Développement placentaire précoce physiologique
Phase pré-implantatoire
Le zygote humain, dès sa formation, commence des divisions qui l’amèneront au stade préimplantatoire. Dans le même temps, il effectue une migration qui l’amène de l’ampoule tubaire à la cavité utérine. Durant les premiers jours du développement, le zygote se divise à l’intérieur de la zone pellucide. Les cellules se multiplient sans augmentation de taille. Au 4ème jour, il existe environ 16 cellules, on parle du stade de morula. Le phénomène de compaction entre en jeu, les cellules externes de cette « petite mûre » forment une paroi épithéliale compacte de trophoblastes. Au 5ème jour a lieu l’éclosion (hatching) de l’embryon qui s’extrait de la zone pellucide. Au 6ème jour, l’embryon composé d’environ 64 cellules forme le blastocyste et s’appose à la muqueuse utérine, préparant son invasion. A ce stade, le blastocyste est composé de la couche trophoblastique externe, d’un pôle cellulaire formant la « masse cellulaire interne » (Inner Mass Cell), et d’une cavité liquidienne, le blastocèle. L’invasion embryonnaire humaine est interstitielle, nécessitant une pénétration totale dans l’endomètre maternel décidualisé.
De très nombreux facteurs de croissance sont impliqués dans ces premières étapes, et même le transport de l’embryon au travers de la trompe nécessite une synchronisation de nombreuses sécrétions. Il est surprenant de noter que l’embryon peut s’implanter dans n’importe quel tissus de l’organisme maternel (grossesses ectopiques tubaires, ovariennes, intestinales…), mais pas dans l’endomètre maternel en dehors de la « fenêtre implantatoire ». Lors de cette fenêtre, des pinopodes sont formés à la surface des cellules épithéliales endométriales, favorisant « l’ancrage » de l’embryon. Cet état est régulé finement par des mécanismes complexes et orchestrés (décidualisation induite par la progestérone en particulier, induction cytokinique par l’hormone Chorionique Gonadotrophique (HCG) produite par l’embryon dès avant son apposition, production de VEGF qui augmente la perméabilité vasculaire endométriale, immunomodulation par le TGFß). De très nombreux autres facteurs sont impliqués dans ce dialogue précoce endomètre/embryon. Les plus connus sont :
– le LIF (Leukémia Inhibiting Factor), sécrété par l’endomètre et dont les récepteurs se trouvent sur l’embryon. Le LIF stimule ainsi la production d’HCG par les trophoblastes.
– le M-CSF (Macrophage-Colony Stimulating Factor)
– Le EGF (Epidermal Growth Factor), agissant sur la réceptivité des cellules épithéliales endométriales.
– l’interleukine-1 (IL-1), dont la production par l’embryon est stimulée par divers facteurs produits par l’endomètre.
Au total, l’embryon au stade de blastocyste se retrouve au 6ème jour apposé en face de l’endomètre maternel préparé, et commence les transformations nécessaires à l’invasion. La figure 2 représente cette étape d’apposition. Cette étape précède de très peu la phase d’adhérence. L’adhérence fait intervenir des glycoprotéines de surface et crée des complexes jonctionnels serrés entre trophectoderme et endomètre. Il est maintenant bien démontré que ces phénomènes de « roulement/apposition/adhérence » de l’embryon au sein de l’endomètre sont très proches de ceux empruntés par les leucocytes lors des phénomènes de « roulement/ adhérence/extravasation » dans l’endothélium vasculaire lors des phénomènes inflammatoires (Dominguez, Yanez-Mo et al. 2005).
Phase implantatoire
C’est donc la couche trophoblastique externe (trophectoderme) qui va se trouver au contact de l’endomètre maternel. A ce stade, les trophoblastes vont avoir trois destins possibles, selon trois voies de différenciation.
Le trophectoderme se différencie très rapidement à l’extérieur en une couche de syncytiotrophoblastes. Ces cellules ne se divisent pas, sont formées par la fusion de plusieurs trophoblastes et possèdent plusieurs noyaux. Les syncytiotrophoblastes vont avoir le rôle de l’unité endocrine placentaire, puisqu’ils vont sécréter les hormones de la grossesse, et particulièrement l’HCG. Cette hormone va compléter la réaction déciduale endométriale initiée par la progestérone produite par le corps jaune, l’endomètre maternel devenant oedématié et plus réceptif à l’invasion ovulaire. De plus, la laminine du tissu conjonctif maternel va être reconnue par les syncytiotrophoblastes via leurs intégrines, et ainsi déclencher la libération d’enzymes protéolytiques. Les trophoblastes se trouvent donc en contact avec la MEC maternelle et ses signaux.
Les syncytiotrophoblastes vont former des cordons proliférants circonférentiels, sous-tendus en leur centre par des cytotrophoblastes dont les mitoses accélérées alimentent le développement des cordons. Ces cordons envahissent de proche en proche l’endomètre maternel. Ils rencontrent chemin faisant les glandes endométriales, les artères et les veines spiralées, qui vont être localement détruites par les phénomènes de protéolyse. Les glandes endométriales participeraient à la fourniture énergétique du conceptus, mais également au dialogue cytokinique (Hempstock, Cindrova-Davies et al. 2004). La destruction des artères et des veines met en contact les cellules trophoblastiques avec les composants sanguins maternels dès cette deuxième semaine de développement. Nous verrons plus loin que ce contact va rapidement cesser grâce à l’établissement de la coque trophoblastique. Au 14ème jour post-fécondation, l’œuf est entièrement enfoui dans l’endomètre qui le recouvre entièrement.
Phase de mise en place des structures villositaires
Villosités primaires
Entre le 11ème et le 13ème jour, les cordons syncytiotrophoblastiques « poussés» en leur centre par les cordons de cytotrophoblastes vont former une couronne périphérique. Ainsi se trouvent créés les villosités primaires . Des lacunes se créent entre les cellules syncytiales, qui vont confluer ensuite pour donner les chambres intervilleuses, bordées par des syncytiotrophoblastes.
Villosités secondaires
L’invasion trophoblastique de la décidue maternelle se poursuit jusqu’à attendre le tiers interne du myomètre. Vers le 16ème jour post-fécondation, le mésoblaste extraembryonnaire (prolongement de l’allantoïde), bordé de cytotrophoblastes, envahit l’axe des villosités primaires , formant ainsi les villosités secondaires .
Villosités tertiaires
Vers le 21ème jour, le mésoblaste extra-embryonnaire se différencie en tissu conjonctif dans lequel va se mettre en place la vasculo- puis l’angiogenèse fœtale, à partir des précurseurs hémangioblastiques (voir chapitre angiogenèse, paragraphe angiogenèse placentaire). Le développement de cette circulation fœtale va intervenir sur le développement villositaire .
Villosités crampons et coque trophoblastique
Une partie des villosités tertiaires va s’ancrer plus profondément, constituant les villosités crampons. La limite chez l’humain est représentée par la couche compacte de la décidue. Ce sont les villosités crampons qui vont rapidement créer la coque trophoblastique, véritable barrière qui permet alors à l’embryon de bénéficier d’un environnement pauvre en oxygène pour poursuivre son développement.
Au contact de la couche compacte de l’endomètre, les cytotrophoblastes des villosités crampons, sous l’influence de facteurs locaux, continuent à proliférer, puis vont dépasser la couche de syncytiotrophoblastes au site d’ancrage. Ils deviennent ainsi des trophoblastes extravillositaires, qui vont s’étendre latéralement également, envahir les vaisseaux maternels – formant les «bouchons trophoblastiques » -, et entourant ainsi le conceptus d’une véritable «coque » de cytotrophoblastes .
Cette coque semble présente à partir de la 3ème semaine de développement (5ème semaine d’aménorrhée) et disparaît peu à peu à partir de la 10ème semaine de développement. Ainsi, jusqu’à ce terme, la chambre intervilleuse se trouve baignée par un percolat maternel, dépourvu de globules rouges. Les villosités crampons vont également donner naissance aux colonnes de trophoblastes invasifs, trophoblastes extravilleux (TEV), qui perdent tout contact avec la villosité elle-même. Comme nous le présentons plus loin, les caractères invasifs des TEV interstitiels sont de plus en plus exprimés au fur et à mesure de leur éloignement du pied de la villosité. Avant la 3ème semaine de développement (5ème SA), les syncytiotrophoblastes qui érodent la MEC et les extrémités des vaisseaux maternels vont être en contact direct avec le sang maternel. Cependant, par une régulation de facteurs pro- et anti-coagulants, dont certains activés par les syncytiotrophoblastes eux-mêmes – comme le TFPI « tissu factor pathway inhibitor » – un développement optimal du lit placentaire dans une grande majorité de grossesses est obtenu.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : LE PLACENTA
PLACENTA HUMAIN
Développement placentaire précoce physiologique
Développement placentaire ultérieur
Envahissement et remodelage des artères spiralées
PLACENTA MURIN
Le placenta murin à 9,5 jpc, début du labyrinthe
Le placenta murin mature, à 11,5 jpc
Le placenta murin de 13,5 jpc à terme
Fonctionnement endocrinien de l’unité materno-foeto-placentaire murine
Comparaison du placenta humain et murin
L’ANGIOGENESE PLACENTAIRE
Acteurs principaux de la morphogenèse vasculaire
La famille du VEGF et de ses récepteurs
Les angiopoïétines et leurs récepteurs
Le système Eph/Ephrines
Les molécules d’adhérence et la matrice extra-cellulaire
HIF-1 et la régulation des facteurs angiogènes par l’hypoxie
Mécanismes moléculaires régissant l’acquisition du caractère invasif des cytotrophoblastes
La pression partielle en oxygène
Les facteurs de croissance
Les facteurs angiogènes
Circulation foeto-maternelle
La structure placentaire humaine définitive
Quelques notions de rhéologie
Vasculogenèse placentaire
Facteurs angiogènes durant la vasculogenèse
Angiogenèse placentaire
Formation du réseau capillaire 32 jpc à 22 SA : angiogenèse avec branchement
Formation des vaisseaux souches de 15 SA à 32 SA
Régression du réseau capillaire périphérique de 15 à 32 SA
Prévalence de l’angiogenèse sans branchement de 25 SA à terme
Récapitulatif des étapes de l’angiogenèse physiologique
DEUX CONSEQUENCES D’UN DEVELOPPEMENT PLACENTAIRE HUMAIN PATHOLOGIQUE : LE RETARD DE CROISSANCE INTRA-UTERIN ET LA TOXEMIE GRAVIDIQUE
Le retard de croissance intra-utérin (RCIU)
La toxémie gravidique
Le rôle de l’ischémie placentaire dans l’établissement de la toxémie gravidique
Argumentaire en faveur de la responsabilité de l’hypoxie
Mécanisme principal conduisant à l’hypoxie
La théorie immuno-vasculaire ou « La grossesse, état inflammatoire »
Marqueurs de toxémie gravidique
Facteurs de risque
Le récepteur soluble au VEGF, sFlt-1, marqueur de toxémie
Autre marqueur de dysfonction endothéliale : l’endogline
Récapitulatif
LE EG-VEGF ET SES RECEPTEURS
Découverte d’un nouveau facteur angiogène spécifique des cellules endothéliales des glandes endocrine : le EG-VEGF
Protéines homo- et orthologues
Structure de EG-VEGF et des protéines apparentées
Récepteurs de EG-VEGF et de Bv8
Les voies de signalisation des récepteurs PKR-1 et PKR-2
EG-VEGF et Bv8 : différence humain/souris
EG-VEGF en gynécologie
PARTIE II : RESULTATS
Objectifs du travail
Article 1
Discussion
Article 2
Discussion
Article 3, en cours d’élaboration
Rôle mitogène de EG-VEGF sur les cytotrophoblastes villositaires
Rôle de EG-VEGF sur les cytotrophoblastes extravillositaires
Conclusion
PARTIE III : PERSPECTIVES
CONCLUSION
Perspectives fondamentales
Perspectives cliniques