Étiologie
L’hétérogénéité clinique et la forte prévalence de comorbidités psychologiques font du TDAH un trouble neurodéveloppemental complexe. En effet, l’étiologie du TDAH est multifactorielle (Purper-Ouakil, Lepagnol-Bestel, Grosbellet, Gorwood, & Simonneau, 2010). Il s’agit d’un trouble neurologique qui a des origines génétiques et des influences environnementales combinées (Galéra & Bouvard, 2014). Les différentes causes identifiées dans la littérature sont décrites ci-dessous.
Développement neuro-anatomique
Différentes études d’imagerie montrent des différences morphologiques significatives entre les cerveaux d’individus ayant le TDAH comparativement à la population générale (Castellanos et al., 1996; Castellanos & Tannock, 2002; Habib, 2011; Purper-Ouakil et al., 2010). Des réductions de volume ont été observées au niveau du cortex préfrontal, des ganglions de la base (striatum), du cortex cingulaire antérieur dorsal,du corps calleux et du cervelet (Emond, Joyal, & Poissant, 2009). Une réduction de 5% à 8% a été observée chez les individus ayant un TDAH comparativement aux contrôles (Castellanos & Tannock, 2002). D’autres études d’imagerie (IRM) ont été conduites alors que les participants étaient soumis à des tests d’inhibition (go / non go), de temps de réaction (stop-signal) ou d’interférence (stroop). Lors de ces tests, des hypo-activations ont été observées au niveau du cortex cingulaire antérieur dorsal, du cortex frontal et des ganglions basaux (striatum) (Emond et al., 2009; Rubia, Smith, Brammer, Toone, & Taylor, 2005). Ces zones cérébrales affectées par le TDAH sont celles impliquées dans l’inhibition comportementale, l’attention soutenue et la mémoire de travail (Habib, 2011). La sous-activation du striatum-ventral chez les adolescents et les adultes dans une tâche d’anticipation de récompenses pourrait expliquer en partie l’aversion du délai qu’ont les individus ayant un TDAH (Scheres, Milham, Knutson, & Castellanos, 2007). Les concepts d’inhibition comportementale et d’aversion du délai seront développés davantage dans les pages qui suivent.
Un retard de maturation corticale a aussi été démontré par des chercheurs du National Institutes of Health (NIH) et du National Institute of Mental Health (NIMH) (Shaw et al., 2007). Le retard est estimé à 3 ans, puisque le temps moyen pour atteindre 50% du maximum d’épaisseur est de 7,5 ans chez les témoins et de 10,6 ans chez les enfants ayant un TDAH. Le retard le plus important a été observé dans la région préfrontale qui est impliquée dans l’attention, l’inhibition et la planification (Shaw et al., 2007).
Les facteurs génétiques
L’héritabilité du TDAH est significative (APA, 2015). Selon la littérature, environ 76% du TDAH s’explique par des différences interindividuelles au niveau du génome (Faraone et al., 2005). Plusieurs variations génétiques ont été identifiées dont une impliquant le gène codant pour les récepteurs dopaminergiques D4 et D5 (Faraone et al., 2005). La dopamine est un neurotransmetteur du groupe des catécholamines, précurseur de la noradrénaline, jouant dans le cerveau un rôle fondamental pour le contrôle de la motricité. Le système dopaminergique est impliqué dans la locomotion, la motivation et les processus cognitifs suivants: attention, mémoire de travail et inhibition comportementale (Purper-Ouakil et al., 2010; Thibault, Kortleven, Fasano, Dal Bo, & Trudeau, 2010).
Les stratégies pharmaceutiques du TDAH ciblent principalement à réguler la neurotransmission de la dopamine et l’activité des récepteurs dopaminergiques (Thibault et al., 2010). Dans une revue de la littérature, Faraone et coll. (2005) rapportent une association significative entre trois autres gènes impliqués dans le système dopaminergique et le TDAH : le gène codant pour le récepteur dopaminergique D5 (DRD5), le gène transporteur de la dopamine (DAT) et le gène codant pour l’enzyme dopamine beta-hydroxylase (DBH). Cependant, le polyphormisme génétique ne peut expliquer à lui seul l’étiologie du TDAH. Il existe également des facteurs environnementaux et psychosociaux (APA, 2015).
Les facteurs environnementaux
L’exposition à certains facteurs environnementaux pourrait contribuer au développement d’un TDAH chez les enfants présentant un génome favorable à la pathologie (Galéra & Bouvard, 2014). Bien que le lien causal ne soit pas démontré, une corrélation existe entre l’apparition du trouble et la présence de plusieurs facteurs environnementaux dans le milieu intra-utérin et pendant la petite enfance (APA, 2015). Il s’agit, entre autres, d’un faible poids à la naissance (Mick, Biederman, Prince, Fischer, & Faraone, 2002), de l’exposition à l’alcool, à la nicotine (Neuman et al., 2007) et à d’autres substances psychoactives avant la naissance (Noland et al., 2005) ainsi qu’à la présence de produits chimiques dans l’environnement, comme le plomb (Braun, Kahn, Froehlich, Auinger, & Lanphear, 2006), l’hexa-chlorobenzène (Ribas-Fitó et al., 2007) et les byphényles polychlorés (BPC) (Polańska, Jurewicz, & Hanke, 2013).
Les facteurs psychosociaux
Des facteurs psychosociaux sont aussi associés au TDAH tels que : le stress, les carences alimentaires, les attitudes parentales hostiles et le trouble dépressif chez la mère (Purper-Ouakil et al., 2010). Ces facteurs ne peuvent être considérés comme des causes du TDAH. Toutefois, ils peuvent influencer son développement et causer des problèmes de conduite (APA, 2015).
Principales théories explicatives
Les études d’imagerie, citées précédemment, ont mis en évidence l’activation différenciée des zones corticales responsables de l’attention, de l’organisation et du contrôle des mouvements chez un individu ayant un TDAH (Castellanos & Tannock, 2002; Fliers et al., 2009; Rubia et al., 2005; Shaw et al., 2007). Ces activations déficitaires entrainent une perte d’efficacité des fonctions exécutives (Bélanger, 2009; Sergeant, Geurts, & Oosterlaan, 2002). Packwood (2011) définit le concept des fonctions exécutives comme « un mécanisme du contrôle cognitif qui dirige et coordonne le comportement humain de manière adaptative quand aucun schéma d’action préétabli n’est disponible ».
Différentes théories expliquent les mécanismes sous-jacents. Les plus citées sont la théorie du déficit d’inhibition comportementale de Barkley (1997), la théorie de l’aversion du délai de Sonuga-Barke et ses collaborateurs (1992) et le modèle à deux voies qui intègre ces deux théories de Sonuga-Barke et ses collaborateurs (2002).
Déficit d’inhibition comportementale
Russel Barkley est une autorité internationalement reconnue pour ses travaux sur le TDAH. Sa théorie de l’inhibition comportementale (1997) est l’une des théories les plus largement admise pour expliquer le TDAH (Habib, 2011). Selon cette théorie, le déficit attentionnel des individus ayant un TDAH est principalement dû à une pauvre capacité d’inhibition. Ce manque de contrôle inhibiteur peut provenir de sources internes de distraction, comme des pensées parasites, ou de sources externes (Barkley, 1997).
Dans son modèle, Barkley met en relation l’inhibition comportementale et quatre fonctions exécutives soient : la mémoire de travail, l’autorégulation des affects, l’internalisation du langage et la reconstitution. La figure 1 illustre ce concept théorique. Ce modèle est bien accepté dans la littérature pour expliquer les causes cognitives du TDAH mais ne semble pas suffisamment complet pour rendre compte des causes non-cognitives du TDAH (Habib, 2011). De plus, Barkley (1997) admet que son modèle ne prend pas en considération la présentation inattentive prédominante du TDAH.
L’aversion du délai
Sonuga-Barke et ses collaborateurs (1992) proposent une théorie fondée sur un style motivationnel. Le concept motivationnel de ces auteurs explique les trois grands symptômes du TDAH (inattention, hyperactivité et impulsivité) par une aversion du délai attribuable à une mauvaise perception temporelle. Les individus ayant un TDAH auraient de la difficulté à estimer une durée. Ils perçoivent le temps plus lentement et tentent alors de diminuer les délais d’attente. La figure 2 illustre le schéma de l’aversion du délai de Sonuga-Barke.
Dans ce concept, l’attente est insupportable pour l’individu ayant un TDAH. S’il a le choix entre une réponse immédiate ou l’attente, il va choisir la réponse immédiate même si cette réponse est inadaptée par rapport au but expliquant les symptômes impulsifs du TDAH. Dans les cas où une réponse immédiate est impossible, il va éviter l’attente en cherchant une stimulation non-temporelle (ex : regarder par la fenêtre) ou en créant une stimulation non-temporelle (ex : augmenter son niveau d’actions motrices), expliquant les symptômes d’inattention et d’hyperactivité. L’aversion du délai amène également un dysfonctionnement des mécanismes de récompenses (Habib, 2011). En conséquence, les individus ayant un TDAH ont de la difficulté à persévérer dans des tâches longues qui demandent une attention soutenue. De plus, ils préfèrent les tâches faciles ou procurant une récompense immédiate ce qui caractérise les symptômes impulsifs.
Le modèle à deux voies
Dans un deuxième modèle, Sonuga-Barke et coll. (2003) intègrent le concept de déficit d’inhibition comportementale de Barkley (1997) à son propre modèle de l’aversion du délai (1992). Ce schéma à deux voies est illustré par la figure 3. La première voie correspond au déficit de contrôle inhibiteur causé par une dysrégulation des fonctions exécutives. La seconde illustre le style motivationnel qui explique les symptômes par une aversion du délai. Selon les auteurs, cette combinaison semble la plus logique pour expliquer l’ensemble des symptômes du TDAH qui ont des origines étiologiques multidéterminées: l’inattention, l’hyperactivité et l’impulsivité (Sonuga-Barke, 2003).
Traitements
Selon la Société canadienne de pédiatrie (2002), il n’existe aucun traitement curatif pour le TDAH. L’objectif des traitements est de réduire les symptômes et requiert une intervention à long terme. Les lignes directrices canadiennes sur le TDAH (CADDRA, 2010) suggèrent d’ailleurs une approche multimodale basée sur cinq paliers : 1- une sensibilisation adéquate du patient et de sa famille, 2- des interventions relatives au comportement ou au travail, 3- un traitement psychologique, 4- des adaptations ou des accommodements scolaires et 5- un traitement médical pharmacologique. Néanmoins, plusieurs études récentes ont été réalisées impliquant une approche dite physique, montrant également des effets positifs chez cette clientèle (Chang, Liu, Yu, & Lee, 2012; Smith et al., 2013; Tomporowski, 2003; Verret, Guay, Berthiaume, Gardiner, & Béliveau, 2012; Wigal, Emmerson, Gehricke, & Galassetti, 2013).
Les thérapies d’appoint
Les premiers paliers des lignes directrices réfèrent aux diverses interventions comportementales, à la formation parentale et aux traitements psychologiques. Parmi ces traitements, le plus fréquemment utilisé est la thérapie cognitivo-comportementale. Cette thérapie fait partie des recommandations canadiennes (CADDRA, 2010) et américaines (APA, 2017). Selon l’instance américaine, la thérapie cognitivo-comportementale a démontré son efficacité dans le traitement du TDAH et est appuyé sur des bases scientifiques solides. De récentes études rapportent que la méditation pleine conscience permettrait également d’améliorer la capacité d’attention et le processus neurocognitif (Cairncross & Miller, 2016; Tang et al., 2007). Des études d’imagerie cérébrale montrent que la méditation pleine conscience permettrait d’améliorer le fonctionnement du cortex préfrontal, une zone cérébrale altérée chez les individus ayant un TDAH (Davidson et al., 2003; Lutz et al., 2009). Selon la plus récente version du manuel diagnostic et de traitement du TDAH (Barkley, 2015), la méditation pleine conscience ne devrait pas être utilisée en monothérapie dans le traitement du TDAH. Toutefois, cette approche peut être intégrée dans un traitement, comme la thérapie cognitivo-comportementale, pour aider à contrôler les symptômes.
L’approche pharmacologique
Le cinquième palier réfère au traitement médical soit à une approche pharmacologique. Le plus souvent, elle consiste à une médication stimulant le système nerveux central (SNC) à base de chlorhydrate méthylphénidate (p. ex. Bipentin® et Concerta®) ou d’amphétamine (p. ex. Adderall XR® et Vyvanse®). Leur mécanisme d’action n’est pas encore complètement compris mais il consisterait à bloquer la recapture de la dopamine et de la noradrénaline au niveau du neurone présynaptique. Ainsi, la concentration de ces neurotransmetteurs serait plus importante dans l’espace extraneuronal ou fente synaptique (Canadian Pharmacists Association, 2015). Selon la CADDRA (2010), une médication non stimulante peut également être prescrite (Strattera® et Intuniv®). Les doses utilisées varient en fonction de l’âge et du poids. Le traitement pharmacologique varie en fonction des comorbidités. Dans une méta-analyse, Catalá-López et ses collaborateurs (2015) rapportent que la médication stimulante et la médication non stimulante sont plus efficaces lorsque comparées à un placebo. De plus, l’utilisation d’une médication stimulante en combinaison avec la thérapie cognitivo-comportementale serait plus efficace que la monothérapie (Catalá-López et al., 2015).
L’approche physique
Chez les enfants ayant un TDAH, la pratique d’activités physiques a un effet thérapeutique (Chang et al., 2012; Kamp, Sperlich, & Holmberg, 2014; Smith et al., 2013; Tomporowski, 2003; Verret et al., 2012; Wigal et al., 2013). Son action physiologique serait semblable à celle des stimulants du SNC, utilisés dans le traitement du TDAH, produisant une augmentation de dopamine et de noradrénaline (Wigal et al., 2013). Des études ont montré des améliorations au niveau des fonctions exécutives après une seule séance d’activité cardiovasculaire (Chang et al., 2012; Tomporowski, 2003).
L’effet aigu de la pratique d’activités physiques augmente la libération de dopamine et l’activation du cortex préfrontal permettant d’avoir une meilleure capacité d’attention et d’inhibition (Wigal et al., 2013). D’autres études ont montré des résultats probants sur les plans moteur, cognitif et social suite à un programme d’entrainement structuré de plusieurs semaines (Smith et al., 2013; Verret et al., 2012). Selon Wigal et coll. (2013), l’activité physique est un complément aux approches thérapeutiques actuelles. D’ailleurs, la CADDRA (2010) suggère la pratique d’activités physiques sur une base régulière.
Motricité La motricité se définit par la capacité d’exécuter des mouvements de façon coordonnée pour produire une action fluide et efficace afin de maitriser une tâche particulière (Goldstein & Naglieri, 2011). Il y a deux types de motricité soient : la motricité fine et la motricité globale. Dans le cadre de cette étude, nous traiterons uniquement de la motricité globale et celle-ci regroupe les activités motrices sollicitant l’ensemble du corps (Rigal, 2003). Le développement de la motricité globale permet l’exécution d’habiletés fondamentales de locomotion (p. ex. ramper, marcher, courir et sauter), de transmission de force (p. ex. pousser, soulever, botter et lancer) et de changement de positions (p. ex. pivoter, faire une roulade et se balancer). De plus, la motricité globale permet d’avoir un meilleur contrôle sur son corps et a un impact sur le développement des capacités affectives, intellectuelles et sociales (Dugas & Point, 2012). Les lignes qui suivent traiteront de l’évolution du développement moteur, des déterminants de la motricité globale et de l’impact du TDAH sur celle-ci.
Développement moteur
Tout au long de la vie, l’être humain se développe et s’adapte à son environnement en modifiant son comportement moteur (Cech & Martin, 2012). Ces changements sont le résultat de l’apprentissage et de l’interaction entre des facteurs biologiques (p. ex. l’âge, la croissance et le genre) et environnementaux (p. ex. la stimulation par l’entourage) (Cech & Martin, 2012; Rigal, 2003). De façon générale, les performances motrices s’améliorent avec l’âge pour atteindre un plateau chez le jeune adulte, puis elles diminuent chez l’ainé (Cech & Martin, 2012; Leversen, Haga, & Sigmundsson, 2012). Le développement moteur se fait dans une séquence relativement similaire chez tous les individus, mais il y a une variation individuelle dans l’acquisition des capacités (Cech & Martin, 2012). Par exemple, plus un individu s’exerce à une activité, plus l’adresse et la qualité d’exécution du mouvement s’améliorent (Rigal, 2003).
Le développement moteur relève de la maturation des structures des systèmes nerveux central et périphérique. Ces structures incluent les fonctions exécutives nécessaires au mouvement (p. ex. la mémoire de travail, la planification, l’organisation d’un comportement orienté vers un but, l’attention et l’inhibition). Leur maturation, chez le jeune adulte, est corrélée avec une augmentation de la myélinisation et de la synaptogenèse dans le lobe frontal (De Luca et al., 2003). À l’inverse, leur déclin chez l’ainé est proportionnellement corrélé avec un changement dans la matière blanche sous-corticale du lobe frontal (De Luca et al., 2003). De Luca et ses collaborateurs (2003) ont évalué la performance des fonctions exécutives chez 194 individus de différentes catégories d’âges (8-10 ans, 11-14 ans, 15-19 ans, 20-29 ans, 30-49 ans et 50-64 ans). Leurs objectifs étaient de déterminer le moment où ces fonctions sont actives, qu’elles se stabilisent puis qu’elles sont en déclin. Ils ont établi que la majorité des fonctions exécutives sont immatures chez l’enfant (8-10 ans), elles se développent à l’adolescence (11-19 ans) et elles sont généralement matures chez le jeune adule (20 à 29 ans). À l’âge adulte (30-49 ans), les fonctions exécutives se stabilisent avant de se décliner chez les 50 à 64 ans. Pour ce groupe d’âge, la mémoire de travail est inférieure à celle des adolescents de 11 à 14 ans (De Luca et al., 2003).
L’influence de l’IMC sur la motricité
Il a précédemment été montré que la surcharge pondérale a un impact négatif sur la motricité des enfants et des adolescents (Okely, Booth, & Chey, 2004). Plus spécifiquement, les enfants et les adolescents en surpoids ou obèses performent moins bien dans les tâches locomotrices que leurs pairs plus minces. Les auteurs expliquent cette différence, entre autres, par la difficulté à déplacer une plus grande masse corporelle contre la gravité (Cortese et al., 2015; Okely et al., 2004).
L’influence du TDAH sur la motricité
La majorité des enfants ayant un TDAH éprouvent des difficultés motrices (OPPH, 2009). Dans les études, la prévalence de troubles moteurs varie entre 30% et 52% chez les enfants ayant un TDAH (Fliers et al., 2009). Les principaux troubles moteurs concernés sont la motricité fine, la coordination et l’équilibre (Chaix & Albaret, 2008). La cooccurrence du TDAH et des difficultés motrices a des impacts sévères dans le quotidien de ces enfants et est un facteur de risque de problèmes psychiatriques et d’abus de substances (Barkley, 1990; Fliers et al., 2008; Goulardins, Marques, Casella, Nascimento, & Oliveira, 2013). Les différentes causes étiologiques ainsi que les théories explicatives permettent de mieux comprendre l’influence du TDAH sur la motricité.
Causes étiologiques
D’abord, le volume réduit du cerveau et le délai de maturation du cortex préfrontal chez les enfants ayant un TDAH peuvent expliquer en partie les troubles moteurs (Goulardins et al., 2013; Rasmussen & Gillberg, 2000). La région frontale est le siège du cortex moteur, responsable des fonctions exécutives, de la planification motrice et du contrôle moteur, dont l’inhibition comportementale (Emond et al., 2009; Shaw et al., 2007). C’est également dans le lobe frontal qu’à lieu l’évaluation des récompenses (Emond et al., 2009). Il y a donc un lien à établir entre les troubles de motricité et la théorie de déficit d’inhibition comportementale de Barkley (Fliers et al., 2009) et celle de l’aversion du délai de Sonuga-Barke (1997). Ce lien sera exploré ci-dessous. Ensuite, le système dopaminergique est aussi un acteur important du contrôle moteur (Sonuga-Barke et al., 1992). Il a été établi que la réduction de l’action dopaminergique entraine une inhibition de l’action motrice dans certaines pathologies comme par exemple, la maladie de Parkinson (Fliers et al., 2009).
D’ailleurs, la médication pour le TDAH, agissant sur la recapture de la dopamine, semble avoir un impact favorable sur le contrôle de la motricité chez certains enfants. L’amélioration de l’attention causée par le méthylphénidate aurait un lien direct sur la performance motrice (Chéron & Bengoetxea, 2006).
Théories explicatives
Le modèle à deux voies de Sonuga-Barke (2003), présenté à la figure 3, intègre les concepts de déficit de l’inhibition comportementale de Barkley (1997) et celui de l’aversion du délai de Sonuga-Barke (Sonuga-Barke et al., 1992). Ces deux concepts intègrent les différentes causes étiologiques pour expliquer l’impact du TDAH sur la motricité.
La première voie du modèle correspond à l’altération des fonctions exécutives, causée par un déficit d’inhibition comportementale. Les fonctions exécutives impliquées dans la théorie de Barkley (la mémoire de travail, l’autorégulation des affects, l’internalisation du langage et la reconstitution) ont un impact direct sur la motricité puisqu’elles sont nécessaires à la réalisation d’une action motrice complexe orientée vers un but (Barkley, 1997). Dans cette théorie, Barkley affirme qu’une amélioration de l’inhibition comportementale pourrait normaliser ces fonctions exécutives et il en résulterait un meilleur contrôle moteur. La mémoire de travail permet d’être plus sensible aux rétroactions lors de l’exécution d’une action motrice orientée vers un but. Ainsi, l’individu peut utiliser les rétroactions de ces expériences précédentes pour adapter son comportement moteur à la situation actuelle (Barkley, 1997).
L’autorégulation des émotions permet de maitriser les informations internes (pensées et émotions) afin de réagir adéquatement à la tâche. Son amélioration permet d’inhiber les réponses non orientées vers le but et de conserver un niveau de motivation suffisant pour maintenir une action motrice de façon prolongée (Barkley, 1997). L’internalisation du langage est la capacité de se poser des questions et d’intégrer des consignes. Elle permet d’augmenter le raisonnement et la compréhension des consignes nécessaires à la planification d’actions motrices complexes (Barkley, 1997). Enfin, la reconstitution est la capacité de décomposer un évènement en séquences et de les synthétiser en un nouveau comportement. Elle permet d’exécuter plus facilement de nouvelles séquences motrices (Barkley, 1997).
La deuxième voie du modèle réfère à la théorie motivationnelle de Sonuga-Barke (Barkley, 1997). Selon cette théorie, le comportement d’un individu ayant un TDAH est influencé par une aversion du délai qui peut induire une diminution du niveau de performance (Sonuga-Barke et al., 1992). Comme l’attente est insupportable pour l’individu ayant un TDAH, il va choisir la réponse motrice immédiate même si celle-ci est inadaptée par rapport au but. De plus, les individus ayant un TDAH ont de la difficulté à persévérer dans des tâches longues qui demandent une attention soutenue (Sonuga-Barke et al., 1992). Ce qui pourrait aussi expliquer la difficulté à conserver un niveau de motivation adéquat pour maintenir une action motrice prolongée. Enfin, la capacité à tolérer un délai avant une gratification est nécessaire pour exécuter des stratégies de régulations comportementales (Carrier, 2013).
Impact des comorbidités et de la médication
En plus des causes étiologiques du TDAH, d’autres facteurs peuvent expliquer en partie l’altération des capacités motrices. Il s’agit, entre autres, de la présence de comorbidités et de la prise de médication.
Dans un premier temps, certaines comorbidités peuvent avoir une influence sur la motricité des individus ayant un TDAH. Par exemple, un niveau d’anxiété élevé peut diminuer la performance motrice lors d’une évaluation (Mullen & Hardy, 2000). L’obésité, dont la prévalence est plus élevée chez les individus ayant un TDAH, est également une comorbidité pouvant altérer la motricité (Cortese et al., 2015; Okely et al., 2004).
Dans un deuxième temps, la médication peut aussi avoir une influence sur la performance motrice. Dans la littérature, l’influence des médicaments n’est toutefois pas clairement définie (Brossard-Racine, Shevell, Snider, Bélanger, & Majnemer, 2012). Les résultats semblent varier en fonction du type de tests moteurs utilisés et de la gravité des symptômes des participants. (Kaiser, Schoemaker, Albaret, & Geuze, 2015). Dans leur revue de la littérature, Kaiser et ses collaborateurs (2015) rapportent que la médication stimulante améliore l’équilibre dynamique et le temps de réaction simple.
Méthodologie
Objectifs et hypothèses
L’objectif général de ce mémoire est de documenter l’impact d’un TDAH sur la motricité globale chez un groupe d’adolescents. C’est-à-dire, de mettre en évidence si les difficultés motrices, observées chez les enfants atteints d’un TDAH, sont aussi observables à l’adolescence.
Les objectifs spécifiques de la recherche sont les suivants :
1. Comparer la performance des adolescents du groupe TDAH à celle des adolescents du groupe Témoin (sans diagnostic de TDAH) pour différents tests d’habiletés motrices.
2. Comparer le niveau de performance des adolescents du groupe TDAH à celui des adolescents du groupe Témoin pour chacun des déterminants de la motricité globale ciblés par l’étude (agilité, coordination, équilibre, vitesse segmentaire et temps de réaction).
3. Comparer la motricité globale des adolescents du groupe TDAH à celle des adolescents du groupe Témoin.
Les hypothèses de recherche qui s’y rapportent sont les suivantes :
1. La performance des adolescents du groupe TDAH sera moindre à chacun des tests d’habiletés motrices (12) lorsque comparée à celle des adolescents du groupe Témoin.
2. Le niveau de performance des adolescents du groupe TDAH sera moindre pour chacun des déterminants de la motricité globale (5) lorsque comparé à celui des adolescents du groupe Témoin.
3. La motricité globale des adolescents du groupe TDAH sera moindre lorsque comparée à celle des adolescents du groupe Témoin.
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Table des matières
RÉSUMÉ
ABSTRACT
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ABRÉVIATIONS
INTRODUCTION
TROUBLE DU DÉFICIT DE L’ATTENTION AVEC OU SANS HYPERACTIVITÉ (TDAH)
1.1 DESCRIPTION
1.2 ÉPIDÉMIOLOGIE
1.2.1 LA PRÉVALENCE
1.2.2 LES COMORBIDITES
1.3 ÉTIOLOGIE
1.3.1 DÉVELOPPEMENT NEURO-ANATOMIQUE
1.3.2 LES FACTEURS GÉNÉTIQUES
1.3.3 LES FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX
1.3.4 LES FACTEURS PSYCHOSOCIAUX
1.4 PRINCIPALES THÉORIES EXPLICATIVES
1.4.1 DÉFICIT D’INHIBITION COMPORTEMENTALE
1.4.2 L’AVERSION DU DÉLAI
1.4.3 LE MODÈLE À DEUX VOIES
1.5 TRAITEMENTS
1.5.1 LES THERAPIES D’APPOINT
1.5.2 L’APPROCHE PHARMACOLOGIQUE
1.5.3 L’APPROCHE PHYSIQUE
MOTRICITÉ
2.1 DÉVELOPPEMENT MOTEUR
2.2 DÉTERMINANTS DE LA MOTRICITÉ GLOBALE
2.3 L’INFLUENCE DE L’IMC SUR LA MOTRICITÉ
2.4 L’INFLUENCE DU TDAH SUR LA MOTRICITÉ
2.4.1 CAUSES ETIOLOGIQUES
2.4.2 THÉORIES EXPLICATIVES
2.4.3 IMPACT DES COMORBIDITÉS ET DE LA MÉDICATION
MÉTHODOLOGIE
3.1 OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES
3.2 PARTICIPANTS
3.3 DESCRIPTION DE L’ÉTUDE
3.3.1 AGILITÉ
3.3.1.1 La course navette de 5 mètres
3.3.1.2 La course à pas chassés
3.3.1.3 La course en cercle
3.3.1.4 La course en slalom
3.3.2 COORDINATION
3.3.2.1 La coordination main-oeil
3.3.2.2 La coordination mains-pieds
3.3.3 ÉQUILIBRE
3.3.3.1 L’équilibre statique les yeux ouverts
3.3.3.2 L’équilibre statique les yeux fermés
3.3.3.3 L’équilibre dynamique (instable)
3.3.4 VITESSE SEGMENTAIRE
3.3.4.1 La vitesse des membres supérieurs
3.3.4.2 La vitesse des membres inférieurs
3.3.5 TEMPS DE RÉACTION
3.4 STATISTIQUES
RÉSULTATS
4.1 PORTRAIT DE L’ÉCHANTILLONNAGE
4.1.1 ÂGE
4.1.2 MESURES ANTHROPOMÉTRIQUES
4.1.3 COMORBIDITÉS
4.1.4 PRISE DE MÉDICATION
4.2 IMPACT D’UN TDAH SUR LA MOTRICITÉ GLOBALE DES ADOLESCENTS
4.2.1 COMPARAISON DES PERFORMANCES AUX TESTS D’HABILETÉS MOTRICES
4.2.2 COMPARAISON DES PERFORMANCES POUR CHAQUE DÉTERMINANT DE LA MOTRICITÉ GLOBALE
4.2.3 COMPARAISON DES PERFORMANCES POUR LA MOTRICITÉ GLOBALE
DISCUSSION
5.1 PORTRAIT DE L’ÉCHANTILLONNAGE
5.2 IMPACT D’UN TDAH SUR LA MOTRICITÉ GLOBALE DES ADOLESCENTS
5.3 LIMITES IDENTIFIÉES
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
ANNEXE A: PROTOCOLE D’EVALUATION DES HABILETES MOTRICES
BIBLIOGRAPHIE
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