Devenir des grands prématurés martiniquais nés en 2016 et 2017

Décès et comorbidités post-natales

     Au cours de l’hospitalisation, plusieurs décès sont survenus (cf tableau 2), avec un délai médian de 10j en 2016 et 8j en 2017: ils concernent tous les enfants nés à 24SA de 2016, la moitié des enfants nés à 25SA (2016 et 2017), 40 % des enfants nés à 26SA et 27SA (2016 et 2017). 100 % des enfants nés à 28SA en 2016 sont rentrés à domicile. Les causes de décès sont en majorité d’origine neurologique, digestive, respiratoire et cardiaque (cf figure 3). La plupart des décès sont d’origine multifactorielle : composante infectieuse et digestive, cardiopulmonaire, défaillance multiviscérale … Les causes neurologiques retrouvées sont hémorragiques (intra-parenchymateuses ou intraventriculaires de grade III) avec parfois un début de leucomalacie périventriculaire. Les causes pulmonaires sont principalement les hémorragies alvéolaires réfractaires au traitement ou l’hypoxie réfractaire. Les causes cardiaques sont l’hypertension artérielle pulmonaire, les défaillances hémodynamiques. Il y a eu 1 cas de coarctation de l’aorte. Les causes infectieuses sont des sepsis sévères, les sepsis sur entérocolite ulcéronécrosante ont été classés dans les causes digestives. La cause rénale de décès a été observée chez un prématuré dont une polykystose rénale avait été découverte en anténatal, qui a présenté une anurie dès la naissance avec les troubles ioniques associés avec une infection. La cause dig neuro cardio respi infectieux rénal métabo métabolique a été retrouvée chez un prématuré qui avait une acidose métabolique réfractaire avec déshydratation sévère et qui a fait un arrêt cardiorespiratoire non récupéré, suite à une intubation. Il n’a pas été retrouvé de différence de survie selon l’année (p=0,91), que se soit tout âge gestationnel confondu ou en comparant la survie selon l’année des différents âges gestationnels (Cf figure 4). Il est à noter que l’impression que la survie des enfants nés à 28SA est nulle est liée au fait qu’un enfant est décédé à 111j de vie alors que les autres enfants nés à 28SA qui ont survécus sont restés moins longtemps hospitalisés. La figure 5 illustre la répartition des comorbidités : cardiovasculaire (bronchodysplasie et canal artériel persistant), anomalie neurologique (clinique et/ou radiologique), rétinopathie, digestive (ECUN), retard de croissance extra utérin (RCEU) des enfants hospitalisés. Elle révèle que la majorité des enfants ont entre 2 à 4 complications de la prématurité, et parfois jusqu’à 5 complications. Aucun enfant n’a aucune complication, que ce soit en 2016 ou en 2017. Le nombre enfants survivants ayant au moins 3 comorbidités augmente avec l’âge gestationnel jusqu’à 26SA et diminue ensuite. Il en est de même pour le nombre d’enfants ayant 2 comorbidités : il augmente jusqu’à 27SA puis diminue. En revanche, le nombre d’enfant ayant 0 ou 1 comorbidité augmente avec l’âge gestationnel, et est majoritaire chez les enfants nés à 28SA.  L’analyse de régression de Cox étudiant la survie a été faite en prenant en compte la durée de gestation (avec comme hypothèse plus la grossesse est courte plus la survie est courte), les différentes comorbidités (chaque comorbidité diminue la survie hypothétiquement), la classification abcd (une meilleure classe correspond à une survie plus longue), le Crib 2 (plus il est élevé plus la survie est courte). La durée de gestation a un effet bénéfique sur la survie des nourrissons même en tenant compte des comorbidités : le rapport de risque (RR) est de 0,38 (p=0,034, intervalle de confiance à 95% (IC95%) [0,15 ; 0,93]), cela correspond à une division par 2 du risque de décès entre deux nourrissons dont la durée de gestation est respectivement de 25 SA et de 24 SA (ou de 29 SA et 26 SA). La recherche des comorbidités ayant un impact sur la survie, a permis d’identifier une seule comorbidité ayant un impact sur la survie : la présence d’une anomalie cérébrale radiologique : en effet, la survie des nourrissons présentant une anomalie cérébrale radiologique est moins bonne que celle des nourrissons qui n’en présentent pas (RR 2,70 IC95 %[1,14- 6,37] p=0,017). Il n’a pas été mis en évidence d’effet des autres comorbidités sur la survie. Deux autres comorbidités avaient un effet faussement statistique (la bronchodysplasie et la rétinopathie).

Survie à 1 an

    Concernant la survie à 1 an, il n’a pas été observé de décès entre le retour à domicile et la fin du suivi (à l’âge réel d’1 an). Tous les enfants sauf 1 ont pu avoir au moins 1 consultation avec un pédiatre. 1 enfant n’est jamais venu en consultation et 1 enfant a été transféré en métropole et est revenu en Martinique pour ses 1 an. 18 enfants (46%) sur les 39 enfants survivants à l’hospitalisation en néonatalogie ont été hospitalisés au moins 1 fois au cours de leur 1ère année de vie et parmi ces 18 enfants hospitalisés, 8 (soit 20 % des enfants survivants) l’ont été en réanimation ou en soins intensifs. Au plan neurologique, il a été observé une hypertonie pour 5 enfants, une hypotonie pour 2 enfants. 1 enfant présente une hémiparésie gauche, 1 enfant sous-utilise son membre supérieur droit et 1 enfant a présenté une héminégligence dans les premiers mois de vie qui s’est corrigée avant l’âge de 1 an. Il est noté un retard des acquisitions motrices pour 5 enfants, un retard de langage pour 5 enfants et une hyperexcitabilité discrète pour 5 enfants. 2 enfants ont des pouces adductus et 1 enfant a des orteils en griffe. 40 % des enfants (15) ont eu une plagiocéphalie qui s’est parfois améliorée voire a disparu avec la prise en charge kinésithérapique et les consignes de positionnement. Presque tous les enfants ont pu avoir une prise en charge en kinésithérapie motrice et en psychomotricité. Cependant très peu d’enfants ont été suivi en CAMSP (centre d’action médicosociale précoce) avant leur 1 an. Concernant l’aspect sensoriel, 5 enfants ont des troubles ophtalmologiques dont 2 nécessitant un port de lunettes: 3 enfants présentent un strabisme (dont 1 qui s’est corrigé avant 1 an et 1 qui nécessite un port de lunette), 1 enfant présente une myopie (port de lunette), 1 enfant présente de plus un doute sur un déficit visuel en lien avec une rétinopathie du prématuré et 1 enfant est traité pour une rétinopathie du prématuré. Au plan auditif, seul 1 enfant présente des PEA/OEA douteux bas qui doivent être recontrôlés et qui nécessitera peut-être un appareillage si le diagnostic est confirmé. A l’échelon pulmonaire, 11 enfants (28%) ont exprimé au moins 1 bronchiolite et parmi eux, 2 enfants ont développé un asthme. Parmi les 4 enfants qui sont sortis avec une oxygénothérapie à domicile, seulement 1 a pu en être sevré à 5 mois d’âge réel. 1 enfant présente une allergie aux protéines de lait de vache et 1 autre enfant présente des allergies cutanées et des conjonctivites allergiques. Au niveau croissance, tous les enfants sauf 9 ont une croissance correcte avec un rattrapage pondéral, statural et crânien en cours. Pour les 9 autres enfants, 4 enfants ont une croissance pondérale non optimale, 1 n’a pas une croissance staturo-pondérale et crânienne optimale, 1 a une perte de poids, et 3 ont une stagnation du périmètre crânien. Très peu d’enfants ont présenté une constipation (4) ou des reflux gastro-œsophagiens notables (4), et qui se sont améliorés avant l’âge de 1 an. 6 enfants présentent des troubles de l’oralité à l’âge de 1an (difficulté d’utilisation de la cuillère, d’une alimentation en morceaux ou alimentation lente et en petite quantité). Tous les enfants éligibles à vaccination anti VRS (virus respiratoire syncytial) ont eu la prévention vaccinale, et seulement 5 enfants ne sont pas à jour de leur vaccination à l’âge de 1 an.

IMC

     Des paramètres secondaires ont été étudiés. Ainsi, l’IMC moyen des mères en 2016 est de 26,3kg/m², avec une médiane à 23,95kg/m². En 2017, les résultats étaient sensiblement les mêmes : une moyenne de 28,3kg/m², et une médiane à 25,6kg/m². Il n’a pas été retrouvé de différence significative d’IMC selon l’âge gestationnel. Cependant il est à noter que l’IMC reste élevé, surtout pour les moins de 26SA (cf figure 6). Les enfants des mères en surpoids ou obèses n’ont pas plus de comorbidités que ceux dont les mères ont un IMC correct.

Retard de croissance intra utérin (RCIU)

     Le taux d’enfant avec un retard de croissance intra utérin (RCIU) est de 30 % pour l’ensemble des enfants inclus (hospitalisés ou non) et de 22 % chez les enfants hospitalisés. Le nombre d’enfant avec un RCIU augmente à partir de 23SA jusqu’à 26SA puis diminue. Il est plus important chez les enfants qui n’ont pas été pris en charge entre 22 et 25 SA, en revanche le nombre d’enfants avec un RCIU entre 26 et 28SA est plus important chez les enfants ayant été hospitalisés que les enfants n’ayant pas été hospitalisés. (figure 8). On observe un pic d’enfants avec un RCIU à 26SA, que se soit chez les enfants hospitalisés et chez les enfants non hospitalisés.

Modification de la répartition des enfants pris en charge

    Notre étude s’inscrit dans une période de transition et d’évaluation des pratiques après plusieurs années de progrès. Le « réseau santé périnat Matnik » qui s’intéresse à la grossesse et la natalité a pu fournir des données générales martiniquaises sur les naissances en 2016 et 2017 : ces 2 années, il a été observé, en 2016, 3823 naissances dont 3751 naissances vivantes, 75 naissances entre 22SA et 27SA+6, et respectivement en 2017, 3602 naissances (3555 naissances vivantes, 62 naissances entre 22SA et 27SA+6j). La Martinique a donc recensé un peu plus de naissances en 2016 qu’en 2017. Il en est de même pour les naissances prématurées en 2016 et 2017. Or, ce travail retrouve un nombre plus important de naissances prématurées au CHU en 2017 par rapport à 2016 (soit en 2016, 52 naissances de 22 à 27SA+6 et 59 en 2017). Avec l’épidémie de Zika de 2016, le nombre d’accouchement au CHU a augmenté pour les enfants nés entre 22 et 28SA+6j. En conséquence, malgré une baisse de la prématurité en Martinique, il y a eu une centralisation de la prise en charge des prématurés au CHU, entre 2016 et 2017, avec des prématurés qui ont ainsi été plus hospitalisés et qui ont plus survécus. Ces chiffres s’inscrivent dans un contexte de vieillissement de la population martiniquaise, associé à une baisse constante du nombre de naissance en Martinique. En effet, les données du réseau périnatal martiniquais de l’année 2015 indiquent 4035 naissances dont 3966 naissances vivantes et 55 entre 22SA et 27SA+6j. Ainsi, cette diminution des naissances provoque un risque de perte d’expertise de l’équipe obstétrico-pédiatrique par manque de pratique mais qui est compensé par la centralisation des naissances au CHU. La comparaison avec les études antérieures locales et régionales (tableau 4), révèle cependant une augmentation du nombre de prématurés pris en charge. En effet, dans son travail, Masson [14] a recensé de manière rétrospective 224 enfants nés entre 1992 et 1995 avant 33 SA dont 42 avant 29 SA, (soit 1 enfant de 25SA, 9 enfants de 26SA, 14 enfants de 27SA et 18 enfants de 28SA), avec un poids moyen de naissance pour ces enfants de 956g, soit plus faible que le poids moyen actuel. L’étude guyanaise de Favre et al [15], retrouvait 88 enfants de 25SA ou plus, nés en 1998 à Cayenne. Le nombre d’enfants extrêmement prématurés nés en Martinique pris en charge a donc bien augmenté en 25 ans, (il a plus que doublé :x2,5), avec une prise en charge, comme en métropole, des enfants de moins de 25SA. Selon l’étude EPIPAGE 2 [3]: sur les 6696 enfants inclus, 1642 nés entre 22 et 28SA étaient hospitalisés . Il s’agissait de 2 enfants vivants nés à 22SA, 7 à 23SA, 113 à 24SA , 283 nés à 25SA, 395 à 26SA, 391 à 27SA et 451 à 28SA.

Conclusion

     L’évaluation du devenir des très grands et un peu moins grands prématurés martiniquais nés au cours des 2 dernières années a montré que leur morbi-mortalité n’est pas négligeable, même pour un âge gestationnel de 27 ou 28SA, avec la présence d’un pic d’enfants plus sévèrement touchés à 26SA, qui n’est pas confirmé statistiquement, associé à cet âge à un pic d’obésité chez les mères et à un pic de retard de croissance intra-utérin, créant un terrain spécifique. Ceci justifie le questionnement de la prise en charge anténatale y compris pour un âge gestationnel de 26, 27 ou 28 SA, même s’il est hors de la « zone grise » décrite en métropole. La classification abcd devrait apporter une meilleure visualisation des enfants de risque intermédiaire « c » et une augmentation de leur prise en charge à la naissance, et qui permettrait possiblement d’optimiser la prise en charge et le devenir des enfants classés en « d ». Le questionnement de la réanimation en salle de naissance doit ainsi vraiment prendre en compte la classification et non uniquement l’âge gestationnel, et ce, d’autant plus qu’il semble exister un décalage de la zone grise en Martinique à 24-27 SA. La centralisation au CHU des naissances prématurées après l’épidémie de Zika a déjà permis une amélioration discrète et permettra une meilleure application de la classification qui est prévue pour mars 2019. L’optimisation de la qualité des soins et du suivi devrait également améliorer la survie.

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Table des matières

Introduction
Matériels et méthodes
Résultats
1 – Caractéristiques de l’ensemble de la population
Figure 1 : flow chart
2 – Caractéristiques prénatales et natales des enfants hospitalisés dans le service de réanimation néonatale 
Tableau 1 : caractéristiques prénatales et natales des enfants hospitalisés
3 – Caractéristiques postnatales (morbi-mortalité) des enfants hospitalisés dans le service de réanimation néonatale 
4 – Caractéristiques des enfants hospitalisés dans le service de réanimation néonatale selon l’âge gestationnel
tableau 2 : comparaison des comorbidités des enfants hospitalisés selon l’année
5 – Décès et comorbidités post-natales 
figure 2 : répartition des enfants hospitalisés vivants à la sortie selon l’âge gestationnel et l’année
figure 3 : cause de décès des enfant hospitalisés selon l’âge gestationnel
figure 4 : courbes de survie des enfants hospitalisés selon l’année et selon l’âge gestationnel
figure 5 : répartition des enfants hospitalisés selon le nombre de comorbidités
6 – Survie à 1 an 
7 – Critères secondaires
A) IMC
figure 6 :répartition des IMC maternels
B) Classification abcd
Figure 7 : répartition des enfants selon la classification abcd
tableau 3 : Survie et comorbidités selon la classification abcd des enfants hospitalisés
C) Score Crib 2
D) Retard de croissance intra utérin (RCIU)
figure 8 : répartition des enfants ayant un RCIU selon l’âge gestationnel
Discussion
1 – Mortalité
Tableau 4 : comparaison avec les études régionales et nationales
2 – Comorbidités 
3 – Modification de la répartition des enfants pris en charge
4 – IMC et RCIU
5 – Prise en charge à la naissance 
6 – Classification abcd 
7 – Suivi
A) Prise en charge
B) nouvelles hospitalisations
C) suivi pulmonaire
D) suivi neurologique et sensoriel
E) troubles de l’oralité
8 – Devenir des enfants selon la classification 
Conclusion

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