Contexte industriel
Intérêt industriel
Les matériaux énergétiques peuvent être définis comme étant des matériaux, le plus souvent solides, constitués de molécules dont l’enthalpie de formation est aussi élevée que possible. Ils sont capables de restituer à la demande, de façon maîtrisée et en l’absence d’oxygène, l’énergie chimique emmagasinée dans les édifices moléculaires qui entrent dans leur composition [1].
La recherche de nouveaux constituants pour les matériaux énergétiques du futur passe par une méthode de « screening » permettant de sélectionner, avant même la mise en œuvre de toute synthèse, les structures susceptibles de répondre à différents critères, en matière de densité ou d’enthalpie de formation notamment. Cette dernière grandeur constitue une propriété importante, en particulier en ce qui concerne les matériaux énergétiques. En effet, elle joue un rôle crucial dans l’estimation quantitative de la performance potentielle de ces matériaux. Il est donc extrêmement utile de disposer d’outils permettant de prévoir ces propriétés, avec la meilleure précision possible, à partir des seules informations disponibles, en l’occurrence, la formule chimique développée de la molécule.
Les matériaux énergétiques peuvent se présenter sous des formes physiques variées : liquides, gels, mais surtout, solides. S’il existe de nombreux outils performants de calcul des enthalpies de formation en phase gazeuse pour une grande variété de composés, la situation est tout à fait différente concernant les états condensés. Il a donc été proposé, dans le cadre d’une convention DGA, de développer une méthode permettant d’estimer les enthalpies de formation en phase solide de composés organiques purs, en ciblant spécifiquement les types de molécules intervenant dans la constitution de matériaux énergétiques.
Types de composés étudiés
Trois facteurs essentiels influent sur la performance énergétique de substances susceptibles d’être employées dans des applications civiles (mines, carrières, travaux publics) ou militaires (grenades, obus, têtes de roquettes) : l’enthalpie de formation, la composition atomique et la densité des matériaux. Ces facteurs sont optimisés grâce à l’étude de la chimie des molécules proposées (présence de groupements chimiques spécifiques, structure moléculaire).
Les molécules énergétiques sont fondamentalement métastables. Elles sont le plus souvent constituées des éléments carbone, hydrogène, oxygène, azote et fluor. Elles comportent toutes une caractéristique commune : la présence de nombreux groupements azotés. Les matériaux énergétiques ne requièrent pas l’apport d’oxygène externe pour leur fonctionnement car tous les composés nécessaires à cet apport, et donc, à la performance du matériau, sont présents et stockés dans le matériau lui-même. L’oxygène est dans la plupart des cas fourni par des groupements nitro -NO2 présents au sein même de la molécule énergétique.
Méthodes de contribution de groupes
Principe de base
On rassemble sous le terme de « méthodes de contribution de groupes » l’ensemble des méthodes prédictives permettant d’évaluer une propriété quelconque en sommant des contributions relatives à des fragments de molécules. Les méthodes de contribution de groupes sont régulièrement étudiées. Elles permettent un calcul rapide et simple de différentes grandeurs thermodynamiques de substances pures ou de mélanges. En 1932, Parks et Huffmann ont démontré que certaines fonctions thermodynamiques de composés organiques pouvaient être raisonnablement calculées à partir de paramètres liés aux structures moléculaires [3]. Depuis, plusieurs auteurs ont cherché à mettre en place des méthodes prédictives, celles-ci étant le plus souvent appliquées au calcul des propriétés thermodynamiques en phase gazeuse, telles que les enthalpies de formation (∆fH°g), les capacités calorifiques (cP,g) et les entropies (S°g).
Hiérarchie des groupes
Benson et Buss [4] ont montré, en 1958, qu’il était possible d’établir un système hiérarchique en ce qui concerne les lois d’additivité permettant d’évaluer certaines propriétés moléculaires.
Groupe d’ordre 0 : contribution atomique
Le découpage en groupes d’ordre 0 correspond à la prise en compte de chacun des atomes présents dans une molécule donnée. Ainsi, chaque atome constitue un groupe du composé étudié. Tout élément appartenant au tableau de Mendeleïev peut donc être un groupe d’ordre 0. La propriété recherchée concernant le composé étudié est ainsi considérée comme étant une somme de contributions atomiques.
Groupe d’ordre 1 : contribution des liaisons entre atomes
La molécule est, dans ce cas, découpée en différents éléments ne dépendant aucunement de leur environnement. En effet, si un même groupe est présent dans une molécule ou dans une autre, sa valeur de contribution reste identique quelque soit le groupe ou l’atome auquel il est lié. Par exemple, si dans une molécule, le groupe -CH3 est lié au groupe -CH2-, sa contribution est la même que si ce groupe est lié au groupe -OH. Les interactions à longue distance n’influent donc aucunement dans ce cas. Alliant une relative simplicité à une précision satisfaisante (de l’ordre de 40 à 80 kJ.mol-1 pour le calcul des enthalpies de formation [précision acceptable pour un certain nombre de composés dont l’enthalpie de formation est grande en valeur absolue]), les méthodes utilisant les contributions de groupes de premier ordre sont assez souvent employées. Cependant, il est indispensable de souligner que certaines de ces méthodes ne sont pas fiables. En effet, l’estimation des températures normales d’ébullition (grandeurs indispensables dans les procédés de séparation) a souvent été remise en cause (Horvath [5]). De plus, l’évaluation de la température critique des composés par ces méthodes requiert la détermination expérimentale des températures normales d’ébullition. Or, celles-ci ne sont pas toujours disponibles dans la littérature. Par ailleurs, la représentation des structures moléculaires par des groupes d’ordre 1 est, dans certains cas, tellement simplifiée (de par la définition même des groupes) que les isomères ne peuvent être distingués. Afin de pallier aux différents inconvénients présentés par ces techniques, Fedors [6] a proposé une méthode d’estimation de la température critique exclusivement basée sur la structure moléculaire des composés. Malgré sa précision peu satisfaisante, cette technique a souvent été recommandée en raison de son caractère purement prédictif (Daubert et Danner [7]). Quant à Jalowka et Daubert [8] ainsi que Daubert et Bartakovits [9], ils ont employé une méthode de contribution de groupes d’un ordre supérieur, s’inspirant de la technique mise en œuvre par Benson et al. [4] qui a introduit la notion de groupements fonctionnels.
Groupe d’ordre 2 : contribution des groupements fonctionnels
Un groupe est constitué d’un atome central de valence strictement supérieure à 1, et de l’ensemble des liaisons qu’il forme avec ses voisins. Un groupe peut s’écrire de la manière suivante :
X-(A)i(B)j(C)k(D)l
où X représente l’atome central auquel sont liés i atome(s) A, j atome(s) B, k atome(s) C et l atome(s) D. On peut prendre pour exemple l’atome de carbone, C. Si ce dernier est un atome central, il peut former plusieurs groupes, tels que C-(C)(H)3, C-(CB)(H)3, C-(CO)(H)3, C-(N)(H)3,… A noter qu’une description complète du formalisme de Benson est donnée au paragraphe 2.4. Dans les méthodes de contribution de groupes de deuxième ordre, l’environnement complet de chaque atome central est pris en compte, contrairement aux techniques utilisant des groupes de premier ordre.
Ce type de contribution permet d’obtenir des résultats d’une précision tout à fait satisfaisante pour les calculs de grandeurs thermochimiques (de l’ordre de 4 kJ.mol-1).
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : Contexte de l’étude
1. Contexte industriel
1.1. Intérêt industriel
1.2. Types de composés étudiés
1.2.1. Polycycles azotés
1.2.2. Molécules oxydantes
1.2.3. Molécules réductrices
1.2.4. Exemples
2. Méthodes de contribution de groupes
2.1. Principe de base
2.2. Hiérarchie des groupes
2.2.1. Groupe d’ordre 0 : contribution atomique
2.2.2. Groupe d’ordre 1 : contribution des liaisons entre atomes
2.2.3. Groupe d’ordre 2 : contribution des groupements fonctionnels
2.3. Revue des méthodes de contribution de groupes d’ordres 1 et 2
2.3.1. Prévision de propriétés de composés purs
a. Méthode de Joback et al.
b. Méthode de Constantinou et Gani
c. Méthode de Basařová et Svoboda
d. Méthode de Tu et al.
e. Méthode de Wilson et Jasperson
f. Méthode de Marrero et Pardillo
g. Méthode de Dalmazzone et al.
2.3.2. Prévision de propriétés de mélanges
a. Méthode ASOG
b. Méthode UNIFAC
2.4. Méthode de Benson
2.4.1. Définition
2.4.2. Définition des pseudo-éléments
2.4.3. Corrections de structure et interactions à longue distance
2.5. Extension de la méthode de Benson à la phase liquide et à la phase solide
2.5.1. Méthode de Domalski et Hearing
2.5.2. Méthode de Cohen
2.6. Autres méthodes prédictives
2.6.1. Méthodes semi-empiriques
a. Méthode de Politzer et al.
b. Méthode de Rice et al.
c. Méthode de Mathieu et al.
2.6.2. Méthode mixte
3. Calorimétrie de combustion
Origines de la calorimétrie
3.1. Caractéristiques de la calorimétrie en bombe statique
3.1.1. Généralités
3.1.2. Bombe calorimétrique
3.1.3. Seau calorimétrique
3.1.4. Enceinte calorimétrique
3.1.5. Thermomètre
3.2. Choix du calorimètre
3.2.1. Calorimètre adiabatique
3.2.2. Calorimètre isopéribole
3.3. Correction de Washburn
4. Bilan et Démarches de détermination
4.1. Bilan de l’étude bibliographique et Objectif de l’étude
4.2. Démarches de détermination
4.2.1. Démarche indirecte
a. Etape 1 : Elargissement de la banque de données sur la phase gazeuse
b. Etape 2 : Etablissement d’une banque d’enthalpies de sublimation
c. Etape 3 : Prévision des enthalpies de formation en phase solide et tests de validité
4.2.2. Démarche directe
a. Etape 1 : Constitution d’une banque de données
b. Etape 2 : Détermination des contributions de groupes
c. Etape 3 : Validation par des mesures expérimentales
Chapitre II : Partie expérimentale
1. Mesures par calorimétrie de combustion
1.1. Etalonnage
1.2. Corrections
1.2.1. Fil fusible
1.2.2. Mèche de coton
1.2.3. Auxiliaire de combustion
1.2.4. Réactions secondaires
1.2.5. Correction de Washburn
1.3. Exploitation des résultats
1.3.1. Phases de l’expérimentation
1.3.2. Correction de l’accroissement de température
1.3.3. Calcul de l’enthalpie standard de formation
2. Mesures de masses volumiques
3. Mesures d’enthalpies standard de formation en phase solide
3.1. Composés CxHy
3.2. Composés CxHyOz
3.3. Composés CxHyNwOz
4. Mesures d’enthalpies standard de formation en phase liquide
5. Conclusion
Chapitre III : Démarche indirecte
1. Extension de la banque de contributions de groupes concernant la phase gazeuse
1.1. Etat des lieux sur la banque de données existante
1.2. Création d’un nouveau pseudo-élément
1.3. Détermination de nouvelles contributions de groupes
1.3.1. Exploitation de la banque de données bibliographiques constituée
1.3.2. Exploitation des mesures d’enthalpie standard de formation en phases solide et liquide
2. Etablissement d’une banque d’enthalpies standard de sublimation et Détermination de contributions de groupes
2.1. Constitution d’une base de données
2.2. Détermination des contributions de groupes à l’enthalpie standard de sublimation
2.2.1. Procédure
2.2.2. Résultats
3. Prévision des enthalpies standard de formation en phase solide
3.1. Méthode A : méthode semi-prédictive
3.2. Méthode B : méthode entièrement prédictive
4. Limites de la démarche indirecte
4.1. Méthode A : méthode semi-prédictive
4.2. Méthode B : méthode entièrement prédictive
5. Conclusion
Chapitre IV : Démarche directe
1. Etablissement d’une banque d’enthalpies standard de formation en phase solide et Détermination de contributions de groupes
1.1. Constitution d’une base de données
1.2. Détermination des contributions de groupes à l’enthalpie standard de formation en phase solide
1.2.1. Procédure
1.2.2. Résultats
a. Valeurs de contributions de groupes à l’enthalpie standard de formation en phase solide
b. Détail des résultats de représentation des valeurs d’enthalpies standard de formation en phase solide
1.3. Mise en évidence des points problématiques
1.3.1. Remarques générales
1.3.2. Polymorphisme
1.3.3. Mise en évidence de problèmes d’estimation pour certaines familles de molécules
a. Composés CxHy
b. Composés CxHyOz
c. Composés CxHyNw
d. Composés CxHyNwOz
1.4. Conclusion
2. Prévision d’enthalpies standard de formation en phase solide – Comparaison des méthodes de contribution de groupes
2.1. Prévision et comparaison avec les enthalpies standard de formation en phase solide issues de la littérature
2.1.1. Détail des résultats de prévision
a. Composés CxHy
b. Composés CxHyOz
c. Composés CxHyNw
d. Composés CxHyNwOz
2.1.2. Détermination de nouvelles contributions de groupes
2.1.3. Conclusion
2.2. Prévision et comparaison avec les enthalpies standard de formation en phase solide mesurées
2.2.1. Détail des résultats de prévision
a. Composés CxHy
b. Composés CxHyOz
c. Composés CxHyNw
d. Composés CxHyNwOz
2.2.2. Détermination de nouvelles contributions de groupes
2.2.3. Conclusion
3. Représentation et Prévision d’enthalpies standard de formation en phase solide – Comparaison avec les méthodes existantes
3.1. Représentation d’enthalpies standard de formation en phase solide et comparaison avec d’autres méthodes de contribution de groupes
3.1.1. Comparaison avec la méthode de Cohen
a. Détail des résultats de prévision
b. Conclusion
3.1.2. Comparaison avec la méthode de Domalski et Hearing
a. Détail des résultats de prévision
b. Conclusion
3.2. Prévision d’enthalpies standard de formation en phase solide de molécules énergétiques et comparaison avec des méthodes semi-empiriques
3.2.1. Comparaison avec la méthode de Politzer et al.
3.2.2. Comparaison avec la méthode de Rice et al.
3.2.3. Comparaison avec la méthode de Mathieu et al.
4. Conclusion
Conclusion
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