Les matériaux composites sont de plus en plus utilisés dans l’industrie, notamment en aéronautique. Ceci est dû à leur grande résistance mécanique mais aussi à leur légèreté. Les avions commerciaux récents comportent plus de 50% de composites au sein de leurs structures, voire 70% pour les avions militaires. Durant leurs cycles de vie, ces structures peuvent être soumises à des impacts de diverses natures (glace, oiseau, débris de moteur, …) et de différentes vitesses (basses vitesses, hautes vitesses, balistiques). Celles-ci génèrent des dommages plus ou moins visibles à l’œil nu [Aboissière, 2003] . Les ingénieurs considèrent que les structures ayant subi des impacts à haute voire à très haute énergie ne sont plus utilisables. Cependant, les impacts à basse énergie sont plus sujets à discussion, d’autant plus que certains endommagements sont localisés à l’intérieur du composite comme l’explique [Kim, 2008].
Les stratifiés UD peuvent avoir différents champs d’application, notamment en aéronautique et sont donc susceptibles de subir des impacts à faible vitesse (de l’ordre de quelques m/s). De fait, leur utilisation présuppose donc une étude approfondie des mécanismes d’endommagement supportée par un modèle numérique prédictif. Les études qui ont été menées montrent que les endommagements les plus communément retrouvés au sein d’un stratifié composite sont les fissurations matricielles intralaminaires, les délaminages et les ruptures de fibres. Parmi ces endommagements, les délaminages sont les plus pénalisants pour une structure composite. Et lorsqu’une structure “épaisse” est impactée à basse énergie, ces derniers sont très difficiles à détecter avec les moyens d’inspection usuels. De fait, il a été nécessaire pour les chercheurs et ingénieurs de pouvoir modéliser ces structures et de prédire leurs endommagements afin de mieux justifier leur tenue à l’impact.
Comportement à l’impact des structures composites
Comportement et endommagement des stratifiés UD
Généralités sur les stratifiés unidirectionnels
Un stratifié composite unidirectionnel est constitué de fibres, appelées renfort immergées dans une résine, qui constitue la matrice. Dans un pli unidirectionnel, les fibres sont toutes orientées dans la même direction, ce qui leur donne une direction privilégiée. Cette orthotropie leur permet d’avoir une résistance mécanique importante dans la direction des fibres. L’assemblage de ces plis constitue alors le stratifié. Cette particularité fait de ce matériau le composite le plus étudié dans la littérature. En effet, depuis les années 1950, de nombreux essais statiques mais aussi dynamiques ont permis de mieux comprendre son comportement. Les matériaux composites à fibres longues sont les plus couramment utilisés dans l’industrie aéronautique et spatiale. Les structures sont généralement réalisées en empilant différents plis dans différentes orientations pour reprendre les différents cas de chargement que peut subir la structure durant son cycle de vie. Mais bien choisir l’empilement ne suffit pas pour obtenir la structure la plus optimisée. En effet, le choix de la résine et des fibres est primordiale. Les résines utilisées dans l’industrie sont généralement des polymères (i.e. une succession de macromolécules de chaînes carbonées). Elles sont classifiées en deux catégories : les thermodurcissables et les thermoplastiques. Ces dernières ont des propriétés mécaniques plus intéressantes que les résines thermodurcissables. Les matériaux les plus performants sont ceux qui présentent un rapport caractéristiques mécaniques / masse volumique élevé comme l’explique [Gornet, 2008].
Les renforts confèrent à la structure ses propriétés mécaniques et il en existe deux familles : les organiques et les inorganiques. On peut citer les fibres de verre comme renforts inorganiques et les fibres de carbone comme fibres organiques. Les premières sont les plus utilisées loin devant les fibres de carbone. En effet, leur ratio performance / prix est significatif comparé aux autres. Cependant, lorsqu’il devient nécessaire d’avoir des performances très élevées, les fibres de carbone leur emboîtent le pas. On peut citer les fibres de la famille T300, T700 ou encore HTA7.
Une fois la résine et le renfort mélangés, on obtient une nouvelle structure : le pli. Les plis sont ensuite drapés les uns sur les autres pour en faire des empilements multi-directionnels. Une fois fabriqués, ces stratifiés sont prêts à être soumis à une multitude d’essais. Il existe une large bibliographie effectuée sur les essais statiques (traction, flexion 3 points, essais cyclés, traction post-impact [Rogani et al., 2019]) mais on s’intéressera aux essais dynamiques tels que les impacts basse vitesse. Ces derniers ont en effet un intérêt particulier car ils constituent depuis leurs débuts un défi dans la compréhension des phénomènes observés.
Impact sur stratifié UD : observations générales
L’usage des composites dans des pièces de structure est de plus en plus répandu, notamment en aéronautique. De plus, le besoin de voyager dans un moyen de transport fiable est un enjeu majeur pour les constructeurs. Ces deux observations incitent donc les chercheurs à proposer de nouvelles techniques d’évaluations des performances de ce genre de structures, particulièrement à l’impact, qui est le chargement le plus critique pour une structure composite. C’est dans cette démarche que [Cantwell et Morton, 1991] a proposé diverses méthodes d’évaluation de ces performances en étudiant les effets de la vitesse de chargement ainsi que de plusieurs autres paramètres influant sur les endommagements et les performances résiduelles associées. Quelques années plus tard, se basant sur ces travaux, [Richardson et Wisheart, 1996] donne la première définition de l’impact basse vitesse, en délimitant notamment la gamme des vitesses admissibles. Il est aussi à l’origine des premières cartographies précises des endommagements. Les nombreux ouvrages et articles de Serge Abrate notamment [Abrate, 1994] font figure de référence dans le domaine. En effet, les résultats présentés mettent en évidence les scénarios d’endommagement pour un très large panel de matériaux composites. Il y conclue que ces mécanismes sont fortement liés à la structure intrinsèque du matériau. Ainsi, une première séparation a lieu entre les matériaux unidirectionnels, les stratifiés tissés et les structures sandwich. De nombreux paramètres ont été étudiés, notamment la nature et la forme des impacteurs, l’épaisseur du stratifié ou encore les vitesses d’impact. Et ce sont précisément les vitesses d’impact qui ont soulevé des questions chez [Davies et al., 2013] qui a dressé une étude très riche dans une très large gamme de vitesse.
Modes de ruine dans le cas d’un impact
Les différentes vitesses utilisées produisent une multitude d’endommagements que l’on peut classer en trois catégories, nommés modes de rupture, Ainsi les trois modes observés sont :
— La rupture intralaminaire : elle se trouve à l’intérieur du pli. C’est en fait une rupture de la résine, étant donné que sa résistance est faible. Elle peut aussi être due au déchaussement fibre/résine qui se produit à l’inter-phase entre les deux matériaux.
— La rupture interlaminaire : elle se situe à l’interface entre deux plis. Elle correspond à un décollement d’un pli par rapport à son voisin.
— La rupture translaminaire : elle caractérise la rupture transversale d’un pli. Elle apparaît de deux manières différentes, soit en traction (lorsque les fibres atteignent leur déformation maximale) soit en compression (par apparition de bandes de pliages dues à des micro-flambages locaux, que l’on appelle kinking). L’un des premiers auteurs à s’intéresser à ce type de rupture est [Dow et Gruntfest, 1960] dans les années 1960, où il propose une explication de ce phénomène.
Ces trois modes sont à ce jour les seuls à avoir été identifiés expérimentalement, et pilotent donc l’ensemble des scénarios d’endommagement. Ceci étant, lors d’un impact, une combinaison de ces ruptures est possible et il est dès lors très difficile d’identifier la proportion de chaque mode de rupture dans l’endommagement total du stratifié. Cette difficulté a ouvert de nombreuses voies recherches pour tenter d’identifier proprement un scénario “global” de la ruine des unidirectionnels.
Scénario d’endommagement des structures unidirectionnelles
Le scénario d’endommagement a été étudié par de nombreux auteurs tels que [Abrate, 1994], [Davies et al., 2013] ou encore [Richardson et Wisheart, 1996]. Leurs études montrent que le scénario peut être influencé par de nombreux facteurs, tels que la raideur de la plaque, la vitesse d’impact ou encore la nature et la forme des impacteurs. Ces études d’influence ont permis de reconstruire la chronologie : de l’indentation permanente à la perforation du stratifié. De fait, les auteurs distinguent trois parties dans cette chronologie :
— La fissuration matricielle
— Le délaminage
— La rupture de fibres .
La fissuration matricielle est l’endommagement qui survient en premier. Il apparaît sous forme de ruptures intralaminaires [Chang et al., 1990]. Des auteurs comme [Choi et Chang, 1992] précisent que cela est possiblement dû à la décohésion fibre/matrice ou à des microfissurations de la résine. Ces fissurations peuvent être de deux types : soit ces interfaces intra-plis rompent en traction soit en compression-cisaillement. Dans le premier cas, ces fissures surviennent généralement sur la face libre opposée à l’impacteur. En effet, la flexion prédomine dans ces plis et il est aisé d’initier une rupture au vu des faibles valeurs d’initiation de la résine en traction. Dans le deuxième cas, c’est la combinaison entre les contraintes de compression sous l’impacteur et les contraintes de cisaillement dans l’épaisseur qui en sont l’origine selon [Davies et al., 2013]. Une fois initiées, elles se propagent vers les plis adjacents avec un angle de 57° [Aubry, 2013].
Un consensus dans le domaine est de dire que ces fissurations intra-laminaires sont les précurseurs des délaminages. En réalité, il est assez délicat d’identifier clairement quel phénomène initie l’autre. Pour tenter de trouver une explication, [Bouvet, 2009] et son équipe ont effectué des coupes microscopiques d’un stratifié UD carbone/époxy T700/M21 de stratification [02, 452, 902, −452]s d’épaisseur 4.16 mm, impacté à 25 J. Des fissurations matricielles très marquées sous l’impacteur et orientées principalement à ±45° sont observées. Une fissure sur le pli opposée à l’impacteur complète les observations. Ceci étaye évidemment les observations effectuées par les auteurs précédemment cités, mais montre aussi qu’il existe un couplage complexe entre ces fissurations et le délaminage .
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Table des matières
Introduction générale
Problématique
Contexte et objectifs
Structure du manuscrit
Chapitre I Étude bibliographique -Positionnement du travail de recherche
I.1 Objectifs de l’étude
I.2 Comportement à l’impact des structures composites
I.2.1 Comportement et endommagement des stratifiés UD
I.2.2 Comportement et endommagement des stratifiés tissés
I.2.3 Comportement et endommagement des stratifiés hybrides
I.2.4 Bilan sur le comportement des stratifiés composites à l’impact
I.3 Modélisation des stratifiés composites
I.3.1 Stratégies et échelles de modélisation des stratifiés UD
I.3.2 Modélisation des endommagements dans les tissus
I.3.3 Modélisation statistique des hybrides
I.3.4 Modélisation du délaminage
I.3.5 Modélisation des fissures intralaminaires
I.3.6 Bilan sur la modélisation des stratifiés composites
I.4 Conclusion
Chapitre II Présentation de la stratégie Semi-Continue
II.1 Introduction
II.2 Modélisation des stratifiés tissés
II.2.1 Principe général
II.2.2 Stratégie de modélisation
II.2.3 Comportement mécanique et endommagement
II.3 Modélisation des unidirectionnels
II.3.1 Principe général
II.3.2 Stratégie de modélisation
II.4 Modélisation des interfaces interlaminaires
II.5 Résultats et limitations
II.5.1 Résultats sur la modélisation des tissus
II.5.2 Résultats sur la modélisation des unidirectionnels
II.5.3 Limitations du modèle unidirectionnel
II.6 Bilan sur la stratégie Semi-Continue
Chapitre III Développements numériques
III.1 Introduction et objectifs de l’étude
III.2 Présentation de l’interface intralaminaire
III.2.1 Observations expérimentales
III.2.2 Développement d’un maillage spécifique
III.2.3 Formulation générale de l’élément
III.3 Couplage entre les interfaces intralaminaires et interlaminaires
III.3.1 Principe du couplage
III.3.2 Formulation du couplage
III.4 Nouveaux développements dans la formulation de l’élément UD
III.4.1 Prise en compte de la compression hors-plan : critère de MohrCoulomb
III.4.2 Décalage des barres dans l’épaisseur de l’élément UD
III.4.3 Cinématique des nœuds virtuels
III.4.4 Comportement en membrane : calcul de la section des barres
III.4.5 Comportement en flexion : calcul du décalage des barres
III.4.6 Endommagement des barres
III.4.7 Modifications dans la formulation de l’élément UD
III.5 Conclusion
Chapitre IV Identification et validation du modèle
IV.1 Introduction
IV.2 Identification des paramètres des interfaces
IV.2.1 Matériau utilisé pour l’étude
IV.2.2 Calcul des raideurs d’interfaces
IV.2.3 Identification des paramètres d’endommagement des interfaces
IV.3 Lien entre les interfaces
IV.3.1 Identification de ∆θ⁰z
IV.3.2 Continuité du délaminage
IV.3.3 Validation du signal
IV.4 Identification des paramètres de l’élément UD
IV.4.1 Traction 4 plis 0°
IV.4.2 Flexion 3 points sur [04/04/04]
IV.5 Indentation quasi-statique : étude expérimentale et numérique
IV.5.1 Cadre et objectifs de l’étude
IV.5.2 Matériau et stratifications utilisées
IV.5.3 Moyen d’essai
IV.5.4 Mécanismes d’endommagement
IV.5.5 Résultats numériques et études d’influence
IV.5.6 Scénario d’endommagement numérique
IV.5.7 Cartographie des endommagements : comparaison expérimental- numérique
IV.6 Conclusion
Conclusion générale