Développement et mise en place d’un système de détection moléculaire pour la tuberculose bovine

La tuberculose bovine (TB) est une maladie de catégorie 1 selon l’avis de l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail) : maladies justifiant un engagement financier et humain de l’Etat sur des actions de surveillance et éventuellement de lutte (ou de maîtrise) en élevage. Elle est provoquée principalement par Mycobacterium bovis. Elle infecte les bovins mais également d’autres espèces domestiques (chèvres, moutons, porcs…) ou sauvages (sangliers, cerfs, blaireaux…). Cet agent pathogène multi-hôte est également capable d’infecter l’homme et classe la TB dans la catégorie des zoonoses. Le plan de lutte instauré en France au début des années 60 prévoit entre autre l’arrêt complet des activités de l’éleveur (commerce du bétail et du lait à l’état cru) dont l’élevage est contaminé ou suspect. Ce plan coûte à l’état entre 20 à 30 millions d’euros par an, ce qui place la TB comme une maladie à enjeux économique et social.

Dans les années 50 où la prévalence de la maladie était de 25 % dans les cheptels bovins et où la tuberculose humaine provoquée par M. bovis était de l’ordre de 10 30%, la pasteurisation du lait et l’assainissement des cheptels, entre autres par le biais de l’abattage des bovins infectés, ont permis de couper le cycle de transmission zoonotique. Ces mesures ont eu pour effet de diminuer le taux de prévalence de la maladie animale et ont permis à la France d’être déclarée « Officiellement Indemne de Tuberculose bovine » (OIT) par l’Union Européenne (UE) depuis 2001 (taux de prévalence de la maladie < 0.1%). Ce statut facilite grandement les échanges commerciaux .

Néanmoins, malgré le maintien du plan de lutte et des adaptations de celui-ci au contexte épidémiologique de la TB dans le temps et dans l’espace, une recrudescence de la maladie est observée en France depuis 2011, mettant en péril le statut OIT. Dans un contexte de faible prévalence comme celui de notre pays, l’utilisation d’outils de diagnostic fiables et rapides est nécessaire à la gestion de la crise. Le manque de spécificité des tests de première intention et la lourdeur de la chaîne de diagnostic actuelle entraîne des pertes économiques importantes, souvent inutiles.

Robert Koch décrit pour la première fois en 1882 (Kazda, 2009) l’agent responsable de la tuberculose humaine Mycobacterium tuberculosis en appliquant les postulats de Henle-Koch.

En 1896, Lehmann et Neumann décrivent les agents responsables de la tuberculose aviaire et bovine : Mycobacterium avium et Mycobacterium bovis respectivement. En réalité c’est en 1875 qu’est décrite par Hansen la première mycobactérie, Mycobacterium leprae responsable de la lèpre : après un traitement par une solution hypotonique sur des cellules infectées, il réalise une coloration mettant en évidence la bactérie. En 1882, Ziehl et Neelsen (Kazda, 2009) introduisent la mise en évidence de M. tuberculosis, bacilles acido alcoolo résistants (BAAR), par coloration (portant aujourd’hui leurs noms) pour la différenciation de ces bacilles des autres bactéries. Dans un premier temps et alors que la diversité du genre Mycobacterium est sous-estimée, ils mettent en évidence la présence de BAAR chez des patients  atteints de syphilis et concluent qu’ils en sont l’agent causal. Or, en 1896, Lehmann et Neumann identifient ce bacille comme étant M. smegmatis, une bactérie environnementale. L’intérêt pour ces bactéries dites « environnementales » augmente, et en 1903,  Courtmont et Potet démontrent la présence de BAAR similaires au bacille de Koch sur des plantes, l’eau et le sol. Au début du 20ème siècle, les premières mycobactéries potentiellement pathogènes sont décrites : M. chelonae, chez les animaux à sang froid, M. lepraemurium chez les souris et M. marinum chez les poissons. Dans les années 30, M. avium est mis en évidence chez des patients ayant développé des lésions tuberculeuses. Ces mycobactéries non tuberculeuses (MNT) provoquent des lésions ressemblant fortement à celles provoquées par M. tuberculosis et compliquent le diagnostic (Kazda, 2009).

A la fin du 19ème siècle avec l’apparition des sanatoriums pour le traitement contre la tuberculose, Moeller comprend que les mycobactéries sont en lien étroit avec l’environnement. Il met en évidence la présence de BAAR à la surface des Phleum pratense (Fléole des près) : Mycobacterium phlei (Kazda, 2009). Ces recherches sont les premières études sur l’écologie des mycobactéries. Dans la seconde partie du 20ème siècle les chercheurs montrent que ces bactéries sont largement répandues dans l’environnement et placent le genre dans les bactéries dites ubiquitaires. Elles sont capables de survivre dans un large spectre de pH, de température, d’humidité, de sels ou encore en présence de métaux. Cet état de fait pousse les chercheurs à essayer de comprendre comment et pourquoi ces bactéries sont dotées de ces caractéristiques. En 2000, Kazda démontre qu’il existerait une compétition entre les mycobactéries et les autres bactéries, notamment les Enterobacteriacea.

Les premières méthodes d’identification focalisées sur M. bovis, M. tuberculosis et M. avium utilisent l’inoculation du bacille chez des cochons, des lapins, et des poules. Les résultats montrent que M. bovis et M. tuberculosis provoquent des lésions uniquement chez le cochon et M. avium uniquement chez la poule. Cette méthode de diagnostic via l’expérimentation animale fut utilisée jusque dans les années 60 où sont introduits les premiers tests basés sur un diagnostic différentiel des aspects phénotypiques de la souche (dégradation de la caséine, gélatine, utilisation des citrates, production des nitrates réductases…).

D’après le manuel de Bergey (Goodfellow et al. 2012), le genre Mycobacterium appartient :
• au Phylum des Actinobacteria (bactéries à Gram positif, doté d’un génome riche en acides nucléiques G et C),
• à la Classe des Actinobacteria,
• à l’Ordre des Corynebacteriales, qui regroupe différentes familles de bactéries caractérisées par la présence d’acides mycoliques dans leur paroi et des propriétés tinctoriales particulières liées à la résistance de leur paroi à la décoloration par un mélange alcool-acide (ou BAAR)
• à la Famille des Mycobacteriaceae qui ne comprend que le genre Mycobacterium, caractérisé par une enveloppe riche en acides mycoliques contenant un grand nombre d’atomes de carbone, ainsi que des quinones particulières.

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Table des matières

I. Introduction générale
1. Découverte des mycobactéries d’importance en santé publique
2. Ecologie des mycobactéries
3. Classification des mycobactéries
4. Caractéristiques générales des mycobactéries
a. Morphologie
b. Autres formes de résistance
c. Caractéristiques culturales et phénotypiques
d. Phylogénie du genre Mycobacterium
i. Les mycobactéries non tuberculeuses (MNT)
ii. Phylogénie des mycobactéries du complexe de Mycobacterium tuberculosis (MTBC)
• Les lignées humaines du MTBC
• Les lignées animales du MTBC
e. Identification des mycobactéries
i. Caractérisation phénotypique
ii. Caractérisation moléculaire
II. Physiopathologie et épidémiologie de la tuberculose bovine
1. La tuberculose bovine : signes cliniques
2. Réservoirs de la tuberculose bovine
a. M. bovis, un agent pathogène multi-hôte
b. Hôtes et statut épidémiologique
3. Tuberculose bovine dans la faune sauvage
4. La tuberculose bovine en élevage
a. Les voies de contamination
b. Facteurs de risques liés à l’élevage
5. Circulation de M. bovis dans l’environnement
a. Sources de contamination
b. Survie de M. bovis dans l’environnement
c. La faune du sol
III. Dépistage et diagnostic de la tuberculose bovine chez les bovins
1. Surveillance de la tuberculose bovine
a. Définition des cas
b. Dispositif de surveillance
c. Gestion des suspicions
Les outils de 1ère 2. intention ante mortem
a. Les intradermotuberculinations (IDT)
b. Le dosage de l’interféron gamma
Tests post mortem de 1ère 3. intention utilisés en France
a. L’histologie
b. La bactériologie
c. La PCR
4. Situation des élevages bovins
IV. CONCLUSION

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