Développement d’un modèle champ électrique-magnétique 2D

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La modélisation CEM

La CEM doit être vue sous deux approches :
• Normative ou légale. Dans ce cas, le dispositif électronique est considéré vis-à-vis de son environnement. Différentes normes ou directives ont été définies au niveau mondial, européen et français. Lorsqu’un produit est fabriqué, il doit passer différents tests pour évaluer sa conformité avant la mise sur le marché. S’il respecte les normes, il pourra avoir le marquage CE (Conformité Européenne).
• Fonctionnelle. D’un point de vue pratique, les appareils doivent fonctionner convenablement, c’est-à-dire, ils doivent accomplir les fonctions pour lesquelles ils ont été développés. Cela concerne la compatibilité interne de l’équipement et par là-même nous pouvons parler d’auto-compatibilité.
Dans ce contexte, les industriels concernés par les problématiques de CEM, c’est-à-dire, les constructeurs de composants électroniques, les fournisseurs de cartes électroniques et les utilisateurs d’électronique embarquée (principalement des secteurs automobile et aéronautique) ont intérêt à prévoir les interférences électromagnétiques avant même la fabrication des dispositifs pour des raisons économiques et de qualité.
La CEM est alors prise en compte au plus tôt de la phase de conception et elle est importante à tous les niveaux : composant, carte qui intègre les composants, sous-ensembles qui comportent plusieurs cartes, équipements qui regroupent les sous-ensembles (figure 6). La conformité à chaque échelon favorise le bon fonctionnement lors des phases d’intégration et la démarche CEM tend à décliner les exigences CEM au plus bas niveau, c’est-à-dire, jusqu’au composant.
Pour la prédiction des éventuelles perturbations électromagnétiques, les industriels utilisent de plus en plus les simulations électromagnétiques dès les premières étapes de la conception du système ([3]-[5]). Pour prévoir la CEM au niveau d’un système complet, les entreprises effectuent des simulations qui requièrent des modèles de composants. Ces modèles vont servir à la simulation des cartes électroniques et les modèles des cartes vont servir à leur tour à modéliser les équipements puis les systèmes complets.
Cette thématique intéresse les industriels mais aussi les divers laboratoires, et notamment notre institut IRSEEM (Institut de Recherche en Systèmes Electroniques Embarqués) qui développe ces thématiques depuis plusieurs années et a proposé différents modèles : sur les émissions rayonnées [6], sur l’immunité rayonnée [7] et sur l’immunité conduite [8].
L’objectif de ma thèse, comme nous le verrons plus précisément au paragraphe 1.5.2, est d’étudier les aspects de CEM au niveau des circuits électroniques (composants et cartes) du point de vue de l’émission et de développer des modèles de rayonnement qui puissent recréer le même champ électromagnétique que le système caractérisé. Cela doit permettre d’évaluer le rayonnement global d’une carte et d’estimer les couplages avec d’autres cartes ou composants.
Nous faisons, par la suite, un état de l’art sur les différents modèles d’émission rayonnée.

Modèles basés sur des sources équivalentes

Ces modèles représentent le dispositif à caractériser comme un ensemble de sources élémentaires équivalentes qui rayonnent le même champ électromagnétique (figure 8).
Le réseau de sources équivalentes est caractérisé par les éléments suivants : le nombre de sources, leur type (dipôle électrique ou magnétique, densité de courant électrique ou magnétique), leur position, leur orientation dans l’espace et leur courant. Ces paramètres sont soit fixés au préalable par l’utilisateur soit déterminés à l’aide de l’architecture du circuit ou à l’aide des cartes de champ magnétique et/ou électrique. La fréquence est également un paramètre à prendre en compte et souvent, un modèle construit ne correspond qu’à une activité spécifique du composant. La diversité des modèles basés sur des sources équivalentes est fonction des différents moyens d’obtention des variables. Ainsi, nous trouvons des méthodes de résolution basées sur des calculs mathématiques comprenant des inversions de matrices, des algorithmes d’optimisation (différentes techniques telles que les algorithmes génétiques ou la méthode de Levenberg Marquardt sont utilisées), des analyses de la topologie des circuits …
Pour le calcul et/ou validation du modèle, des cartographies du champ électromagnétique proche sont utilisées. Elles sont obtenues à l’aide de simulations ou de mesures en coordonnées cartésiennes ou sphériques.

Modèles développés à l’IRSEEM

Un modèle du champ magnétique a été développé dans notre laboratoire et est présenté dans [9]. Le réseau de sources équivalentes est composé uniquement de dipôles électriques distribués sur un plan XY. Le nombre et la position des sources est fixé au préalable ; restent comme inconnues du modèle les orientations et les courants qui parcourent les sources. Pour leur détermination, les cartographies des composantes tangentielles du champ magnétique (Hx et Hy) en champ proche sont nécessaires.
L’analyse mathématique de cette approche repose sur les équations du rayonnement magnétique d’un dipôle électrique placé sur un plan XY ([10]). Elles peuvent être écrites comme suit : H x H y
= I0 × ax × sin q
= I0 × a y × cos q (4)
= I0 ×az1 × sin q + az 2 × cos q
avec I0 le courant traversant le dipôle, l’orientation du dipôle dans le plan XY et  un paramètre dépendant de la fréquence et de la distance au dipôle.
Le champ total rayonné est dû à la contribution de tous les dipôles, le problème peut alors être exprimé sous forme matricielle : H x  I 0 sin q (5)

Modules du projet
Le projet EPEA comporte six lots ou Work-Packages :
• Le WP0 est chargé de manager et coordonner le projet.
• Le WP1 traite sur la modélisation de l’immunité CEM des composants. Il a pour objectif d’élaborer le format des modèles de susceptibilités conduites et rayonnées, la caractérisation des paramètres des modèles, sa validation et la normalisation auprès des organismes UTE et IEC.
• Le WP2 aborde la modélisation des composants et cartes par la mesure en champ proche ainsi que le développement et la validation d’un outil de mesure champ proche. Mes travaux de thèse s’inscrivent dans ce groupe de travail. Nous détaillerons les objectifs de nos travaux dans le paragraphe suivant.
• Le WP3 travaille sur le développement des méthodes d’évaluation et de validation des outils de simulation CEM pour les équipements. Les méthodes sont testées sur des cas canoniques pour démontrer la fiabilité de la prédiction CEM de chaque simulateur.
• Le WP4 étudie la simulation de l’émission d’un équipement avec ses interfaces système. Le modèle est comparé à une mesure de l’émission (rayonnée et conduite) d’un équipement sur un banc d’essai incluant ses interfaces (connecteurs, câblages, …).
• Le WP5 établit et organise la plateforme (pendant et après le projet). Il établit la structure juridique, les accords de partenariat, les accords commerciaux et les aspects de propriétés industrielles et intellectuelles. La mise en place des sessions de formation et les actions de communication (portail web, conférences, publications, …) sont aussi abordées.
Work-Package 2 et objectifs de la thèse
L’objectif du WP2 est de concevoir, développer et caractériser un outil commun de mesure de champ proche dédié aux cartes électroniques et aux composants. Cet outil sera validé par des confrontations mesures/simulations sur des cas tests. La conception et la caractérisation des sondes utilisées sur le banc de mesures sont aussi abordées ainsi que les techniques de traitement du signal et de post-traitement nécessaires aux mesures en champ proche. La dernière partie porte sur les applications et les extensions des techniques champ proche notamment pour la modélisation des cartes et composants et pour la validation des outils de simulation.
Mes travaux de thèse s’inscrivent dans ce contexte. L’objectif est de développer un modèle des émissions rayonnées de composants et dispositifs électroniques qui puisse recréer le même champ électromagnétique que le système caractérisé. Ainsi, quel que soit le point d’observation, nous devons être capables d’évaluer son champ électrique et son champ magnétique émis. La connaissance des champs peut être utile pour évaluer le rayonnement global d’une carte et estimer les couplages avec d’autres cartes ou composants.
Le modèle à développer doit répondre à plusieurs critères :
• au niveau de sa conception, il doit être le plus simple possible (i.e. limiter le nombre de données d’entrée à son strict minimum et mettre en place une procédure de construction qui soit la plus rapide possible),
• il doit être générique, sa construction ne doit pas demander de connaissances particulières sur l’architecture interne du composant,
• le modèle doit être facilement exploitable par l’ingénieur concepteur de dispositifs électroniques. Il doit pouvoir être utilisé en tant que tel pour
estimer le rayonnement en champ lointain par exemple et doit être intégrable dans les outils de simulation électromagnétique afin d’estimer les couplages avec des pistes de PCBs, des câbles, des enceintes métalliques…
L’un de partenaires du projet EPEA, Flomerics, proposait le logiciel électromagnétique Microstripes (avant que ce dernier soit repris par CST), logiciel capable de calculer les champs électromagnétiques et d’analyser des structures d’un point de vue CEM. Ainsi, nous avons testé ce logiciel sur notre problématique.
Insertion des cartes des champs sous Microstripes
Microstripes de CST ([53]) est un logiciel de simulation électromagnétique basé sur la méthode temporelle TLM (Transmission Line Matrix). Il permet de créer un modèle appelé « Compact Source » basé sur l’utilisation des surfaces équivalentes qui rayonnent les mêmes champs électrique et magnétique que le dispositif.
L’objectif dans ce cas est d’intégrer, dans le logiciel, les cartographies champ proche rayonnées par un dispositif. La démarche consiste à :
• Mesurer les composantes tangentielles du champ magnétique Hx et Hy au-dessus du composant.
• Développer une routine sous MatLab pour convertir les fichiers de mesure en un fichier source .esf pour Microstripes.
• Simuler sous Microstripes et exporter les résultats pour comparer avec la mesure.
Les composantes Hx et Hy sur la surface équivalente nous permettent de calculer la densité de courant surfacique électrique grâce à : rrJS,x Hy JS  nˆ H (73)
Puisque nous ne travaillons qu’avec le champ magnétique, nous considérons le champ électrique nul et en conséquence, il n’y a pas de densités de courant r magnétique MS sur la surface : rr MS nˆ E (74)
Une source de rayonnement sous Microstripes est définie par un parallélépipède. Toutes les surfaces de la cellule ont une valeur de courant associée. Pour l’adapter à notre cas (mesure sur une surface planaire), nous attribuons les valeurs mesurées à la surface supérieure et zéro sur toutes les autres comme indiqué sur la figure 28.
Mesure en champ proche
Banc de mesure champ proche
Pour réaliser les mesures nécessaires pour l’obtention du modèle, nous utilisons un des bancs champ proche de l’IRSEEM [54]. Le premier est composé d’un robot cinq axes (3 translations, 2 rotations) avec une résolution mécanique de 10µm pour les directions (x,y,z) et de 0,009° pour les deux rotations. Les déplacements maximaux sont de 200cm (x) x 100cm (y) x 60cm (z). Le second banc est composé d’un robot trois axes (translations) avec une résolution mécanique de 5µm et des déplacements maximaux de 50cm (x) x 50cm (y) x 15cm (z).
Pour mesurer le champ émis, nous utilisons successivement plusieurs sondes sensibles chacune à une certaine composante du champ électrique ou magnétique. Les sondes sont placées sur le bras du robot qui, commandé par un PC, les déplace au-dessus du dispositif sous test (DST). Le PC effectue l’acquisition des données mesurées par un analyseur de réseau (VNA) ou un analyseur de spectre (figure 38). Ces données (tensions) sont converties en champs électrique et magnétique (amplitude et phase) grâce à un calibrage de sondes que nous présentons dans les paragraphes suivants.
Sondes de mesure
La figure 39 présente les sondes de mesure utilisées. La sonde (a) est un dipôle électrique qui capte les composantes tangentielles du champ électrique (Ex et Ey en tournant la sonde de 90° autour de l’axe z) [55]. Le dipôle est construit à partir de deux câbles coaxiaux adjacents. Chaque brin du dipôle a 3mm de longueur et provient du conducteur central des câbles coaxiaux. La sonde est connectée à un coupleur hybride 180° qui sert de balun en permettant de retrouver la tension différentielle entre les deux âmes des deux câbles coaxiaux. L’analyseur mesure la différence entre les deux signaux d’entrée du coupleur.
Pour mesurer la composante normale du champ électrique (Ez) nous utilisons la sonde (b). Il s’agit d’un câble coaxial d’impédance caractéristique 50Ω en circuit ouvert. La masse du coaxial est prolongée à son extrémité par un plateau carré afin d’améliorer les performances de la sonde [56]. Cette sonde doit être placée perpendiculairement au dispositif sous test pour mesurer la composante normale du champ E .
La dernière sonde [57] mesure le champ magnétique. Il s’agit d’une petite boucle de surface 3,14mm2 réalisée à partir du conducteur central de deux câbles coaxiaux adjacents. Nous utilisons aussi dans ce cas un coupleur hybride 180° comme balun. La boucle mesure le champ magnétique perpendiculaire à sa surface, la sonde (c) nous permet d’avoir les composantes tangentielles (Hx et Hy) et la sonde (d), qui a un coude de 90°, la composante normale (Hz).

Chaînes de mesure et son calibrage

Entre la sonde captant les champs rayonnés et l’appareil de mesure, nous intercalons plusieurs dispositifs (un coupleur hybride 180°, un amplificateur faible bruit pour améliorer la sensibilité de la chaîne de mesure, des câbles pouvant atteindre quelques mètres). Pour passer de la tension mesurée par l’appareil de mesure aux niveaux de champ, il est nécessaire de réaliser un calibrage de la chaîne. Nous décrivons maintenant la procédure suivie.
Composantes tangentielles du champ électrique
La chaîne de mesure des composantes tangentielles Ex et Ey est représentée sur la figure 40.
La sonde dipôle électrique différentielle est branchée aux ports d’entrée d’un coupleur hybride 180°. Nous nous intéressons à la sortie Δ du coupleur que nous branchons à un amplificateur. La sortie de l’amplificateur est ensuite connectée à l’appareil de mesure qui sera soit un analyseur de spectre soit un analyseur de réseaux.
L’appareil de mesure nous fournit des données qui peuvent être facilement transformées en tension (Vmes). Le calibrage consiste donc à trouver le facteur a qui ( Et aVmes ).
Il est toujours possible de réaliser théoriquement ou par simulation électrique le calibrage de la chaîne de mesure mais pour ce faire il est nécessaire de modéliser la sonde i.e. de trouver une expression liant V0 au champ tangentiel. Cela étant un peu délicat dans le cadre du dipôle, nous préférons utiliser un circuit dont nous connaissons le rayonnement théorique Et,theo. Le facteur a est alors calculé comme a Et ,theo V’mes (où V’mes est la mesure du rayonnement du circuit étalon).

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 : La modélisation CEM des composants électroniques
1.1. Introduction
1.2. La Compatibilité Electromagnétique (CEM)
1.2.1. Définition de la CEM
1.2.2. La modélisation CEM
1.3. Modèles de rayonnement existants
1.3.1. Modèles basés sur des sources équivalentes
1.3.1.1. Modèles développés à l’IRSEEM
1.3.1.2. Modèles développés dans d’autres laboratoires
1.3.2. Modèles mathématiques
1.4. Bilan des modèles
1.5. Contexte des travaux
1.5.1. Modules du projet
1.5.2. Work-Package 2 et objectifs de la thèse
1.6. Insertion des cartes des champs sous Microstripes
1.7. Conclusions
Chapitre 2 : Développement d’un modèle champ électrique-magnétique 2D
2.1. Introduction
2.2. Méthodologie de modélisation
2.3. Mesure en champ proche
2.3.1. Banc de mesure champ proche
2.3.2. Sondes de mesure
2.3.3. Chaînes de mesure et son calibrage
2.3.3.1. Composantes tangentielles du champ électrique
2.3.3.2. Composante normale du champ électrique
2.3.3.3. Champ magnétique
2.3.4. Validation du calibrage
2.3.5. Mesure de la phase pour les circuits actifs
2.4. Application du modèle sur des circuits passifs
2.4.1. Ligne microruban
2.4.2. Diviseur de puissance de Wilkinson
2.5. Application du modèle sur des circuits actifs
2.6. Insertion du modèle sous HFSS
2.6.1. Utilisation du modèle
2.6.1.1. Insertion d’un dipôle magnétique sous HFSS
2.6.1.2. Etude sur la validité de la représentation d’un dipôle magnétique comme une boucle électrique équivalente discrétisée
2.6.1.3. Algorithme d’insertion sous HFSS
2.6.2. Réduction du nombre des sources
2.6.3. Application de l’insertion du modèle sous HFSS
2.6.3.1. Circuit passif : diviseur de puissance de Wilkinson
2.6.3.2. Circuit actif : oscillateur
2.7. Discussion sur le modèle
2.7.1. Etude sur la normalisation des matrices à inverser
2.7.2. Etude de la robustesse du modèle face aux perturbations de mesure
2.8. Conclusions
Chapitre 3 : Applications CEM du modèle d’émission rayonnée et extension à un modèle 3D
3.1. Introduction
3.2. Prédiction du couplage induit sur une ligne de transmission
3.2.1. Etat de l’art
3.2.2. Etude du couplage à partir du modèle de rayonnement
3.2.2.1. Association du modèle de Taylor au modèle de rayonnement
3.2.2.2. Calcul du couplage par simulation numérique
3.2.2.3. Résumé des deux méthodes d’obtention du couplage
3.2.3. Couplage entre un diviseur de puissance de Wilkinson et un câble audessus d’un plan de masse
3.2.4. Couplage entre un oscillateur et un câble au-dessus d’un plan de masse
3.2.5. Bilan des deux méthodes pour estimer le couplage
3.3. Application du modèle de rayonnement en champ lointain
3.4. Modèle 3D
3.4.1. Prédiction des champs sur les côtés des dispositifs
3.4.2. Proposition d’un modèle 3D
3.4.2.1. Application de la méthode sur un cas simple
3.4.2.2. Application du modèle sur une self
3.5. Conclusions
Conclusion générale et perspectives
Bibliographie

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