Développement d’une méthode de fonctionnalisation du COC

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Méthode de Gassman

Une méthode alternative a été développée par Gassman. Elle consiste en la synthèse d’un intermédiaire 3-méthylsulfanyl-2-oxindole 25 via deux routes différentes choisies selon la nature des effets électroniques des substituants présents sur le cycle aromatique. Avec X un groupement électro-attracteur sur le composé 24, le dérivé d’oxindole 25 est obtenu en faisant réagir une N-chloroaniline (obtenue en étape 1)) avec du (méthylsulfanyl)acétate pour fournir un sel d’azasulfonium (en étape 2)) (méthode 1, Schéma 9). Dans le cas où X est un groupement électro-donneur, la N-chloroaniline est déstabilisée réduisant ainsi le rendement pour le sel d’azasulfonium. L’alternative consiste à faire réagir une aniline appropriée avec un sel de chlorosulfonium (méthode 2, étape 1, Schéma 9) pour conduire au dérivé d’oxindole 25. En présence de N-chlorosuccinimide (NCS), il conduit au 3-chloro-3-méthylsulfanyl-2-oxindole 26 instable qui par hydrolyse en présence d’un oxyde de mercure et de BF3.Et2O, ou bien dans un mélange eau/THF, donne l’isatine 27 avec des rendements compris entre 40 et 81%.22, 23

Métallation des dérivés d’anilide

Une méthode régiosélective, décrite en Schéma 10, permet la synthèse d’isatines substituées en position 4, par ortho-métallation d’une aniline protégée avec de l’oxalate de diéthyle 28 pour obtenir un α-cétoester. La déprotection hydrolytique de l’amine 29 est accompagnée d’une cyclisation qui permet d’obtenir l’isatine 27 avec des rendements de 79% à 89%.24 Le groupement protecteur sur l’amine dirige la métallation en position ortho de l’aniline, ce qui permet d’obtenir spécifiquement la forme 4-substituée de l’isatine. Cette approche synthétique se distingue des précédentes où l’on obtenait un mélange de régioisomères 4 et 6-substituées à partir d’anilines méta-substituées comme précurseur (cf. Schéma 4). Cette méthode a été appliquée avec succès au t-butylcarbamate de 4-aminopyridine et a permis d’obtenir la 5-azaisatine.25
Une autre technique de métallation, reposant sur un échange halogène-métal a été développée par Smith et coll.27 Il s’agit de la lithiation de la N-(2-bromaryle)-N,N-diméthylurée 30 par le méthyllithium et le tertio-butyllithium sous atmosphère inerte dans du THF anhydre à 0°C pour conduire à des dérivés d’arylurée 31. La carbonylation de ces dérivés, suivie d’une cyclisation intramoléculaire mène à l’obtention de l’isatine 15 avec des rendements situés entre 71 et 79% (Schéma 11).

Autres méthodes

Ces synthèses qui viennent d’être présentées sont celles qui sont principalement utilisées pour obtenir l’isatine substituée ou non. D’autres méthodes synthétiques existent, mais elles sont cependant d’un usage moins courant.28 On recense par exemple la méthode de Parrick et coll. qui permet d’obtenir l’isatine 1 via une bromation de l’indole 2 puis une oxydation du composé 32 (Schéma 12).29
La N-méthyl-4-méthylisatine 35 peut être obtenue par oxydation à l’air de l’aryliminoacylhydrazone 33 en présence de BF3.Et2O pour donner l’intermédiaire 2-(2-phénylhydrazono)indolin-3-one 34 qui s’hydrolyse en isatine avec un bon rendement de 76%.30 (Schéma 13)
L’isatine peut également être obtenue par la synthèse monotope 1 mise au point par Meth-Cohn et coll.31 En faisant réagir une formanilide N-substituée 36 avec du chlorure d’oxalyle, on obtient un réactif de Vilsmeier 37 qui, traité par une base de Hünig, forme un carbène nucléophile. Ce carbène 39 ayant un temps de vie limité, il forme un dimère 40 qui réagit immédiatement avec des électrophiles tels que le brome, et par cyclisation et hydrolyse permet d’obtenir l’isatine souhaitée. (Schéma 14)
En 2001, Mironov et coll. proposent une synthèse d’isatines ayant des groupements électro-attracteurs.32 Cette synthèse en deux étapes est basée sur la réaction entre un isocyanide aromatique 45, intermédiaire obtenu via le formamide aromatique 44 correspondant, et une amine tertiaire. Le chauffage du composé 2-triéthylammonio-3-arylaminoindolate 46 dans un excès de chlorure de thionyle, suivie d’une hydrolyse, mène à l’isatine désirée. (Schéma 15)
La synthèse d’une isatine substituée en C5 telle que la 5-(benzyloxy)indoline-2,3-dione 50 (Schéma 16) ou en C6 comme la (E)-6-styrylindoline-2,3-dione 52 (Schéma 17), a été développée par Manley-King et coll.33 Le traitement d’une aniline para-substituée 49 ou méta-substituée 51 par de l’oxomalonate de diéthyle 49 et chauffé en présence d’acide acétique, permet d’isoler un produit unique, respectivement 50 et 52, avec des rendements modérés.
Récemment, une méthode a été développée par Satish et son équipe pour synthétiser l’isatine à partir de 2-aminophénylacétylènes, de 2-aminostyrènes et de 2-amino-β-cétoesters via une réaction domino faisant intervenir une iodation, une oxydation de Kornblum et une amidation intramoléculaire.34 Cette synthèse se fait dans des conditions douces tout en évitant l’utilisation de métaux, de bases ou de peroxydes, elle respecte le principe d’économie d’atomes et donne de bons, voire d’excellents rendements, ce qui pourrait se révéler être la méthode d’avenir pour la production d’isatines (Schéma 18).
Basée sur des réactions de couplage pallado-catalysé, Söderberg et son équipe ont mis au point une synthèse de l’isatine en faisant réagir un 1-haloéthynyl-2-nitrobenzène 53 avec du palladium en quantité catalytique.35 Les rendements varient en fonction du catalyseur utilisé, du solvant et de la présence d’additif ou non. Trois exemples sont illustrés dans le Schéma 19.
Pour introduire des fonctionnalités complémentaires sur la structure de l’isatine, soit les précurseurs à sa synthèse sont choisis en conséquence, soit quand ce n’est pas possible, l’isatine elle-même peut être modifiée ultérieurement.

Réactivité de l’isatine

Deux principaux types de réactions peuvent être réalisés sur l’isatine. Premièrement les réactions d’alkylation ou d’arylation peuvent avoir lieu sur la fonction amine ainsi que des réactions de Michael ou de Mannich. L’alkylation peut également se produire sur la cétone en position 3. Deuxièmement, la réactivité du cycle aromatique permet d’envisager des substitutions électrophiles aromatiques.

Alkylation et arylation hétérocycliques

Les isatines N-substituées sont très souvent utilisées comme précurseurs de synthèse pour préparer des molécules hétérocycles. Les dérivés N-alkylés sont obtenus par réaction de substitution en faisant réagir des sels de sodium de l’isatine formés par réaction d’hydrocarbures halogénés en présence de NaH dans le DMF (Schéma 20).36 L’inconvénient de cette technique est l’utilisation de solvants et de réactifs anhydres du fait de la présence de NaH.37
Chen et coll. ont donc étudié une alternative à l’utilisation de NaH en testant différentes bases et solvants. Ils ont déterminé que le couple DMF/K2CO3 présentait le meilleur rendement car la polarité du solvant permettait un meilleur transfert électronique, tandis que la base de force modérée permettait d’éviter une réaction de substitution de l’halogénure d’alkyle par les ions hydroxydes.38 M. Coppola en 1987 estimait que pour introduire un substituant aryle, le carbonate de potassium n’était pas nécessaire et que la réaction était très efficace en présence d’oxyde de cuivre.39
D’autres substitutions de l’amine telles que l’acylation, la sulfonylation ou par des substituants halogénés, ou encore la méthylène-amine sont décrites par Da Silva dans sa revue sur la chimie de l’isatine entre 1975 et 1999.28
La formation de dérivés d’isatine dites « base de Schiff » 55 a lieu lors de la condensation du groupement cétone de l’isatine avec des amines aromatiques primaires (Schéma 21).40 La réaction pour former les bases de Mannich 56 intervient en condensant l’amine de l’isatine avec une amine secondaire en présence de formaldéhyde (Schéma 22). Ces deux types de dérivés d’isatine sont des briques importantes dans la formation de molécules plus complexes à but thérapeutique. 41

Réactivité du noyau aromatique

Les isatines au noyau aromatique substitué sont le plus souvent obtenues à partir d’anilines substituées, mais elles peuvent être également préparées par substitution électrophile aromatique. Par exemple, Sumpter et Jones arrivèrent à la conclusion qu’en faisant réagir soit de l’acide nitrique soit du nitrate de potassium sur une solution d’isatine dans l’acide sulfurique, la 5-nitroisatine pouvait être obtenue avec 85% de rendement.
La 5-nitroisatine 57 sera utilisée plus tard par Jnaneshwara et Deshpande comme précurseur à la 4,6-dibromoisatine 62.42 Une étape supplémentaire permet la condensation de l’acétone sur la 4,6-dibromoisatine (Schéma 23) formant ainsi la convolutamydine A 63, une molécule permettant de lutter contre la leucémie.
Schéma 23 Synthèse de la convolutamydine A. Réactifs et conditions : (a) KNO3, H2SO4, 0°C ; (b) 2,2-diméthylepropane-1,3-diol, p-TSA, cyclohexane; (c) Pd/C (10%), H2, MeOH ; (d) Br2, EtOH ; (e) tBuONO, DMF, 65°C ; (f) aqueux acide oxalique, 60°C ; (g) acétone, sol Sur le même principe, Magiatis et coll. sont partis de la 5-nitroisatine qu’ils ont monosubstitué par un brome en position C6. En réduisant le groupe nitro en amine ils ont formé l’indirubine correspondante en faisant réagir la 5-amino-6-bromoisatine avec la 3-acétoxyindole.43
L’introduction de groupements halogénés sur le cycle aromatique présente un intérêt car ce sont des groupements très réactifs pouvant être impliqués dans des réactions de substitution, d’élimination ou bien encore de couplage. Deux équipes ont mis au point des halogénations de cycles aromatiques en milieu aqueux. La première méthode permet d’introduire un atome de chlore en position C5 dans des conditions de réaction douces en présence de chlorure de sodium, de p-TSA (acide p-toluène sulfonique) et de NCS (N-chlorosuccinimide).44 La seconde permet d’accéder à un dérivé d’iodoisatine monosubstituée en faisant réagir l’isatine ou la 5-méthylisatine avec du potassium dichloroiodate en milieu aqueux additionné de méthanol.45 (Schéma 24)
La sulfonation de l’isatine est aussi souvent décrite. D’abord développée par Somaskhara et coll. en 1965, la synthèse consiste à faire réagir l’isatine avec de l’acide sulfurochlorhydrique à 70°C.46 Mais cette méthode est critiquée dans des articles plus récents qui évoquent la formation du dérivé gem-dichloro 68 en très large proportion par rapport à la 5-sulfoisatine attendue.47-49 Finalement Kopka et coll. ont défini que faire réagir l’isatine dans l’acide sulfurique en présence de trioxyde de soufre à basse température permettait d’obtenir l’acide d’isatine-5-sulfonique 67 neutralisé sous forme de sel de sodium.50 (Schéma 25)
L’isatine est donc une molécule qui a fait l’objet de nombreuses modifications chimiques.
Ceci a donné lieu à l’utilisation de ces dérivés pour différentes applications.

Applications de l’isatine et de ses dérivés

Effets biologiques et pharmacologiques

Comme dit en introduction, l’isatine est produite de manière endogène par les mammifères. La plus forte concentration en isatine (47-79 μM) a été relevée dans les vésicules séminales et les canaux déférents. Dans le cœur elle peut atteindre 3 μM et dans le cerveau, plus précisément dans l’hippocampe, le cervelet et dans le striatum, on mesure des concentrations en isatine entre 1 et 1,3 μM.51 Comme elle est produite par le système nerveux central (SNC), elle est considérée comme ayant un rôle sur l’activité cérébrale, elle agit sur le cerveau en augmentant la vigilance par exemple.52
Outre ses sites de production, l’isatine a également plusieurs types de site d’accroche/d’interaction répartis dans le cerveau, le cœur, le foie et les reins. L’isatine est un inhibiteur de la monoamine-oxydase (MAO), un régulateur de l’activité neuronale en agissant sur les neurotransmetteurs de la classe des monoamines, au sein du SNC.53 Testée en présence d’un autre inhibiteur de MAO, la pargyline, il a été déterminé que l’isatine agit également sur d’autres sites d’actions.54 Il a ainsi été identifié que l’isatine cible également les récepteurs à peptides natriurétiques (en anglais : NPR-A : Atrial natriuretic peptide (ANP) receptor, NPR-B : brain natriuretic peptide (BNP) receptor and NPR-C : C-type natriuretic peptide (CNP) receptor). Ces peptides sont responsables de la natriurésie, de la diurèse et de la vasodilatation.55 Le Tableau 1 liste toutes les cibles moléculaires sensibles à l’isatine.

Les biocapteurs, un outil innovant
Généralités sur les biocapteurs
Les biocapteurs sont par définition des « dispositifs de détection comprenant des entités de reconnaissance d’origine biologique couplés à un transducteur permettant de traduire la formation d’un complexe biologique en signal physique ». Ils trouvent des applications dans divers domaines, comme le médical (analyse du taux de glucose dans le sang), l’environnement (mesure de la pollution) ou dans la défense militaire (détection d’agent d’attaque biologique (anthrax)). Ils peuvent être classés dans deux catégories, les premiers étant des machines sophistiquées à haut débit permettant des analyses pointues d’interactions biologiques complexes en laboratoire, les seconds étant des dispositifs portables, faciles à  utiliser par des utilisateurs non-experts pour des utilisations externalisées. Le premier biocapteur fut conçu par Leland C. Clark en 1962 pour suivre en temps réel la composition du sang des patients opérés à cœur ouvert.87
Le nombre d’articles publiés ayant pour sujet les biocapteurs dans le domaine de la chimie a augmenté régulièrement entre 2004 et 2014 avant de connaître une légère baisse depuis lors (Figure 8). Ceci montre le dynamisme de la recherche sur les biocapteurs. Les applications cliniques et médicales représentaient 99% du marché des biocapteurs en 2010, mais l’environnement et la gestion des pollutions étaient en demande de biocapteurs adaptés à leurs besoins. Scognamiglio et coll. expliquent dans leur revue de 2010 88 les raisons pour lesquelles peu de biocapteurs sont commercialisés. Ainsi, la stabilité et la spécificité des éléments de reconnaissance, la reproductibilité des processus de fabrication et les limites de détections des capteurs sont les paramètres à maîtriser avant une mise sur le marché.
Structure et mode de fonctionnement
Les biocapteurs sont composés de deux parties, un élément de reconnaissance biochimique et un élément de détection. L’élément de reconnaissance peut être une enzyme, un anticorps, etc.… tandis que l’élément de détection peut consister en une électrode, une sonde de température ou encore une fibre optique ; tous les différents éléments sont représentés dans la Figure 9. Quand l’élément biologique (biorécepteur) se trouve en présence d’un analyte auquel il est spécifique, cela va entraîner un changement chimique (tel que la production d’une nouvelle espèce chimique, un dégagement de chaleur, un transfert d’électrons ou un changement de pH ou de masse) qui sera détectable par le transducteur, qui à son tour transformera la réponse obtenue en signal électrique.89 Ce signal est ensuite amplifié, transmis au microprocesseur, puis transcrit par affichage digital (sur un écran) ou imprimé (sur papier).
Chaque couple biorécepteur/transducteur va déterminer le type de biocapteur, chaque type de transduction et chaque type d’élément de reconnaissance, ainsi que les méthodes d’immobilisation vont être détaillés dans le chapitre suivant. Ils sont classés comme suit (Figure 10):
Les différents types de transduction
On distinguera les biocapteurs électrochimiques qui mesurent des changements de niveau électronique engendrés par des réactions biochimiques ; les biocapteurs optiques qui mesurent le changement d’intensité lumineuse sur des sondes colorimétriques ; les biocapteurs calorimétriques enregistrant une variation de chaleur et les biocapteurs massiques qui enregistrent une variation de masse suite à la formation d’un complexe analyte/biorécepteur.90 Pour une étude plus approfondie de tous les types de capteurs existant, on peut se reporter à l’ouvrage de Janata.91
Électrochimique
Les capteurs électrochimiques sont le groupe le plus ancien et le plus important des biocapteurs.92 L’électrochimie implique le transfert de charge entre une électrode et une autre phase (solide ou liquide). Durant ce processus, des changements chimiques interviennent à l’électrode et la charge électrique est conduite à travers l’échantillon. Ces deux phénomènes peuvent être modulés chimiquement et être à la base du processus de détection. Tout capteur électrochimique répond à trois règles énoncées par Janata 91 : premièrement, être en circuit fermé, ce qui signifie d’avoir au minimum deux électrodes par cellule. D’un point de vue purement électrique, cela veut dire qu’une électrode sert de capteur (électrode de travail) et l’autre permet d’avoir un retour de signal (électrode auxiliaire). Deuxièmement, la cellule doit être dans des conditions d’électroneutralité. Le dernier point à considérer est la nature elle-même du transport de la charge électrique. Si dans la partie transducteur du biocapteur il est de nature électronique, dans la partie biorécepteur il peut être de nature électronique mais également ionique ou même parfois mixte. Dans les deux derniers cas, le transfert d’électron à l’interface électrode/biorécepteur et son mécanisme deviennent un aspect critique de la performance du biocapteur. Selon la première loi de Faraday (1), la charge Q passant à travers l’interface transducteur/bioélément est proportionnelle à la quantité de matière m présente à la surface de l’électrode. Pour une réaction du type (1) où O représente les espèces oxydées, R celles réduites et ne- le nombre d’électrons .
Où m est la masse de substance présente à la surface de l’électrode, M sa masse molaire et F la constante de Faraday (96485 C.mol-1). Comme les espèces O et R diffèrent seulement de n électrons ; ils forment un couple rédox. Les constantes cinétiques ka et kc décrivent respectivement la nature dynamique des processus d’oxydation (à l’anode) et de réduction (à la cathode). Quand le passage du courant résulte en un changement de concentration, il est plus pratique d’exprimer la loi de Faraday en termes de concentration molaire et de volume de la cellule (C et Vcell respectivement).
Il est possible d’extraire des informations d’un système biologique en étudiant ses propriétés électriques, on fera donc une analyse électrochimique de la réaction, soit en mesurant le courant généré (ampérométrie), soit en mesurant une accumulation de charge ou de potentiel électrique (potentiométrie) ou en altérant les propriétés conductrices du média entre les électrodes (conductimétrie) (Figure 11). Comme les réactions électrochimiques sont généralement détectées seulement à courte distance de la surface de l’électrode, le choix des électrodes est crucial pour assurer la performance du biocapteur. Il faudra donc prendre en compte le matériau de l’électrode, sa modification de surface ou ses dimensions qui peuvent tous influencer la sensibilité de détection de l’électrode. Une cellule électrochimique peut être composée de deux ou trois électrodes : une référence (exemple : Ag/AgCl en milieu aqueux) maintenue à distance de la réaction pour garder un potentiel stable et connu ; une électrode de travail qui sert de transducteur et une contre-électrode (ou électrode auxiliaire) pour permettre d’avoir un circuit fermé.93 Ces dernières doivent donc être conductrices et chimiquement stables, c’est pour cela que les matériaux utilisés sont le plus souvent le platine, l’or, le noir de carbone (graphite) et le silicium.94
Ampérométrie
En ampérométrie, le courant résultant de l’oxydation ou de la réduction de l’espèce électro-active est mesuré en continu à un potentiel constant, si le potentiel varie durant la mesure on parlera de voltammétrie. La concentration en analyte est directement proportionnelle au pic de courant mesuré sur une plage linéaire de potentiels. Cependant le transfert d’électrons entre le site actif où a lieu la réaction biologique et l’électrode n’est pas toujours possible directement. C’est pour cela que la majorité des biocapteurs ampérométriques font appel à un médiateur rédox. C’est une entité chimique qui présente un potentiel rédox bas, avec une stabilité des formes oxydées ou réduites suffisante pour permettre un taux de transfert d’électrons rapide entre le site actif et l’électrode de travail.95 L’ampérométrie est malgré cela la technique électrochimique la plus souvent utilisée du fait qu’elle présente une sensibilité supérieure aux autres techniques. Un biocapteur ampérométrique peut fonctionner en configuration di- ou triélectrodes. Le principal désavantage de l’utilisation de seulement deux électrodes est de ne pas pouvoir contrôler le potentiel appliqué à l’électrode de travail à courant élevé, ce qui se traduit souvent par un intervalle de balayage en potentiel plus réduit. C’est pour résoudre ce problème que la contre-électrode a été introduite dans les montages ampérométriques, comme cela le voltage est appliqué entre l’électrode de travail et de référence tandis que le courant passe lui entre l’électrode de travail et la contre-électrode.96, 97 La technique ampérométrique est le plus souvent associée à l’utilisation d’enzyme comme biorécepteur ce qui sera décrit plus loin ; elle est également bien adaptée à la détection à l’échelle industrielle pour identifier ou quantifier des analytes tels que le glucose, les lactates 98 ou l’acide sialique.99 C’est une technologie déjà bien aboutie car plusieurs biocapteurs ampérométriques sont disponibles commercialement, principalement pour le contrôle du diabète par détection du taux de glucose (ex : Accu-Check, Roche).100
Potentiométrie
Dans un montage en potentiométrie, l’électrode de travail est spécifique à un type d’ions et mesure la quantité d’ions à son interface comparée à l’électrode de référence lorsque le courant est nul ou proche de zéro. On peut relier le potentiel à la concentration en ion grâce à l’équation de Nernst (4)
avec Ecell le potentiel, R la constante universelle des gaz parfaits, T la température en Kelvin, n le nombre de charge à l’électrode, F la constante de Faraday et Q le ratio entre la concentration en ion à l’anode par rapport à la concentration en ion à la cathode.101 Par le passé, l’électrode en verre d’un pH-mètre était utilisée comme transducteur physicochimique,102 mais de nos jours ce sont plus souvent des transistor à effet de champ (FET) sensible aux ions (Ion Sensitive Field Effect Transistor, ISFET) ou des capteurs photo – potentiométrique (Light Adressable potentiometric sensor, LAPS).103 Un schéma explicatif de la structure d’un JFET (J pour jonction) est présenté dans la figure suivante (Figure 12) :
Mesure d’émission lumineuse
Fluorescence
Parmi toutes les propriétés optiques exploitées pour le fonctionnement d’un biocapteur, la méthode la plus communément utilisée reste la fluorescence. Il s’agit de la propriété d’une molécule fluorescente (fluorophore ou fluorochrome) à émettre des ondes lumineuses fluorescentes après avoir absorbé l’énergie d’un photon. Depuis longtemps un des outils favori du chimiste analytique, la fluorescence peut être utilisée pour la mesure de la présence de métaux en milieux aqueux 110 ou du pH dans des cellules vivantes. On peut également s’en servir pour détecter un type de cellule dans un mélange hétérogène 111, pour étudier le métabolisme de bioorganisme 112, ou pour simplement déterminer une concentration. Mais si cette technique est tellement utilisée dans le domaine des biocapteurs, c’est que la propriété fluorescente de la majorité des fluorophores organiques est sensible aux changements dans son environnement, ce qui est indispensable pour des applications de détection. La majorité des biocapteurs à fluorescence nécessite malgré tout l’utilisation de marqueurs fluorescents car cette propriété n’est pas disponible chez toutes les cibles analysées. La haute sensibilité de cette méthode permet la détection à l’échelle de la molécule seule et donc un seul capteur pourrait servir à la détection de plusieurs composés différents, on appelle ça le multiplexage. Un exemple de support unique pour détecter par fluorescence de multiples analytes a été mis au point par Chen et coll.113 Une méthode d’immuno-essai a d’ailleurs été développée grâce à la fluorescence en temps résolu (time-resolved fluoroimmunoassay TR-FIA) ; calqué sur le système ELISA (enzyme-linked immunosorbent assay), il présente l’avantage de ne pas utiliser de substrats potentiellement toxiques ou mutagènes comme les tests ELISA et sont basés sur l’utilisation de complexes de lanthanide fluorescents, qui présentent l’avantage d’avoir une fluorescence à temps de vie plus long que celle typique des bruits de fond.114
Chimiluminescence et bioluminescence
La chimiluminescence (CL) est une émission lumineuse produite par une réaction chimique. Dans le cadre des biocapteurs, le bioélément ou l’analyte sont marqués avec un composé chimiluminescent tel que le luminol 115 qui une fois activé produit une émission lumineuse à une intensité donnée. Cette lumière peut être mesurée grâce à un photomultiplicateur relié à un système électronique pour convertir et enregistrer le signal. Comparé à la fluorescence, l’utilisation de la CL présente plusieurs problèmes comme la faiblesse des signaux obtenus et les interférences venant des interactions entre analytes non-liés et biorécepteur. L’utilisation de peroxydase de raifort (HRP, horseradish peroxydase) catalyse la production de lumière du luminol et donc améliore le signal. Ainsi ont pu être réalisés des essais quantitatifs pour divers analytes via une mini-caméra 116 ou la mise au point de micro-réseau pour la détection de protéines 117 ou de bactéries pathogènes.
La bioluminescence (BL) provient naturellement d’organismes vivants dans lesquels une substance chimique est électroniquement excitée puis émet de la lumière en revenant à l’état non-excité ; on peut citer comme exemple les lucioles qui possèdent l’enzyme luciférase qui catalyse cette réaction.119 Ce type de transduction est souvent utilisé avec des biocapteurs à cellules entière ; par exemple Charrier a développé durant sa thèse un biocapteur en ligne contenant des bactéries bioluminescentes pour mesurer la pollution métallique des eaux.120, 121 Roda et Guardigli ont rédigé une revue de la littérature sur les techniques d’analyses utilisant la CL et la BL.122
Mesure de modification du rayon lumineux
Un exemple de biocapteur où le signal obtenu repose sur la modification d’un rayon lumineux utilise la résonance plasmonique de surface (SPR). Les biocapteurs basés sur cette technologie SPR se servent des ondes électromagnétiques spéciales appelées plasmon de surface pour détecter les interactions qui ont lieu entre la surface et son milieu.
La résonance plasmonique de surface est une oscillation charge-densité qui a lieu à l’interface entre deux milieux avec des constantes diélectriques opposées soit un métal et un isolant. La configuration la plus répandue utilise un coupleur à réflexion totale atténuée (ATR) mis au point par Kretschmann et Raether en 1971 124 mais il en existe plusieurs autres types (Figure 16).
Dans cette configuration de Kretschmann et Raether (Figure 17), le rayon d’excitation passe à travers un milieu à haute densité (un prisme en verre) qui va modifier la vitesse et le vecteur de l’onde lumineuse incidente (kin).
λ est la longueur d’onde de la lumière d’excitation, θ est l’angle d’incidence et εp est la constante diélectrique du prisme.125, 126 On peut décrire le vecteur d’onde (ksp) du plasmon de surface se propageant à l’interface métal-prisme par l’équation suivante : avec ωsp la fréquence angulaire du plasmon de surface, εm la constant diélectrique du film de métal et c la vitesse de la lumière. Pour que l’onde plasmique se propage à l’interface du métal et de l’isolant, il faut que kin corresponde à ksp pour qu’une partie de l’énergie de photon soit transféré au plasmon de surface.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 : L’isatine comme bioélément d’un biocapteur pour mieux lutter contre Pseudomonas Aeruginosa
1 L’isatine, une molécule aux multiples propriétés
1.1 Synthèse et réactivité de l’isatine et de ses dérivés
1.1.1 Synthèses de l’isatine
1.1.2 Réactivité de l’isatine
1.2 Applications de l’isatine et de ses dérivés
1.2.1 Effets biologiques et pharmacologiques
2 Les biocapteurs, un outil innovant
2.1 Généralités sur les biocapteurs
2.2 Structure et mode de fonctionnement
2.2.1 Les différents types de transduction
2.2.2 Les éléments biologiques immobilisés
2.2.3 Méthodes d’immobilisation du bioélément
3 Conclusion
Chapitre 2 : Développement d’une méthode de fonctionnalisation du COC
4 Introduction
5 Le copolymère d’oléfine cyclique comme matériau de support
5.1 Présentation du COC
5.2 Fonctionnalisation du COC
5.2.1 Dépôt non-covalent de couches fonctionnelles (coating)
5.2.2 Activation par plasma de la surface
5.2.3 Formation d’une « sous-couche » active
5.3 Les sels d’aryldiazoniums
5.4 Préparation d’aryldiazoniums
5.4.1 Sels utilisés pour les greffages de surfaces
5.4.2 Autres sels de diazoniums préparés
5.5 Méthodes de greffage utilisées
5.5.1 Électrochimie sur surface d’Or
5.5.2 Greffages chimiques sur le COC par activation UV de la surface
5.6 Mise au point de techniques de couplage en surface
5.6.1 Couplages sur des surfaces COC-COOH
5.6.2 Couplages sur des surfaces COC-NH2
6 Conclusion
Chapitre 3 : Modification de l’isatine et couplage en surface
7 Introduction
8 Modification de l’isatine par couplages pallado-catalysés
8.1 Introduction d’une fonction alcool
8.1.1 Utilisation du couplage de Sonogashira
8.2 Introduction d’une fonction amine
8.2.1 Utilisation du couplage de Sonogashira
8.2.2 Utilisation du couplage de Suzuki
8.3 Tentatives d’introduction de la fonction acide
8.3.1 Par couplage de Sonogashira
8.3.2 Par couplage de Suzuki
9 Effets biologiques des isatines modifiées
9.1 Mesure de la concentration minimale d’inhibition de croissance bactérienne
9.1.1 Étendue des molécules étudiées
9.1.2 Technique de mesure et résultats comparés à l’isatine native
9.2 Simulation informatique du docking des molécules dérivées de l’isatine sur la protéine Ami-C
9.2.1 Étude du Docking étape par étape
9.2.2 Résultats obtenus pour le Docking sur AmiC
10 Installation des dérivés d’isatines en surface
10.1 Par transformation d’une fonction amine en diazonium
10.1.1 Greffage électrochimique sur lame d’or
10.1.2 Formation de la fonction diazonium et greffage chimique in-situ sur lame de COC
10.2 Par couplage avec des surfaces fonctionnalisées
10.2.1 Estérification avec TBTU
10.2.2 Couplage peptidique avec EDC/NHS
10.2.3 Couplage peptidique avec CDI
10.2.4 Couplage de Sonogashira en surface
11 Conclusion
Bilan et perspectives
Annexes
1 Abbreviations
2 Materials and methods
3 Synthesis
3.1 Diazonium formation
3.1.1 4-Carboxymethylbenzene diazonium (2)
3.1.2 4-Aminobenzene diazonium (4)
3.1.3 4-Ethynylbenzene diazonium (6)
3.2 General procedure for the Sonogashira reaction type
3.2.1 Precursor synthesis
3.2.2 5-(3-hydroxyprop-1-yn-1-yl)indoline-2,3-dione (30)
3.2.3 5-(4-hydroxybut-1-yn-1-yl)indoline-2,3-dione (37)
3.2.4 tert-butyl (3-(2,3-dioxoindolin-5-yl)prop-2-yn-1-yl)carbamate (41)
3.2.5 4-(2,3-dioxoindolin-5-ethynyl)aniline (51)
3.3 General procedure for the Suzuki reaction type
3.3.1 5′-Iodospiro[[1,3]dioxolane-2,3′-indolin]-2′-one (54)
3.3.2 Spiro[1,3-dioxolane-2,3’-indol]-2’(1’H)-one, 5’-(4-aminophenyl) (57a)
3.3.3 Spiro[1,3-dioxolane-2,3’-indol]-2’(1’H)-one, 5’-(3-aminophenyl) (57b)
4 1H NMR spectrum
Références bibliographiques

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