Besoin de développement professionnel pour les enseignants du préscolaire
Lors de l’étude des besoins réalisée par la Clinique multidisciplinaire en santé de l’UQTR en 2012-2013, dans le cadre du projet de recherche-action « L’ergothérapie va à l’école », le besoin prioritaire identifié par la Commission scolaire de l’Énergie était de soutenir la transition des élèves au préscolaire. Le constat formulé était la faible maturité scolaire rencontrée chez plusieurs enfants en début d’année scolaire, notamment dans les domaines de l’autonomie et de l’acquisition des habiletés motrices. Les enseignants rapportaient alors se sentir parfois dépassés par la grande diversité observée quant au niveau d’habiletés chez leurs élèves à leur entrée au préscolaire, et souhaitaient recevoir de la formation continue sur ce sujet. Une recension des écrits n’a relevé aucune étude explorant spécifiquement les connaissances et le savoir-faire des enseignants quant aux habiletés motrices et au niveau d’autonomie attendus des élèves au préscolaire.
De même, en consultant les curriculums des différentes universités québécoises, il semble qu’aucun cours obligatoire traitant de l’acquisition des habiletés motrices ne soit offert dans la formation initiale des enseignants en éducation préscolaire et en enseignement primaire. Certains cours portant sur le développement du langage ou le développement socio-affectif de l’enfant sont offerts, mais le développement moteur de l’enfant fait quant à lui peu partie de la formation universitaire actuelle des enseignants. Ainsi, étant donné que plusieurs des habiletés développées au préscolaire sont de nature motrice (Bouchard, 2010; Case-Smith & O’Brien, 2010; MFA, 2014; Paoletti, 1999), et que ce domaine d’étude n’est pratiquement pas traité dans le cursus de la formation initiale des enseignants, il n’est pas étonnant que ceux-ci expriment le besoin de recevoir de la formation continue sur le sujet. Les écrits soulignent que la majorité des enseignants reconnaissent le développement professionnel continu comme une nécessité afin de développer leurs compétences en cours d’emploi (Capra & Arpin, 2008; Savoie-Zajc, Peters, Mercier, Desmarais, Lemay, & Loranger, 2011). Typiquement, lorsque les enseignants choisissent des activités de formation continue, ils cherchent à résoudre une problématique vécue dans leur classe et à développer leurs compétences spécifiques sur le sujet (Beavers, 2009; Holyoke & Larson, 2009).
A cet effet, plusieurs formules de développement professionnel s’offrent aux enseignants désirant parfaire leurs connaissances et compétences, par exemple des ateliers de formation, des rencontres d’accompagnement, des rencontres individuelles, des périodes d’observation en classe ou des discussions de cas (CFORP, 2012; Gagnon & Bisson, 2012; Gaudreau, Royer, Beaumont, & Frenette, 2012b). Le choix de la modalité de l’activité de formation continue en lien avec l’objectif ciblé par celle-ci devient alors essentiel et l’information présentée doit être adaptée et utile au groupe (Beavers, 2009; O’Toole & Essex, 2012). L’une des formules les plus souvent retenues et offertes est celle de l’atelier de formation. Un atelier de formation consiste habituellement en une activité de transfert de connaissances sur un sujet déterminé. L’objectif principal est qu’un expert sur un sujet transmette ses connaissances à un auditoire intéressé (INSPQ, 2009; Tardif, 1999). Un atelier de formation s’avère pertinent quand l’objectif est d’outiller les enseignants, comme l’a démontré l’étude de Chiu et ses collègues (Chiu, Heidebrecht, Wehrmann, Sinclair, & Reid, 2008). Cette étude a permis d’évaluer l’impact d’un atelier de formation offert à trois groupes d’enseignants sur leur niveau de connaissances quant à l’acquisition des habiletés motrices. Chaque groupe participait à un atelier de formation d’environ deux heures et demie portant sur le développement des habiletés de motricité fine. Les participants devaient compléter une échelle d’évaluation avant l’atelier, après celui-ci et un mois plus tard. Les résultats obtenus révèlent une amélioration significative du niveau de connaissances des trois groupes d’enseignants, mais plus particulièrement des enseignants du préscolaire. Toutefois, l’étude rapporte que les enseignants en veulent davantage et que les ateliers de formation ne s’avèrent pas être suffisants pour assurer la pérennité.
D’autres auteurs vont dans le même sens et ajoutent que les enseignants apprennent davantage par la pratique, en reliant leurs connaissances antérieures à de nouvelles informations, et en s’interrogeant et réfléchissant aux problèmes qu’ils rencontrent (Capra & Arpin 2008; Lafortune, 2008; Vella, 2002). Ces auteurs suggèrent que le transfert de connaissances est amorcé par un atelier de formation, mais qu’il peut être complété avec l’ajout d’un dispositif d’accompagnement à la suite de cet atelier. Dans notre étude, ce choix s’est avéré judicieux afin de répondre aux besoins des enseignants qui désirent de la formation continue sur un sujet bien particulier. En effet, c’est avec du soutien et de l’accompagnement que les enseignants s’engagent activement dans la recherche de moyens pour favoriser l’apprentissage et la réussite éducative de leurs élèves (Gaudreau, 2013). Un accompagnement est réussi lorsqu’il favorise la mobilisation des ressources personnelles et professionnelles d’un enseignant tout en étant à l’écoute de son vécu, de ses besoins, de ses connaissances et de ses expériences (Paul, 2004; St-Germain, 2012).
Ce style d’accompagnement vise à soutenir l’enseignant dans ses apprentissages et la mise en place de nouvelles pratiques pédagogiques (Gagnon & Bisson, 2012; Gaudreau, 2013; Lafortune, 2009). Plus spécifiquement, le soutien d’un accompagnateur qualifié peut contribuer au développement des connaissances (savoir), à susciter la réflexion sur les attitudes (savoir-être) et à mettre en place de nouvelles stratégies d’intervention (savoir-faire) chez ces enseignants, ce qui a pour effet de favoriser le développement de leurs compétences professionnelles ainsi qu’un sentiment d’efficacité personnelle (SEP) plus élevé chez ces derniers (Bandura, 2007; Durand, 2006; Gaudreau, 2013). Gaudreau (2013) et Bandura (2007) soutiennent qu’il ne faut pas négliger le SEP lors des activités de formation continue puisqu’il est un puissant stimulant pour le développement personnel et professionnel de l’enseignant. Le sentiment d’efficacité personnelle d’un enseignant, c’est-à-dire ses croyances envers ses capacités, joue ainsi un rôle important et influence sa motivation, ses choix, ses comportements et sa persévérance face aux difficultés rencontrées dans sa pratique auprès des élèves présentant des besoins diversifiés et particuliers (Gaudreau, 2013).
Un accompagnateur à considérer: l’ergothérapeute en milieu scolaire Dans plusieurs provinces canadiennes, l’ergothérapeute fait partie de l’équipeécole qui promeut l’engagement de l’enfant dans ses activités quotidiennes et ses tâches scolaires, et ce, dans l’environnement spécifique qu’est l’école (Association canadienne des ergothérapeutes (ACE), 2002; Villeneuve, 2009). L’ergothérapeute est également perçu comme un consultant pouvant soutenir et outiller les enseignants et le personnel scolaire (Ordre des ergothérapeutes du Québec (OEQ), 2009). La formation initiale des ergothérapeutes leur permet d’intervenir afin de minimiser l’impact des difficultés d’un enfant à risque sur sa participation aux activités quotidiennes à l’école. Par ses connaissances du développement de l’enfant, sur les plans affectif, cognitif et moteur, mais aussi considérant l’interaction dynamique de l’enfant dans le contexte de ses activités et de son environnement physique, social, culturel et institutionnel, l’ergothérapeute offre une perspective différente dans le milieu scolaire. » favorise ainsi un travail de collaboration, de même qu’une approche interdisciplinaire à la résolution de problématiques parfois bien complexes (OEQ, 2009; Regroupement des Ergothérapeutes du Milieu scolaire (REMS), 2007).
L’utilité et l’efficacité de l’ergothérapie en milieu scolaire sont démontrées et reconnues par plusieurs auteurs (ACE, 2002; Case-Smith, 2002; Fairbairn & Davidson, 1993; King, McDougall, Tucker, Griztan, Malloy-Miller, Alambets, & Gregory, 1999). Par exemple, en Saskatchewan, l’ajout de services d’ergothérapie en milieu scolaire a été une des solutions mises en place lorsqu’il a été constaté que 30 % des enfants accusaient des retards dans une ou plusieurs sphères de développement lors de leur entrée au préscolaire (Public Health Observatory, 2012). Considérant le nombre important de besoins en ergothérapie, un choix novateur a été fait quant au modèle de prestation de services, soit utiliser une approche de collaboration avec l’enseignant dans la classe, et ce, de façon hebdomadaire. La présence de l’ergothérapeute dans la classe permettait d’observer la participation réelle de l’élève dans l’accomplissement de ses activités scolaires et dans l’actualisation de son rôle d’étudiant, et ce, toujours en collaboration avec l’enseignant. De plus en plus de chercheurs recommandent d’établir une étroite relation de collaboration et d’accompagnement entre les ergothérapeutes et les enseignants dans la routine de la classe (Missiuna, Pollock, Levac, Campbell, Sagahian, Benett, & Russell, 2012; Villeneuve, 2009), au lieu d’opter pour une intervention individuelle. Cette façon de faire constitue une manière de maximiser l’efficacité et la pertinence de l’ergothérapeute en milieu scolaire (Bayona, McDougall, Tucker, Nichols, & Mandich, 2006; Dreiling & Bundy, 2003; Sayers, 2008; Villeneuve, 2009).
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 – PROBLÉMATIQUE
1.1 Le préscolaire: une année de transition importante
1.2 Développement professionnel pour les enseignants du préscolaire
1.3 Accompagnateur à considérer : l’ergothérapeute en milieu scolaire
CHAPITRE 11- CADRE CONCEPTUEL
2.1 Importance des habiletés motrices préscolaires
2.2 Accompagnement personnalisé pour les enseignants du préscolaire
2.3 Apport de l’ergothérapeute en milieu scolaire comme accompagnateur.
2.4 Le sentiment d’efficacité personnelle de l’enseignant
Question et objectif de la recherche
CHAPITRE III – MÉTHODOLOGIE
3.1 Devis
3.2 Participants
3.3 Procédure : formation-accompagnement
3.4 Collecte de données
3.4.1 Questionnaire de la CMS
3.4.2 Échelle d’autoefficacité de l’enseignant
3.4.3 Entrevue individuelle
3.5 Démarche d’analyse des données
3.5.1 Données quantitatives
3.5.2 Données qualitatives
CHAPITRE IV – RÉSULTATS
4.1 Effets perçus de la formation-accompagnement
4.1 .1 Données quantitatives
4.1.2 Données qualitatives
4.2 Effets perçus sur le SEP des enseignantes
4.2.1 Effets perçus sur le SEP quant à l’identification des élèves à risque dans l’acquisition des habiletés motrices préscolaires
4.2.2 Effets perçus sur le SEP quant à la mise en place de stratégies
4.3 Autres résultats
4.3.1 Attitude des enseignantes et de la direction
4.3.2 Manque de formation spécialisée des enseignants du préscolaire
4.3.3 Charge de travail et manque de temps
4.3.4 Hétérogénéité dans l’acquisition des habiletés motrices
CHAPITRE V – DISCUSSION
5.1 Solution gagnante pour combler un manque de formation spécialisée
5.2 Ergothérapeute en milieu scolaire comme accompagnateur
5.3 Développement du SEP vers un changement de pratique
5.4 Limites de l’étude
5.5 Retombées sociales et scientifiques
5.6 Avenues de recherches futures
Conclusion
Références
APPENDICE A – Information sur les participants
APPENDICE B – Lettre d’information/consentement (expérimental)
APPENDICE C – Lettre d’information/consentement (groupe témoin
APPENDICE D – Questionnaire de la CMS
APPENDICE E – Échelle d’autoefficacité de l’enseignant
APPENDICE F – Canevas d’entrevue semi-structurée
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