Diagnostic agraire préalable à la création d’un centre de formation en agriculture

Depuis 2009, le Cameroun a lancé des mesures qui cadrent avec le développement du pays à l’horizon 2035, résumées dans le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi. En effet, avec un taux de chômage de 13 % et un niveau de sous-emploi de 75 % de la population active, la création d’emplois est une préoccupation majeure. Actuellement, l’agriculture camerounaise emploie environ 60% de la population active et la marge de progression dans ce secteur est prometteuse compte tenu des potentialités agricoles du pays . La formation agropastorale apparaît comme un élément clé d’une politique visant à installer des jeunes agriculteurs pour lutter contre le chômage et accroître la productivité de ce secteur. Dans ce cadre, le programme AFOP vise plusieurs objectifs : le rajeunissement de la main d’œuvre des exploitations agropastorales et halieutiques, la réduction du chômage et la création d’emplois, l’intensification des systèmes de production agricole, animale et halieutique, l’accroissement des superficies par le développement des PMEA. La démarche du dispositif vise à lier étroitement formation dans les centres appuyés par AFOP et projet économique d’installation en agriculture des bénéficiaires. Ainsi les jeunes formés dans les centres élaborent leur projet d’installation en collaboration avec les formateurs et reçoivent un appui financier et méthodologique pour le lancement de leur activité.

Les équipes du programme cherchent actuellement à densifier le réseau des centres et écoles intégrant le dispositif afin de permettre à une plus grande partie des jeunes cibles d’accéder à ces structures. A ce titre, le coordonnateur national du programme prévoit la création d’un nouveau centre de formation dans son village à Ngalla, dans le département de Nyong-et-Mfoumou, région Centre Cameroun. Afin d’élaborer ce projet, il est nécessaire de s’intéresser aux ressources propres du territoire et aux activités ancrées localement, c’est pourquoi une étude préliminaire de la situation agricole dans la zone d’influence du futur centre est l’objet de ce travail.

Cette étude préliminaire est inspirée dans la méthode d’un diagnostic agraire dont les résultats devront être traduits en enseignements permettant de soutenir et/ou orienter l’élaboration du projet du futur centre, éventuellement de sélectionner de manière raisonnée les thématiques des contenus de formation, et serviront de références pour les projets d’installation des jeunes.

Recherches bibliographiques et rencontre de personnes ressources
Cette première étape consistait à se familiariser avec le thème d’étude avant le travail de terrain. Les recherches bibliographiques ont porté sur le Cameroun en général, la démographie et les activités prédominantes dans la zone d’étude. Le premier mois passé à Yaoundé était l’occasion de se familiariser avec le dispositif AFO, de connaître les membres de l’équipe à la coordination et surtout d’être à la page au niveau des enjeux actuels du programme. Il était question de rencontrer le coordonnateur national du programme, Pierre-Blaise Ango, commanditaire du futur centre de formation dans le Nyong-et-Mfoumou, son département d’origine. Les échanges ont permis de spécifier la demande pour le travail à effectuer sur ce stage. Le séjour à Yaoundé a également permis de se procurer des cartes auprès de l’Institut National de la Cartographie. Le travail bibliographique a continué tout au long du travail de terrain afin d’approfondir et de valider des données acquises sur le terrain.

Délimitation de la zone d’étude
Dans le cadre de la densification du réseau des centres de formation, AFOP cherche à quadriller le territoire. La zone d’étude pour ce travail est calquée sur la zone d’influence du futur centre de formation imaginée par les équipes d’AFOP. Il s’agit des localités et villages d’où viendront les candidats à la formation proposée. La zone d’étude se trouve dans la moitié Sud-Est du département du Nyong-et Mfoumou et englobe les trois grandes localités du département Akonolinga (le chef lieu du département), Ayos et Endom (les chefs-lieux des arrondissements du même nom). Quatre bases de travail ont été choisies pour balayer la vaste zone d’étude, en fonction de leur localisation mais aussi parce qu’elles permettaient de rentrer en contact avec des personnes connaissant bien la zone d’étude et pouvant assurer un rôle de guide.

Des entretiens à visée qualitative et historique : identifier les facteurs de différenciation et les dynamiques de changement L’objectif de ces entretiens est d’identifier les indices de diversité des exploitations agricoles, afin « d‘effectuer un échantillonnage raisonné des systèmes de production qui seront étudiés » (Cochet, 2006). Les entretiens qualitatifs sont réalisés auprès d’un large éventail d’acteurs (exploitants, élus, délégués associatifs, responsables d’organisations agricoles, étudiants, salariés) afin d’obtenir leur vision de tous les éléments qui gravitent autour de l’agriculture dans leur zone ainsi que les dynamiques sur l’histoire récente. Les entretiens à visée historique ont été réalisés auprès des anciens et permettent de retracer la transformation des modes d’exploitation du milieu, liée entre autres aux changements techniques et aux politiques agricoles. Ils permettent de reconstituer l’enchaînement et l’interaction des mécanismes de tout ordre ayant conduit à la diversité observée à l’heure actuelle. Ces deux étapes doivent aussi apporter des éléments de compréhension sur la constitution de catégories sociales.

Observation du paysage affinée au fur et à mesure des entretiens qualitatifs et historiques

Localiser les différentes formes d’agriculture passées et présentes Le démarrage tardif du travail de terrain a entraîné la réalisation de cette étape en parallèle des enquêtes qualitatives et historiques. Elle a surtout été affinée grâce aux entretiens, car la morphologie générale du paysage (absence de point haut et prédominance de forêt dense) ne facilitait pas de vues larges et en hauteur. Il est question de relever dans le paysage des éléments d’ordre agro-écologiques (morphologie, géologie, pédologie, végétation), techniques (équipement, cultures pratiquées, animaux élevés) et socio-économiques (organisation des villages, habitat) qui témoignent de la valorisation agricole du milieu, passée ou présente.

L’établissement d’une pré-typologie sur la base de la trajectoire de vie

Les premiers résultats d’enquête ont en partie confirmé l’hypothèse que l’orientation de chaque exploitation de la zone dépend à la fois des enseignements du passé, des conditions agro-écologiques (et nous verrons qu’elles sont relativement homogènes dans la zone d’étude) mais aussi de la trajectoire individuelle vécue par l’exploitant. En effet, dans les entretiens, les interlocuteurs relient très souvent les grandes évolutions dans leur exploitation à des événements marquant de leur vie. L’analyse des trajectoires de vie des exploitants a permis d’identifier des profils récurrents dans la zone. La base choisie pour la typologie réalisée dans cette étude est donc ces profils d’exploitants qui conduisent à un ou plusieurs systèmes de production caractérisés dans l’étude. Les trajectoires de vie associée à l’histoire récente de la zone sont aussi un élément clé pour comprendre la différenciation sociale qui s’est opérée et donc identifier les catégories sociales en présence dans la zone. « C’est cette relation entre les différenciations sociales et les changements techniques qu’il faut mettre en évidence pour construire la typologie des systèmes de production » (Cochet, 2006). Parmi les trajectoires de vie repérées, celles d’investisseurs capables de miser un fort capital en un minimum de temps dans des exploitations de grande envergure et basées sur une main d’œuvre entièrement salariale, ont été volontairement écartées pour la construction de la typologie des systèmes de production qui seront caractérisés. En effet, ces exploitations sont le fruit de ressources que les jeunes qu’AFOP souhaite former et installer ne possèdent pas. Néanmoins, il n’est pas exclut que ce type d’exploitation influence en partie les dynamiques agricoles de la zone.

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Table des matières

INTRODUCTION
1 METHODOLOGIE
LA METHODE ET LES CONCEPTS SUR LESQUELS ELLE REPOSE
LA DEMARCHE
LES LIMITES LOGISTIQUES, TECHNIQUES OU MATERIELLES POUR LA REALISATION DE L’ETUDE
2 RESULTATS
PARTIE 1 : UNE AGRICULTURE SUR ABATTIS-BRULIS ET DES SYSTEMES AGROFORESTIERS PRATIQUES DANS UN MILIEU GLOBALEMENT HOMOGENE
Une zone forestière soumise à un climat chaud et pluvieux
Une différenciation agro-écologique très peu marquée à l’échelle de la zone
Des cultures sur abattis brûlis et des systèmes agroforestiers
Un espace forestier cadre d’un large éventail d’activités
PARTIE 2 : UNE AGRICULTURE FAMILIALE CONTRASTEE
Des trajectoires de vie révélatrices de catégories sociales à l’origine des types d’exploitation
« Les exploitants historiques » : SP1, SP4, SP5
« La génération sacrifiée » : SP2A, SP2B, SP3
« Les nouveaux exploitants » : SP6A, SP6B, SP7
« Les jeunes en attente » : SP10
« Les nouveaux venus en ville » : SP8, SP9
L’héritage historique de la position sociale des individus, principal déterminant de la disponibilité de main d’œuvre et donc d’accès à la terre
Une nouvelle différenciation sociale issue de l’époque coloniale
Le poids de l’héritage sur les exploitants d’aujourd’hui
Le choix des systèmes de culture et d’élevage en fonction des moyens de production à disposition
Des systèmes vivriers « sur terre ferme » productifs à l’hectare permettent de satisfaire les besoins alimentaires de la famille et de commercialiser les excédents
Les systèmes vivriers et maraîchers sur les bas-fonds sont essentiellement dédiés à la commercialisation
Les implications sur la gestion de la fertilité des sols
Des systèmes caféiers en régénération
L’élevage à grande échelle est principalement le fait d’exploitants allochtones installés près
des villes
CONCLUSION INTERMEDIAIRE
PARTIE 3 : LES CULTURES PERENNES, UN CATALYSEUR DE LA DIFFERENCIATION SOCIALE
Des espaces saturés et des espaces encore inoccupés, mais enclavés
Les plantations pérennes offrent la possibilité de sécuriser les terrains familiaux et d’en acquérir d’autres
La transmission des terrains de génération en génération
La date d’installation de l’exploitant dans l’historique récent de la zone a influencé le niveau d’équipement des exploitants
Un développement des exploitations qui reste très attaché à celui des plantations cacaoyères
Des systèmes cacaoyers influencés par la condition de l’exploitant au moment de l’implantation
CONCLUSION INTERMEDIAIRE
PARTIE 4 : UNE DIFFERENCIATION SOCIALE QUI IMPACTE LE NIVEAU DE REVENU
Des écarts de richesse maintenus selon les catégories sociales
Des possibilités d’évolution réservées aux revenus les plus élevés
3 ANALYSE
UNE POPULATION JEUNE LOCALE DE PLUS EN PLUS NOMBREUSE
LES JEUNES EXPLOITANTS SONT CEUX QUI RENCONTRENT LE PLUS DE DIFFICULTE
LA NECESSITE D’ADAPTER LES INITIATIVES D’AFOP A LA SITUATION DES JEUNES DE CETTE ZONE.
L’ENJEU SUR LES ZONES DE BAS-FOND
4 DISCUSSION
5 PERSPECTIVES ET PROPOSITIONS
CONCLUSION

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