Physiologie de l’audition
L’information auditive, recueillie au niveau de l’oreille externe, va être acheminée jusqu’au système nerveux central. Ce faisant, le stimulus initial mécanique (vibratoire) va être transformé en message électrique (décrypté par le système nerveux central). Il y a donc, dans le processus d’audition, transduction d’ondes acoustiques en impulsion neurale. Cette physiologie pouvant être retrouvée en détails dans divers ouvrages, nous ne la développerons pas outre mesure. L’audition ne consiste pas en une « simple » perception des sons de notre environnement. Si cette détection, cette perception en est la première et nécessaire étape, le message auditif doit ensuite être intégré, traité, puis compris. « Entendre », ce n’est pas que percevoir les sons, c’est aussi comprendre, et cette compréhension achève le processus d’audition. L’audition est donc un phénomène complexe. Plusieurs questionnements émergent de ces informations : Quelle est la nature des éléments qui transitent par les différents constituants du système auditif ? Quelles sont les informations transmises et comment sont-elles codées ? Comment ces informations sont-elles traitées ? Sur quelles unités de perception minimales nous basons-nous pour percevoir la parole ? Comment l’accès au lexique à partir des unités sonores est-il permis ? Quels sont les processus qui permettent la compréhension du message ? Nous nous attacherons tout d’abord à la perception auditive, en abordant dans un premier temps les trois niveaux de cette perception et dans un second les différentes théories se proposant de l’expliciter. Comme nous allons le voir, il n’existe pas de consensus à ce sujet.
Les trois niveaux de la perception de la parole
Serniclaes (cité par López Krahe, 2007) a mis en évidence, en 2000, les trois niveaux du système de perception de la parole : le niveau psychoacoustique, le niveau phonétique et le niveau phonologique. Ainsi, le traitement auditif ne se limite pas à une transduction d’ondes acoustiques en impulsion neurale, transduction qui peut être assurée par l’implant lorsque la cochlée est défaillante.
Le niveau psychoacoustique : Il est périphérique et situé bilatéralement. C’est à ce niveau, sensible aux détails acoustiques, qu’a lieu l’extraction d’indices auditifs complexes. En 1976, Cutting a montré que c’est ici que se produit la prise en compte de la différence de localisation spatiale lorsque le même stimulus est présenté avec des intensités différentes dans les deux oreilles (López Krahe, 2007).
Le niveau phonétique : Ce niveau de traitement ne se situe pas uniquement au niveau central. En effet, une sélection a déjà lieu au niveau de la cochlée du fait de l’organisation tonotopique de cette dernière. On y observe une sensibilité aux traits universels de la parole, et ce indépendamment de la langue considérée. Ce niveau, plus élaboré que le précédent, est indépendant de l’expérience qu’a le sujet des sons de sa langue. Le traitement effectué est plus abstrait que celui du niveau précédent : il procède par intégration des indices acoustiques qui y ont été extraits. En effet, les représentations phonétiques étant plus abstraites que celles du signal acoustique, la perception d’un trait .Les composants du signal acoustique étant : intensité, temps et fréquence, comme nous l’avons vu plus haut. phonétique ne dépend pas d’un seul indice acoustique mais de l’association de plusieurs d’entre eux.
Le niveau phonologique : Chaque langue détient son propre système phonologique, c’est-à-dire son propre répertoire de sons. Ce niveau permet ainsi la perception de catégories sonores propres à la langue de l’individu. D’un point de vue physiologique, le traitement périphérique, réalisé au niveau de la cochlée, apparaît presque d’emblée. Intégration et traitement du message ont donc lieu précocement. En effet, selon Virole (2000, page 70), l’oreille est capable de « percevoir simultanément plusieurs sons qui se distinguent par la fréquence ». Cela s’expliquerait par l’existence, dans la cochlée, de neurones correspondant à des bandes fréquentielles définies, excités différemment et qui de fait aboutissent à une sensation sonore particulière en fonction du message acoustique.
Théorie Motrice de la Perception de la Parole (TMPP)
Elle a été élaborée par Libermann et Mattingly en 1985. Leur hypothèse est que l’auditeur, lorsqu’il perçoit la parole, perçoit en réalité les gestes articulatoires de ceux qui la produisent (Calbour, Dumont, 2002). Autrement dit, l’objet de la perception n’est pas construit par le signal acoustique lui-même mais par les gestes articulatoires qui sont à son origine. La TMPP est née du constat qu’il est difficile, du fait de phénomènes tels que la coarticulation, d’extraire des invariants du signal de la parole. Ainsi, la lisibilité des indices articulatoires au niveau des mouvements qui les produisent est meilleure qu’au niveau phonétique : ce sont les représentations praxiques des sons, et non les phonèmes, qui sont stables. Les sons perçus nous renverraient en fait leur représentation praxique, images que nous utilisons nous-mêmes lorsque nous produisons ces sons. L’enfant, en articulant, en produisant des sons, s’entraîne donc à les percevoir. D’après Calbour et Dumont (2002, page 20), « les ‘‘sonorités’’ ne sont plus l’objet principal de la perception, mais les simples témoins de leur origine motrice ».
Les unités perceptives de base
Puisque nous abordons la perception de la parole, il nous faut nous attacher à ce que nous appelons les unités perceptives de base. Quelles sont-elles ? Sur quelles unités minimales nous basons nous pour percevoir la parole ? Quel est le plus petit élément sur lequel nous nous appuyons, celui à la base du processus de perception ? Les implications thérapeutiques de cette réponse sont primordiales lorsque la perception de la parole est abordée, a fortiori avec un enfant sourd : quel matériel sonore lui proposer ? Savin et Bever, soutenus par la suite par Mehler, Dommergues et Frauenfelder (cités par Nguyen, 2005) ont proposé des tâches de détection de fragment4 à des français ainsi qu’à des anglais. Selon eux, les syllabes primeraient sur les phonèmes lors de la perception de la parole : l’unité perceptive de base serait donc la syllabe. Certains auteurs (Cutler, Mehler, Norris, Segui, Ibid.) ont avancé l’idée que cet effet syllabique serait en fait caractéristique de certaines langues comme le français par exemple. D’après eux, la stratégie de perception de la parole serait différente chez les anglais. Bien qu’aucune expérience n’ait véritablement pu le prouver, Content, Frauenfelder et collaborateurs (Ibid.) ont émis l’hypothèse que certains constituants de la syllabe, comme l’attaque, pourraient servir de point d’ancrage, c’est-à-dire de matériel de base au traitement auditif. D’autres travaux ont mis en évidence le fait que le trait serait à la base du processus de perception, et se placent donc au même niveau que les théories de détecteurs de traits pour la perception de la parole. Certains modèles postulent ainsi que l’auditeur établit une correspondance directe entre une représentation en traits du signal de parole et le lexique, sans passer par un niveau phonémique ou syllabique. Enfin, citons l’étude de Goldinger et Azuma (Ibid.) qui tendrait à montrer qu’il n’y aurait pas, en réalité, de modèle unique de ces unités de base. Selon eux, l’auditeur pourrait être simultanément sensible à des unités de taille différentes
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Table des matières
INTRODUCTION
ANCRAGES THÉORIQUES
Chapitre 1 : De la perception à la compréhension du message auditif
1.1 Brefs rappels concernant l’audition
1.1.1 Les paramètres acoustiques du son
1.1.2 Physiologie de l’audition
1.2 La perception du message auditif
1.2.1 Les trois niveaux de la perception de la parole
1.2.2 Théories pour la perception de la parole
1.2.2.1 Théories sensorielles
1.2.2.2 La perception directe de Gibson
1.2.2.3 Théorie Motrice de la Perception de la Parole (TMPP)
1.2.2.4 Théorie de Fowler
1.2.2.5 Théorie des détecteurs de traits
1.2.2.6 Modèles connexionnistes
1.2.2.7 La perception audiovisuelle de la parole
1.2.2.7.1 « La perception audiovisuelle de la parole est […] une évidence fonctionnelle » (Calbour, Dumont, 2002, page 25)
1.2.2.7.2 La réalité des interactions audio-visuelles : « l’effet McGurk »
1.3 Les unités perceptives de base
1.4 Le traitement du message auditif
1.4.1 Les phénomènes d’interaction audiovisuelle
1.4.2 Architectures et natures des mécanismes de fusion audiovisuelle
1.5 La compréhension du message auditif
1.5.1 L’identification des phonèmes
1.5.2 Les représentations lexicales
1.5.2.1 Le modèle abstractionniste
1.5.2.2 Le modèle à exemplaires
1.5.3 La reconnaissance des mots
1.5.3.1 Le modèle de la Cohorte de Marslen et Wilson
1.5.3.2 Le modèle TRACE de McClelland et Ellman
1.5.3.3 Le modèle NAM (Neighborhood Activation Model) de Luce et Pisoni
1.5.4 Les informations fournies par les éléments syntaxiques
1.5.5 L’expérience et les connaissances de l’auditeur
1.5.6 Les procédures mises en jeu dans la compréhension
1.5.6.1 La procédure ascendante
1.5.6.2 La procédure descendante
Chapitre 2 : Développement du langage et impact de la déficience auditive
2.1 Le rôle des aspects perceptifs dans le développement du langage des enfants
2.1.1 Le contexte interactionnel
2.1.2 Le rôle de la prosodie
2.1.3 La perception catégorielle
2.2 Développement des premiers comportements oraux et impact de la déficience auditive
2.3 Ecueils dans les échanges entre le parent entendant et son enfant sourd : une réelle perturbation de la communication
2.4 Conséquences de la déficience auditive sur le développement ultérieur du langage de l’enfant
2.4.1 Apparition du premier mot
2.4.2 Le développement lexical de l’enfant sourd
2.4.3 La maîtrise de la syntaxe et de la morphosyntaxe
2.4.3.1 Hypothèses explicatives des difficultés d’acquisition morphosyntaxique de l’enfant sourd
2.4.3.2 Caractéristiques de la maîtrise morphosyntaxique de l’enfant déficient auditif
2.4.3.3 Délai ou déviance de l’acquisition morphosyntaxique du langage par les sujets sourds ?
Chapitre 3 : La prise en charge de la surdité
3.1 Les aides auditives
3.1.1 Les prothèses auditives conventionnelles
3.1.2 L’implant cochléaire
3.2 Les méthodes d’éducation à destination des enfants sourds
3.2.1 L’approche visuogestuelle
3.2.2 L’approche audiophonatoire
3.2.2.1 « L’oralisme pur »
3.2.2.2 L’approche audiophonatoire en français
3.2.2.2.1 Les aides manuelles à la langue parlée
3.2.2.2.2 Le français signé
3.2.2.3 L’approche audiophonatoire en français avec LSF
3.2.3 La communication totale ou multimodale
3.3 Les bénéfices du LPC
3.3.1 Bénéfices du LPC au niveau du langage oral de l’enfant sourd
3.3.1.1 La réception du message oral.
3.3.1.2 L’acquisition de la morphosyntaxe
3.3.2 Bénéfices du LPC au niveau du développement cognitif de l’enfant sourd
3.3.2.1 Les habiletés métaphonologiques
3.3.2.2 La mémoire phonologique de travail
3.3.3 Bénéfices du LPC au niveau du langage écrit de l’enfant sourd
3.3.4 La parole intérieure
Chapitre 4 : La lecture labiale
4.1 Définitions
4.2 Les facteurs influençant la lecture labiale
4.2.1 Les facteurs liés à la situation communicationnelle
4.2.2 Les facteurs liés à l’émetteur du message oral
4.2.3 Les facteurs liés au labiolecteur lui même
4.3 « Que doit-on percevoir ? » : les information visuelles
4.3.1 Les mouvements des organes phonateurs
4.3.2 Les visèmes
4.3.2.1 Les visèmes consonnes
4.3.2.2 Les visèmes voyelles
4.4 L’importance de la lecture labiale en fonction du degré de surdité
4.5 Les limites de la lecture labiale
DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE
1. Pourquoi un jeu de lecture labiale ?
2. Les deux axes de mon travail
3. Les épreuves
3.1. Les trois types d’activités : analytique, semi-global, global
3.2. Le matériel verbal
3.3. Les supports des énigmes
3.4. La progression des épreuves
4. Les capacités requises pour pouvoir participer au jeu
5. L’intrigue, les personnages, les lieux
6. Les objectifs de l’expérimentation
7. Le descriptif des épreuves
7.1. Les prénoms
7.2. Les horloges
7.3. À quoi vont servir les objets de la liste ?
7.4. Les vêtements de Tommy
7.5. Le sac à dos
7.6. L’école
7.6.1. Que vois-tu ?
7.6.2. Quelle est la leçon du jour ?
7.6.3. Que choisir ?
7.6.4. De qui parle-t-il ?
7.6.5. Les affaires de Tommy
7.6.6. La poésie
7.7. La plage
7.7.1. En rythme !
7.7.2. Budy aime …
7.7.3. Qu’est-ce que c’est ?
7.7.4. Méli-mélo des mots
7.7.5. De quoi parle Budy sur la plage ?
7.8. Le parc
7.8.1. Oui ou non ?
7.8.2. Quel est le métier de Budy ?
7.8.3. Le contraire !
7.9. Le supermarché
7.9.1. Devine ce que Tommy essaie de dire à Budy
7.9.2. Qu’avons-nous acheté ?
7.9.3. C’est fou !
7.9.4. Combien ça coûte ?
7.9.5. Qu’est-ce qu’ils disent ?
7.10. Le magasin de jouets
7.10.1. Quelle bouche vois-tu ?
7.10.2. Le jeu de l’étagère
7.10.3. Il y en a plusieurs !
7.10.4. Le jeu de la rime
7.10.5. Quel est le jouet préféré de Budy ?
7.11. La maison de Tommy
7.11.1. La salle de bain
7.11.1.1. Qu’a fait Simon ?
7.11.1.2. À qui est-ce ?
7.11.2. Le salon
7.11.2.1. Pub
7.11.2.2. Les nouvelles du jour
7.11.2.3. Bonne ou mauvaise nouvelle ?
7.11.2.4. Content ou pas ?
7.11.2.5. La recette
7.11.3. La chambre de Tommy
7.11.3.1. Le courrier de Tommy
7.11.3.2. Que se racontent-ils ?
7.11.3.3. La chasse aux intrus
7.11.3.4. Quelle question ?
7.11.4. La cuisine
7.11.4.1. Où es-tu ?
7.11.4.2. De quoi parle Lola ? ou Qu’a fait Amandine ?
7.11.4.3. Qu’est-ce qu’il dit ?
7.11.4.4. De quoi parle-t-on ?
7.12. Quelle aventure !
8. Le récapitulatif des épreuves
9. La population d’expérimentation
9.1. A.
9.2. E.
9.3. G.
9.4. M.
9.5. S.
ANALYSE DES RÉSULTATS
1. Les prénoms
2. Les horloges
3. À quoi vont servir les objets de la liste
4. Les vêtements de Tommy
5. Le sac à dos
6. L’école
6.1. Que vois-tu ?
6.2. Quelle est la leçon du jour ?
6.3. Que choisir ?
6.4. De qui parle-t-il ?
6.5. Les affaires de Tommy
6.6. La poésie
7. La plage
7.1. En rythme !
7.2. Budy aime …
7.3. Qu’est-ce que c’est ?
7.4. Méli-mélo des mots
7.5. De quoi parle Budy sur la plage ?
8. Le parc
8.1. Oui ou non ?
8.2. Quel est le métier de Budy ?
8.3. Le contraire !
9. Le supermarché
9.1. Devine ce que Tommy essaie de dire à Budy
9.2. Qu’avons-nous acheté ?
9.3. C’est fou !
9.4. Combien ça coûte ?
9.5. Qu’est-ce qu’ils disent ?
10. Le magasin de jouets
10.1. Quelle bouche vois-tu ?
10.2. Le jeu de l’étagère
10.3. Il y en a plusieurs !
10.4. Le jeu de la rime
10.5. Quel est le jouet préféré de Budy ?
11. La maison de Tommy
11.1. La salle de bain
11.1.1. Qu’a fait Simon ?
11.1.2. À qui est-ce ?
11.2. Le salon
11.2.1. Pub
11.2.2. Les nouvelles du jour
11.2.3. Bonne ou mauvaise nouvelle ?
11.2.4. Content ou pas ?
11.2.5. La recette
11.3. La chambre de Tommy
11.3.1. Le courrier de Tommy
11.3.2. Que se racontent-ils ?
11.3.3. La chasse aux intrus
11.3.4. Quelle question ?
11.4. La cuisine
11.4.1. Où es-tu ?
11.4.2. De quoi parle Lola ? ou Qu’a fait Amandine ?
11.4.3. Qu’est-ce qu’il dit ?
11.4.4. De quoi parle-t-on ?
12. Quelle aventure !
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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