Les sources lasers pour la spectroscopie
La découverte des lasers à colorants monochromatiques et accordables dans les années 70 a révolutioné la spectroscopie, permettant à celle-ci de redéfinir ses buts et sa direction. La lumière laser, intense et monochromatique, n’a pas seulement largement augmenté la sensibilité et la résolution des techniques spectroscopiques classiques, elle a également rendu possible la découverte de nouvelles techniques puissantes, provenant de la spectroscopie non linéaire [5]. En outre, les spectroscopistes n’ont pas simplement regardé la lumière, ils l’ont utilisée comme un outil pour manipuler la matière, et même, pour créer de nouveaux états de la matière.
Aujourd’hui, la spectroscopie laser a trouvé des applications dans la plupart des domaines de la science et de la technologie. On trouve énormément de monographes, de livres, de comptes rendus de conférence dévoués à ce sujet [6, 7]. Des dizaines de milliers de papiers ont été écrits et il est donc impossible de rendre compte de l’état actuel de ce domaine, ainsi que de ses perspectives futures. Nous allons discuter ici des sources lasers et d’autres outils commerciaux intéressants pour le domaine de la métrologie des fréquences optiques. L’accent sera mis en particulier sur les lasers à solides.
Lasers à colorants et diodes lasers L’avancée de la spectroscopie laser a souvent été rendue possible grâce aux progrès technologiques. Les lasers à colorants, largement utilisés depuis leur apparition, permettent de couvrir (en incluant tout le spectre visible) l’intervalle de longueurs d’onde allant de 350 à 950 nm.
Les applications telles que le stockage de données, les imprimantes laser, les télécommunications ainsi que le traitement des matériaux ont aidé au développement des diodes lasers. La sélection de la longueur d’onde avec des réseaux de Bragg, ou avec des éléments sélectifs dans une cavité externe étendue font de ces lasers un bon outil pour la spectroscopie à haute résolution. L’amplification en « fuseaux » (tapered) de diode lasers ou la stabilisation par injection optique conduisent à des puissances moyennes souvent appréciables (plusieurs watts) et peuvent remplacer les systèmes lasers à colorants beaucoup plus coûteux et complexes. Les diodes lasers fonctionnent sur un grand nombre de longueurs d’onde. Par exemple, les diodes lasers de nitrure de gallium et les lasers à cascades quantiques couvrent la région spectrale de l’infrarouge moyen renforçant ainsi l’arsenal des outils spectroscopiques. Les lasers à cascades quantiques, inventé en 1994 [8], peuvent émettre de 3,5 à 90 µm.
Lasers à l’état solide pompés par diode Les lasers Nd:YAG et Nd:YLF doublés en fréquence remplacent maintenant dans 90 % des cas les lasers à argon ionisé (grands consommateurs de puissance), comme sources de pompage pour les lasers accordables tels que les Ti:saphir et les lasers à colorant. Ces lasers à solides monofréquences peuvent aussi pompé des prototypes d’oscillateurs paramétriques optiques continus pour générer du rayonnement infrarouge monochromatique accordable dans un large domaine spectral avec une efficacité impressionante. En outre, avec des lasers à solides monolithiques nous pouvons obtenir des largeurs de raie en mode libre dans la gamme du kilohertz [9]. Nous verrons plus loin d’autres applications de ce type de laser. La génération des harmoniques et des fréquences sommes et différences dans les cristaux non linéaires permettent d’étendre la gamme de longueurs d’onde vers le bleu et l’ultra violet ou la région spectrale infrarouge. Ces processus ont beaucoup gagné en efficacité de conversion et en souplesse avec l’apparition des cristaux non linéaires à quasi-accord de phase.
Une chaîne de diviseurs de fréquence verrouillée en phase Dans un tout autre domaine, concernant cette fois les techniques de mesure et de raccordement des étalons de fréquence depuis les fréquences microonde jusqu’au visible, une avancée spectaculaire est apparue dans la métrologie des fréquences optiques avec les sources lasers femtosecondes. Le verrouillage de mode par lentille Kerr des lasers titane saphir, l’amplification d’impulsion étirée en fréquence, et la compression d’impulsion linéaire ou non linéaire ont créé des sources d’impulsions intenses ultra courtes, avec des longueurs d’impulsion tombant à quelques cycles optiques. La conversion non linéaire de fréquence donne accès à une très large gamme spectrale, allant des longueurs d’onde submillimétriques jusqu’aux rayons X mous qui sont générés par les harmoniques élevées dans des jets gazeux, en passant par le rayonnement terahertz. Avec un pompage direct des cristaux lasers ou des fibres, des systèmes lasers femtosecondes compacts et clés-en-main sont devenus une réalité.
Avantages des lasers à l’état solide pompés par diode
Les lasers à l’état solide pompés par diode (LESPD) représente une petite partie du marché mondiale de la vente des lasers, 53 millions de dollars US par rapport au total de la vente des lasers s’élevant à 2,8 milliards de dollars (données 1997). Néanmoins, la croissance de ce marché est l’une des plus rapide, par exemple, le taux d’augmentation atteignait 49 % pour l’année 1997 [16]. Ils commencent à remplacer de plus en plus les lasers à solides pompés par lampe dans le marché lucratif du traitement des matériaux et de la médecine. Ils entrent en compétition avec le marché des lasers à gaz (ionisé) dans l’instrumentation, des capteurs, de la mesure et du stockage optique. Le marché des diodes lasers est largement représenté dans le domaine des télécommunications et du stockage optique. La vente des diodes représente 64 % de la vente totale du marché des lasers. Un accroissement plus rapide de la vente des LESPD est limitée par le coup encore élevé des diodes lasers par rapport aux lampes, mais ceci devrait changer avec la demande.
Les LESPD offrent un grand nombre d’avantages clés sur les diodes lasers, les lasers à colorant et les lasers à gaz.
1. La qualité du faisceau. Le faisceau laser d’un LESPD est typiquement circulaire TEM00, limité par la diffraction. Au contraire, les diodes lasers, notamment celles de puissances élevées, ont typiquement un faisceau qui est à la fois non circulaire, multimode transverse et dépendant de la taille de la surface émettrice.
2. La largeur de raie. La largeur de raie d’une diode laser de forte puissance est de plusieurs centaines de gigahertz mais peut être réduite à quelques mégahertz avec des diodes à réseau distribué. Pour les lasers à colorants, en régime passif, la largeur de raie laser est de l’ordre de quelques dizaines de mégahertz suivant le type de filtres sélectifs utilisés. Pour les LESPD, des largeurs de raie de quelques hertz ont été obtenues en mode asservi et, des largeurs de raie de quelques dizaines de kilohertz sont réalisables pour des systèmes en mode libre. Ces faisceaux lasers de faibles largeurs spectrales et stables en fréquence peuvent être utilisés dans d’autres applications que la spectroscopie. On les utilise par exemple dans les techniques d’interféromètres hétérodynes, pour déterminer la vitesse et la direction du flux d’un liquide [17], et dans les vibromètres et vélocimètres Doppler ultra sensibles [18, 19]. En résumé, il faut retenir que les LESPD sont intrinsèquement plus stables et de meilleurs pureté spectrale que les diodes lasers et les lasers à colorant.
3. Stabilité de l’amplitude. La relativement bonne stabilité d’amplitude et de fréquence des diodes lasers se manifeste aussi sur les LESPD. Pour un laser « microchip », le bruit d’amplitude est typiquement <1 % du signal, avec une stabilité de fréquence de quelques dizaines de hertz sur une minute [21], faisant du LESPD un bon outil pour des applications de la métrologie des longueurs et des fréquences.
4. Puissance crête. Les diodes lasers ne conviennent pas pour des applications où la puissance crête doit être élevée, car la courte durée de vie de la recombinaison des trous et des électrons (environ 1 ns) interdit un stockage d’énergie efficace. De plus, les régions actives ont de faibles seuils de dommage (environ 1 MW cm−2 ). Dans les cristaux dopés aux terres rares, au contraire, la durée de vie du niveau laser supérieur des ions actifs peut être de l’ordre de quelques centaines de microsecondes, faisant des LESPD des outils parfaitement adaptés pour le régime déclenché et de manière plus générale, appropriés pour l’obtention d’un faisceau laser impulsionnel de puissance élevée. En fait, les LESPD ont produit des impulsions <10 femtosecondes, et des puissances crêtes supérieures au térawatt. Ils sont maintenant utilisés dans beaucoup d’applications, permettant ainsi d’augmenter la compréhension de beaucoup de phénomènes liés à la physique, la chimie, la biologie etc. La stabilisation de ces sources impulsionnelles [22] a ouvert un champ d’exploitation impressionnant en couvrant une large part des champs disciplinaires des sciences.
5. Les régions spectrales. Les LESPD offrent aussi la possibilité d’accéder à des régions du spectre électromagnétique, pour lesquelles les diodes et les lasers à colorants, soit ne peuvent y parvenir, soit n’ont pas suffisamment de puissance pour être exploitable, en particulier dans les régions spectrales vertes/ bleues/UV et l’IR moyen [23]. Les LESPD dopés à l’ion terre rare Tm3+, avec une longueur d’onde laser autour de 2 µm, ont des applications dans la médecine et dans la sécurité occulaire, car le faisceau laser peut être accordé sur une bande d’absorption forte de l’eau [24]. La fréquence quadruplée d’un laser Nd:YAG a été utilisée pour exciter la fluorescence in situ d’échantillons de terre pour déterminer les concentrationsd’espèces volatiles et d’autres impuretés et donc de contrôler la pollution atmosphérique. La combinaison des modes TEM00 opérant à des longueurs d’onde courtes comme les lasers microchips doublés en fréquence a conduit à des systèmes de stockage de densité optique élevée [25, 26].
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Table des matières
1 Introduction
2 Généralités
2.1 Les sources lasers pour la spectroscopie
2.2 Avantages des lasers à l’état solide pompés par diode
2.3 Propriétés des matériaux lasers à solides
2.3.1 Propriétés requises du matériau laser
2.3.2 Les ions actifs
2.3.3 Matrices cristallines
2.3.4 Les effets thermiques
2.3.5 Expression simple de la puissance laser
3 Atome d’argent
3.1 Structure électronique
3.2 Expression du taux de transition à deux photons
3.2.1 Expression générale du taux de transition
3.2.2 Etude de l’opérateur transition à deux photons
3.3 Les codes de COWAN
3.4 Calcul de la durée de vie du niveau métastable 2D5/2
3.5 Calcul du taux de transition à deux photons de 661,3 nm
4 Propriétés du Nd:GGG et du Nd:YLF
4.1 Propriétés de l’ion Nd3+
4.2 Historique du Nd:GGG et du Nd:YLF
4.3 Propriétés spectroscopiques et optiques du Nd:GGG et du Nd:YLF
4.3.1 Nd:GGG
4.3.2 Nd:YLF
4.4 Paramètres thermiques, mécaniques et optiques du Nd:YLF et du Nd:GGG
4.5 Propriétés thermiques du Nd:YLF
5 Opération multimode
5.1 Dimensionnement de la cavité
5.1.1 Caractérisation de la diode de pompe
5.1.2 Puissance absorbée limite
5.1.3 Modélisation du LESPD
5.1.3.1 Efficacité de la pente et puissance pompe au seuil
5.1.3.2 Processus Auger dans les équations du laser
5.1.4 Cavité à trois miroirs
5.1.5 Ordre de grandeur de la puissance laser
5.2 Résultats expérimentaux
5.2.1 Le laser Nd:GGG
5.2.1.1 Absorption et spécifications du Nd:GGG
5.2.1.2 Résultats du laser Nd:GGG
5.2.1.3 Accordabilité du laser Nd:GGG monoraie à 1,3 µm
5.2.2 Le laser Nd:YLF
5.2.2.1 Présentation des cristaux .
5.2.2.2 Cavité choisie et mesure des pertes passives
5.2.2.3 Conséquences de l’échauffement : puissance absorbée maximale et répartition de la température
5.2.2.4 Position optimale du waist de la pompe et puissance laser maximale
5.2.2.5 Courbes d’efficacités du Nd:YLF
5.2.2.6 Accordabilité du laser Nd:YLF
6 Conclusion
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