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Vers des solutions analytiques au problème des nappes de tourbillon-courant
On pourra trouver sur arXiv une prépublication qui complète ce chapitre : arxiv.org/abs/1603.05114v2.
Dans ce chapitre, on s’intéresse au problème des nappes de tourbillon-courant en MHD idéale incompressible.
Il s’agit d’un problème modélisant le couplage de deux plasmas, dont la vitesse et le champ magnétique présentent une discontinuité tangentielle le long d’une hypersurface, qui elle-même évolue au cours du temps. Il s’agit donc d’un problème couplé à frontière libre. Dans la Section 4.1, nous présenterons en détails les équations modélisant ce phénomène.
L’enjeu est ici de mettre en place un schéma de preuve pour démontrer l’existence locale de solutions analytiques au problème des nappes de tourbillon-courant. Comme pour le Chapitre 3, on souhaitera appliquer un théorème de Cauchy-Kowalevskaya dans les espaces fonctionnels introduits au Chapitre 2. Afin de gérer le terme de pression dans le système (4.1.2) ci-après, nous devrons tenir compte des contraintes non-linéaires que doivent vérifier en tout temps la vitesse et le champ magnétique. La présence de ces contraintes renferme une difficulté supplémentaire par rapport à ce qui a été traité au Chapitre 3, puisqu’elles tiennent compte des conditions de saut à travers la nappe. Pour palier à l’ensemble de ces difficultés, on s’inspirera de la démonstration du théorème de Cauchy-Kowalevskaya établie par Baouendi et Goulaouic [BG78].
Les méthodes employées dans ce chapitre généraliseront ce qui a été vu au Chapitre 3. Contrairement à ce qui a été fait précédemment, le gradient de pression ne sera plus un terme semi-linéaire, mais quasi-linéaire. C’est pourquoi l’estimation de la pression dans les espaces analytiques s’avérera beaucoup plus délicate. En revanche, la définition même des normes analytiques k · k,r, nous permettra de gérer correctement ce terme de pression dans les estimations de la Section 4.5, en imposant une restriction sur les paramètres et .
Après avoir donné des estimations analytiques de la pression et du relèvement du front, nous proposerons un schéma de preuve qui devrait permettre dans un futur travail de recherche d’établir l’existence et l’unicité locale de nappes de tourbillon-courant analytiques, en adaptant les arguments de Baouendi et Goulaouic [BG78]. libre : on se ramène tout d’abord dans les domaines fixes ± avec l’interface ? (indépendants du temps) en redressant convenablement le front f. Dans d’autres problèmes à frontière libre pour les fluides incompressibles, d’autres stratégies sont possibles. Par exemple, dans la théorie des water waves [Lan05,Lan13], ou encore pour les nappes de tourbillon incompressibles [SSBF81], la stratégie des auteurs a été de réduire le problème sur la frontière libre uniquement ; c’est également ce point de vue qu’ont adopté Sun, Wang et Zhang [SWZ15] dans leur preuve d’existence et d’unicité locale des nappes de tourbillon-courant incompressibles dans l’échelle de régularité Sobolev. La méthode que nous choisissons d’adopter ici est différente, puisqu’on garde en quelque sorte une approche “eulérienne” en considérant les équations de (4.1.2) dans les domaines “de départ” + et − (après avoir opéré un difféomorphisme convenable).
Reformulation du problème
Redressement du front f
On reprend la démarche de Coulombel et al. [CMST12] en redressant le front f défini sur [0, T] × T2
en une fonction définie dans tout le domaine, c’est-à-dire sur [0, T] × On rappelle ici le Lemme 1 de [CMST12] qui définit ce redressement et permet de gagner une demi-dérivée dans l’échelle de régularité Sobolev ; la stratégie est inspirée de Lannes [Lan05].
On voit facilement que la condition de compatibilité (4.2.10) est satisfaite dès lors que la vitesse v± et le champ magnétique B± sont à “divergence” nulle, c’est-à-dire vérifiant (ATr) · v± = (ATr) · B± = 0, et s’ils vérifient de surcroît les conditions de saut @tf = v+ · N = v− · N et B+ · N = B− · N = 0 sur le bord fixe ?. Nous aurons donc besoin d’assurer ces contraintes non-linéaires afin de pouvoir définir la pression (Q+,Q−) en tout temps. La difficulté, contrairement au cas “sans nappe” étudié au Chapitre 3, est qu’on ne peut pas incorporer “facilement” ces contraintes dans les espaces fonctionnels B,r, définis au Chapitre 2, car cela ne définirait plus un espace vectoriel. C’est notamment pour cette raison que l’on choisira dans ce chapitre de se reposer sur la démonstration du théorème de Cauchy-Kowalevskaya donnée par Baouendi et Goulaouic [BG78] ; on reviendra plus en détails sur ce point dans la Section 4.3 ci-dessous.
Supposons pour l’instant que F± et G sont des termes sources quelconques appartenant respectivement à H1( ±) et H 2 (?), satisfaisant en outre la condition de compatibilité (4.2.9). Si, pour tout t 2 [0, T], le front f vérifie la condition de petitesse kf(t)k 2 (T2) < « 0 (pour une certaine constante numérique « 0 > 0 fixée), alors le problème (4.2.6) est bien posé dans H3( +) × H3( −). C’est-à-dire, il existe une unique solution (Q+,Q−) de (4.2.6) appartenant à H3( +)×H3( −) telle que Q± = 01. De plus, la solution satisfait l’estimation de régularité elliptique suivante (on renvoie aux notations (2.3.13) du Chapitre 2 pour les normes associées aux espaces de Sobolev) : kQ±k3,± C0 où C0 > 0 est une constante ne dépendant que de « 0. On ne détaille pas la démonstration du caractère bien posé de (4.2.6), dont on pourra trouver des éléments de preuve dans [CMST12]. La démonstration repose principalement sur des outils classiques de l’analyse elliptique tels que le théorème de Lax-Milgram que l’on applique dans l’espace de Hilbert H := n (u+, u−) 2 H1( +) × H1( −) [u] = 0 et X ± Z ± u± dx = 0o
Ensuite, pour obtenir une estimation dans H2( ±), on évalue les quotients différentiels d’ordre 2 (voir [Eva98]). Le gain d’une dérivée supplémentaire se fait par récurrence, en estimant convenablement lescommutateurs qui apparaissent (voir [CMST12, p.268]).
Une première étape consistera à étendre l’estimation (4.2.11) dans l’espace B,3,( +) × B,3,( −), dès lors que les termes sources F± et G seront pris respectivement dans B,1,( ±) et B, 3 2 (T2). Nous traiterons ce point ultérieurement dans la Section 4.5.
1La condition de moyenne sur Q± n’est qu’une convention de normalisation, car la détermination de la pression, à t fixé, se fait à une constante près.
Nous venons de voir que la résolution du système (4.2.6) nécessitait la condition de compatibilité (4.2.9). Cette condition est vérifiée notamment grâce aux contraintes de “divergence” nulle sur la vitesse et le champ magnétique, c’est-à-dire : 8 t 2 [0, T], (ATr) · v± = (ATr) · B± = 0 dans ±.
La difficulté est que ces opérateurs “divergence” dépendent eux-même du front inconnu f et présentent donc une structure non-linéaire, ce qui rend peu aisée l’utilisation de ces contraintes. Pour palier à cette difficulté, on se démarque des travaux de Coulombel et al. [CMST12] et de Sun et al. [SWZ15], en donnant une nouvelle formulation du problème (4.2.4) inspirée de Trakhinin [Tra09].
Dorénavant, on se concentre sur le système (4.2.15), (4.2.16), (4.2.17) adjoint des contraintes de divergence nulle et des conditions de bord (4.2.14), puis on cherche à en construire une solution analytique (u±, b±, f) dès lors qu’on se donne une condition initiale (u± 0 , b± 0 , f0). À ce stade, on cherche à savoir comment résoudre le problème des nappes de tourbillon-courant dans l’échelle analytique, par une méthode de point fixe “du type Cauchy-Kowalevskaya”. L’avantage de la formulation de ce problème en terme des inconnues (u±, b±, f) est que l’on a pu réécrire la majorité des contraintes et des conditions de bord du système (4.2.4) comme des expressions linéaires. De la même manière qu’au Chapitre 3, on pourrait être tenté de les intégrer dans la définition des espaces B,r,, pour ensuite appliquer le théorème de Cauchy- Kowalevskaya tel qu’on l’a énoncé au Théorème 3.2.2. Toutefois, la condition associée à la vitesse normale (à savoir @tf = u+3 = u−, 3 ) n’est en soi pas linéaire, et contient deux informations : d’une part, le saut de u3 doit être nul (ceci apparaît effectivement comme une condition linéaire) ; d’autre part, cette condition permet de définir @tf comme étant la trace commune de u+3 et u− 3 . Rappelons que nous avons besoin de ces deux équations afin que la condition de compatibilité (4.2.10) soit vérifiée, pour pouvoir résoudre en tout temps le problème de Laplace (4.2.6). En conséquence, nous n’entrons plus exactement dans le formalisme du Théorème 3.2.2, et il nous faut adapter les arguments de la preuve donnée par [BG78], ce qui fait l’objet de la partie suivante.
Proposition d’un schéma de résolution
On se propose de s’inspirer des travaux de [BG78] pour construire une solution locale en temps au système (4.2.15), (4.2.14) dans les espaces B,r,. Dans le même esprit que ce qui a été vu au Chapitre 3, l’idée est d’incorporer au sein des espaces fonctionnels les contraintes (4.2.14). En revanche, le point délicat est la présence de deux dérivées sur le redressement du front dans les équations de (4.2.15), qui ne permettent pas d’appliquer immédiatement le théorème de Cauchy-Kowalevskaya comme énoncé au Théorème 3.2.2 ; c’est pourquoi nous avons choisi de nous reposer sur la démonstration donnée par Baouendi et Goulaouic, dont l’idée générale est basée sur la recherche d’un point fixe d’une application contractante définie sur un sous-ensemble fermé d’un espace de Banach.
Ainsi, la contrainte de divergence nulle sur le champ magnétique est propagée.
Récapitulons : nous avons défini une application (u±, b±, f) = (u]±, b]±, f]) à l’aide de (4.3.3), ,(4.3.5) et (4.3.7). De surcroît, l’application laisse invariant les contraintes algébriques (4.3.1) (dès lors que nous les imposons à l’instant initial t = 0, ce qui sera in fine le cas).
La problématique est maintenant de trouver un espace métrique complet sur lequel l’application sera contractante. L’idée que l’on souhaite suivre, et qui constituera une piste de recherche future, est d’adapter la preuve de [BG78] en définissant un espace vectoriel normé Ea à partir de l’échelle d’espaces de Banach B,r,, où a > 0 sera un paramètre à choisir suffisamment petit afin de rendre l’application contractante sur un sous-ensemble fermé de Ea. Avant cela, nous devrons être en mesure de montrer que laissera invariant ce sous-ensemble de Ea, ce qui reposera sur une propriété similaire à l’hypothèse (3.2.9) énoncée dans le Théorème 3.2.2.
Typiquement, supposons u±, b± 2 B,3,( ±) et f 2 B, 7 (T2) (on renvoie au Paragraphe 2.3.2 du Chapitre 2 pour les définitions de ces espaces fonctionnels) ; nous devrons montrer que, quel que soit 0 2 (0, ), la vitesse u]± et le champ magnétique b]± appartiennent à B0,3,( ±), et que f] appartient à B0,72 (T2). Pour ce faire, nous aurons plusieurs points à vérifier. q D’abord, comme nous avons redressé le front f en une fonction définie sur via le Lemme 4.2.1, nous devrons donner des estimations de dans l’espace B,4,( ) ; c’est-à-dire, le gain d’une demidérivée mis en évidence dans le Lemme 4.2.1 doit persister dans l’échelle (B,4,( ))0<0 . Ce point fera l’objet du Paragraphe 4.4.1 ci-après. q Les coefficients de l’opérateur elliptique dans la première équation de (4.2.16) doivent être de même régularité que u± et b±, c’est-à-dire appartenir à B,3,( ) ; compte tenu de la définition (4.2.2), nous souhaitons donc avoir r 2 B,3,( ), d’où le fait d’avoir supposé f 2 B,72 (T2). Ensuite, nous devrons étendre l’estimation de régularité elliptique (4.2.11) afin de pouvoir estimer la pression Q±,dans B,3,( ±). Ce point s’avérera délicat, en raison des coefficients variables dans l’opérateur elliptique de (4.2.16). L’estimation de la pression sera abordée à la Section 4.5 ci-après.
Enfin, le front f] étant défini par l’équation de transport (4.3.5), nous obtiendrons @tf] 2 B, 5 2 (T2) par continuité de l’application “trace” de H3( ±) dans H 5 2 (T2). En revanche, cette équation de transport ne peut pas faire gagner de régularité en échelle Sobolev et il n’est pas du tout immédiat de voir si l’on a f] 2 B, 7 2 ,(T2). Il nous faudra donc trouver un moyen d’estimer convenablement ce nouveau front f], par exemple en adaptant les arguments dans la preuve de [BG78]. Ce point constituera une piste de recherche future, comme nous l’évoquerons au Paragraphe 4.6.2.
Redressement analytique
Estimation analytique du redressement
Nous utiliserons par la suite les espaces fonctionnels B,r,( ), B,r,( ±) et B,s(T2) introduits au Paragraphe 2.3.2 du Chapitre 2. Pour l’instant, on se fixe un paramètre quelconque 0 2 (0, 1], mais il sera amené à être choisi suffisamment petit ultérieurement. Munis de tels espaces, nous allons montrer que le gain d’une demi-dérivée sur le relèvement par rapport au front f, comme établi au Lemme 4.2.1, persiste dans l’échelle (B,r,( ))0<0 .
Estimation analytique de l’inverse du jacobien J
Le changement d’inconnue f 7! nécessitait l’estimation de continuité (4.4.1). D’autre part, dans les, nouvelles variables (u±, b±, f) introduites au Paragraphe 4.2.2, les équations de (4.2.15) font intervenir l’inverse du jacobien J, dont on rappelle la définition (4.2.2). En vue d’estimer dans les espaces B,r,( ±), l’application définie par (4.3.2), il conviendra de pouvoir estimer la norme kJ−1k,r,. Pour ce faire, nous allons utiliser la propriété d’algèbre des espaces B,r,( ).
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Table des matières
Notations
Matrices et vecteurs
Opérateurs différentiels
Espaces fonctionnels usuels
1 Introduction
1.1 Une problématique issue des Sciences Physiques
1.2 Les nappes de tourbillon-courant dans un contexte mathématique
1.2.1 Rappels sur les problèmes aux limites hyperboliques linéaires à coefficients constan
1.2.2 Un bref historique sur le problème des nappes de tourbillon-courant en MHD incompres
1.3 Organisation de la thèse
I Solutions analytiques au problème des nappes de tourbillon-courant en magnétohydrodynami idéale incompressible
2 Espaces fonctionnels
2.1 Rappels de quelques éléments de combinatoire
2.1.1 Formule du multinôme
2.1.2 Formule de Vandermonde, généralisation
2.1.3 Formule de Leibniz
2.2 Espaces de Sobolev
2.2.1 Définitions
2.2.2 Injections de Sobolev
2.2.3 Propriétés
2.3 Échelles d’espaces de Banach
2.3.1 Échelle d’espaces de Banach sur le domaine T2 × (0, 1)
2.3.2 Généralisation
3 Solutions analytiques en domaine fixe
3.1 Problème de Laplace et estimations dans les échelles de Banach
3.1.1 Régularité elliptique pour des problèmes de Laplace
3.1.2 Estimations de la solution d’un problème de Laplace dans les espaces B,r,
3.2 Application d’un théorème de Cauchy-Kowalevskaya
3.2.1 Les équations de la MHD idéale incompressible
3.2.2 Application du théorème de Cauchy-Kowalevskaya
4 Nappes de tourbillon-courant incompressibles analytiques
4.1 Position du problème
4.2 Reformulation du problème
4.2.1 Redressement du front f
4.2.2 Une nouvelle formulation du problème
4.3 Proposition d’un schéma de résolution
4.4 Redressement analytique
4.4.1 Estimation analytique du redressement
4.4.2 Estimation analytique de l’inverse du jacobien J
4.5 Estimation analytique de la pression
4.5.1 Estimation des dérivées tangentielles
4.5.2 Estimation des dérivées normales
4.6 Vers l’existence de nappes de tourbillon-courant analytiques
4.6.1 Estimation “lipschitzienne” de la pression
4.6.2 Quelques pistes pour un futur travail de recherche
II Développements d’optique géométrique pour le problème des nappes de tourbilloncourant incompressibles
5 Ondes de surface pour les nappes de tourbillon-courant
5.1 Choix des paramètres et des conditions initiales
5.2 Résultats principaux
5.2.1 Le cadre fonctionnel
5.2.2 La cascade BKW
5.3 Analyse de stabilité
5.3.1 Rappels sur le système linéarisé des nappes de tourbillon-courant
5.3.2 Déterminant de Lopatinskii et vitesse de groupe
5.4 Cascade BKW : détermination du profil principal (U1,±, 2)
5.4.1 Résolution du problème homogène satisfait par le profil (U1,±, 2)
5.4.2 Calcul de la moyenne du profil U1,±
5.4.3 Équation de Hamilton-Jacobi satisfaite par le profil 2
5.4.4 Achèvement du traitement du profil principal (U1,±, 2)
5.5 Détermination des correcteurs
5.5.1 Les équations de la cascade BKW à l’intérieur du domaine
5.5.2 Les équations de la cascade BKW associées aux conditions de saut
5.5.3 Les conditions sur les bords fixes ?±
5.5.4 Contraintes sur la normalisation de la pression
5.5.5 Résolution du problème “rapide” inhomogène
5.5.6 Détermination des correcteurs
5.5.7 Phénomène de rectification
5.6 Solutions approchées
5.6.1 Épaississement du domaine de définition des profils
5.6.2 Estimations de fonctions “fortement oscillantes”
5.6.3 Les équations approchées à l’intérieur du domaine
5.6.4 Les équations approchées près de la frontière libre
5.6.5 Les équations approchées sur les bords fixes ?±
5.6.6 Le système approché des nappes de tourbillon-courant
6 Conclusion et perspectives
A Détails algébriques et calculs
A.1 Matrices et noyaux
A.2 Quelques produits hermitiens
A.3 Calcul des différentielles secondes
A.4 Compatibilité des termes sources dans la cascade BKW
Bibliographie
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