D’une manière très générale, la ville nous invite à la découverte de nouveaux paysages, à visiter des espaces symboliques et à rencontrer de nouvelles cultures. Ainsi invite-elle le touriste à la découverte de lieux touristiques. Ce dernier est toujours curieux de connaître l’histoire des villes. La ville peut être appréhendée par ces trois mots-clés : l’histoire, l’architecture, à quoi il faut ajouter, le tourisme. De plus, il faut également retenir les trois termes suivants, à savoir : identité, hôtel et patrimoine.
Pour décrire une ville, comme le dit l’architecte-urbaniste Kevin Lynch (1976) : « Il y a un plaisir particulier à regarder une ville, si banale que puisse en être la vue. Comme un morceau d’architecture la ville est une construction dans l’espace, mais sur une vaste échelle et il faut de longues périodes de temps pour l’a percevoir » . De son point de vue, pour mieux connaître la ville, il faut apprendre à la regarder, à l’observer et à l’a percevoir. Dans ce sens, la ville est devenue un miroir de culture. Elle ne doit pas créer une rupture avec tout ce qui fait appel à la « conservation », à la « préservation », et à la « sauvegarde ». Elle évolue avec le temps et doit faire vivre les éléments du passé.
Parmi les auteurs ayant écrit sur la ville, il y a le sémiologue, Roland Barthes , qui considère la ville comme un lieu de rencontre avec l’autre et qui ajoute qu’elle est une écriture qui fait preuve de signification. Dans son explication, Roland Barthes a aussi rappelé que la ville est d’une part, symbolique et d’autre part, signifiante. Ce que le sémiologue a cherché à comprendre était, comment le touriste percevait la ville comme un lieu de découverte et d’échange ? Ou encore, comment le touriste observe et décrit la ville.
La ville est perçue comme une écriture parlant du passé. Elle est non seulement décrite par son histoire, mais également par ses constructions, ses bâtiments, ses édifices et ses architectures. Ce qui fait la spécificité d’une ville, c’est le recours aux objets du passé et à toute forme de signifiant (bâti).
L’ÉMERGENCE D’UNE PROBLÉMATIQUE
L’objet de notre thèse porte sur la mise en image du patrimoine architectural et spécifiquement les hôtels dans le cadre de la communication touristique. Comment l’hôtel est mis en image ? Et comment devient-il un élément indispensable de la communication touristique ? Nous nous attacherons à l’image de la façade d’hôtel qui peut être considérée comme une composante de celle du pays. La façade d’hôtel en Tunisie représente peut-être le miroir de la façade de la Tunisie, mais ce n’est absolument pas le cas de tous les pays. En effet, la place de l’image est essentielle dans la communication touristique ainsi que pour la valorisation du patrimoine architectural que sont les hôtels. Aujourd’hui, les hôtels sont implantés sur des lieux différents. Notre terrain d’expérimentation étant la ville de Sousse, la chronologie du bâti montre l’évolution de l’image de ses hôtels. Nous essayons de voir ce que les architectes ont voulu exposer. Aussi s’agit-il de caractériser la relation entre patrimoine architectural et développement touristique avec deux questions :
– Comment les architectes vont-ils travailler à développer l’image du patrimoine dans la communication touristique ?
et
– Comment, aujourd’hui, les architectes procèdent-ils à la valorisation et à la sauvegarde du patrimoine architectural ?
Nous réaliserons également une étude sémiologique basée sur les images des hôtels. Dans ce contexte d’images touristiques, nous nous intéresserons à la façade d’hôtel non seulement par l’image que la façade projette mais également par le style architectural.
L’ÉVOLUTION DU PATRIMOINE EN TUNISIE
LES CARACTÉRISTIQUES DU PATRIMOINE
Patrimoine ou « turâth »
Revenons à la première définition du mot « turâth », il importe de souligner, que ce mot se distingue essentiellement par une évolution historique et culturelle. En Tunisie, ce terme indique l’héritage de la civilisation arabo-musulmane. Le mot « turâth » est relatif à la tradition, à la modernité et à l’histoire. En fait, « Le terme arabe turâth est imprégné de charges culturelles et historiques » . À partir des années 1950, le mot « turâth » a été décrit par l’ALESCO (l’Organisation Arabe pour l’Éducation, la Culture et les Sciences) comme étant l’association entre « l’héritage scientifique y compris les manuscrits et les bibliothèques, la calligraphie arabe, les sites et les monuments, les modes de vie, les arts et traditions islamiques, … c’est pour cette raison que nous portons dans notre analyse un intérêt particulier au patrimoine et au culte des monuments » . Pour Yassine Karamti (2009), ce terme évoque les sujets anciens qui ont disparu et il en conclue que le mot « turâth » est synonyme d’héritage matériel, spirituel et de patrimoine immatériel (Karamti, 2009).
Dans le même ordre d’idées, dans l’article, « » Turâth », » Patrimoine », » Héritage » des traductions trompeuses ? », publié dans la revue scientifique Al-Miskât, Yassine Karamti a proposé de nouvelles idées sur lesquelles nous reviendrons. Dans la civilisation arabomusulmane, le mot arabe « turâth » (Karamti, 2008) renvoie aux anciennes civilisations, il « se rapporte seulement aux éléments qui constituent la civilisation arabo-musulmane avec sa pluralité ethnique et culturelle» . Yassine Karamti (2008) rappelle que ce terme renvoie au vocabulaire de culture arabo musulmane.
Une autre définition a été proposée par Nabila Oubelsir (2004), à savoir, que le mot « turâth » est synonyme d’héritage. Dans cette perspective, il est essentiellement fondé sur un travail d’échange, de partage, de culture, de savoir, de mode et de rythme de vie. Il convient alors de reprendre ce qui a été dit par d’autres auteurs. Dans une publication de 1997, Taher Bekir souligne dans son article « Écrire, lire le patrimoine au Maghreb », « par patrimoine, turâth, il s’agit de tout l’héritage littéraire et culturel le plus éloigné dans le temps qui remonte en ce qui me concerne jusqu’à la période préislamique » . L’idée vise les grands axes que l’auteur a développés dans cet article et notamment les grandes périodes qui tracent l’évolution du mot « turâth », qui apparaît comme un courant de la culture arabo-musulmane et contemporaine à la fois. Sur le plan historique, ce terme nous permet de nous attacher à une autre définition décrite par l’auteur qui caractérise le mot « turâth » d’une part, comme une culture arabomusulmane et d’autre part, comme un courant de la culture contemporaine.
Du « turâth » au patrimoine
Du « turâth » au patrimoine, revenons à nos questions, à savoir, la signification du mot patrimoine et ce qu’il évoque. En second lieu, nous nous appuyons sur les définitions générales du terme patrimoine.
Une des références fondatrices consiste à évoquer toutes les définitions concernant le patrimoine décrit par l’anthropologue et muséologue Yassine Karamti (2009). Les définitions de Yassine Karamti (2009) rejoignent celles d’autres auteurs . L’usage de ce terme a pris différentes acceptions. Initialement, il importe de rappeler les termes évoqués par Yassine Karamti (2009) ; notons à ce propos, le patrimoine, la trace, la machinerie patrimoniale, la muséologie, la mémoire, etc. La plupart de ses recherches se focalisent sur la question de la communication des traces, mais aussi sur celle de la gestion du patrimoine et de la mémoire. En effet, le patrimoine englobe différentes définitions. Premièrement il est reconnu dans les différentes formes de patrimonialisation (musées, conservateurs, monuments, etc.). Deuxièmement, les thématiques de recherche qui peuvent être développées sont d’ordre identitaire, archéologique, historique, symbolique, culturel, architectural, etc. Il est intéressant de souligner que Yassine Karamti a défini le patrimoine en faisant une différence avec le mot arabe « turâth ».
D’un point de vue historique, il apparaît que si dans la Régence de Tunis du XXe siècle, « le terme » patrimoine » était surtout utilisé pour évoquer l’héritage de la civilisation arabomusulmane, l’établissement du protectorat français engendre des mutations » . Dans un premier temps, les autorités du protectorat français ont utilisé ce mot en tant que « héritage de la civilisation arabo-musulmane » , pour ensuite, dans un second temps, faire appel à la notion du patrimoine national. En Tunisie, nous trouvons, en effet, les deux notions, à savoir, l’héritage de la civilisation arabo-musulmane (Karamti, 2009) et le patrimoine national (Karamti, 2009). Au gré de ses idées, le muséologue a souligné que le patrimoine présente un modèle de développement économique. Durant la seconde partie des années 1960, le patrimoine a pris une autre signification. Dans ses réflexions, le patrimoine est d’abord lié à l’histoire, à la culture et à l’économie.
Dans une autre partie de son ouvrage, l’anthropologue muséologue a aussi mentionné que le patrimoine est orienté vers d’autres concepts : monument, religion et conservation. Dans son discours, l’évolution du patrimoine est liée à ce qui peut être requis dans un environnement, autrement dit, tout ce qui peut être hérité du passé et ce qui peut être créé au présent. Nous pouvons considérer le patrimoine comme étant une source de production. Le patrimoine est « une quête et une reconstitution sur commande » . De plus, il apparaît comme une valeur de partage, qui ne doit pas être déracinée, mais plutôt être perpétuée.
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Table des matières
INTRODUCTION
L’ ÉMERGENCE D’UNE PROBLÉMATIQUE
Première partie : L’ÉVOLUTION DU PATRIMOINE EN TUNISIE
Chapitre I : LES CARACTÉRISTIQUES DU PATRIMOINE
I. Patrimoine ou « turâth »
En guise de synthèse de cette partie
II. La spécificité du patrimoine
III. La culture de l’autre
Chapitre II : HISTOIRE ET PATRIMOINE
I. L’histoire du patrimoine en Tunisie
II. Entre histoire et évolution : quel patrimoine ?
III. Entre patrimoine et patrimonialisation
Chapitre III : PATRIMOINE, TOURISME ET TERRITOIRE
I. Des mots croisés entre tourisme et patrimoine
II. La conservation du patrimoine
III. Patrimoine, mémoire et territoire
Deuxième partie : REGARD D’HIER ET D’AUJOURD’HUI : TOURISME, COMMUNICATION ET ARCHITECTURE
Chapitre I : HISTOIRE DU TOURISME ET DÉVELOPPEMENT PATRIMONIAL
I. L’histoire du tourisme en Tunisie
II. Histoire du tourisme et développement patrimonial : cas d’étude « la ville de
Sousse »
III. L’histoire des hôtels de la ville de Sousse
Chapitre II : TOURISME ET CARTES POSTALES
I. Image, signe et communication
II. Communication touristique, image et patrimoine
III. L’image d’un temps passé
Chapitre III : DE L’IMAGE À L’ESPACE : HÔTELS ET ARCHITECTURE
I. L’architecture des hôtels : cas d’études le XXe siècle
II. Vers une nouvelle façade « tunisienne » ?
III. Regard (s) sur le patrimoine architectural : présence ou absence
Troisième partie : MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE
Chapitre I : TERRAIN DE RECHERCHE
I. Présentation de l’architecte : projets et réalisations
II. Analyse des données recueillies
Chapitre II : LE TRAVAIL D’ENQUÊTE : OBSERVATION ET ENTRETIEN
I. Qu’est-ce qu’observer ?
II.L’enquête de terrain
III. Observation ethnographique
Chapitre III : RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE
I. Résultats des entretiens semi-directifs
Synthèse des résultats
II. Quel avenir et quelle architecture pour les œuvres de Cacoub ?
En guise de synthèse
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES AUTEURS
LISTE DES HÔTELS
LISTE DES ORGANISMES ET DES INSTITUTIONS
ABRÉVIATION
LISTE DES PERSONNES INTERROGÉES
TABLE DES ILLUSTRATIONS
TABLE DES TABLEAUX
VOLUME DES ANNEXES
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