Diabète de type 2 : épidémiologie, complications et suivi

Organisation du suivi : rôles et difficultés des médecins généralistes

Rôle des médecins généralistes dans le suivi des patients diabétiques

L’HAS recommande qu’un patient rencontre au moins 4 fois par an un professionnel médical capable de prendre en charge son diabète. Selon le rapport de l’étude ENTRED 2007 [6], les personnes diabétiques de type 2 bénéficiaient en moyenne de 9 consultations ou visites par le médecin généraliste par an. 56 % ont eu 6 consultations ou plus dans l’année. Inversement, seuls 10 % des patients bénéficiaient d’au moins une consultation ou d’un acte effectué par un endocrinologue libéral.
Il en ressort donc que le principal acteur du suivi est le médecin traitant. C’est à lui que revient la charge d’appliquer et de coordonner les recommandations de l’HAS. Quels sont alors les facteurs limitants pour atteindre les objectifs de surveillance recommandés par l’HAS ?

Les recommandations : de la théorie à la pratique

Dans une étude réalisée en 2007 par Cogneau et al. [11], il apparait que les médecins généralistes sont pour la plupart bien informés des recommandations en vigueur et les considèrent comme théoriquement justifiées. 50% disent les connaitre parfaitement ou bien et 47% les connaitre un peu. 96% d’entre eux estiment par ailleurs être très ou parfaitement en accord avec les recommandations.
En revanche, en fonction des patients les médecins estiment plus ou moins possible l’application de ces recommandations. Ainsi pour plus de la moitié des médecins interrogés, la réalisation de quatre dosages d’HbA1C dans l’année était réalisable pour tous les patients. Mais ils étaient 32% à estimer que tous les patients pouvaient bénéficier d’un fond d’œil annuel. L’étude [11] montre que les chiffres du suivi retrouvés dans ENTRED 2007 [6] étaient en cohérence avec ces estimations.
Face aux recommandations existantes, le médecin généraliste, qui encore une fois adhère à ces dernières est néanmoins confronté dans sa pratique à une observance souvent aléatoire d’une certaine proportion de ses patients. Le prescripteur priorise alors sa pratique vers ce qu’il considère efficace, c’est à dire la prescription médicamenteuse pour un meilleurs contrôle glycémique. Quant aux complications, elles imposent une prise en charge multi-professionnelles, dont la mise en œuvre peut être rendue difficile par :
– L’observance de certains patients
– L’offre de soins de proximité
– L’absence de manifestation clinique initiale
– Le temps nécessaire à leur coordination
– La conviction d’un patient qui préfère peut-être le déni
Cet argumentaire est corroboré par une autre étude, réalisée quant à elle en 2006 [12], qui montrait à l’époque que la priorité pour les médecins généralistes dans la prise en charge du diabète était pour 38,2% d’entre eux de contrôler la glycémie. L’organisation du suivi et du contrôle des facteurs de risque cardiovasculaires ne faisait partie des priorités que pour 8% d’entre eux.
Les médecins généralistes sont donc sans cesse dans le compromis, appliquant les recommandations pour les patients qui sont capables d’en accepter les contraintes.
Il en ressort le concept d’inertie clinique que nous pouvons maintenant développer.

L’inertie clinique

L’inertie clinique est définie dans un article de la revue Med Liege [13] comme la somme de l’inertie diagnostique et de l’inertie thérapeutique. L’inertie diagnostique correspond à un délai exagéré entre le moment où le médecin est consulté et le moment où le diagnostic est posé. L’inertie thérapeutique correspond quant à elle à un retard non justifié dans l’initiation ou l’intensification d’un traitement alors que le diagnostic est correctement posé.
Dans cet article, les auteurs rapportent que l’inertie clinique peut être attribuée pour 50% au médecin, 30% au patient et 20% au système de soins. Les auteurs mettent en avant la position difficile des médecins généralistes, pour qui les recommandations sont parfois fragilisées par des objectifs irréalistes et donc démotivants. Par ailleurs l’inertie du médecin peut être le reflet du manque d’enthousiasme du patient à adhérer à son suivi et son traitement. Le patient craignant d’être confronté à une aggravation de sa maladie adhère difficilement aux explorations ou à l’intensification thérapeutique proposées par son médecin.
L’inertie thérapeutique est donc un phénomène naturel, s’installant entre le médecin généraliste et son patient dans la prise en charge d’une pathologie chronique et qui aboutit à un défaut de prise en charge optimale de la maladie.

Le suivi des diabétiques : des impératifs, des difficultés, mais quels recours possibles dans la coordination ?

Dans sa thèse publiée en 2017 le Dr Landrin [14] s’est attachée à réaliser la cartographie des acteurs concernés par la prise en charge du patient diabétique à l’échelle locale du Centre Hospitalier de Barentin ; travail centré sur l’éducation thérapeutique. Il en ressort ainsi plusieurs pistes concernant les recours possibles des médecins généralistes.

Place et intérêt des réseaux de santé 

L’attrait des réseaux de santé, qui se développent depuis les années 1990 tient dans la prise en charge globale qu’ils promettent. Le but principal est de coordonner l’action des différents acteurs de santé. La coordination favorisant la multidisciplinarité d’action. Leur rôle attendu étant l’éducation thérapeutique (ETP) des patients atteints de maladies chroniques. Une prise en charge sociale, psychologique et paramédicale pouvant également y être délivrées. Un intérêt indirect est la formation pluridisciplinaire des acteurs et l’échange de bonnes pratiques entre eux. Preuve en est de cet intérêt, selon l’étude ENTRED [6], 13% des généralistes et 43% des spécialistes interrogés déclaraient faire partie d’un réseau.
Cependant comme décrit dans le rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociale [15] datant d’avril 2012, il existe des points de blocage au développement de ces réseaux.
Tout d’abord le rôle de chaque professionnel est mal défini. Il existe de plus un fort cloisonnement interprofessionnel et interinstitutionnel dans notre système de soins, engendrant un conflit d’intérêt entre les différents praticiens, généralistes et spécialistes. Enfin il existe un manque de moyen financier alloué à la concertation pluridisciplinaire, ne permettant pas de rémunérer les efforts de chacun dans leur participation à ces projets.
Ce rapport met également en évidence l’échec de structures d’éducation thérapeutique. Ayant un fonctionnement autonome, ces dernières manquent de visibilité, le recrutement de patients y est difficile, et il persiste un manque de cohérence entre l’action de l’éducation thérapeutique réalisée d’une part et les actes de soin d’autre part.
Au total seuls 2,5% des patients interrogés dans l’étude ENTRED [6] déclaraient avoir été pris en charge par un réseau de santé.

Les infirmières libérales

Elles interviennent sur prescription du médecin traitant, initialement dans le cadre du suivi par les prises de sang qu’elles effectuent. Pour les patients diabétiques sous insuline, elles peuvent être amenées à intervenir à domicile, afin de pratiquer quotidiennement les injections et les contrôles glycémiques.
Les infirmières ont également un rôle propre d’éducation thérapeutique, afin d’amener le patient à l’autonomie lorsque cela est possible. De par leur proximité avec le patient, elles sont amenées à détecter précocement les situations nécessitant un renforcement de la prise en charge médicale, telle que l’apparition de plaie chronique ou une dégradation de l’HbA1C par exemple. En renvoyant le patient directement vers le médecin généraliste elles participent ainsi activement à la coordination des soins. Le rôle propre de l’infirmier est défini par l’article L4311-1 [16] du code de santé publique.

Les pharmaciens 

Leur rôle est défini dans le code de santé publique au sein du code de déontologie des pharmaciens [17]. Il y est précisé qu’ils sont amenés à promouvoir le bon usage des médicaments ainsi qu’à surveiller l’observance. Ils intègrent pleinement la coordination des soins en orientant le patient en cas de difficultés rencontrées au cours de sa maladie.

Les endocrinologues l ibéraux 

D’après l’étude ENTRED [6], seuls 12% des patients diabétiques avaient bénéficié sur une année d’une consultation avec un diabétologue. S’il est le spécialiste de cette maladie, l’étude de Le Pautremat et al. [18] réalisée en France en 2011 montre l’existence de barrières importantes entre le médecin traitant et le diabétologue. Leur intervention dans le parcours de soins se fait à un stade déjà avancé de la maladie, en cas de nécessité d’intensification thérapeutique ou lors de l’apparition de complications. Le sentiment de concurrence entre les deux pratiques semble être un frein à la coopération.

Sur le plan sanitaire

Toujours selon le recensement de l’INSEE 2013, l’indice comparatif de mortalité globale sur la commune de Louviers affiche une valeur de 20% supérieure à l’indice national. A l’échelle de l’Eure, l’espérance de vie à la naissance est en moyenne de 80,7 ans contre 82,3 ans en France. De même le taux d’hospitalisation, tout âge et toutes causes confondues et de 24,4% dans l’Eure contre 23,8% en France. Enfin le taux standardisé de nouvelles admissions en affection longue durée (ALD), dont fait partie le diabète est de 22,3% dans l’Eure contre 22% en France. D’autre part d’après les informations disponibles sur le site de l’Assurance Maladie [22] on constate qu’il existe dans l’Eure 383 médecins généralistes, 27 cardiologues, 37 ophtalmologistes et 3 endocrinologues. Sur le territoire de la CASE, sont présents 12 médecins généralistes, 2 cardiologues, 2 ophtalmologistes et 1 endocrinologue. En outre les spécialistes ne sont présents que sur la ville de Louviers.
D’après l’atlas de démographie médical 2016 édité par le Conseil National de l’Ordre des Médecin [23], on constate que pour les médecins généralistes, les endocrinologues diabétologues, les cardiologues et les ophtalmologistes, praticiens impliqués dans la prise en charge globale du diabète, l’Eure fait partie des départements où la démographie médicale y est la plus faible comme le montrent les graphiques suivants.

METHODE

Afin de répondre au critère de jugement principal, nous avons décidé de mener notre étude sur les patients diabétiques hospitalisés au CHI d’ElbeufLouviers-Val de Reuil. L’évaluation de la surveillance des complications du diabète s’est basée sur l’exhaustivité des remboursements des actes de laboratoire, des actes médicaux et des consultations spécialisées pour chaque patient affilié au régime général de l’Assurance Maladie. Nous avons pour cela utilisé la base de données individualisées et anonymes du Système National d’Information Inter Régimes de l’Assurance Maladie (Sniiram) grâce au concours de la Direction Régionale du Service Médical de Normandie de l’Assurance Maladie.
Afin de décrire de façon plus précise la population étudiée et de déterminer l’impact d’une hospitalisation sur le suivi du diabète, nous avons collecté un certain nombre d’informations issues du compte-rendu de l’hospitalisation quelque que soit le service du CHIELVR d’une part et plus particulièrement dans l’unité de médecine polyvalente.
Concernant l’évaluation de la fragilité médico-sociale des patients, nous avons utilisé les grilles présentées dans un document de l’HAS [24]. L’évaluation est ici basée sur un compte rendu d’hospitalisation. Nous avons réparti les patients en
trois groupes, à savoir les patient institutionnalisés, les patients présentant des critères de fragilité en ambulatoire et les patients autonomes. La présence d’un des critères de fragilité suffisait pour considérer le patient fragile.

Sélection

– Sont inclus tous les patients dont le motif d’hospitalisation principal (diagnostic principal au sens du PMSI) enregistré dans le Résumé Standard de Sortie (RSS) est codé E10 (Diabète de type 1) ou E11 (diabète de type 2) selon la dernière révision de la Classification statistique Internationale des Maladies (CIM 10), et ceci pour les hospitalisations du 1 er janvier 2014 au 31 juin 2014 dans un des services de médecine du CHIELVR.
– Les bornes d’inclusion ont été choisies afin de pouvoir disposer des données des remboursements de l’Assurance Maladie sur deux années consécutives (données issues du Système national d’information interrégimes de l’Assurance maladie [Sniiram] de Janvier 2013 à Juin 2015)
– En cas d’hospitalisations multiples durant la période de recueil, seule la première hospitalisation était prise en compte.
– Ont été exclu du recueil les patients hospitalisés en Hôpital de Jour, en service de réanimation, en soins intensifs ou en surveillance continue car les objectifs de prise en charge dans ces services ne nous semblaient pas correspondre à notre travail.
– Une analyse sur l’ensemble de la cohorte a tout d’abord été réalisée, puis une analyse en sous-groupe sur les patients spécifiquement hospitalisés en médecine polyvalente à l’hôpital de Louviers a par la suite été effectuée afin de décrire plus précisément la prise en charge de ces patients au sein du service.

Considérations éthiques

Pour mener à bien notre étude, il eut fallu pouvoir communiquer l’identité et la date de naissance des patients sélectionnés en médecine polyvalente au service informatique de la Direction Régionale du Service Médical (DRSM), ce qui nécessitait l’obtention par l’hôpital d’un accord spécifique de la Commission
Nationale Informatique et Libertés (CNIL). Bien qu’ayant anticipé cet état et ayant multiplié les démarches dans ce sens plusieurs mois à l’avance, les délais et les contraintes juridiques liés à cet organisme ainsi qu’à celui du CHIELVR ne nous ont pas permis d’attendre une hypothétique réponse positive de la CNIL.
Une deuxième solution, afin d’obtenir les résultats sur la population des seuls patients diabétiques hospitalisé en médecine polyvalente aurait été d’obtenir le consentement éclairé de chaque patient sélectionné de participer à notre enquête. Compte-tenu des difficultés à joindre des patients pour beaucoup âgés voire très âgés, ayant été hospitalisés il y a plus de deux ans et du très faible taux de réponse attendu, nous n’avons pas retenu cette solution.
Au total, afin de poursuivre notre étude, nous avons dû accepter la seule solution proposée par la DRSM ne nécessitant pas d’accord de la CNIL ou des patients. A savoir, le recueil des données nécessaires à notre étude, mais anonymes, et sélectionnées dans l’ensemble des séjours de patients diabétiques hospitalisés dans le secteur de médecine sur le CHIELVR et non sur la seule unité de médecine polyvalente.
Une convention a été signée par le Pr Freger, doyen de l’université de médecine de Rouen, le Dr Poulingue, directeur de thèse, moi-même et la Direction Régionale du Service Médical de Normandie.
Le service informatique de la DRSM n’a transmis que des tableaux de sortie
anonymes concernant les remboursements (consultations, actes, biologies) réalisés de janvier 2013 à juin 2015 pour la population sélectionnée.

RESULTATS

Population étudiée

Séjours issus de s données fournies par l’Assurance Maladie

186 patients correspondaient aux critères d’inclusion. 7 patients ont par la suite été exclus de l’étude car ceux-ci soit n’appartenaient pas au Régime Général d’Assurance Maladie de Normandie soit aucune donnée n’était présente dans le fichier de l’Assurance Maladie aucune prestations n’ayant été remboursées dans les 3 dernières années.
Au total l’étude du suivi ambulatoire porte sur 179 patients diabétiques.

Séjours issus du PMSI du CHIELVR

Au moyen des mêmes critères d’inclusion, 213 patients ont été sélectionnés dans le PMSI du CHIELVR. Nous avons par la suite exclu 26 patients n’appartenant pas au régime général d’Assurance Maladie. 187 patients ont été retrouvé dans le PMSI, ce qui correspond à un patient près au nombre de patients dont les données de remboursement nous ont été fournies par l’Assurance Maladie. Compte tenu de l’anonymat des données fournies par l’Assurance Maladie, nous n’avons pas pu identifier ce patient surnuméraire et éliminer les patients n’apparaissant pas dans les bases de données de l’Assurance Maladie. Enfin 8 patients ont été exclus du recueil de données car leur séjour et surtout le compte rendu qui en était fait ne permettait pas de remplir la grille de recueil. Il s’agissait pour 7 patients de diabétiques de type 1 et pour 1 patient d’une hospitalisation dans le cadre d’une fin de vie. Au total l’étude des compte-rendu d’hospitalisation(CRH) du DPI porte également sur 179 patients.

Description de la cohorte

Le tableau suivant expose les principaux critères descriptifs qui ont pu être observés sur l’ensemble de la cohorte au moyen des informations présentes dans le DPI et le compte-rendu d’hospitalisation.

Prévalence du dosage de la créatinine sanguine

Il ne nous a pas paru pertinent de relever le nombre de créatininémies réalisées à l’hôpital, celle-ci faisant partie d’un suivi aigu, elle est utilisée comme paramètre de surveillance quotidien et donc dosée de nombreuses fois.
Prévalence du dosage de la microalbuminurie La moyenne du dosage de la microalbuminurie réalisés à l’hôpital avant l’hospitalisation était de 0,22 microalbuminurie contre 0,24 après. La médiane avant et après était de 0.

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Table des matières
GLOSSAIRE 
PREAMBULE
INTRODUCTION 
I. Diabète de type 2 : épidémiologie, complications et suivi
II. Organisation du suivi : rôles et difficultés des médecins généralistes
III. Le suivi des diabétiques : des impératifs, des difficultés , mais quels recours possibles dans la coordination ?
IV. Epidémiologie locale, quels besoins, quelles ressources ?
METHODE 
I. Sélection
II. Observation
III. Statistiques
IV. Considérations éthiques
RESULTATS 
I. Population étudiée
II. Prévalence du suivi ambulatoire avant et après hospitalisation
III. Prévalence du suivi réalisé en milieu hospitalier avant et après hospitalisation
IV. Ensemble des examens réalisés avant pendant et après l’hospitalisation de référence
V. Les patients diabétiques hospitalisés en médecine polyvalente : évaluation des pratiques
DISCUSSION
I. Des biais, des contraintes
II. Vers l’amélioration du suivi ambulatoire : une réalité tout en nuances
III. L’hospitalisation permet de réaliser un bilan ponctuel s’ajoutant au suivi ambulatoire
IV. La médecine polyvalente : une prise en charge globale au plus proche d’une population fragile
CONCLUSION 
ANNEXE 1 
ANNEXE 2 
BIBLIOGRAPHIE

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