Les sciences de l’information et de la communication centrées sur la transmission des informations offrent une place majeure à la communication et aux interactions communicationnelles au sein de la société dans une logique de partage, d’interaction et de transmission de connaissances (Sfez, 1993 ; Bougnoux, 1994 ; Breton, 1997 ; Maigret, 2003, etc.). Cette logique positionne les individus, les uns par rapport aux autres, où chacun trouve a priori son rôle et son espace spécifique d’intervention car le périmètre de la communication tend à s’élargir dans les espaces partagés. Cette dimension spatiale est une sorte de repère qui relie chaque acteur à son terrain d’intervention. Cela traduit l’existence d’une relation étroite entre la communication et son espace territorial. Précisément, la communication développe des liens sur un territoire donné. Dès lors, la communication intègre un champ d’étude qui analyse tant la notion de territoire que les liens et les mouvements en son sein.
Le concept de territoire mérite une attention toute particulière de la part des sciences humaines et sociales. Il sous-tend des espaces organisationnels que la psychologie de l’environnement définit comme un lieu ou une aire géographique occupée par une personne ou un groupe (Chanlat, 1990). Le territoire est un espace occupé par un ou des individus exerçant des activités interagissant entre eux. Le territoire intègre communication et pratiques de socialisation (Hoflahan, 1982). Plusieurs types de territoires existent (Altman, 1975). Ils varient selon la nature de la relation entre l’homme et son milieu :
• le territoire primaire : il couvre les relations intimes et personnelles relatives à l’individu. Il met en avant une dimension personnalisée dans laquelle toute intrusion venue de l’extérieur est ressentie comme une violation ;
• le territoire secondaire : c’est l’occupation relative d’un territoire. Il définit certaines normes qui imposent l’ordre social à un groupe d’individus dans un cadre formel ou informel ;
• le territoire public : il est généralement lié à une collectivité où les relations sont régies par les institutions. Ici la dimension collective est privilégiée.
Le territoire détermine un mode de vie. C’est un espace d’appropriation et d’interaction qui met en exergue des relations humaines et sociales. Son lien avec la communication implique un espace de médiation au sein d’une communauté. En ce sens, le territoire peut être considéré comme un lieu de rencontre, d’échange et de contrôle, ouvert à différents acteurs. Il est délimité de diverses façons qui tiennent en compte non seulement des priorités, mais aussi des intérêts des acteurs publics. Des limites vont séparer le public et le privé, le personnel et le collectif, l’institutionnel et la pratique, dans le but de clarifier les responsabilités de chacun des acteurs.
La dimension territoriale est donc introduite dans notre champ de recherche. Elle sert à préciser le contexte et le domaine de l’action des protagonistes de la communication. Un tel objectif nous permet d’analyser le rôle de chaque acteur territorial et de voir éventuellement son impact sur le développement de son milieu. Il est de même important d’examiner les dimensions territoriales qui nécessitent une mise en valeur. Autrement dit, la communication, comme une pratique d’échange et de socialisation, amène les acteurs à intervenir efficacement sur leur territoire. Ils peuvent optimiser le mode d’aménagement de leur espace public et développer ses atouts. Par ailleurs, le territoire constitue un objet de médiation.
L’approche territoriale inclut une logique de développement. Cela signifie que le territoire nécessite une évolution en adéquation avec les exigences du contexte et des personnes. Le territoire et ses nouvelles ambitions supposent une attractivité accrue et une représentation des valeurs culturelles. C’est pourquoi les territoires s’engagent dans un processus de territorialisation du développement (Di Méo, 2007). Ainsi, il est nécessaire de définir les enjeux du développement territorial en termes de représentation et de valorisation culturelle. La notion de patrimoine se profile dans le cadre de cette recherche comme un élément de reconnaissance de la richesse et de valorisation des lieux constituant, par là même, un facteur de développement local dans certaines régions.
Le patrimoine culturel : entre richesse et fragilité
L’étude du patrimoine culturel suscite l’attention de nombreux chercheurs : historiens, anthropologues et ethnologues. Elle permet de clarifier les aspects permettant d’identifier le patrimoine à un territoire, à une culture et à une identité. Le patrimoine culturel communique sur l’histoire d’un peuple. Il traduit une valeur historique qui est transmise d’une génération à l’autre. Contrairement, à la notion courante du patrimoine, ce capital culturel forme un tout qui ne distingue pas le beau et le laid, l’ancien et le récent, l’important et le banal. Les seuls critères de valeur, restent essentiellement subjectifs : le sens et l’usage propre à une communauté (De Varine, 2004).
Le débat actuel porte sur les problèmes rencontrés par la protection et la valorisation du patrimoine culturel (Mzioudet Faillon, 2011 ; Jaouad, Tbib, Mtimet, 2014 ; Zerouali, 2014). Le patrimoine matériel et immatériel soulève de nombreux problèmes liés aux transformations sociales et culturelles influençant sa valeur tant économique qu’historique. Ainsi, ces transformations peuvent être à l’origine de sa vulnérabilité à long terme. On peut constater des difficultés de restauration des bâtiments et des éléments d’architecture, une « marginalisation » des habitudes et des traditions populaires, une sous-évaluation du savoir-faire profane et une dévalorisation des activités artisanales. Par conséquent, le patrimoine culturel est devenu une ressource de plus en plus vulnérable.
La définition du patrimoine culturel
Le patrimoine est défini comme « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leurs sont associés – que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel » (La convention de l’UNESCO, 2003, article 2). Cette définition regroupe les éléments qui sont identifiés et classés comme un patrimoine. Elle dépasse la notion ordinairement limitée à la matérialité pour en présenter l’aspect abstrait, invisible. Le patrimoine se caractérise par l’influence exercée sur un territoire et ses occupants. Effectivement, le patrimoine ne peut être limité à sa dimension matérielle car, par ailleurs, il représente une entité immatérielle observable, transmissible par les idées, l’histoire des lieux, les récits de vie d’un peuple, les rites et les habitudes traditionnelles d’une population locale. Dès lors, le patrimoine peut désigner « l’ensemble des éléments matériels et immatériels qui concourent à maintenir l’identité et l’autonomie de son titulaire dans le temps et dans l’espace par l’adaptation en milieu évolutif » (Ollagnon, 1989, p.266). Il peut être assimilé à un capital naturel caractérisant un territoire. Il cristallise des valeurs culturelles, identifie des origines anthropologiques et fournit des refuges identitaires cachés au seindes territoires (Di Méo, 1995). La prise en considération de cette ressource signifie la réviviscence de la mémoire des lieux et la reconnaissance de la culture locale. Toutefois, sa négligence traduit une perte d’identité. Sans patrimoine, il est difficile de s’identifier à un lieu et d’y être attaché.
Le patrimoine culturel : une notion multidimensionnelle
La notion de patrimoine culturel peut être traitée sous plusieurs angles, afin d’expliquer sa signification et d’en traiter toutes ses composantes.
La notion d’identité
De nombreux auteurs ont étudié la notion d’identité, cherchent à expliquer ses aspects en sciences sociales. En effet, l’identité reflète une dimension intime de l’individu qui met en rapport sa personnalité et les objets auxquels ils s’identifient. En psychologie sociale, Erik Erikson (1972) conçoit l’identité comme une sorte de sentiment d’harmonie : « l’identité de l’individu est le sentiment subjectif et tonique d’une unité personnelle et d’une continuité temporelle. » (Erikson, 1972, p.160). En fait, l’identité est décrite comme l’image que la personne a de soi comme individu et comme membre d’un groupe. Cette image peut être source de satisfaction, avec une variation d’un individu à un autre. La valorisation de cette identité par les autres, qui peut prendre une forme marchande, peut être considérée comme une source d’utilité (Akerlof et Kranton, 1999 ; 2005).
Par ailleurs le sociologue, Michel Castra considère que « L’identité est constituée par un ensemble des caractéristiques et des attributs qui font qu’un individu ou un groupe se perçoivent comme une entité spécifique et qu’ils sont perçus comme telle par les autres » (Castra, 2012, p.72). Elle renseigne sur la logique d’appartenance d’un élément à son entité. En somme, il s’agit de s’identifier physiquement et idéologiquement à un cadre de référence, à une enceinte organisationnelle, à un groupe, à une société, à un ensemble de principes qui donnent lieu à un sens d’appartenance.
L’identité est le résultat de ce que l’on est. Elle intériorise notre système de valeurs et reflète notre appartenance idéologique et la façon d’incarner nos pensées. Selon LéviStrauss, « […] l’identité est une sorte de foyer virtuel auquel il nous est indispensable de nous référer pour expliquer un certain nombre de choses, mais sans qu’il ait jamais d’existence réelle. » (Lévi-Strauss, 1977, p. 332). C’est un référentiel à notre registre psychologique, social et déontologique, pour orienter notre façon de voir et de concevoir les choses. L’identité permet de souder les âmes et les cœurs et de dissiper les problèmes d’altérité. Elle est développée dans un cadre social qui s’occupe de l’association d’idées autour des référentiels idéologiques et symboliques propres à une communauté. Cette conception identitaire traduit un système de valeurs, un savoir-être, qui oriente la vie de l’individu. Elle symbolise l’existence de toute composante personnelle appropriée à un fait ou à une idée mobilisée par un individu ou une entité présente (association, entreprise, un corps juridique). En somme, l’identité désigne les aspects symboliques qui caractérisent une entité.
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Table des matières
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS
TABLE DES ILLUSTRATIONS
ABBRÉVIATIONS
INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIÈRE PARTIE
CHAPITRE I : LE PATRIMOINE CULTUREL : ENTRE FRAGILITÉ ET DÉVELOPPEMENT LOCAL
Introduction
I. Le patrimoine culturel : entre richesse et fragilité
Conclusion
II. L’évolution historique du patrimoine culturel
Conclusion
III. La place du patrimoine culturel dans le développement local
Conclusion
BILAN DU CHAPITRE
CHAPITRE II : LES O.N.G. ET LA VALORISATION DU PATRIMOINE CULTUREL FRAGILE DANS LES RÉGIONS ET ZONES RURALES DU SUD-TUNISIEN
Introduction
I. Le patrimoine culturel : un enjeu de valorisation
Conclusion
II. Les organisations non gouvernementales : une nouvelle forme de démocratie
participative
Conclusion
III. Les organismes non gouvernementaux : acteur civil et médiateur stratégique
Conclusion
IV. Formulation des variables et du modèle de propositions de recherche
Conclusion
BILAN DU CHAPITRE
DEUXIÈME PARTIE
CHAPITRE I : LA DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE
Introduction
I. Stratégie de la recherche et justification de la démarche
Conclusion
II. La mise en œuvre de la démarche méthodologique
Conclusion
BILAN DU CHAPITRE
CHAPITRE II : ANALYSE ET INTERPRÉTATION DES DONNÉES ET POSITIONNEMENT DE LA RECHERCHE
Introduction
I. Le recueil et l’analyse des données du terrain d’investigation
Conclusion
II. Traitement des données qualitatives et interprétations des résultats de la recherche
Conclusion
III. Une critique de la recherche
Conclusion
IV. L’évaluation de la recherche-action
Conclusion
V. Le positionnement de la recherche par rapport à la discipline et ses perspectives.
Conclusion
BILAN DU CHAPITRE
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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