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Le goût pour l’aliment : réponses innées
Dès la naissance, le nouveau-né humain manifeste des réactions nettes à certaines molécules comme l’ont montré les études de mimiques faciales [4]. Une solution sucrée déclenche des mimiques qui sont interprétées comme une manifestation de plaisir par des observateurs qui ne connaissent pas la nature de la saveur. Une solution amère déclenche des réactions interprétées comme signes de déplaisir mais l’intensité de ces réactions dépend de la nature du stimulus amer – elles sont plus marquées avec la quinine qu’avec l’urée [5]. Les réactions à une saveur acide diffèrent de celles induites par une saveur amère mais sont également interprétées comme une manifestation de déplaisir. Ces réponses sont universelles et correspondent à des réflexes gusto-faciaux, elles sont retrouvées chez tous les nouveau-nés, et même chez des enfants anencéphales ou hydrocéphales [1]. L’appréciation pour la saveur salée émerge entre le 3ème et le 6ème mois [6]. Les travaux sur le goût umami (goût déclenché par exemple par le glutamate de sodium) montrent que le nouveau né, lorsqu’on lui met quelques gouttes d’une soupe de légumes additionnée de glutamate de sodium, réagit par des réflexes gusto-faciaux d’acceptation similaires à ceux observés pour la saveur sucrée [7]. La réaction des nouveau-nés au goût du gras a été peu étudiée et les résultats obtenus n’ont pas mis en évidence d’attirance pour ce goût chez le nourrisson [8].
L’existence de réponses universelles vis-à- vis de stimulation odorante n’est pas démontrée même si quelques travaux rapportent des réponses hédoniques vis-à-vis de certains odorants : l’odeur de vanille entraînerait moins de mimiques négatives que l’odeur de l’acide butyrique [9]. Il semble que la composante hédonique vis-à-vis de stimulations olfactives est une composante principalement apprise avec l’expérience [10], cette expérience pouvant être antérieure à la naissance [11].
L’attirance pour le sucré peut être modulée par l’expérience et la consommation de produits amers montre qu’il est possible d’apprendre à aimer cette saveur initialement rejetée. Ainsi, nos goûts et dégoûts résultent pour la plupart de nos expériences alimentaires et du contexte culturel, social, psychologique et physiologique dans lequel ces expériences alimentaires ont lieu.
Rapport du groupe PNNS sur la qualité gustative des aliments 7
Le goût pour l’aliment : l’apprentissage alimentaire
Les goûts et dégoûts résultant pour la plupart de nos expériences alimentaires, il est évident qu’ils vont différer de façon importante entre cultures mais également au sein d’une même culture.
« Par l’ingestion, le « goût de » l’aliment (plus exactement la perception de l’ensemble de ses caractéristiques organoleptiques) va permettre l’élaboration du « goût pour » l’aliment, autrement dit l’appétibilité spécifique de l’aliment pour un mangeur donné. » [7].
Différents mécanismes vont permettre d’apprendre à aimer des goûts initialement rejetés et vont permettre à l’enfant d’apprendre à aimer les aliments de sa culture. En effet, les aliments non connus sont rejetés ou consommés avec réticence, il s’agit du phénomène de « néophobie alimentaire ». La néophobie alimentaire se manifeste à partir de l’âge de deux ans puis diminuerait à partir de 7 ans [12]. Ainsi, la période 2-7 ans n’est certainement pas la période favorable pour l’introduction d’aliments inconnus. A l’inverse, autour de six mois le nourrisson semble accepter relativement facilement des aliments inconnus et il semble préférable de ne pas repousser au-delà de 9 mois l’introduction de textures variées [13]. Les adultes sont plus ou moins néophobes. La néophobie alimentaire serait un trait de caractère déterminé génétiquement mais environ 25% des variations phénotypiques seraient dues à des facteurs environnementaux [14].
Les psychologues ont mis en avant le rôle de la « simple exposition » dans l’acquisition de l’appréciation pour un objet nouveau dans le domaine de la vision ou de l’audition. Ce rôle de la simple exposition a été proposé comme un mécanisme d’apprentissage dans le domaine alimentaire. Il a en effet été montré que l’appréciation d’un aliment par les enfants augmentait avec l’exposition [15]. Néanmoins la différence entre une exposition à une image ou un son et une exposition à un aliment est que l’aliment est ingéré et induit des effets physiologiques. Ainsi, dans le domaine alimentaire, une exposition est rarement « simple ».
Si la consommation d’un aliment inconnu n’est pas suivie d’effets post-ingestifs négatifs, l’appréciation pour cet aliment va augmenter, c’est le phénomène de sécurité apprise.
Un autre mécanisme d’apprentissage est le conditionnement associatif entre flaveur et effets post-ingestifs. Ainsi, l’association de l’aliment à des effets post-ingestifs bénéfiques, rassasiants ou pharmacologiques, va entraîner une augmentation du « goût pour » cet aliment.
L’apprentissage d’un « goût pour » des aliments inconnus peut également se faire via un conditionnement associatif entre goûts, qualifié de conditionnement flaveur-flaveur. Ainsi, si un goût nouveau initialement peu apprécié (stimulus conditionnel) est associé à un goût déjà apprécié (stimulus inconditionnel), l’appréciation pour le goût nouveau, après exposition à ce mélange, sera plus élevée même quand il sera présenté sans le stimulus conditionnel [16].
Différentes formes d’apprentissages liés à l’environnement social ont également été décrits et étudiés. Selon Rozin, ces facteurs sociaux seraient les moyens les plus efficaces pour faire apprécier des aliments [17].
Il a été montré que l’appréciation pour un aliment initialement neutre ou peu apprécié peut augmenter si le jeune enfant est en présence d’un pair consommant cet aliment [18]. Par ailleurs, si un adulte montre du plaisir à consommer un aliment, l’enfant remarque cette réponse positive qui va influencer son propre comportement et par suite sa propre réponse affective [17]. L’appréciation pour un aliment peut également être modifiée en fonction des pratiques parentales. Ainsi, il a été montré expérimentalement qu’une pratique parentale courante qui consiste à offrir à l’enfant une récompense parce qu’il a consommé un aliment (« mange ta soupe et tu pourras regarder la télévision ») est contre-productive car elle va diminuer l’appréciation pour l’aliment [19]. Il semble que le sens de l’effet dépende de la valeur subjective de la récompense. Cet effet serait observé quand la valeur subjective de la récompense est élevée mais l’inverse a été observé quand une récompense de moindre valeur (choisir un autocollant) est offerte ; néanmoins la simple exposition conduisait à une plus grande augmentation de l’appréciation pour l’aliment que l’exposition associée à cette récompense [20].
Par ailleurs, il est fréquent que les parents offrent à leur enfant un aliment en récompense d’un bon comportement. De nouveau Birch et ses collègues ont étudié les effets d’une telle pratique au cours d’une étude expérimentale. Ces auteurs ont ainsi montré que l’appréciation pour l’aliment ainsi offert à des enfants entre 2 et 5 ans, initialement neutre au début de l’étude, augmentait [21]. Toutefois, ce sont le plus souvent des aliments déjà appréciés qui sont offerts aux enfants.
Une autre stratégie couramment utilisée par les parents consiste à restreindre ouvertement l’accès aux aliments appréciés. Il a été montré, avec des enfants de 3 à 6 ans, que cette pratique conduisait à une augmentation de l’appréciation pour l’aliment « interdit » [22]. Inversement, forcer un enfant conduit au rejet de l’aliment qui peut persister longtemps [23].
Enfin, des préférences stables peuvent être acquises dans le cas où des aliments préalablement interdits à l’enfant car réservés aux adultes sont proposés à l’enfant avec un certain rite [24]. Cet auteur donne l’exemple de la gorgée de bière proposée par un père à son enfant qui s’exclame « merveilleux » tout en faisant une horrible grimace à cause de l’amertume qu’il ressent. Ce sont de tels rites qui dans certaines cultures participent aussi à l’acquisition du goût pour le piment [25]. Ainsi, dans la vie quotidienne, différents mécanismes peuvent intervenir dans l’apprentissage du « goût pour » un aliment donné. Le nourrisson va, par exemple, apprendre à aimer le goût de yaourt parce que sa mère y a ajouté du sucre, car le yaourt sucré lui apporte de l’énergie et parce que sa mère lui propose ce yaourt dans un contexte affectif positif. De plus, la saveur sucrée qui joue ici le rôle de stimulus inconditionnel peut également avoir un impact direct sur l’amélioration du goût du yaourt en diminuant la perception de la saveur acide.
Des effets post-ingestifs négatifs peuvent induire des aversions. Ainsi, lorsque l’ingestion d’un aliment aux caractéristiques sensorielles particulières est suivie de troubles digestifs, il peut arriver qu’une association soit faite entre le malaise et un aliment consommé lors du repas précédent et qu’une aversion alimentaire pour cet aliment naisse [26]. On parle alors d’aversion « conditionnée ». Une seule expérience suffit à créer une telle aversion qui est généralement durable.
Ces aversions alimentaires peuvent également être « psychologiques » ; on parle alors plutôt de dégoût alimentaire, comme c’est le cas par exemple pour la consommation d’insectes dans la plupart des pays occidentaux [27, 28].
Le goût pour l’aliment peut varier pour un même individu
Même si les expériences de la petite enfance semblent déterminantes dans les préférences et les habitudes alimentaires ultérieures, en particulier en termes de variété du répertoire alimentaire, les goûts et les dégoûts peuvent évoluer tout au long de la vie.
Le contact répété avec l’aliment peut, comme nous l’avons vu entraîner progressivement une augmentation de l’appréciation, mais peut aussi provoquer un effet de lassitude [29]. Toutefois, une telle lassitude semble ne pas se produire pour les aliments qui constituent la base du régime alimentaire, les « staple foods » en anglais, tels que les pâtes en Italie, le riz en Asie [30].
Il existe également des variations d’appréciation à très court terme. Ainsi, même si nous aimons un aliment, notre envie pour cet aliment varie au cours de la journée. Il semble donc important de différencier le fait d’aimer un aliment (« liking ») ou de vouloir consommer cet aliment (« wanting ») [31, 32]. Cette différence de « goût pour » un aliment en fonction du moment de la journée (le consommateur n’a pas forcément envie du même aliment lors du repas de midi que lors d’une collation au cours de l’après- midi) est essentiellement le résultat d’apprentissages culturels qui se produisent très précocement comme l’ont démontrés les travaux de Birch [33].
Enfin, le « goût pour » un aliment peut également changer au cours du repas [1]. « Lors de l’ingestion d’un repas, le caractère agréable de l’ingestion d’un aliment diminue à mesure qu’il est consommé ; si l’aliment est consommé jusqu’au rassasiement, le plaisir à manger cet aliment devient nul. Des aliments présentant des caractéristiques sensorielles différentes demeurent toujours appétissants et peuvent stimuler la consommation. Ce phénomène, appelé « rassasiement sensoriel spécifique » (RSS), ou « Sensory Specific Satiety » pour reprendre les termes des chercheurs qui l’ont mis en évidence [34], démontre que l’activité sensorielle de l’aliment, outre l’effet stimulant initial de la consommation, possède une activité rassasiante au cours de son ingestion qui est spécifique de ses caractéristiques sensorielles ».
Le terme d’alliesthésie a été proposé pour décrire les variations du plaisir procuré par un aliment en fonction de l’état interne de l’organisme [35].
Plus généralement, on peut affirmer que le contexte est susceptible d’influencer le plaisir sensoriel ressenti par les consommateurs lors de la consommation d’un produit. La littérature fournit de nombreux exemples d’influences des variables contextuelles [36], qu’elles soient internes à l’individu comme nous venons de le voir ou bien externes.
Qualité gustative, organoleptique ou sensorielle
La qualité sensorielle comporte trois composantes : une composante qualitative (par exemple, dans le cas d’une boisson : cette boisson a le goût d’une boisson à l’orange), une composante quantitative (par exemple, le goût orange de cette boisson est faible) et une composante hédonique (par exemple, j’aime beaucoup cette boisson à l’orange).
« Le goût de » correspond aux composantes qualitatives et quantitatives. « Le goût pour » correspond au plaisir procuré par la consommation d’un produit, donc à la composante hédonique. Dans la suite de ce document, l’expression « qualité gustative » a souvent été remplacée par l’expression « qualité sensorielle ». L’expression « qualité organoleptique » aurait pu également être utilisée : celle-ci présente, en effet, l’intérêt de souligner que la qualité prise en compte dans ce document est celle provenant de l’action d’un aliment sur un organe récepteur (littéralement, organoleptique : « qui agit sur un organe récepteur ») ; mais le terme « organoleptique » tend depuis une vingtaine d’années à être abandonné au profit de « sensoriel ».
Le présent document porte davantage sur la qualité hédonique que sur la qualité sensorielle des aliments servis au cours d’un repas. Il est possible que, dans les pages qui suivent, l’expression qualité sensorielle ait été parfois utilisée à la place de qualité hédonique. Les puristes pourront le regretter. Mais cette confusion n’altère pas le message analysé et transmis dans ce document : Les aliments procurent-ils du plaisir à ceux qui les consomment ? Et si la réponse n’est pas positive, comment agir pour faire que les aliments procurent du plaisir ?
Goûts et préférences
Au delà de cette articulation sur les aliments avec la distinction « goût de » et « goût pour », la notion de goût prend une signification beaucoup plus large. Elle est en fait une notion gigogne. Comme pour des poupées russes plusieurs significations s’emboîtent les unes dans les autres. Le goût est à la fois un des cinq sens extéroceptifs, un complexe sensoriel articulant des sensations (gustatives, olfactives, tactiles, auditives et proprioceptives…) et enfin plus largement la capacité à s’orienter positivement dans les possibilités offertes par une société donnée. Ainsi dira-t-on de quelqu’un qu’il a « bon goût » en parlant de ses vêtements, de la décoration de son intérieur, de ses goûts musicaux, littéraires, gastronomiques…. Ces choix contribuent à positionner un individu dans l’espace social. L’appréciation du « bon goût » implique aussi clairement celui qui regarde et les systèmes de valeurs qu’il mobilise pour décréter comme « bon » tel ou tel choix [37]. Le goût tient ainsi une position centrale dans les processus de différentiations sociales ou de distinction [38]. Le goût alimentaire traduit donc a la fois les origines et les aspirations sociales des individus. Enfin, à travers le processus d’incorporation, les individus construisent et entretiennent leurs identités sociales [39]. Ces imbrications entre les différents niveaux sensoriels, psychologiques, sociaux et culturels des goûts et des dégoûts les rendent très dépendants des contextes d’apprentissage et de socialisation et pointent l’importance du processus de sémantisation qui associe à la sensation des significations et des valeurs sociales. Les aliments, les plats sont des supports de significations et si l’homme a besoin de nutriments, il les incorpore en consommant selon des rituels précis des aliments transformés en plats et combinés entre eux à nouveau selon des conventions sociales précises. Le mangeur humain est autant consommateur de signes, de symboles que de nutriments. Qui plus est, un aliment sans signification, non inscrit dans les catégories d’un modèle alimentaire n’est pas considéré comme mangeable. C’est la fameuse formule de Claude Lévi-Strauss : « pour qu’un aliment soit bon a manger il faut d’abord qu’il soit bon à penser . » S’intéresser à la qualité perçue des aliments en restauration collective suppose de prendre en charge les dimensions sociales et culturelles qui contribuent à la construction du goût tant au niveaux du choix des aliments, des modes de préparation culinaire que de distribution.
« Regardons pour commencer comment s’opèrent les interactions entre le social et le biologique au niveau du comportement alimentaire de l’homme. Celui-ci est soumis à un double déterminisme biologique et culturel et va être au cours du développement de l’enfant et de sa socialisation l’objet d’apprentissages. Il est tout d’abord déterminé par le statut biologique d’omnivore de l’espèce qui définit une série de contraintes et s’inscrit dans le patrimoine génétique commun de l’espèce. Mais le comportement alimentaire subit également l’influence de mécanismes culturels. Le premier est inscrit au sein de son patrimoine génétique lui-même. Il résulte des interactions entre les patrimoines génétiques de la lignée dont est issu un individu donné, avec d’une part les biotopes et d’autre part les cultures dans lesquelles cette lignée a été immergée. Du dialogue entre la génétique des populations et l’anthropologie résulte le constat scientifique qu’il n’y a pas d’homme « biologique pur » ni d’homme « social pur » mais qu’un homo sapiens est le produit de façonnages et d’interactions entre biologie et culture [40]. Celle-ci pèse sur la génétique en participant au mode de sélection, de transmission et de diffusion des gènes par les règles de parenté et les différents interdits sexuels et à travers l’alimentation elle est impliquée dans des processus d’expression ou de non expression de phénotypes. Sur ces questions se développe aujourd’hui une nouvelle discipline : la nutrigénétique [41]. La biologie à son tour « pèse » sur la culture en imposant des limites vitales aux prétentions des sociétés à organiser le vivant, qu’il soit naturel ou humain.
Le poids de la culture dans laquelle un individu est immergé intervient donc d’emblée et cela dès la naissance par son patrimoine génétique et à travers le modèle alimentaire dans lequel il est immergé et qui est un ensemble de catégories acquises par apprentissage. Ces deux patrimoines (le patrimoine génétique et le modèle alimentaire) sont donnés en dehors de tout choix de l’individu. La résultante finale n’est cependant pas la simple addition des parties, mais une création originale, issue de l’interaction de ces deux patrimoines.
Si la programmation initiale du nouveau-né lui permet de téter, de digérer le lait maternel et de préférer la saveur sucrée, au-delà de cette première programmation, tout est à apprendre, depuis l’utilisation des modalités sensorielles jusqu’aux conduites d’ingestion et l’acquisition des manières de table. L’ensemble de ces apprentissages s’opère dans un contexte culturel et à travers un ensemble d’interactions sociales. Ils sont nécessaires pour assurer le traitement cognitif des informations et surtout pour les sémantiser, en d’autres termes pour leur donner une signification [42]. Ils permettent également de donner une magnitude aux sensations, magnitude qui est à la fois personnelle et tributaire des normes des groupes sociaux dans lesquels l’individu est intégré. L’alimentation apparaît donc au cœur du dispositif de socialisation car en apprenant à manger, un enfant met à la fois en place des apprentissages utiles pour mettre en œuvre et contrôler cette activité, et incorpore au sens le plus fort du terme le système de valeur du groupe social dans lequel la naissance l’a placé.
La perception, qui permet à la fois de généraliser et de catégoriser, est un aspect fondamental dans la construction du monde. Cette étape est décisive pour apprendre à manger, c’est-à-dire pour construire le répertoire des produits comestibles d’un individu positionné dans une culture donnée. Elle lui permet de construire ses propres catégories alimentaires que Matty Chiva (1995) désigne par l’expression « les aliments pour moi ». Ces apprentissages se font par observation et imitation des adultes et des pairs. C’est au cours des différentes étapes de la socialisation (primaire dans la famille, secondaire à l’école et tertiaire dans l’univers professionnel) que s’opère l’appropriation des registres alimentaires. Ces trois niveaux de l’apprentissage alimentaire font évoluer d’une étape à l’autre les habitudes de consommation. Ils sont précoces et, surtout, ont toujours lieu dans des contextes affectifs et relationnels. C’est pourquoi l’émotion et l’hédonisme jouent un rôle majeur chez le jeune enfant et restent tout au long de la vie des moteurs de la relation à l’alimentation. C’est aussi la raison pour laquelle les aspects cognitifs, aussi importants soient-ils, ne suffisent pas pour apprendre ou modifier des pratiques alimentaires. Dans le domaine des pratiques alimentaires, l’appris prend le pas sur l’inné. » [43]
Lorsque nous mangeons, nos comportements sont régis par trois répertoires [44] : celui du comestible, celui du culinaire et celui que nous qualifions de gastronomique.
– Le premier répertoire nous inscrit dans une civilisation qui accepte, ou non, de manger des insectes, du chien, du porc, des champignons, des cuisses de grenouilles, etc., alors qu’une autre s’interdit de telles consommations. On comprend comment des croyances et des superstitions déterminent ce qui est comestible (et entre alors dans notre répertoire) et ce qui ne l’est pas. Ce premier répertoire varie à travers l’espace mais aussi à travers le temps.
– Le second répertoire, celui du culinaire, concerne les façons de produire l’aliment, c’est-à-dire, de le conserver, de le cuire, de le cuisiner. Ce second répertoire varie également selon le temps et le groupe socio-culturel. Par exemple, les groupes dominants qui valorisaient les apports caloriques à la fin du XIXème siècle mangent en début du XXIème siècle de plus en plus « léger »). Cela varie aussi d’un type de famille à un autre, car l’acte culinaire participe à la construction de la mémoire familiale qui structure nos préférences alimentaires. Depuis le répertoire du culinaire, des segmentations, des typologies peuvent être appréhendées.
– Le troisième répertoire, celui du gastronomique, se définit par deux critères : d’abord le sujet se pense mangeant ; ensuite, il en retire un plaisir qui correspond à trois logiques pouvant parfois s’imbriquer en un seul système. La logique de la « haute cuisine » qui positionne le mangeur comme le centre d’un monde autour duquel on s’active et pour lequel le chef cuisinier, a créé artistiquement une nouveauté dont il a la primeur. La mise en scène de cette première forme de répertoire gastronomique (qui est généralement la seule retenue par les analystes) glorifie le mangeur, signifie sa réussite sociale au sein du théâtre gourmand. On comprend que la politique de restauration collective, particulièrement dans les cantines fréquentées par nos enfants ne corresponde pas nécessairement à cette première logique (même si, çà ou là des efforts sont entrepris pour améliorer l’offre et l’image du restaurant scolaire). La « cuisine affective » représente la seconde logique. Elle correspond à la cuisine porteuse de mémoire, d’une filiation identitaire. On la situe plutôt du côté des femmes et de la reproduction de savoir-faire. Elle confère au mangeur une sorte de tranquillité, d’apaisement à travers la reconstruction identitaire ou la représentation que l’on s’en fait. Là encore, les enfants, les adolescents ou les personnes captives dans un hôpital ou une prison ne rencontrent pas ce type de logique, quelle que soit la gentillesse de l’équipe qui les sert à table, dans la chambre ou au lit, elle ne peut se substituer à la dimension affective véhiculée par les proches. Enfin, la « cuisine de foire », troisième logique gastronomique, gomme les contraintes, permet de s’approprier l’espace public, d’y partager, dans des relations éphémères non contraignantes, des aliments avec l’altérité. Ce type de gastronomie, qui s’accompagne souvent de nomadisme, croît dans nos cités modernes et s’inscrit aussi dans leur multiculturalisme ou leur cosmopolitisme. Au sein du « répertoire gastronomique » tel que nous l’avons défini – se penser manger et en ressentir du plaisir- cette troisième logique fascine quelque peu nos enfants et adolescents (en soulignant que les jeunes mangeurs font preuve d’une pluralité gastronomique beaucoup plus importante que ne le laissent supposer des représentations issues d’études nord-américaines [45, 46] au moment même où l’information nutritionnelle dénonce les dangers d’excès qu’engendrerait son absence de « manières de table ». [47, 48, 49, 50, 51]
Le « goût de » et le « goût pour » : comment les mesurer ?
« Nos yeux, nos oreilles, notre odorat, notre goût diffèrent, créent autant de vérités qu’il y a d’hommes sur la terre. »
Les messages sensoriels à la base du « goût de », et par suite du « goût pour », résultent de l’activation de récepteurs par des stimulus de nature physique ou chimique. C’est pourquoi la science de l’alimentation a cherché à déterminer la qualité sensorielle et plus particulièrement le
« goût de » en mesurant les caractéristiques physiques ou chimiques des aliments au moyen de méthodes instrumentales.
Des mesures instrumentales peuvent-elles permettre de remplacer l’évaluation sensorielle ?
Il est en général très difficile de remplacer une mesure sensorielle par une mesure instrumentale. En effet, la perception d’une caractéristique sensorielle ‘simple’ est, le plus souvent le résultat d’un phénomène complexe. Si nous prenons l’exemple de l’intensité de la saveur sucrée :
– elle résulte souvent de plusieurs composés,
– elle peut être influencée par d’autres caractéristiques gustatives telles que l’acidité ; elle dépend donc de composés qui n’ont pas une saveur sucrée,
– elle peut être influencée par la texture qui va en particulier modifier la libération, en bouche, des composés sapides (et odorants),
– elle peut-être influencée par les arômes qui vont interagir avec la perception gustative non seulement par suite d’interactions physico-chimiques, mais également d’interactions cognitives. Ainsi, l’augmentation de la concentration d’un arôme congruent (c’est-à-dire associé à une saveur sucrée lors de consommations antérieures) comme l’arôme fraise entraîne une augmentation, non seulement de l’arôme fraise, mais également de la saveur sucrée. Ce phénomène repose sur le fait que suite à des consommations d’aliments dans lesquels un arôme donné est toujours associé à une saveur salée, l’individu intègre ces signaux et perçoit ensuite l’arôme comme salé, ceci renforçant la perception de la saveur salée. Ces apprentissages sont liés à l’intégration au niveau du cerveau des signaux sensoriels gustatifs et olfactifs et sont donc le résultat d’un apprentissage associatif.
Il est encore plus difficile de relier la composition en volatils à la perception de l’odeur ou de l’arôme. Cette difficulté peut s’expliquer par différentes raisons :
– certains composés volatils sont perçus à très faible concentration et d’autres à des concentrations beaucoup plus élevées,
– il est extrêmement difficile de prédire la perception des mélanges complexes. Dans de très rares cas, la note olfactive typique du produit alimentaire est due à un unique composé odorant, ou à un petit nombre composés odorants. Dans la plupart des cas l’arôme est dû à un grand nombre de composés présents dans certaines proportions.
Néanmoins certaines mesures instrumentales peuvent permettre d’appréhender certains éléments de la qualité sensorielle. C’est par exemple le cas de la teneur en sucres de liquides ou d’aliments peut être approximée par le degré Brix (°B) ou % Brix (ou Indice Réfractométrique : IR) lu au moyen d’un réfractomètre : instrument permettant d’estimer la concentration d’une solution à l’aide de principes optiques. Un degré Brix ou un % Brix représente 1% en poids de saccharose dans la solution) [52]. Le degré Brix intègre tous les solides solubles (dont les sucres et les acides). Cette mesure peut-être utilisée pour vérifier le degré de maturité de fruits et le respect d’un cahier des charges.
Les travaux sur la tomate constituent un bon exemple des contributions respectives des approches sensorielles et instrumentales. Une étude publiée en 2007 [53] révèle que :
les saveurs sucrées et acides sont assez bien estimées par les teneurs en sucres et en acides, mais aussi par des mesures indirectes comme l’indice réfractométrique et le spectre infrarouge, notamment dans le domaine du proche et moyen infrarouge l’intensité aromatique globale est fortement liée au ratio sucre/acide :
les arômes perçus sont assez peu corrélés aux teneurs en volatils à l’exception de certains arômes défavorables (comme l’arôme « pharmaceutique » lié à la présence d’eugénol et de méthoxyphénol) ;
pour la texture, la fermeté ressentie en bouche est corrélée à la fermeté mesurée par pénétrométrie, mais les composantes de farinosité, de fondant et de jutosité sont beaucoup moins bien évaluées par les mesures instrumentales.
Compte tenu que le « goût pour » dépend de l’individu et de ses expériences, Il est encore plus difficile de remplacer la mesure sensorielle par des mesures instrumentales.
La mesure du « goût de »
C’est pourquoi les mesures sensorielles visant à mesurer la qualité sensorielle ou le « goût de » sont difficilement remplaçables. Ces mesures sont réalisées au moyen de jurys formés et entraînés. On parle de démarches analytiques et on distingue principalement :
– les démarches discriminatives dans lesquelles on recherche des différences ou des similitudes, sur le plan organoleptique, entre des produits/formulations ;
– les démarches descriptives dans lesquelles on cherche à identifier et à décrire la nature des différences entre produits, sur un plan qualitatif et/ou quantitatif.
Les démarches descriptives visent à caractériser les produits sur le plan organoleptique. Elles consistent à réaliser de véritables cartes d’identité sensorielle des produits que l’on appelle aussi « profils sensoriels » (ex figure 1 ci-dessous [54]).
Différentes techniques de description existent mais le plus souvent, il s’agit de noter sur des échelles de mesures, la nature et l’intensité de perception de différentes caractéristiques sensorielles telles que la sensation de sucré, le degré de fermeté, etc.
Les mesures recueillies dans le cadre de l’établissement de ces profils sensoriels peuvent être ensuite comparées et analysées par des techniques statistiques unidimensionnelles (comparaison des intensités observées sur différents produits pour chacun des attributs sensoriels notés) et multidimensionnelles (évaluation des proximités organoleptiques globales entre produits).
Les approches descriptives sont ainsi utilisées afin :
– de décrire précisément un produit (comparativement à d’autres)
– d’évaluer les degrés de similitude (proximités) ou de différenciation d’un produit vis à vis de références concurrentes,
– de pouvoir communiquer sur les spécificités organoleptiques d’une recette, d’une fabrication : (« qu’est ce qui différencie mon produit des autres références présentes sur le marché? »).
– d’évaluer l’impact d’une modification d’un procédé de fabrication ou d’une recette sur les caractéristiques sensorielles d’un produit,
– d’évaluer l’impact d’un type de conditionnement ou du vieillissement (durée de conservation) sur les caractéristiques sensorielles d’un produit,
– de pouvoir faire un lien entre les caractéristiques sensorielles et l’appréciation hédonique ou les préférences des consommateurs. (cf. § 2.3)
La mesure du « goût pour »
Cette partie a été rédigée avec l’aide de Julien Delarue, enseignant-chercheur (AgroParisTech). Les mesures sensorielles visant à mesurer le « goût pour » correspondent aux approches hédoniques. Elles sont réalisées par des sujets « naïfs », c’est-à -dire par des jurys constitués de consommateurs non entraînés aux approches discriminatives ou descriptives. Les mesures hédoniques sont déclaratives : il est demandé aux consommateurs de donner une note de satisfaction engendrée par l’évaluation du produit, de classer différents produits du moins au plus apprécié, ou de désigner, parmi deux produits celui qu’il préfère.
La plupart d’entre elles sont décrites en détails dans la norme AFNOR XP V09-500 [55]. Pour les besoins de la recherche et du développement, les mesures hédoniques sont classiquement conduites à l’aveugle (c’est-à-dire sans information sur la marque, la provenance, le prix, la composition, la recette…), de manière à obtenir une réponse issue uniquement des caractéristiques sensorielles des produits. Cependant, cela n’est pas toujours possible et l’on sait également que toute information non-sensorielle (marque, provenance, prix, composition, etc.) est susceptible de modifier la réponse hédonique. Cela n’est pas uniquement assimilable à un biais de réponse. Dans de nombreux cas en effet, ces informations participent réellement du plaisir de consommation [56]. Les tests « à l’aveugle » ne sont donc peut-être pas toujours les plus appropriés pour prédire le comportement des individus dans une situation habituelle de consommation. Toutefois, les tests « à l’aveugle » permettent de mesurer la part de la composante sensorielle dans l’appréciation du produit et constituent une approche indispensable pour les producteurs.
Comme toute réponse sensorielle, la réponse hédonique va dépendre du produit et de l’individu qui teste le produit mais également du contexte.
Différences inter-individuelles
Les différences inter-individuelles peuvent résulter de différences de perception sensorielle. Il a, par exemple été montré que des consommateurs très sensibles à l’odeur de l’androsténone acceptaient moins bien l’odeur de carcasse de porcs ayant un taux d’androsténone élevé [57]. Toutefois, comme noté par Drewnowski [58], le faible intérêt porté à l’impact de la sensibilité olfactive sur l’acceptation des aliments est surprenant compte tenu de l’importance du rôle de l’olfaction dans la perception du « goût de ». Par contre, de nombreux auteurs ont étudié les liens entre la sensibilité à l’amertume du phénylthiocarbamide (PTC) ou du 6-n-propylthiouracile (PROP) qui est déterminée génétiquement. Les auteurs ont en particulier recherché les liens entre la sensibilité à l’un ou l’autre de ces composés et l’acceptation de crucifères puisque les composés amers des crucifères ont des structures chimiques comportant le même groupement N–CaS que le PTC et le PROP. Cependant des résultats divergents ont été obtenus.
Il a également été montré que la concentration optimale d’un ingrédient plus élevée pour des individus âgés, par rapport à des individus jeunes, pouvait en partie s’expliquer par le fait que les sujets âgés avait besoin d’une concentration plus élevée pour obtenir un même niveau d’intensité perçue que les plus jeunes [59].
Cependant, l’essentiel des différences inter-individuelles de réponses hédoniques provient de nos différences culturelles et, dans une moindre mesure, de différences d’expériences au sein d’une culture. Il est donc difficile de généraliser les résultats d’une culture à l’autre. Il faut toutefois noter que pour des produits présents sur le marché dans différents pays, les différences au sein d’un pays peuvent être quasiment aussi importantes qu’entre pays (cf. exemple de la tomate au paragraphe 2.3.4). Nous avons également vu que les réponses hédoniques pouvaient évoluer au fil de nos expériences et pouvaient évoluer en fonction de l’évolution de nos capacités sensorielles. Ainsi, les réponses hédoniques obtenues avec des adultes âgés de 30 à 50 ans ne sont pas nécessairement transposables aux enfants, aux adolescents ou à des personnes plus âgées. La conséquence pratique est que les mesures hédoniques doivent être effectuées auprès d’une cible bien définie de la population et avec un échantillon de taille suffisante pour en exprimer la diversité. Pour tenir compte de cette diversité des goûts, la nouvelle édition de la norme AFNOR XP V09-500 d’avril 2009 impose un nombre minimum de 100 sujets, sauf si le laboratoire prestataire de services ou le commanditaire peuvent démontrer, à l’avance, c’est-à-dire avant d’effectuer la mesure, qu’un nombre de 60 sujets est suffisant.
Les obligations en matière d’hygiène, de traçabilité
Chaque responsable de restauration doit mettre en place un système maîtrisant la sécurité sanitaire des aliments et reposant à la fois sur la formation du personnel, sur la réalisation d’autocontrôles et sur l’utilisation de la méthode HACCP (Hazard Analysis Critical Control Points) ou de l’analyse de danger des points critiques avec le Plan de Maîtrise Sanitaire (PMS) suite à la publication de l’arrêté ministériel du 08 août 2006 relatif à l’agrément des établissements mettant sur le marché des produits d’origine animale ou des denrées contenant des produits d’origine animale et la rédaction de guides de bonnes pratiques d’hygiène [82]
Le respect de certaines obligations en matière d’hygiène (produits interdits, décontamination…) peut entraîner des difficultés dans la production de certains aliments en particulier en fonctionnement différé.
Le respect des recommandations nutritionnelles
Le Programme National Nutrition Santé 2006-2010 (PNNS2) avait prévu l’élaboration d’un texte réglementaire plus contraignant que la circulaire de 2001 relative à la qualité nutritionnelle des repas servis en restauration scolaire [87]. Cette mesure répondait à une recommandation formulée dans l’avis n° 47 du Conseil national de l’alimentation sur la restauration scolaire adopté le 26 mai 2004 [88].
La Direction générale de l’alimentation (DGAL), en collaboration avec la Direction générale de la santé (DGS), a travaillé à l’élaboration de nouvelles dispositions, qui s’appuient sur les recommandations du Groupe d’Etude des Marchés Restauration Collective et Nutrition (GEMRCN) [89]. Depuis le vote de la Loi de Modernisation de l’Agriculture et de la Pêche (LMAP) le 27 juillet 2010 [90], les gestionnaires, publics et privés, des services de restauration scolaire sont tenus de respecter des règles, déterminées par décret, relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu’ils proposent et de privilégier, lors du choix des produits entrant dans la composition de ces repas, les produits de saison. Les projets de texte d’application sont en cours de discussion avec les acteurs concernés.
Comment améliorer l’offre alimentaire en restauration scolaire ?
Six millions d’enfants et d’adolescents fréquentent les restaurants scolaires. Selon l’Anses5, 49 % des élèves âgés entre 3-10 ans, 66 % des élèves âgés entre 11-14 ans et 60 % des élèves âgés entre 15-17 ans prennent au moins trois déjeuners par semaine dans un restaurant scolaire [91]. Il est important ici de souligner l’ambivalence liée à la restauration collective : nourrir un grand nombre de personnes avec une offre de qualité et en peu de temps.
En 2005-2006, une étude nationale concernant l’équilibre et la qualité nutritionnelle des repas servis en collèges et lycées a été effectuée par l’Anses. Cette étude effectuée au moyen d’un questionnaire portant sur les caractéristiques et le fonctionnement du restaurant scolaire a été menée auprès de 1440 établissements : 1200 établissements du second degré disposant d’un restaurant scolaire et sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset) en Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments, de l’environnement et du travail (Anses) le 1er juillet 2010 tirés au sort dans le fichier national des établissements de l’Éducation nationale et 240 établissements agricoles.
L’objet du présent document est de compléter ces considérations nutritionnelles par la prise en compte des qualités organoleptiques des produits en proposant des pistes de réflexion pouraméliorer les qualités sensorielles de l’offre en restauration scolaire, dans le respect des recommandations nutritionnelles.
Que savons-nous de l’appréciation de la qualité sensorielle des repas servis en restauration scolaire ?
La première partie de ce chapitre a pour objectifs, d’une part, de présenter les outils existants pour évaluer l’appréciation des repas par les élèves et, d’autre part, de faire ressortir les critères influençant leurs choix alimentaires. Ces points serviront dans une deuxième partie à proposer des pistes d’amélioration de la qualité sensorielle des repas dans le respect des recommandations nutritionnelles.
A noter que le Conseil National de l’Alimentation avait initié cette réflexion dans l’avis n°47 sur la restauration scolaire du 26 mai 2004 [88].
Comment est évaluée la qualité sensorielle des repas servis en restauration scolaire ?
Si les préférences alimentaires des enfants commencent à être bien étudiées [92], très peu d’études ont été menées dans le cadre de la restauration scolaire ; celles présentées dans la suite de ce document ne se veulent pas exhaustives.
Les enquêtes de restes de plateaux
Elles ont été effectuées dans le cadre du programme « Vegetal Tonic » [93] mis en place par l’Association Pour l’Achat dans les Services Publics6 (APASP). L’objectif de ce programme était de développer la consommation de fruits et légumes en restauration scolaire. D’abord mis en place dans 17 collèges et lycées du Nord Pas-De-Calais, puis dans des collèges des Yvelines, ce programme devrait bientôt être déployé en Corse et dans d’autres régions.
La méthode de ces enquêtes est la suivante. Sur chaque plateau est déposée une fiche sur laquelle toutes les propositions alimentaires du menu sont clairement formulées. Il est indiqué aux élèves dene pas changer leurs habitudes et de ne pas toucher au document. La fiche est remplie par un observateur placé à la sortie de la zone de distribution qui note le choix de l’élève. A la sortie du restaurant et à proximité de la zone de dépose des plateaux, un second observateur récupère la fiche et, pour chaque plat, note visuellement ce qui reste sur le plateau au moyen du barème suivant :
– 0 s’il ne reste rien ou presque rien
– ½ s’il reste environ la moitié d’une part
– 1 s’il reste pratiquement toute la part.
Les questionnaires d’appréciation des plats ou de satisfaction des convives
Ces questionnaires peuvent porter sur les aliments eux-mêmes, comme ceux mis en place par les services de restauration : des notes reflétant l’appréciation des plats servis sont données par le personnel de service ou les convives selon des modalités et systèmes de notation spécifiques à chaque établissement (ex : 1 – « les enfants n’en ont pas mangé », 2 – « les enfants ont peu mangé », 3 – « les enfants ont bien mangé », 4 – «les enfants ont très bien mangé »). Des résultats de questionnaires de ce type ont été mis à disposition du groupe et pourraient faire ultérieurement l’objet d’une étude approfondie [95]. Cependant, l’exploitation de ce type de données demandant beaucoup de temps, seules des observations générales tirées de quatre cuisines centrales produisant des repas à destination d’écoles maternelles et primaires pour l’année 2009 (moyenne annuelle des notes quotidiennes) sont présentées dans les tableaux II et IV dans la suite du document. Le nombre de couverts servis par ces cuisines centrales est respectivement de : 560, 1135, 850 et 2600 couverts.
Par ailleurs, une autre étude a été confiée en 2008 par le Bureau de la Nutrition et de la Valorisation de la Qualité des Aliments (BNVQA) de la DGAL à la CLCV visant à mettre en avant les attentes des enfants concernant la restauration scolaire [96]. Cette enquête porte notamment sur la perception globale du repas, de la qualité gustative ou encore du cadre de consommation des repas.
Deux questionnaires ont été élaborés, le premier comprenant 27 questions à destination d’élèves d’écoles primaires (606 élèves interrogés) et le second comprenant 40 questions à destination d’élèves de collèges et lycées (respectivement 444 et 351 élèves interrogés). Comme un certain nombre de questions sont identiques dans les deux questionnaires, la comparaison des avis exprimés par les élèves du primaire et du secondaire en est facilitée (cf. enquête en annexe VIII).
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Table des matières
INTRODUCTION
1. CONTEXTE
2.MANDAT DU GROUPE
3.METHODES DE TRAVAIL
3.1 Participants au groupe
3.2 Organisation des travaux
3.3 Conduite des travaux
I / DU « GOUT DE L’ALIMENT » AU « GOUT POUR L’ALIMENT »
1.1 LE « GOUT DE » L’ALIMENT
1.2 LE GOUT POUR L’ALIMENT
1.2.1 Le goût pour l’aliment : réponses innées
1.2.2 Le goût pour l’aliment : l’apprentissage alimentaire
1.2.3 Le goût pour l’aliment peut varier pour un même individu
1.3 QUALITE GUSTATIVE, ORGANOLEPTIQUE OU SENSORIELLE
1.4 GOUTS ET PREFERENCES
II / LE « GOUT DE » ET LE « GOUT POUR » : COMMENT LES MESURER ?
2.1 DES MESURES INSTRUMENTALES PEUVENT-ELLES PERMETTRE DE REMPLACER L’EVALUATION SENSORIELLE ?
2.2 LA MESURE DU « GOUT DE »
2.3 LA MESURE DU « GOUT POUR »
2.3.1 Différences inter-individuelles
2.3.2 L’influence du contexte
2.3.3 Validité des mesures de préférences
2.3.4 Préférences et typologies de consommateurs
III / QUALITE SENSORIELLE ET QUALITE NUTRITIONNELLE D’UN PRODUIT SONT-ELLES COMPATIBLES ?
3.1 REDUIRE LES LIPIDES DANS LES ALIMENTS
3.1.1 Influence des lipides sur les propriétés sensorielles des produits
3.1.2 Dans quelle mesure est-il possible de rééquilibrer les compositions lipidiques des aliments sans que cela soit néfaste à leur acceptabilité ?
3.2 REDUIRE LES SUCRES SIMPLES DANS LES ALIMENTS
3.2.1 Influence des glucides simples sur les propriétés sensorielles des produits
3.2.2 Dans quelle mesure est-il possible de réduire le taux des glucides simples des aliments sans que cela soit néfaste à leur acceptabilité ?
3.3 REDUIRE LE SEL DANS LES ALIMENTS
3.3.1 Influence du sel sur les propriétés sensorielles des aliments
3.3.2 Dans quelle mesure est-il possible de réduire le taux de sel de produits sans que cela soit néfaste à leur acceptabilité ?
3.4 DEVELOPPER DE NOUVELLES APPROCHES POUR TESTER L’ACCEPTABILITE DES ALIMENTS
A TENEUR REDUITE EN INGREDIENTS DONT LA CONSOMMATION DOIT ETRE LIMITEE
Rapport du groupe PNNS sur la qualité gustative des aliments
IV/ AMELIORER L’OFFRE ALIMENTAIRE DANS LE CADRE DE LA RESTAURATION COLLECTIVE
4.1 LES SPECIFICITES DE LA RESTAURATION COLLECTIVE
4.1.1 Qu’appelle-t-on restauration collective ?
4.1.2 Les deux systèmes de fonctionnement en restauration collective
4.1.3 Données, besoins et contraintes en restauration collective
4.2 COMMENT AMELIORER L’OFFRE ALIMENTAIRE EN RESTAURATION SCOLAIRE ?
4.2.1 Que savons-nous de l’appréciation de la qualité sensorielle des repas servis en restauration scolaire ?
4.2.2 Comment est-il possible d’améliorer la qualité sensorielle des aliments servis en restauration scolaire ?
4.2.3 Conclusion générale sur la restauration scolaire
4.3 COMMENT ALLER VERS UNE MEILLEURE APPRECIATION DE L’OFFRE ALIMENTAIRE EN RESTAURATION HOSPITALIERE ?
4.3.1 Que savons-nous de l’appréciation de la qualité sensorielle des repas servis en établissement de santé
4.3.2 Comment améliorer la qualité sensorielle des aliments servis en restauration hospitalière ?
4.3.3 Conclusion générale sur la restauration hospitalière
V/ COMMENT ALLER VERS UNE MEILLEURE APPRECIATION DE L’OFFRE ALIMENTAIRE DANS LE CADRE DE L’AIDE ALIMENTAIRE ?
5.1 ORGANISATION DE L’AIDE ALIMENTAIRE EN FRANCE
5.1.1 Les différentes structures de l’aide alimentaire en France
5.1.2 Les différents types d’aide alimentaire
5.1.3 Les modes d’approvisionnement de l’aide alimentaire
5.2 QUE SAVONS-NOUS DE L’APPRECIATION SENSORIELLE DES PRODUITS DISTRIBUES DANS LE CADRE DE L’AIDE ALIMENTAIRE ?
5.2.1 Comment peut-on évaluer l’appréciation de la qualité sensorielle des produits distribués dans le cadre de l’aide alimentaire?
5.2.2 Ce que nous savons de l’appréciation des produits distribués aux bénéficiaires
5.3 COMMENT AMELIORER L’APPRECIATION DE L’OFFRE ALIMENTAIRE DANS LE CADRE DE L’AIDE ALIMENTAIRE ?
5.3.1 Une meilleure sélection des produits distribués dans le cadre du PEAD ou du PNAA 105
5.3.2 Une meilleure communication sur la qualité des produits proposés
5.4 CONCLUSION GENERALE SUR LES POPULATIONS DEFAVORISEES BILAN ET PERSPECTIVES
RECAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS
BIBLIOGRAPHIE
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