Le papier est un élément commun de notre quotidien. Malgré sa simplicité apparente sous la forme de feuilles, le papier est un matériau à trois dimensions complexe. Il est constitué principalement d’un réseau de fibres dans lequel peuvent être ajoutés des composants variés. Sa structure à l’échelle micrométrique détermine la plupart de ses propriétés physiques finales macroscopiques. De plus, cette structure est fortement influencée par les différents procédés de fabrication. Sa connaissance est donc essentielle pour les papetiers. Face à l’augmentation de la consommation de papier dans un environnement très concurrentiel, l’industrie papetière moderne a un besoin croissant de moyens d’analyse et de caractérisation du produit fini.
Actuellement, plusieurs méthodes conventionnelles sont utilisées de manière complémentaire pour étudier le papier. Les mesures de la structure sont bien souvent lentes, fastidieuses, coûteuses ou destructives. À ce jour, il n’y a pas d’outil pratique, rapide et disponible en laboratoire pour étudier la structure du papier. Ainsi, l’industrie papetière a exprimé son intérêt de disposer d’un appareil innovant d’imagerie de la structure en trois dimensions, nondestructif, facile d’utilisation, peu coûteux et ne nécessitant pas de préparation de l’échantillon. Le développement d’un tel outil serait d’un grand intérêt pour les recherches papetières grâce à l’augmentation des connaissances sur ce matériau. La visualisation de la structure, associée à la mesure de paramètres structuraux, permettrait par exemple de contrôler la qualité du produit ou d’étudier l’influence de la structure sur les propriétés. Les données fournies aideraient les industriels papetiers à rester compétitifs.
Ce besoin d’imagerie non destructive est également très présent dans le domaine médical. La tomographie par cohérence optique est une technique performante capable de fournir des images à haute résolution des tissus biologiques. Développée au début des années 1990, la tomographie par cohérence optique est maintenant utilisée dans de nombreux domaines médicaux, en particulier l’ophtalmologie. Elle présente les avantages d’être non destructive, non invasive, d’avoir une résolution spatiale micrométrique et de pouvoir imager des milieux diffusants. A priori ces atouts font de la tomographie par cohérence optique une technique de choix pour l’imagerie du papier.
Une industrie papetière française développée, aux produits très diversifiés
Le papier, né en Chine au IIIème siècle avant notre ère, est aujourd’hui une composante essentielle dans nos sociétés. Omniprésent dans notre vie quotidienne, le papier est en fait un terme générique pour un matériau composé d’un enchevêtrement de fibres. Il désigne une large gamme de produits dont les usages sont très variés :
– les papiers à usage graphique, qui servent de support de communication (avec les journaux, livres, cahiers, feuilles, etc.) ;
– les papiers et cartons d’emballage ;
– les papiers d’hygiène, qui concernent les usages sanitaires et domestiques (essuie-tout, lingettes, mouchoirs, etc.) ;
– les papiers industriels et spéciaux, possédant des caractéristiques spécifiques (billet de banque, papier à cigarette, ticket, etc.).
Avec dix millions de tonnes de papiers et cartons produits annuellement, l’industrie papetière française se situe au neuvième rang mondial et au quatrième rang européen [1]. La consommation de papiers et cartons est constamment en croissance. Ainsi le papier, matériau actuel et futur, et l’industrie papetière tiennent une place importante dans notre société. Le papier se présente généralement sous la forme d’une feuille, de longueur et largeur très grandes devant son épaisseur. Le papier apparaît donc communément comme un matériau 2D. Cependant, la troisième composante de l’espace revêt un caractère fondamental dans les propriétés du produit et son comportement en usage.
Une structure, résultat de la composition et de la fabrication du papier, déterminante pour les propriétés finales
La structure du papier est déterminée par :
– les caractéristiques structurales intrinsèques des matières premières entrant dans la composition du papier ;
– le procédé de fabrication du papier qui organise les composants dans les trois dimensions de l’espace.
Composition du papier
Le papier est un support fabriqué à partir de fibres, en général en cellulose. Ces fibres, provenant à 90% du bois, sont extraites de matières brutes ou récupérées à partir de papiers recyclés. Le bois est un matériau composite constitué de fibres cellulosiques et de lignine liant les fibres entre elles. Les 10% restants sont constitués de fibres issues d’autres végétaux ou sont parfois minérales ou artificielles, pour des usages très particuliers de papiers. Une feuille de papier classique de format A4 contient plusieurs millions de fibres. Les dimensions des fibres dépendent de l’espèce utilisée et du procédé de fabrication. Les fibres de résineux ont une longueur moyenne de 2 à 4 mm contre 1 mm pour celles issues de feuillus [2]. L’épaisseur des fibres de résineux varie entre 35 et 40 µm, celle des fibres de feuillus est en moyenne de 25µm. Une fibre se présente sous la forme d’un cylindre creux, dont le cœur est appelé lumen (Figure 2). L’épaisseur des parois représente environ un à deux dixièmes du diamètre total de la fibre, variant entre 3 et 7 µm. Toutes ces valeurs sont variables en fonction de l’espèce, de la saison de coupe, de l’âge et de l’environnement de croissance de l’arbre. Les fibres synthétiques peuvent être beaucoup plus longues et pleines (pas de lumen).
À ce matelas fibreux, des matières annexes (charges minérales, pigments et adjuvants) peuvent être ajoutées au cours de la fabrication du papier ou directement sur le produit final. Elles remplissent l’espace entre les fibres ou se déposent à leur surface (Figure 3). Leur ajout permet d’améliorer les caractéristiques du papier, d’obtenir ou de renforcer certaines propriétés de la feuille (propriétés optiques comme le brillant ou la blancheur, résistance à l’eau, propriétés barrières à l’eau, aux gaz ou aux graisses, de l’imprimabilité, de l’opacité, de la stabilité dimensionnelle, etc.).
Les quantités de charges introduites en moyenne dans la pâte sont de 0 à 35 % par rapport aux fibres. Les principales sortes utilisées en papeterie sont le kaolin, le talc et le carbonate de calcium [4]. Formant des agrégats de forme généralement arrondie, ces charges minérales ont une taille de l’ordre de 0,2 à 3 µm, sauf pour le talc, présentant des particules plates pouvant aller jusqu’à 10 µm.
Le papier contient également des fragments de fibres, appelés fines. Les fibres peuvent en effet parfois être coupées lors de la fabrication du papier. L’épaisseur totale d’une feuille de papier varie généralement entre 50 µm et 250 µm suivant l’application. Ainsi pour un papier standard de photocopie, l’épaisseur est de 100 µm, pour du papier journal de 70 µm. Les non-tissés (papiers fabriqués par voie sèche que l’on trouve dans les lingettes par exemple) sont souvent plus épais. Le papier est également un matériau très aéré. Sa porosité varie entre 20 % (papier cristal) et 70% (papier buvard), voire plus pour les non-tissés (filtres, etc.). Les pores internes d’un papier impression/écriture standard présente une taille comprise entre 0,1 µm et 10 µm, les pores en surface entre 10 µm et 100 µm. La taille des pores d’une couche est de l’ordre de la centaine de nanomètres. A l’opposé, des papiers comme les filtres ou les non-tissés sont très poreux. La notion de grammage, très importante en papeterie, traduisant la masse surfacique du papier (en g.m-2), montre l’importance accordée à la fois aux fibres et à l’air. Chaque type de papier, suivant l’application à laquelle il est dédié, présente sa propre composition et ses propres caractéristiques. Le procédé de fabrication est également adapté à chaque catégorie de papier.
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Table des matières
Introduction
I. Le papier, matériau tridimensionnel complexe : manque de moyens adaptés pour caractériser sa structure
A. Une industrie papetière française développée, aux produits très diversifiés
B. Une structure, résultat de la composition et de la fabrication du papier, déterminante pour les propriétés finales
1. Composition du papier
2. Fabrication classique d’un papier à usage graphique
3. Une structure tridimensionnelle liée à la composition et à la fabrication du papier
4. Importance en papeterie de la microstructure interne et de sa caractérisation
C. État de l’art dans l’industrie papetière des méthodes de caractérisation de la structure du papier
1. Caractérisation de la porosité
2. Caractérisation de l’organisation des éléments constitutifs du papier
3. Besoin pour l’industrie papetière d’une technique nouvelle d’analyse de la microstructure
II. Techniques optiques potentielles issues de la biologie pour caractériser la structure du papier
A. État de l’art des techniques d’imagerie non destructives des milieux diffusants
biologiques
1. Les interactions entre lumière et matière à la base des techniques optiques
2. Techniques d’imagerie sélectionnant les photons balistiques
3. Techniques d’imagerie sélectionnant les photons multidiffusés
4. Choix d’une technique potentiellement transférable au papier : la tomographie par
cohérence optique
B. Étude des propriétés optiques du papier pour valider le choix de la tomographie par cohérence optique
1. Propriétés optiques principales du papier
2. Modèles de diffusion de la lumière dans le papier
3. Mesure expérimentale des libres parcours moyens d’absorption et de réflexion
dans le papier
C. La tomographie par cohérence optique
1. L’interférométrie, base de la tomographie par cohérence optique
2. Principe de la tomographie par cohérence optique
3. Résolutions spatiales théoriques d’un système de tomographie par cohérence
optique
4. Différentes configurations possibles de montages
5. Reconstruction d’une coupe tomographique par décalage de phase
6. Difficultés rencontrées en tomographie par cohérence optique
III. Développement d’un système de tomographie par cohérence optique appliqué au papier
A. Conception du système de tomographie par cohérence optique
1. Choix de la configuration du montage plein champ
2. Critères pour le choix des composants du montage
B. Réalisation du montage : alignement et réglages
1. Montage de tomographie par cohérence optique développé sur table optique
2. Choix mécaniques pour les réglages
3. Procédure d’alignement
4. Réglages de la source et du temps d’exposition de la caméra
5. Calibration du tube piézoélectrique de la surface de référence
6. Montage après alignement
C. Acquisition des coupes tomographiques
1. Choix de l’algorithme de décalage de phase
2. Implémentation de l’algorithme sur le montage
D. Caractérisation du montage de tomographie par cohérence optique développé
1. Résolution axiale expérimentale
2. Champ de vue
3. Temps d’acquisition des coupes tomographiques
4. Spectre effectif du montage
5. Stabilité du montage et reproductibilité des coupes tomographiques
6. Artefacts sur les coupes tomographiques
7. Sensibilité de détection et dynamique du montage
IV. Application de la tomographie par cohérence optique à l’imagerie de la structure du papier
A. Coupes tomographiques dans les papiers
1. Dimensions réelles des coupes tomographiques
2. Influence de l’algorithme de décalage de phase pour la reconstruction des coupes
tomographiques sur le papier
3. Influence expérimentale du coefficient de réflexion de la surface de référence
4. Speckle dans les coupes tomographiques du papier
5. L’accumulation d’images, nécessaire mais limitée par la diffusion multiple
6. Exemples de coupes tomographiques de différents papiers avec le montage
développé
7. Profondeur d’imagerie limitée par les propriétés intrinsèques des papiers
B. Améliorations du montage pour gagner en profondeur d’imagerie
1. Moyenner transversalement pour augmenter le rapport signal sur bruit
2. Compenser la défocalisation des interférences par translation axiale de l’objectif de l’échantillon
3. Influence de la polarisation dans la sélection des photons balistiques
4. Adaptation d’indice pour limiter les pertes de lumière par réflexions
C. Comparaison des résultats avec des images de papier obtenues par d’autres
techniques
1. Scanner à rayons X commercial
2. Microscopie confocale
3. Systèmes commerciaux d’OCT dans le domaine fréquentiel
4. Montage en OCT à balayage développé au Upper Austrian Research
5. Montage d’OCT à balayage développé pour le papier à l’université de Oulu
D. Performances et limites de la tomographie par cohérence optique pour l’imagerie du papier
1. Résultats de la tomographie par cohérence optique pour l’imagerie du papier et
applications potentielles en papeterie
2. Réponses apportées par la tomographie par cohérence optique aux attentes des
papetiers
3. Conclusions sur la tomographie par cohérence optique pour l’imagerie du papier
E. Développement d’un prototype industriel de tomographie par cohérence optique à
destination des techniciens papetiers
1. Conception du prototype et vérifications préliminaires à sa réalisation
2. Réalisation du prototype : choix par rapport aux contraintes industrielles
3. Calibration du système de translation de l’objectif de Mirau
4. Alignement et réglages du prototype
5. Caractéristiques du prototype
6. Comparaison de coupes tomographiques entre le montage sur table optique et le
prototype
F. Perspectives à court et à long termes de l’application de la tomographie par cohérence optique sur le papier
1. Améliorations à apporter sur le montage d’OCT développé et sur le prototype
2. Exploitation des coupes tomographiques
3. Amélioration des coupes tomographiques par d’autres techniques
Conclusion
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