La recherche des années 1980 a été marquée par l‟apparition de micro-capteurs et micro-actionneurs comportant des structures mécaniques mobiles. Cela correspond au début d‟un important développement des systèmes micro-électro-mécaniques (MEMS). Le développement continu de ces microsystèmes dans pratiquement toutes les branches de l‟industrie nécessite une bonne connaissance des matériaux qui les composent. De nouvelles orientations de recherches dans le domaine de la mécanique et des sciences des matériaux à l‟échelle micro et nanoscopique ont ainsi vu le jour.
L‟amélioration des performances et la fiabilité sont les préoccupations majeures de l‟industrie des microsystèmes. En effet, la miniaturisation des MEMS entraine la création de nouvelles structures de matériaux et par voie de conséquence un besoin accru de pouvoir les caractériser en développant des techniques et méthodes adaptées à leurs échelles. Il existe différentes méthodes pour caractériser ces matériaux, on peut citer à titre d‟exemple la nano-indentation, le test de micro-traction uni-axiale, l‟essai de micro-flexion et le test de gonflement de membrane. Cependant, ces techniques restent difficiles à mettre en œuvre et à fiabiliser notamment en ce qui concerne la reproductibilité en raison de la très faible taille des éprouvettes. Le principal objectif des travaux présentés dans ce mémoire est la mise en place d‟une technique fiable pour la caractérisation mécanique des matériaux déposés en couches minces. Une recherche bibliographique a permis de faire le point sur les principales techniques existantes. L‟étude des avantages et inconvénients de mise en œuvre de ces techniques a abouti à une classification objective qui nous a poussés à développer une solution opérationnelle basée sur un banc de test de gonflement de membrane.
Le test de gonflement est un essai mécanique non destructif utilisé pour évaluer les propriétés mécaniques des matériaux, en particulier le module d’Young, le coefficient de Poisson et la contrainte résiduelle de fabrication. Ce test peut être appliqué à des membranes de géométrie carrée, rectangulaire ou circulaire. Il consiste à appliquer une pression hydrostatique sur une face de la membrane dans le but de la faire fléchir. Les relevés de mesure de la pression en fonction de la déflexion sont utilisés pour extraire les propriétés mécaniques du matériau moyennant un modèle mathématique approprié qui traduit le comportement de la membrane. Si le principe de cette technique est relativement simple, la mise en œuvre, quant à elle, est source de beaucoup de difficultés. Celles-ci concernent aussi bien la mise en place d‟un appareillage performant capable de mesurer avec précision la pression et la déflexion à l‟échelle des microstructures, que l‟interprétation de la théorie ellemême décrivant l‟évolution de la pression en fonction de la déflexion au centre de la membrane.
Les matériaux étudiés, les techniques de caractérisation
Les MEMS
Les systèmes micro-électro-mécaniques dénommés « MEMS », de l’anglais « Micro Electro Mechanical System », peuvent être considérés comme des appareils miniatures composés d’un ou de plusieurs éléments mécaniques et utilisant l’électricité comme source d’énergie.
D’une manière générale, les MEMS servent à convertir un mouvement mécanique en signaux électriques ou vice versa. Les principales fonctions réalisées par ces microsystèmes sont des fonctions de capteurs ou d’actionneurs.
Les MEMS sont utilisés dans pratiquement toutes les branches de l’industrie. Pour ne citer que l’industrie automobile, ils sont présents dans un nombre important de systèmes. Le déclenchement de l’airbag, par exemple, est réalisé à partir d’un capteur constitué par un accéléromètre miniature implanté directement sur la carte électronique dédiée avec les autres composants électroniques. Suite à une décélération rapide, les mouvements microscopiques de l’élément mécanique, provoquent une variation de capacité, cette variation est détectée par la puce électronique qui envoie alors un signal déclenchant l’ouverture de l’airbag. Notons qu’il existe également des micro-structures dans le domaine de la microfluidique. Dans le secteur médical par exemple, il existe des MEMS qui peuvent être implantés dans le corps humain, ceux-ci comportent un capteur, une batterie et un réservoir à médicament. Le capteur mesure un paramètre de la substance à contrôler, une fois cette quantité dépassée (un certain seuil toléré par le corps), un signal est envoyé pour injecter le médicament dans le corps. Les microsystèmes sont obtenus par les techniques de fabrication des circuits imprimés. Ils sont déposés sur des substrats généralement en silicium, mais d’autres matériaux supports sont parfois utilisés notamment quand les propriétés du silicium ne conviennent pas à une application particulière. Les MEMS se différencient de la microélectronique en raison des parties mobiles qu’ils comportent. Les études consacrées aux MEMS sont très nombreuses car cette technologie présente de multiples avantages dans de nombreux domaines. Ils permettent tout d’abord la miniaturisation et par voie de conséquence une réduction importante de la consommation en énergie. Les tailles atteintes rendent certains dispositifs sensibles à la présence de telle ou telle molécule ce qui permet de réduire les temps d’analyse dans la filière biomédicale. L’industrie des MEMS utilise en grande partie des matériaux déposés en films minces (épaisseur très petite par rapport aux deux autres dimensions). Les caractéristiques de ces matériaux sont très sensibles au processus de fabrication et possèdent souvent une loi de comportement différente de celle des matériaux massiques portant le même nom. L’or par exemple est un matériau très utilisé dans le domaine de la micro électronique, il peut être obtenu de deux manières différentes, soit par électrolyse ou par évaporation, les matériaux obtenus par ces deux méthodes n’ont pas les mêmes propriétés mécaniques. Elles sont également différentes de celles de l’or macroscopique. Nous pouvons même prédire qu’elles varieront d’un laboratoire à l’autre. Il est donc indispensable de les caractériser soigneusement à l’aide de techniques et dispositifs spéciaux, adaptées à leur échelle miniaturisée. C’est à ce type de matériau qu’est dédié le banc d’essai objet de notre étude.
La fabrication des MEMS
Les MEMS sont fabriqués en salle blanche, où l’environnement est contrôlé en température, pression et pollution de l’air. A titre d’exemple, nous donnons les étapes technologiques pour la fabrication de membranes autoportées.
Des plaques de types SOI (Silicon On Insolater) en silicium monocristallin sont utilisées comme support de départ. Ces plaques sont pourvues d‟une couche d‟oxyde de silicium (SiO2) prise en sandwich entre deux couches de silicium (Si). L‟intérêt de l‟oxyde de silicium est de réduire la consommation électrique des circuits électroniques.
L‟oxyde de silicium a une épaisseur de 0.5µm, la technique utilisée pour le graver est le « buffer HF ». C‟est une solution liquide d‟acide fluorhydrique généralement utilisée en technologie microélectronique pour éliminer l‟oxyde natif qui se forme à la surface des plaques en silicium. Lors de cette étape les plaques sont plongées dans un bain d‟acide fluorhydrique. L‟oxyde va ainsi être éliminé dans les cavités et également en face avant.
Les propriétés mécaniques des matériaux
En plus de la connaissance des performances optiques, électriques, ou magnétiques nécessaires à la réalisation de la fonction envisagée par le MEMS, la maîtrise de la mécanique des matériaux est obligatoire pour une conception fiable et performante. Mais ceci n’est possible que si l’on connaît bien les caractéristiques des matériaux utilisés. Celles-ci sont très bien maîtrisées à des échelles macroscopiques mais à l’échelle micro et nanoscopique les travaux sont encore du domaine de la recherche.
Les principales caractéristiques recherchées sont d‟abord les caractéristiques élastiques : module d‟Young, coefficient de Poisson, contraintes résiduelles (induites lors de la fabrication), limite élastique. On peut également souhaiter connaître les caractéristiques de plasticité, nous en parlerons plus tard. La plupart des matériaux que nous avons à traiter pour la réalisation de MEMS sont des matériaux métalliques et peuvent être considérés dans un premier temps comme isotropes et traités comme tel.
Le module d’Young
Le module d’Young ou module d’élasticité longitudinal (symbolisé par la lettre E), caractérise la rigidité d’un matériau. Il traduit la relation de proportionnalité entre la contrainte (σ) et la déformation (ε), lorsqu’un matériau subit une déformation totalement réversible. Le coefficient de Poisson (ν) caractérise le rapport des déformations transversales à la déformation longitudinale.
La contrainte résiduelle
La contrainte résiduelle (appelée également contrainte initiale ou interne) est une contrainte mécanique qui subsiste dans un matériau en l’absence de toute sollicitation extérieure. Elle est induite dans les couches minces quand elles sont déposées et d’une manière générale pendant leurs fabrications. Cette contrainte peut être considérée sous forme intrinsèque ou bien sous forme thermique [1]. La contrainte intrinsèque est due aux différences cristallographiques entre les matériaux déposés en couches minces, et la contrainte thermique est due aux différents coefficients d’expansion thermique des matériaux. La quantification de la contrainte résiduelle est nécessaire car elle influe directement sur la fiabilité et sur le bon fonctionnement des structures MEMS. En effet, quand la contrainte résiduelle est élevée, elle peut provoquer des problèmes de fissuration ou de rupture de film [2]. D’autres propriétés physiques, comme la perméabilité, peuvent être affectées par la présence de cette contrainte. Quelques techniques ont été développées pour mesurer ces contraintes dans les films minces [3][4]. La méthode la plus utilisée est probablement celle qui consiste à mesurer la courbure de la structure avant et après dépôt du film sur le substrat. La contrainte initiale est ensuite calculée en utilisant un modèle mathématique adéquat, comme celui de Stoney par exemple.
Le coefficient de Poisson
Le coefficient de Poisson est une constante élastique du matériau, il caractérise l’effet de la contraction sur l’extension quand le matériau subit une contrainte de traction. Dans le cas de films minces, il est difficile de mesurer la contraction d’une éprouvette soumise à un essai de traction. Bauer [6] a mis au point une technique permettant de mesurer le coefficient de Poisson, mais cette méthode nécessite de retirer le film mince de son substrat, ce qui reste très délicat à faire. La technique qui semble la plus fiable pour déterminer ce paramètre est le test de gonflement de membrane. En effet, en faisant un test sur des membranes de géométrie différentes : carrée puis rectangulaire par exemple, il est possible de combiner les modèles mathématiques associés à chacune des géométries pour en extraire en même temps le module d’Young, la contrainte initiale et le coefficient de Poisson .
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE – 1. LES MATERIAUX ETUDIES, LES TECHNIQUES DE CARACTERISATION
1.1. INTRODUCTION
1.2. LES MEMS
1.2.1. La fabrication des MEMS
1.3. LES PROPRIETES MECANIQUES DES MATERIAUX
1.3.1. Le module d’Young
1.3.2. La contrainte résiduelle
1.3.3. Le coefficient de Poisson
1.4. LES PRINCIPAUX ESSAIS MECANIQUES POUR LES MICROSTRUCTURES
1.4.1. Introduction
1.4.2. La Micro-traction uni-axiale
1.4.3. La nanoindentation
1.4.4. La Micro-flexion
1.4.5. La micro-vibrométrie
1.5. LE GONFLEMENT DE MEMBRANES
1.5.1. Historique
1.5.2. Analyse de la fiabilité des mesures et des résultats
1.5.2.1. Effet du procédé de fabrication des structures de test
1.5.2.2. Effet du choix de la face d’application
1.5.2.3. Effet de la fixation de la structure de test
1.5.2.4. Effet de la précision des mesures
1.5.2.4.1. Mesures géométriques
1.5.2.4.2. Mesures de la pression et de la déflexion
1.5.2.5. Limitation du modèle mathématique
1.5.2.5.1. Effet de la présence de contraintes compressives
1.5.2.5.2. Discrimination des constantes élastiques
1.5.2.5.3. Effet de la taille des structures de test
1.6. CONCLUSION
CHAPITRE – 2. LE BANC DE TEST DE GONFLEMENT DE MEMBRANE
2.1. INTRODUCTION
2.2. RAPPEL DE LA TECHNIQUE DE CARACTERISATION PAR GONFLEMENT DE MEMBRANES
2.3. DESCRIPTION DES DIFFERENTES PARTIES DU BANC DE MESURE
2.3.1. Le générateur de pression
2.3.2. Le profilomètre optique
2.3.2.1. Principe
2.3.2.2. Limites de mesurabilité
2.3.2.3. Calcul de la déflexion de membrane
2.3.3. Le porte-échantillon
2.3.3.1. Le porte-échantillon d’origine
2.3.3.2. Les améliorations apportées au porte-échantillon
2.4. PROCEDURE D’AUTOMATISATION DES MESURES
2.5. CONCLUSION
CHAPITRE – 3. ÉTUDE DES MODELES ANALYTIQUES ET NUMERIQUES DU GONFLEMENT DE MEMBRANE
3.1. INTRODUCTION
3.2. MODELISATION ANALYTIQUE
3.2.1. Cas des membranes de géométrie circulaire
3.2.1.1. Solution analytique
3.2.1.2. Modèle hémisphérique
3.2.1.3. Minimisation de l’énergie
3.2.2. Membrane de géométrie rectangulaire
3.3. LA MISE AU POINT DE MODELES ÉLEMENTS FINIS (MEF)
3.3.1. Géométrie circulaire
3.3.1.1. Le modèle coque (Shell)
3.3.1.2. Modèle axisymétrique
3.3.1.3. Modèle 3D
3.3.1.4. Comparaison MEF et modèles théoriques
3.3.2. Géométrie carrée
3.3.3. Géométrie rectangulaire
3.4. ÉTUDE DES CONTRAINTES PAR MODELISATION EN ELEMENTS FINIS POUR UN MATERIAU ELASTOPLASTIQUE
3.4.1. Introduction
3.4.2. Modélisation analytique
3.4.3. Modélisation en éléments finis
3.5. CONCLUSION
CHAPITRE – 4. EFFET DES CONDITIONS AUX LIMITES ET DES INCERTITUDES DIMENSIONNELLES
CONCLUSION