la NBC, les carcinomes apparaissent plus tard que les KO et se dรฉclarent entre la pubertรฉ et lโรขge de 35 ans (12). Kimonis et al. rapportent que 50% des caucasiens dรฉveloppent leur premier carcinome ร 21.5 ans et 90% ร 35 ans contre 20% et 40% aux mรชmes รขges chez les mรฉlanodermes. Les auteurs expliquent cette diffรฉrence par la rรฉflectivitรฉ partielle aux UV liรฉe ร la pigmentation de la peau (9).
Selon Ruhin et al., 4 ร 5% des KO sont associรฉs ร la NBC (13). Le KO en est souvent la premiรจre manifestation et des enfants dรฉveloppent un ou plusieurs KO dรจs lโรขge de 7 ans. Chez 13% des patients atteints, des KO se dรฉveloppent avant 10 ans, et chez 51% des malades, des KO sont diagnostiquรฉs avant 20 ans (9)(14). Lโรขge moyen au moment du diagnostic des KO associรฉs ร la NBC est de 13 ans (15).
La calcification de la faux du cerveau pour les patients atteints de la NBC, prรฉsente une incidence comprise entre 70 et 85% selon Carlson et al. (16). Dโautre part, des calcifications ectopiques du systรจme nerveux central sont รฉgalement rapportรฉes avec une incidence non nรฉgligeable telles que des calcifications de la tente du cervelet dans 20 ร 40% des cas et des calcifications du ligament pรฉtro-clinoรฏdien chez 20% des patients touchรฉs par le syndrome (16).
Dโautres atteintes concernant le systรจme nerveux central sont rapportรฉes comme la prรฉsence de kystes du plexus choroรฏde du troisiรจme ventricule du cerveau, des kystes intra parenchymateux, des kystes mรฉningรฉs, des mรฉningiomes et des mรฉdulloblastomes. Le mรฉdulloblastome est peu frรฉquemment dรฉcrit dans le cadre de la NBC, et seuls 2 patients sur 173 ont prรฉsentรฉ une telle tumeur selon Evans et al. (17). Dโaprรจs une autre รฉtude dโEvans et al., la survenue dโun medulloblastome pour les patients atteints de NBC est trรจs prรฉcoce avec un รขge moyen de 2,1 ans au moment du diagnostic. Cette prรฉcocitรฉ dโapparition est un รฉlรฉment caractรฉristique de la NBC puisque au sein de la population gรฉnรฉrale, le pic de survenue de cette tumeur rare est compris entre lโรขge de 7 et 8 ans (14).
Les pits palmo-plantaires ou hyperkรฉratoses palmo-plantaires sont observรฉs pour 30 ร 65% des patients dรจs lโรขge de 10 ans. Ce pourcentage passe ร 80% dรจs lโรขge de 15 ans puis augmente jusqu’ร 85% pour les patients dรจs 20 ans. Les pits sont plus souvent retrouvรฉs au niveau des paumes des mains (77%) quโau niveau de la voรปte plantaire (50%). Leurs nombres croissent donc avec lโรขge et leurs diagnostics prรฉcoces sont un indicateur puissant permettant d’รฉvoquer la NBC (16).
Les malformations squelettiques congรฉnitales constituent, pour Carlson et al. et Lo Muzio et al., un critรจre diagnostique majeur (16)(10). La plus commune dโentre elles est la malformation costale : les cรดtes et les vertรจbres prรฉsentant alors une taille supรฉrieure ร la moyenne et une forme modifiรฉe. Des cรดtes bifides ainsi que des fusions de celles-ci sont frรฉquentes dans la NBC et concernent 30 ร 60% des patients atteints. La frรฉquence des cรดtes bifides au sein de la population gรฉnรฉrale รฉtant trรจs faible (0,3%), cette manifestation clinique constitue un point dโappel fort dans le diagnostic de la NBC (9). Par ailleurs, du fait dโune croissance cranio-faciale altรฉrรฉe, les patients prรฉsentent dans 25% des cas une bosse frontale caractรฉristique, un hypertรฉlorisme dans 70% des cas et une macrocรฉphalie. En outre, une surรฉlรฉvation congรฉnitale de la scapula (dรฉformation de Sprengel) est retrouvรฉe dans 11% des cas.
CARACTรRISTIQUES GรNรTIQUES
La NBC est causรฉe par la mutation du gรจne PTCH localisรฉ en 9q22.3-q31, qui est un gรจne suppresseur de tumeur. Cette maladie possรจde une forte pรฉnรฉtrance qui est la frรฉquence avec laquelle un gรจne manifeste ses effets. Elle est estimรฉe ร 97%, cela signifiant que 97% des individus porteurs de ce gรจne sont atteints au moins dโune des manifestations de la maladie (19). Cependant, des cas sporadiques ont รฉtรฉ rapportรฉs dans 60% desquels aucun autre membre de la famille nโest atteint et 35 ร 50% de ces cas reprรฉsentent des nรฉo-mutations ou mutations ยซ de novo ยป (10). Cโest pourquoi, lโabsence dโantรฉcรฉdents familiaux ne permet pas dโexclure lโatteinte par la maladie. La NBC possรจde รฉgalement une expressivitรฉ variable ; lโexpressivitรฉ รฉtant la traduction phรฉnotypique dโun gรฉnotype ร risque. La maladie se manifeste donc par de trรจs nombreux symptรดmes, variables dโun patient ร un autre. Il existe plus de quarante critรจres de diagnostic. Pour autant, chaque patient atteint de cette maladie ne prรฉsente pas lโensemble des critรจres (9). Dโoรน la nรฉcessitรฉ dโidentification de critรจres majeurs et mineurs et la connaissance de leur frรฉquence permettant dโaider le praticien dans lโรฉtablissement du diagnostic.
En 1992, Gailani et al., Farndon et al., ainsi que Reis et al., ont dรฉcrit le ยซ mapping ยป de la mutation gรฉnรฉtique incriminรฉe dans la naevomatose basocellulaire grรขce ร des รฉtudes familiales de liaisons gรฉnรฉtiques en le localisant sur le bras court du chromosome 9 et plus prรฉcisรฉment en 9q22.3-q31 (20).
En 1996, Johnson et al., isolรจrent ce gรจne : il sโagit du PTCH, homologue humain du gรจne drosophilia patched (21).
Ce gรจne joue un rรดle important pour le dรฉveloppement embryonnaire et le contrรดle de la prolifรฉration cellulaire. Il est mutรฉ chez les patients porteurs de la NBC mais รฉgalement dans les cas sporadiques de carcinomes basocellulaires (19).
L’รฉtude de tumeurs dans la NBC avec des marqueurs polymorphes localisรฉs en 9q a montrรฉ une perte d’hรฉtรฉrozygotie pour cette rรฉgion, suggรฉrant que le gรจne de la NBC (PTCH) est un gรจne suppresseur de tumeur (19).
LES KรRATOKYSTES ODONTOGรNES
GรNรRALITรS
Dโabord dรฉcrit en 1876, le terme de ยซ kรฉratokyste odontogรฉnique ยป a รฉtรฉ utilisรฉ pour la premiรจre fois par Philipsen et al., en 1956, pour dรฉcrire un kyste odontogรฉnique dont lโรฉpithรฉlium endocavitaire prรฉsentait une surface parakรฉratinisรฉe (22).
En 1992, lโOMS dรฉcrit le ยซ kรฉratokyste odontogรฉnique orthokรฉratinisรฉ ยป comme une forme particuliรจre du kรฉratokyste odontogรฉnique (23).
Dans la rรฉvision de la classification des tumeurs de lโOMS de 2005, la variante parakรฉratinisรฉe est classรฉe non plus dans les kystes, mais dans les tumeurs odontogรจnes. Elle est appelรฉe ยซ tumeur odontogรจne kรฉratokystique ยป dรฉfinie comme ยซ une tumeur bรฉnigne uni ou multiloculaire, intra-osseuse, dโorigine odontogรจne, dont la cavitรฉ est bordรฉe par un รฉpithรฉlium pavimenteux stratifiรฉ parakรฉratinisรฉ et qui prรฉsente un potentiel agressif et infiltrant ยป (24). En 2017, la 4รจme รฉdition de la classification des tumeurs cervico-faciales de lโOMS supprime le terme ยซ tumeur ยป et revient ร une classification simplifiรฉe en utilisant le terme de ยซ kรฉratokystes odontogรจnes ยป pour remplacer les ยซ tumeurs odontogรจnes kรฉratokystiques ยป (25). Lโentitรฉ ยซ kรฉratokyste odontogรฉnique orthokรฉratinisรฉ ยป est toutefois maintenue et dรฉcrit une variante histologique de kรฉratokystes. Dโaprรจs la littรฉrature, ce dernier nโest pas retrouvรฉ en association avec la NBC, il est moins agressif et le risque de rรฉcidive est trรจs faible. Radiologiquement, le KO orthokรฉratinisรฉ prรฉsente de grandes similitudes avec le kyste dentigรจre et il est habituellement plus circonscrit que le KO. Il est gรฉnรฉralement retrouvรฉ au niveau des secteurs postรฉrieurs angulo-mandibulaire (26).
CARACTรRISTIQUES รPIDรMIOLOGIQUES
Les KO reprรฉsenteraient 91% des lรฉsions kรฉratokystiques (27)(28). Pour Jing et al. (28), il sโagit de la seconde ยซ tumeur ยป odontogรจne la plus frรฉquente aprรจs lโamรฉloblastome (35,8% versus 40,3%). Dans la sรฉrie de Ruhin et al. (13) , le KO est la lรฉsion odontogรจne la plus frรฉquente (43%) devant lโamรฉloblastome (36,7%). Le KO est plus frรฉquent chez lโhomme (sexe ratio 2:1) et la mandibule est deux fois plus touchรฉe que le maxillaire. La rรฉgion molaire, angulaire et la branche montante sont les sites de prรฉdilection. Il peut apparaรฎtre tout au long de la vie, mais il existe un pic de frรฉquence dโapparition entre la deuxiรจme et la troisiรจme dรฉcade. Le KO peut toucher lโenfant avant 20 ans lorsquโil est associรฉ ร la NBC (28)(24). Pour rappel, selon Ruhin et al. (13), 4 ร 5% des KO sont associรฉs ร ce syndrome et ces lรฉsions constituent souvent la premiรจre manifestation puisque 13% des enfants atteints dรฉveloppent un ou plusieurs KO avant 10 ans et 51% avant 20 ans (14). Lโรขge moyen au moment du diagnostic des KO dans la NBC est de 13 ans (15). Les KO multiples non syndromiques sont beaucoup plus rares et concernent le patient trentenaire (29).
CARACTรRISTIQUES CLINIQUES
Le KO รฉvolue de maniรจre souvent asymptomatique et sa dรฉcouverte fortuite sur un examen radiologique de routine est frรฉquente. Du fait de cette รฉvolution ร bas bruit, la dรฉcouverte lors de lโexamen clinique peut รชtre faite lorsque la lรฉsion est dรฉjร volumineuse. Elle peut alors se manifester par une tumรฉfaction, des dรฉplacements dentaires, des douleurs, une fistulisation avec รฉcoulement jaunรขtre รฉvocateur, plus rarement des paresthรฉsies du V3 et des fractures spontanรฉes de la mandibule. Les lรฉsions maxillaires seraient plus facilement infectรฉes, mรชme ร un stade dรฉbutant, ce qui leur permettrait dโรชtre diagnostiquรฉes plus prรฉcocement (30).
La lumiรจre kystique contient soit un liquide clair soit, le plus souvent, un contenu plus consistant, jaunรขtre constituรฉ par les dรฉpรดts de kรฉratine.
Le KO est une entitรฉ faisant lโoeuvre de nombreux travaux et รฉtudes scientifiques du fait de lโintรฉrรชt portรฉ sur son potentiel agressif, localement destructeur et son pouvoir infiltrant, mais tout en le distinguant dโun processus nรฉoplasique. Des preuves cliniques de ces caractรจres spรฉcifiques au KO sont rapportรฉes au sein de la littรฉrature montrant des cas de lyse osseuse corticale, dโinfiltration des tissus mous adjacents, dโextension depuis la mandibule vers la base du crรขne ou bien depuis le maxillaire vers le cadre orbitaire et la fosse infra temporale. De plus, le caractรจre multiloculaire et envahissant nโest pas rare dans le cas des KO, dโautant plus pour les KO syndromiques associรฉs ร la NBC (31).
CARACTรRISTIQUES RADIOLOGIQUES
Les caractรฉristiques radiologiques du KO ne sont pas spรฉcifiques et permettent seulement dโorienter le diagnostic. La plupart du temps, le KO se prรฉsente sous la forme dโune lรฉsion radioclaire, uniloculaire arrondie ou ovale, aux contours nets voire sclรฉrotiques. Parfois, les limites sont festonnรฉes, multiloculaires, polygรฉodiques, notamment lorsque les lรฉsions sont de grandes tailles et doivent interroger sur la possibilitรฉ dโun amรฉloblastome ou dโun KO syndromique. Le condyle est en principe respectรฉ (13). Il est trรจs frรฉquent de retrouver des dents incluses associรฉes aux lรฉsions faisant discuter le diagnostic de kyste folliculaire ; pour Neville et al. (32), il existe des dents incluses dans 25 ร 40% des cas. Dans lโรฉtude de Chow et al. (33) plus de 50% des lรฉsions kรฉratokystiques entourent la couronne dโune dent incluse ou enclavรฉe, dans la majoritรฉ des cas une troisiรจme molaire mandibulaire. La lรฉsion peut dรฉplacer les dents adjacentes, mais les rรฉsorptions radiculaires sont rares (24). Les dรฉbris de kรฉratine contenus dans la lumiรจre kystique peuvent donner radiologiquement un aspect lรฉgรจrement hรฉtรฉrogรจne au contenu de la lรฉsion (34). La tomodensitomรฉtrie permet dโobjectiver les rapports avec les structures voisines. Le nerf alvรฉolaire infรฉrieur est en principe respectรฉ et peut รชtre refoulรฉ par la lรฉsion. Les corticales sont soufflรฉes, amincies voire lysรฉes par lโexpansion ยซ tumorale ยป. La soufflure et la lyse des corticales sont en principe plus rares que pour lโamรฉloblastome. Un scanner cรฉrรฉbral doit รชtre pratiquรฉ en cas de suspicion de la NBC afin de mettre en รฉvidence une calcification de la faux du cerveau.
A lโexamen dโimagerie par rรฉsonance magnรฉtique (IRM), les parois du KO sont dโรฉpaisseur variable mais rรฉguliรจre, prenant peu le contraste. Le contenu kystique est hรฉtรฉrogรจne en T1 et en T2. Pour Probst, lโintensitรฉ du signal de la paroi kystique permettrait dโorienter le diagnostic entre un kyste odontogรจne et une lรฉsion kรฉratokystique (34). La paroi des kystes odontogรฉniques apparaรฎt rรฉguliรจrement avec un signal homogรจne de forte intensitรฉ alors que celle des KO รฉmet un signal homogรจne ou hรฉtรฉrogรจne de faible intensitรฉ. Lโapport de lโIRM permet dโobjectiver avec plus de prรฉcision lโenvahissement des tissus mous.
CARACTรRISTIQUES HISTOLOGIQUES
Les caractรฉristiques histologiques du KO sont pathognomoniques. La paroi kystique est un รฉpithรฉlium malpighien dโune รฉpaisseur fine, rรฉguliรจre, de 5 ร 8 couches cellulaires, avec une surface ondulรฉe et une hyperparakรฉratose. On note que lโhyperkรฉratose est parfois orthokรฉratosique, mais au moins focalement parakรฉratosique (Figure I) (35).
Figure I : (A) Vue macroscopique, (B) Coupe histologique (HES x 100) : Epithรฉlium abrasรฉ, avec des traces de kรฉratinisation. Le tissu conjonctif est nettement inflammatoire, on note par endroit une organisation palissadique des cellules basales (flรจche).
La couche basale est rectiligne et prรฉsente une organisation palissadique caractรฉristique avec des cellules cubiques ou cylindriques, trรจs basophiles avec ยซ une polarisation inverse ยป (26)(36).
Des mitoses sont frรฉquemment retrouvรฉes dans les couches suprabasales. Des dysplasies sont possibles, mais les transformations carcinomateuses sont exceptionnelles (26). Des dรฉbris de kรฉratine remplissent la lumiรจre kystique. Il peut exister des kystes satellites au sein de la coque conjonctive (Figure II).
En cas dโinflammation, la lรฉsion peut perdre ses caractรฉristiques histologiques pathognomoniques, la capsule fibreuse sโรฉpaissit tandis que lโรฉpithรฉlium perd ses caractรฉristiques architecturales et cellulaires. Lโรฉpithรฉlium peut sโulcรฉrer et perdre sa kรฉratinisation (26) compliquant lโรฉtablissement dโun diagnostic de certitude.
รTHIOPATHOGรNIE
Le KO dรฉrive de lโรฉpithรฉlium odontogรฉnique. Deux rรฉservoirs de vestiges รฉpithรฉliaux sont possibles : les dรฉrivรฉs de la lame dentaire portant le nom de perles de Serres et les ramifications รฉpithรฉliales entre la membrane basale de la gencive et le rรฉticulum รฉtoilรฉ de lโรฉmail constituant les germes de Malassez (13)(26)(38)(39).
Les mรฉcanismes dโinitiation et de croissance des KO ne sont pas totalement connus. Dโabord mises en รฉvidence dans la NBC, les mutations du gรจne PTCH ont ensuite รฉtรฉ relevรฉes dans les KO sporadiques (40)(41). Lโรฉtude de Pan et al. a montrรฉ ces mutations dans prรจs de 30% des KO sporadiques et dans plus de 75% des KO associรฉs ร la NBC (42). Il existerait un mรฉcanisme ร 2 รฉvรจnements mutationnels (modรจle de Kudson) : la premiรจre mutation germinale serait responsable du syndrome et la seconde somatique serait responsable de lโapparition de la ยซ tumeur ยป (39). Comme รฉnoncรฉ plus haut, le gรจne PTCH, situรฉ sur le chromosome 9q22.3-q31, est suppresseur de tumeur et code pour la protรฉine Patched qui est un rรฉcepteur membranaire entrant dans la voie de transduction patched/Sonic Hedghog (SHH). Cette derniรจre est impliquรฉe dans le contrรดle du dรฉveloppement embryonnaire (rรฉgulation spatio-temporelle des organes) et la prolifรฉration cellulaire. Une inactivation du gรจne PTCH entraรฎne une hyper-activation de SHH responsable dโune augmentation de la prolifรฉration cellulaire. Le mรฉcanisme biologique dโaltรฉration du gรจne PTCH se manifeste par la perte d’hรฉtรฉrozygotie, dรฉfinie par une mutation d’un allรจle et la perte de l’autre allรจle sur deux ou plusieurs loci de 9q22. Cette perte d’hรฉtรฉrozygotie du gรจne PTCH est responsable de l’hyperactivation de la voie SHH (interaction ligand SHH et rรฉcepteur PTCH 1 / protรฉine Smoothened) et amรจne ร la surexpression de gรจnes cibles de la voie SHH notamment les gรจnes bcl-1 et TP53, codant notamment pour la protรฉine p53 (protรฉines tumorigรจnes). Cette surexpression est responsable de la dรฉrรฉgulation de prolifรฉration cellulaire (43)(44).
Le KO prรฉsente un potentiel de croissance intrinsรจque et ne se dรฉveloppe pas uniquement par pression osmotique comme la plupart des kystes odontogรจnes. Lโactivitรฉ mitotique et la prolifรฉration cellulaire sont importantes. Elles se manifestent sur le plan immunohistochimique par une expression importante au niveau de la couche suprabasale de PCNA, Ki67 et de p53, et cela dโautant plus que les lรฉsions sont associรฉes ร la NBC (42)(45). On retrouve รฉgalement dans le KO une forte expression dโautres marqueurs impliquรฉs notamment dans :
– la rรฉgulation de lโapoptose (Bcl-1, Bcl-2, Bax, calrรฉtinine) (46)(47).
– le contrรดle du cycle cellulaire (P63)(48).
– la prolifรฉration cellulaire (antigรจne IPO-38, EGF)(49)(50).
– dans lโadhรฉsion cellulaire (51) ou comme marqueur des carcinomes baso-cellulaires (gp38) (52). La surexpression des facteurs de prolifรฉration cellulaire et le dysfonctionnement des facteurs pro-apoptotiques sont observรฉs dans les processus nรฉoplasiques. Ces caractรฉristiques, retrouvรฉes dans le KO justifient le comportement biologique qualifiรฉ ยซ dโinvasif ยป et de ยซ pseudo tumoral ยป. De plus, des รฉtudes rรฉcentes portant sur le tissu conjonctif des KO montrent une certaine similitude avec les composants du stroma de certaines tumeurs agressives telles que lโamรฉloblastome : frรฉquence รฉlevรฉe de myofibroblastes, diffรฉrence dans les fibres collagรฉniques de la matrice extracellulaire, importante activitรฉ enzymatique et augmentation de mรฉtalloprotรฉases MPPS, des ยซ mast cell tryptase ยป et du complexe RANK/RANKL/OPG (30). Cette association indique quโil existe une haute activitรฉ de rรฉsorption osseuse dans ces lรฉsions justifiant le caractรจre agressif du KO (53).
Dโautres auteurs montrent la similitude histologique importante entre le KO et lโamรฉloblastome et leur potentiel invasif commun (54). Lโexpression du marqueur CD 166 (glycoprotรฉine impliquรฉe dans les processus carcinologiques pulmonaires, colorectaux et de la prostate) est fortement retrouvรฉe dans les KO et amรฉloblastomes alors que son expression est absente dans les kystes dentigรจres. Dโautre part, un fort taux de AEG-1(Atrocyte Elevated Gene, protรฉine possรฉdant un rรดle important dans les transformations nรฉoplasiques) a รฉtรฉ dรฉcouvert au sein des amรฉloblastomes et des KO par rapport ร son expression infime dans les kystes dentigรจres (55). Il est mis en รฉvidence que la corticale osseuse est plus frรฉquemment perforรฉe dans les cas dโamรฉloblastome oรน lโexpression de AEG-1 est plus intense. Cette protรฉine AEG-1 apparaรฎt donc comme un vรฉritable biomarqueur de la virulence de telles lรฉsions et confirme les caractรฉristiques communes que partagent ces deux lรฉsions (56).
Dans lโensemble, une sรฉrie de mรฉcanismes gรฉnรฉtiques et molรฉculaires, pas encore pleinement comprise, semble favoriser le dรฉveloppement et la progression de la tumeur par รฉtapes successives (57).
DIAGNOSTIC DES KO
Le diagnostic de KO repose sur des critรจres essentiellement histologiques. Une fois diagnostiquรฉ, le KO peut sโintรฉgrer ร plusieurs tableaux cliniques :
– Le KO isolรฉ, sporadique ou syndromique.
– Le KO multiple syndromique inclus dans un contexte de NBC. Les KO observรฉs dans la NBC sont multiples, volumineux, plus agressifs et plus rรฉcidivants que dans la forme non syndromique (39). Devant tous les cas de KO multiples ou de KO isolรฉ chez lโenfant, la recherche dโune NBC est obligatoire. On note que dโautres syndromes peuvent associer des KO : le syndrome oro-facio-digital (57), le syndrome de Noonan (58), le syndrome dโEhler-Danlos (59) ou le syndrome de Simpson-Golabi-Behmel (60).
– Le KO multiple non syndromique, lorsque la NBC est exclue. Cette forme clinique concerne le patient plus รขgรฉ. Pour certains, il sโagirait dโune forme frustre de NBC (11).
En fonction de lโexamen radiologique, on pourra รฉvoquer :
– Un kyste inflammatoire dโorigine endodontique ou un kyste rรฉsidue ; lorsque la lรฉsion est en rapport avec une dent nรฉcrosรฉe ou dรฉvitalisรฉe. Au niveau histologique, il nโexiste pas de kรฉratinisation de lโรฉpithรฉlium du kyste rรฉsiduel, le tissu conjonctif est le signe dโun infiltrat inflammatoire.
– Un kyste folliculaire ; frรฉquent lorsque la lรฉsion est associรฉe ร une dent incluse. Le kyste folliculaire est bordรฉ dโun รฉpithรฉlium malpighien mince, et non kรฉratinisรฉ.
– Un amรฉloblastome ; lorsque le KO prรฉsente un contour polycyclique ou un aspect multilobรฉ. La distinction histologique entre amรฉloblastome et KO est aisรฉe, lโamรฉloblastome prรฉsentant une description histologique diffรฉrente de la KO avec la prรฉsence dโilots รฉpithรฉliaux odontogรจnes au sein dโun stroma fibreux.
– Un KO orthokรฉratinisรฉ ; qui comme son nom lโindique est limitรฉ par un รฉpithรฉlium orthokรฉratinisรฉ. Le diagnostic diffรฉrentiel est important car il sโagit dโun kyste au faible pouvoir de rรฉcidive et la prise en charge qui en dรฉcoule peut varier.
Le diagnostic diffรฉrentiel avec un kyste odontogรจne (kyste rรฉsiduel ou kyste folliculaire) se pose au niveau histologique lorsquโil existe un processus inflammatoire au moment de lโexรฉrรจse, lโรฉpithรฉlium kystique pouvant perdre sa kรฉratinisation ainsi que son aspect caractรฉristique de la couche basale. La haute expression de marqueurs de la prolifรฉration cellulaire (PCNA, Ki-67 et p53) dans les couches parabasales du KO par rapport aux kystes folliculaires et kystes rรฉsiduels, permettrait toutefois dโaffiner le diagnostic (61)(62).
Lโautre difficultรฉ diagnostique est la distinction avec le KO orthokรฉratinisรฉ, Il peut coexister au sein dโun KO des zones orthokรฉratosiques et parakรฉratosiques pouvant amener ร un diagnostic tronquรฉ. Lโimmunohistochimie pourrait รชtre une technique dโintรฉrรชt puisque la littรฉrature retrouve des marqueurs biologiques plus ou moins clivants (45)(49)(63)(48).
Enfin concernant le diagnostic diffรฉrentiel entre les KO syndromiques et non syndromiques, la littรฉrature est pauvre sur le sujet. La plupart des sรฉries de cas ou des revues systรฉmatiques se fondent exclusivement sur les KO sporadiques nโentrant pas dans le cadre de la NBC (29)(33)(64). Le faible recul sur les lรฉsions kรฉratokystiques syndromiques rend difficile leur comprรฉhension et leur spรฉcificitรฉ par rapport au lรฉsions non syndromiques.
Une รฉtude rรฉcente (65) portant sur lโexpression immunohistochimique de certains facteurs est parvenue ร montrer une diffรฉrence significative entre les KO syndromiques et non-syndromiques (Tableau II). Tout lโintรฉrรชt dโune telle รฉtude porte sur une meilleure comprรฉhension de la pathogรฉnie des lรฉsions kรฉratokystiques et propose un outil de marquage biologique capable de diagnostiquer prรฉcocement les KO syndromiques et de les distinguer dโune forme sporadique. Lโanalyse immunohistochimique des KO pourrait ainsi conduire au diagnostic de NBC parquโil existe des marqueurs exprimรฉs spรฉcifiques des KO syndromiques.
PRISE EN CHARGE DES KรRATOKYSTES ODONTOGรNES
Le traitement des KO est chirurgical, il dรฉpend de la taille de la lรฉsion, de sa localisation, de son extension aux structures voisines, de lโenvahissement des tissus mous et de son caractรจre rรฉcidivant ou non. Cโest un sujet qui reste controversรฉ et de nombreux protocoles thรฉrapeutiques ont รฉtรฉ dรฉcrits afin de limiter la rรฉcidive. Plusieurs options sont possibles et le choix thรฉrapeutique varie en fonction des รฉquipes chirurgicales et de lโexpรฉrience du chirurgien.
Il existe au sein de la littรฉrature des revues systรฉmatiques de grande ampleur, Johnson et al. publiรฉes en 2013 analysant 940 KO entre 1999 et 2010 (64) et la mรฉta analyse de Al-Moraissi et al. de 2017 incluant 2287 lรฉsions kรฉratokystiques et 35 รฉtudes (66). Grรขce ร des critรจres dโinclusions rigoureusement sรฉlectionnรฉs, certaines recommandations รฉmanent de ces รฉtudes. Les principes et la stratรฉgie thรฉrapeutique suivants font lโunanimitรฉ pour les auteurs. Un rรฉcapitulatif de la prise en charge des KO est rรฉsumรฉ dans le Tableau VI.
a) La simple รฉnuclรฉation du KO nโest pas envisageable compte tenu du fort potentiel de rรฉcidive. De plus, lโexรฉrรจse complรจte sans moyens adjuvants est difficile du fait de la finesse et de la friabilitรฉ de la capsule รฉpithรฉliale ainsi que de la possibilitรฉ de kystes satellites associรฉs. Il est prouvรฉ que tous dรฉbris รฉpithรฉliaux rรฉsiduels au niveau du site dโexรฉrรจse sont un facteur prรฉdisposant majeur de rรฉcidive (62).
b) Un KO de petite taille, infรฉrieur ร 2 cm de grand axe, et ร condition que les marges soient facilement accessibles peut รชtre traitรฉ chirurgicalement par รฉnuclรฉation et adjonction de moyens complรฉmentaires comme la solution de Carnoy ou un curettage osseux appuyรฉ.
Pour rappel, lโรฉnuclรฉation sans thรฉrapeutiques adjuvantes prรฉsente dans la littรฉrature des taux de rรฉcidive variables mais inacceptables compris entre 17 et 32% (66).
La solution de Carnoy, employรฉe initialement dรจs le dรฉbut du 19รจme siรจcle comme fixateur en anatomopathologie, a รฉtรฉ ensuite utilisรฉe en complรฉment de lโรฉnuclรฉation des KO (67). Elle est composรฉe ร 60% dโรฉthanol, ร 30% de chloroforme, ร 1% dโacide acรฉtique et contient 1g de chlorure de fer. Cette solution, appliquรฉe dans la cavitรฉ kystique pour une durรฉe moyenne de 3 min. aprรจs lโรฉnuclรฉation, engendre une nรฉcrose chimique superficielle de 1,5 mm de profondeur en moyenne et elle a pour but de prรฉvenir lโapparition de rรฉcidive en รฉliminant les dรฉbris รฉpithรฉliaux et les รฉventuels microkystes satellites (67). En limitant lโapplication ร 2 minutes, cette solution nโengendrerait pas dโaltรฉrations des structures nerveuses comme le nerf alvรฉolaire infรฉrieur (68). Une autre mรฉthode adjuvante par cryothรฉrapie au nitrogรจne liquide ร -20 ยฐC moins rรฉpandue peut รชtre employรฉe. Lโusage de la cryothรฉrapie, permet, au mรชme titre que la solution de Carnoy, de rรฉduire le taux de rรฉcidive des KO. Cette technique sโest montrรฉe efficace puisquโelle induit une nรฉcrose tissulaire de 1 ร 2 mm au-delร des marges visibles des lรฉsions kystiques. Elle permet donc lโรฉlimination de tous les dรฉbris รฉpithรฉliaux et des kystes filles รฉventuels. Par ailleurs, la matrice osseuse est laissรฉe intacte et la nรฉo ostรฉogรฉnรจse nโest pas altรฉrรฉe. En revanche, la cryothรฉrapie prรฉsente un effet nรฉfaste sur les structures nerveuses comme le nerf alvรฉolaire infรฉrieur (69). Cependant, elle nโentraรฎne pas de destruction au niveau de la gaine des axones et la rรฉgรฉnรฉration nerveuse est conservรฉe avec une rรฉcupรฉration de la sensibilitรฉ partielle ou complรจte ร 3 mois en moyenne. Techniquement, 3 cycles gel/dรฉgel dโune minute sont recommandรฉs pour lโeffet escomptรฉ de la cryothรฉrapie. Concernant le taux de rรฉcidive de lโรฉnuclรฉation associรฉe ร la cryothรฉrapie par nitrogรจne liquide, les auteurs rapportent un taux plus acceptable de 9% (70)(71). c) Un KO plus extensif est mieux traitรฉ par une approche en 2 temps chirurgicaux. Le premier consiste en une marsupialisation ou dรฉcompression suivie dโune รฉnuclรฉation ร distance, lโobjectif รฉtant de diminuer la taille de la lรฉsion pour limiter la morbiditรฉ du geste dโรฉnuclรฉation. Si la compliance du patient est optimale, lโirrigation de la cavitรฉ kystique ร lโaide de sรฉrum physiologique a dรฉmontrรฉ son efficacitรฉ et optimise la rรฉduction de la lรฉsion kรฉratokystique.
d) La rรฉsection osseuse segmentaire est le choix thรฉrapeutique le plus radical et conduit au plus bas taux de rรฉcidive (8,4%) (66). Or, ce traitement nโest pas indiquรฉ en premiรจre intention de par la morbiditรฉ quโil engendre et la nature bรฉnigne des KO. Cette stratรฉgie est rรฉservรฉe ร quelques scรฉnarios cliniques critiques comme des lรฉsions kรฉratokystiques larges, multilobรฉes, multiples, rรฉcidivantes et envahissant les tissus mous.
Les auteurs considรจrent que lโรฉnuclรฉation associรฉe ร lโutilisation de la solution de Carnoy reprรฉsente la meilleure alternative ยซ conservatrice ยป qui associe un taux de rรฉcidive faible avec une morbiditรฉ limitรฉe (72). Dโautres auteurs rรฉcusent cette prise en charge du fait des effets toxiques et imprรฉvisibles de la solution de Carnoy sur les tissus pรฉri lรฉsionnels (13).
Par ailleurs, il semble judicieux de prรฉciser et bien dรฉfinir les termes de dรฉcompression et de marsupialisation utilisรฉs parfois de maniรจre interchangeable dans la littรฉrature. Mรชme si le principe thรฉrapeutique reste le mรชme, ces deux termes diffรจrent dโun point de vue technique.
– La marsupialisation, รฉtymologiquement vient du grec ยซ marsipos ยป signifiant ยซ sac ยป. Au sens littรฉral du terme, cette technique consiste ร convertir le kyste en une poche ouverte, en communication avec le milieu extra-corporel en lโoccurrence extra-oral. Techniquement, il sโagit dโรฉverser la membrane kystique et la suturer ร la muqueuse buccale. Cette procรฉdure conduit ร libรฉrer le fluide kystique et diminuer la pression intra kystique. Frรฉquemment, il faut recourir ร un dispositif de mainteneur dโespace pour รฉviter que la fistule engendrรฉe ne se referme.
– La dรฉcompression consiste ร rรฉduire la pression intra kystique par nโimporte quels dispositifs adรฉquats pouvant sโadapter ร lโouverture kystique chirurgicale et capable de maintenir cette ouverture avec le milieu extรฉrieur (sonde dโintubation nasotrachรฉale, diffรฉrents types de drainsโฆ). La publication rรฉcente de Castro-Nรบรฑez et al. (73) se consacrant ร lโรฉtude de la pression intrakystique rรฉvรจle une pression supรฉrieure rรฉgnant au sein des KO. Il quantifie la pression du fluide intrakystique des KO ร 337,6 mm Hg/cm2 alors quโelle est de 258,2 mm Hg/cm2 pour les kystes dentigรจres et de 254,0 mm Hg/cm2 pour les kystes rรฉsiduels. Dans la mรชme รฉtude, il prรฉsente un nouveau dispositif conรงu et mis en place par son รฉquipe : lโEvocyst (EVacuator for Odontogenic CYST), permettant dโappliquer une pression intrakystique nรฉgative.
Historiquement, ces techniques de marsupialisation/dรฉcompression ont constituรฉ les premiers traitements proposรฉs dans la gestion des kystes et ont รฉtรฉ dรฉcrits pour la premiรจre fois dans la littรฉrature allemande par Partsch et al. (74) ร la fin du 19รจme siรจcle. Elles constituaient les traitements de choix du fait de lโabsence dโantibiotique, ce qui contre-indiquait lโรฉnuclรฉation et une fermeture en premiรจre intention ร la vue des taux dโinfection trรจs รฉlevรฉs ร lโรฉpoque.
Depuis lโavรจnement des antibiotiques, ces mรฉthodes, dโabord laissรฉes ร lโabandon, ont รฉtรฉ rรฉemployรฉes et font lโobjet de nombreuses observations cliniques et paracliniques tรฉmoignant dโun rรฉel intรฉrรชt et dโun bรฉnรฉfice majeur pour le patient.
Actuellement, le recours ร ces techniques chirurgicales se fait lorsque la taille des lรฉsions kystiques est importante et pour lesquelles une รฉnuclรฉation de premiรจre intention serait trop risquรฉe pour des structures nobles avoisinantes (nerf alvรฉolaire infรฉrieur, germes de dents dรฉfinitivesโฆ). Aussi, le taux รฉlevรฉ de rรฉcidive des KO impose selon les auteurs une exรฉrรจse systรฉmatique lorsque la taille de la lรฉsion est rรฉduite en moyenne 10 mois aprรจs la dรฉcompression/marsupialisation (75). A lโinverse, dโautres auteurs ont montrรฉ lโefficacitรฉ de la dรฉcompression/marsupialisation seule avec une rรฉsolution complรจte des lรฉsions, malgrรฉ la nature agressive et rรฉcidivante des KO (76). Certaines รฉtudes (77)(75) ont observรฉ une diminution de lโรฉpaisseur de lโenveloppe kystique aprรจs marsupialisation. Cette modification de la membrane facilite le dรฉtachement chirurgical et lโรฉnuclรฉation secondaire ร distance.
Pogrel et al. ont justifiรฉ ces observations par des รฉvaluations radiographiques et prรฉconisent un dรฉlai de 10 mois avant dโentreprendre lโรฉnuclรฉation secondaire pour obtenir une enveloppe kystique significativement plus fine facilitant lโexรฉrรจse. Ils ont ensuite complรฉtรฉ leurs analyses radiologiques par une รฉtude morphomรฉtrique histologique confirmant cette rรฉduction significative de lโรฉpaisseur de lโenveloppe kystique quand il compare la lรฉsion biopsiรฉe et la lรฉsion รฉnuclรฉe aprรจs la marsupialisation (78).
Des recherches histologiques et immunohistochimiques (79)(31) ont montrรฉ une modification intrinsรจque de lโรฉpithรฉlium kystique au cours de la marsupialisation. Le phรฉnomรจne biologique nโest pas encore bien รฉlucidรฉ mais les auteurs dรฉmontrent une transformation progressive de lโรฉpithรฉlium kystique en un รฉpithรฉlium buccal normal, comme une substitution lente et rรฉguliรจre depuis les berges de la marsupialisation.
Lโรฉtude de August et al. (79) se fonde sur lโexpression de lโanticorps de la cytokรฉratine-10 (facteur reflรฉtant la kรฉratinisation de lโรฉpithรฉlium) pour รฉvaluer la diffรฉrenciation รฉpithรฉliale et la transformation de lโenveloppe kystique. Les auteurs suggรจrent, dโaprรจs leur observation sur 14 lรฉsions kรฉratokystiques, un dรฉlai dโau moins 9 mois pour observer une absence dโexpression dโanticorps et une modification significative de lโรฉpithรฉlium. Dโautres auteurs (80) ont mesurรฉ lโexpression de lโinterleukine IL-1๏ก, une cytokine pro-inflammatoire produite au niveau des KO et inductrice de prolifรฉration cellulaire. Leurs observations ont montrรฉ une rรฉduction de lโexpression de lโIL-1๏ก au fur et ร mesure de la diminution de lโรฉpaisseur de lโรฉpithรฉlium de lโenveloppe kystique aprรจs marsupialisation. La marsupialisation/dรฉcompression inhibe donc la production de certains facteurs de prolifรฉration cellulaire et rรฉduirait ainsi lโagressivitรฉ et le potentiel rรฉcidivant des lรฉsions.
Les techniques de marsupialisation/dรฉcompression sont une alternative efficace ร considรฉrer devant chaque cas de KO syndromiques ou non syndromiques. Wushou et al. (72) considรจrent, sans diffรฉrencier les KO syndromiques et non syndromiques, lโapproche par marsupialisation plus efficace que les techniques dโรฉnuclรฉation et de rรฉsection chirurgicale. Borgonovo et al. rapportent un protocole systรฉmatisรฉ en 2 temps, marsupialisation puis รฉnuclรฉation avec un recul de 5 ans devant chaque cas de KO syndromiques ร condition dโune bonne coopรฉration du patient (31). Les auteurs rappellent que la dรฉcompression permet de maintenir le potentiel de rรฉgรฉnรฉration osseux et des tissus mous de lโenfant sโintรฉgrant dans un contexte de dรฉveloppement cranio-facial harmonieux (81).
Plus particuliรจrement, lโรฉtude de Deboni et al. dรฉcrit le suivi sur 7 ans dโun enfant atteint de NBC et prรฉsentant 6 KO. Les lรฉsions ont toutes รฉtรฉ traitรฉes en premiรจre intention par dรฉcompression et รฉnuclรฉation ร distance.
La dรฉcompression a permis la rรฉduction des lรฉsions, la prรฉservation des dents avoisinantes et la modification histologique des lรฉsions induisant une transformation en passant dโun รฉpithรฉlium parakรฉratinisรฉ ร un รฉpithรฉlium plus fin non kรฉratinisรฉ facilitant lโexรฉrรจse rรฉsiduelle. De plus, les contrรดles radiologiques successifs ont montrรฉ une vรฉritable ossification pรฉriphรฉrique ร mesure que les lรฉsions rรฉgressaient. La dรฉcompression pour chaque lรฉsion sโest faite sur une pรฉriode de 9 mois en moyenne. Ce type de traitement a รฉvidemment nรฉcessitรฉ la plus grande coopรฉration et compliance du jeune patient pour entretenir son drain fixรฉ ร la muqueuse buccale et irriguer la cavitรฉ kystique 2 fois par jour. Les auteurs ne rapportent aucune rรฉcidive des 6 lรฉsions ร 7 ans.
Ce type de traitement permet une morbiditรฉ limitรฉe et un taux de rรฉcidive comparable au traitement par รฉnuclรฉation de premiรจre intention en association avec des thรฉrapeutiques adjuvantes.
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Table des matiรจres
I. INTRODUCTION
II. GรNรRALITรS A PROPOS DE LA NAEVOMATOSE BASOCELLULAIRE
II.1. DรFINITION ET HISTORIQUE
II.2. PRINCIPALES MANIFESTATIONS CLINIQUES et RADIOLOGIQUES
II.3. DIAGNOSTIC DE LA NAEVOMATOSE BASO-CELLULAIRE
II.4. CARACTรRISTIQUES รPIDรMIOLOGIQUES DE LA NBC
II.5. CARACTรRISTIQUES GรNรTIQUES
III. LES KรRATOKYSTES ODONTOGรNES
III.1. GรNรRALITรS
III.2. CARACTรRISTIQUES รPIDรMIOLOGIQUES
III.3. CARACTรRISTIQUES CLINIQUES
III.4. CARACTรRISTIQUES RADIOLOGIQUES
III.5. CARACTรRISTIQUES HISTOLOGIQUES
III.6. รTHIOPATHOGรNIE
III.7. DIAGNOSTIC DES KO
IV. PRISE EN CHARGE DES KรRATOKYSTES ODONTOGรNES
V. PRISE EN CHARGE DES INCLUSIONS DENTAIRES ASSOCIรES ร DES KรRATOKYSTES ODONTOGรNES
VI. PRรSENTATION DโUN CAS CLINIQUE : PRISE EN CHARGE ORTHODONTICO-CHIRURGICALE DโUN KรRATOKYSTE ODONTOGรNE SYNDROMIQUE
VII. CONCLUSION
RรFรRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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