Développement de sondes fluorogéniques pour le suivi du métabolisme et de la croissance de bactéries en gouttes

Classification des bactéries

   Les micro-organismes ont été observés pour la première fois au microscope en 1683 par Anthony van Leeuwenhoek. Il a pourtant fallu attendre deux siècles pour que l’identification et le phénotypage de cette nouvelle forme de vie devienne une réelle problématique scientifique. À cette époque, la très ancienne théorie de la génération spontanée commence à être remise en question et divise les scientifiques. Dès 1852, Rudolf Virchow soutient la théorie de la biogenèse selon laquelle une cellule vivante ne peut être engendrée que par une cellule vivante préexistante. Cependant, le manque de preuves concrètes ne permet pas encore de confirmer cette hypothèse. Quelques années plus tard, les travaux de Louis Pasteur et de Robert Koch, qui sont les premiers à mettre en évidence le processus de fermentation et la responsabilité des bactéries dans l’apparition de maladies infectieuses, réfutent complètement la théorie de la génération spontanée et posent les fondements de la microbiologie. Dès les premières observations au microscope, des premiers niveaux taxonomiques ont pu être élaborés en étudiant les propriétés morphologiques des micro-organismes. Ces observations montrent dans un premier temps que les bactéries peuvent adopter plusieurs formes cellulaires (Figure 1) : sphériques ou cylindriques (cocci) ; à axe droit (bacille) ou incurvé (vibrion) ; sous forme de fuseau (fusiforme) ou de filament hélicoïdal ou courbé (spirille, borrelia, treponeme) Plus tard, l’étude plus précise de la cellule bactérienne a permis d’affiner ces premiers niveaux taxonomiques. Le bactériologiste Hans Christian Gram a ainsi développé, en 1884, un test colorimétrique permettant de séparer les bactéries en deux catégories en fonction de la structure et de la composition de leur paroi cellulaire. Ce test repose sur la coloration des bactéries à l’aide du violet de gentiane. La couleur violette reste fixée sur les bactéries à Gram positif, tandis qu’une décoloration est observée après traitement à l’alcool pour les bactéries à Gram négatif. La paroi cellulaire correspond au squelette externe de la bactérie. Elle lui confère sa morphologie et l’empêche de se déformer lors de fortes variations de pression osmotique dans le milieu. Le composant principal de cette paroi est le peptidoglycane que l’on trouve à l’extérieur de la membrane cytoplasmique chez la majorité des bactéries. C’est une structure polymérique composée de plusieurs chaînes polysaccharidiques reliées entre elles par de courts ponts interpeptidiques6. Chez les bactéries à Gram positif, la couche de peptidoglycane est beaucoup plus dense et épaisse que chez les bactéries à Gram négatif. Le peptidoglycane représente ainsi plus de 40% de la paroi cellulaire chez les bactéries à Gram positif7 alors qu’il ne représente que 10 à 20% de la paroi chez les bactéries à Gram négatif. En outre, ces dernières possèdent une membrane externe asymétrique dont la structure ressemble à celle de la membrane cytoplasmique (Figure 2) Ces différentes méthodes basées sur la morphologie bactérienne ont permis une classification phénotypique des bactéries utile pour leur identification, mais n’apportaient aucune information sur les relations entre les différents micro-organismes d’un point de vue évolutif. Les années 1970 sont marquées par la découverte majeure des enzymes de restriction, des enzymes capables de fragmenter l’ADN et qui entrent en jeu dans les mécanismes de défense contre les bactériophages. Cette évolution a permis le séquençage de l’ADN des micro-organismes et la mise au point d’une nouvelle approche basée sur l’étude des liens de parenté entre les procaryotes à partir de leur génome. Cette méthode, nommée phylogénétique, permet aux scientifiques de mieux comprendre la diversité et la complexité des cellules bactériennes. La distinction entre cellules procaryotes et eucaryotes est alors mieux définie et une nouvelle classification des procaryotes est proposée, séparant bactéries et archées en deux sous-règnes distincts. L’existence des archées étaient connues depuis le début du siècle grâce aux travaux de Sohngen montrant que certains organismes peuvent utiliser le méthane comme source de carbone tandis que d’autres en produisent. Cependant, l’étude réalisée par Woese sur l’ARN ribosomique établit le fait que les bactéries sont aussi différentes des eucaryotes que des archées. Les grands groupes du vivant sont depuis divisés en trois domaines : eucaryotes, bactéries et archées (Figure 3).

Croissance bactérienne

   Chez les micro-organismes, la croissance se caractérise par l’augmentation en taille, en masse et en volume de la cellule bactérienne suivie par une division cellulaire par fission binaire, ce qui se traduit par l’augmentation en nombre des bactéries. On simplifie donc souvent le concept de croissance bactérienne par l’augmentation de la biomasse sèche. Plusieurs techniques peuvent être utilisées pour estimer la croissance des bactéries à l’état planctonique qu’elles soient directes ou indirectes. Certaines méthodes se basent sur le dénombrement direct des bactéries viables par microscopie (méthode DVC), par comptage électronique grâce à la cytométrie de flux ou l’épifluorescence ou encore par comptage d’unités formant une colonie sur milieu de culture solide (UFC). D’autres méthodes se concentrent sur la détermination de la biomasse bactérienne comme la turbidimétrie qui est la mesure de l’absorbance d’une suspension bactérienne. Le taux de croissance des bactéries est un paramètre exponentiel et peut être modélisé par une courbe en six phases dans le cadre d’une croissance en milieu liquide sans renouvèlement des constituants (Figure 4). La première phase est la phase de latence lors de laquelle la croissance bactérienne est nulle. C’est le temps nécessaire aux bactéries pour s’adapter à leur nouvel environnement et pour synthétiser les enzymes nécessaires à leur métabolisme. La croissance commence ensuite avec une phase d’accélération puis son taux atteint un maximum lors de la phase exponentielle. La vitesse de croissance va ensuite diminuer à cause d’un épuisement des ressources du milieu et l’accumulation de déchets toxiques jusqu’à une phase stationnaire où le taux de croissance redeviendra nul. Cette phrase reflète un équilibre entre la multiplication cellulaire et la mort cellulaire. Enfin, la phase de déclin intervient lorsque le taux de croissance devient négatif. Le déclin des bactéries en phase de décroissance est dû à un phénomène appelé autolyse des bactéries. En effet, les bactéries possèdent des enzymes endogènes nommées autolysines capables d’hydrolyser les liaisons covalentes du peptidoglycane composant la paroi cellulaire. Dans un contexte de privation nutritive ou en présence d’antibiotiques, ces enzymes vont bloquer la synthèse du peptidoglycane entraînant la destruction de la membrane bactérienne. Malgré leurs effets autodestructeurs dans certaines conditions, les autolysines ont un rôle physiologique essentiel dans la croissance bactérienne puisqu’elles assurent notamment la régulation de la croissance de la paroi cellulaire, le renouvellement du peptidoglycane et jouent un rôle dans la séparation des cellules filles à la fin de la division cellulaire. Les travaux de Costerton dans les années 1980 mettent en évidence la capacité des bactéries à s’organiser en biofilms alors caractérisés comme un agrégat de cellules bactériennes attachées à une surface et enrobées dans une matrice polymérique. Ces matrices extracellulaires sont présentes dans tous les environnements et sur une très grande variété de surface et assurent une protection qui permet aux bactéries de survivre dans un milieu hostile21. Le biofilm est un environnement très hétérogène (autant dans la nature des bactéries qui la compose que dans sa structure) que l’on peut schématiser comme un système dynamique tridimensionnel dans lequel des courants aqueux transportent des nutriments jusqu’aux bactéries et éliminent leurs produits de dégradation. Dans la nature, environ 80% de la biomasse bactérienne s’organise sous forme de biofilm. Les biofilms sont particulièrement étudiés en raison de la résistance qu’ils confèrent aux bactéries face à de nombreux agents antimicrobiens permettant aux bactéries pathogènes de résister à la réponse immunitaire de l’hôte. Elles seront également beaucoup plus résistantes aux antibiotiques comparativement aux bactéries planctoniques non organisées en biofilms (Figure 5) Selon que les bactéries soient en phase planctonique ou dans une phase de développement d’un biofilm, leurs états physiologiques vont différer. La formation d’un biofilm induit en effet une modification dans l’expression des gènes des bactéries et leur donnent des propriétés spécifiques de morphologie, de croissance et de communication. La caractérisation de ces phases spécifiques à chaque espèce est indispensable pour une meilleure compréhension des différents phénotypes ou modifications métaboliques des bactéries. La croissance des bactéries impliquées dans un biofilm est plus complexe et plus difficile à étudier du fait de l’organisation spatiale très hétérogène de cet environnement. Ainsi, au sein d’un même biofilm, les bactéries vont ainsi avoir des états physiologiques différents et donc se multiplier différemment.

Facteurs chimiques de croissance bactérienne

   Les bactéries peuvent être classées en plusieurs catégories en fonction de leurs activités cataboliques. Certaines bactéries sont dites phototrophes, c’est-à-dire qu’elles sont capables d’utiliser l’énergie lumineuse pour faire de la photosynthèse. Cependant, la plupart des bactéries étudiées sont chimiotrophes : elles utilisent des composés minéraux (lithotrophie) ou organiques (organotrophie) comme source d’énergie grâce à des réactions d’oxydo-réduction30. Dans tous les cas, les bactéries ont besoin d’une source de carbone, d’azote, de soufre et de phosphore pour se développer. Le carbone est le constituant majeur du matériel cellulaire et donc un élément indispensable pour les bactéries. Sa source la plus simple vient du CO2. C’est l’unique source utilisée par les bactéries autotrophes. Les bactéries hétérotrophes, quant à elles, puisent plutôt leur besoin en carbone dans la dégradation de molécules hydrocarbonées comme les sucres. Le glucose est ainsi la source de carbone favorite de beaucoup de micro-organismes. Cette utilisation préférentielle des sources de carbone est un phénomène appelé répression catabolique du carbone. La répression catabolique du carbone est l’un des plus importants phénomènes de régulation globale des bactéries et a un impact majeur sur la physiologie d’un grand nombre de micro-organismes. Elle permet l’inhibition de l’expression de gènes impliqués dans le transport et le métabolisme des sources de carbone secondaires ainsi que la régulation de l’expression de gènes intervenant dans des processus variés. Certaines bactéries sont incapables de se développer dans un milieu contenant une seule source de carbone. Ces bactéries dites auxotrophes ont besoin de l’ajout de facteurs de croissance (vitamines, acides aminés, bases azotées) dans le milieu de culture puisqu’elles sont incapables de les synthétiser elles-mêmes. A contrario, les bactéries prototrophes peuvent se diviser dans un milieu minimum contenant une seule source de carbone, une source d’azote et des sels minéraux.

Introduction et différents types de sondes

   La cellule bactérienne possède une incroyable hétérogénéité qui confère aux bactéries la capacité de survivre à travers les siècles dans une multitude d’environnements et même dans des conditions extrêmes. Les différentes espèces de bactéries présentent donc de très nombreuses disparités autant d’un point de vue génétique que phénotypique. Cette hétérogénéité peut être classée dans au moins quatre grandes catégories : les différences génétiques, physiologiques, morphologiques et comportementales. Parmi tous les outils disponibles pour étudier cette grande hétérogénéité bactérienne, la fluorescence présente de nombreux avantages et peut être utilisée pour cibler toutes sortes d’activités et de sites cellulaires (Figure 10) Quatre types de sondes physiologiques peuvent être utilisées en fonction de l’activité à cibler. Les premières sont toujours capables de traverser la membrane cytoplasmique que la cellule bactérienne soit intacte ou bien rendue perméable. La seconde catégorie de sondes peut uniquement passer la membrane des cellules rendues perméables. Le troisième type sont les sondes fluorogènes qui permettent de cibler une activité enzymatique précise et peuvent agir de manière intracellulaire ou extracellulaire. Enfin, des sondes fluorescentes chargées sont utilisées pour la détection du potentiel électrochimique de membrane. Les différentes sondes peuvent être combinées pour mesurer plusieurs paramètres simultanément. En plus de cibler différentes activités cellulaires, les sondes peuvent également permettre de répondre à la question de la viabilité des cellules bactériennes. Pendant très longtemps, on a considéré que le caractère viable des cellules bactériennes était seulement lié à leur capacité à se dupliquer. La croissance en culture des bactéries était donc le seul élément sur lequel les microbiologistes pouvaient se baser pour évaluer la viabilité des bactéries et les termes « viable » et « cultivable » étaient confondus. La mise en évidence de bactéries actives métaboliquement mais non cultivables a remis en question cette définition de la viabilité bactérienne et de nouvelles techniques, notamment de fluorescence, ont dû être mises au point pour prendre en compte les différentes formes d’activités cellulaires.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1. Étude des activités physiologiques des bactéries grâce aux sondes fluorescentes
I. Bactéries : caractérisation et culture
1.1 Classification des bactéries
1.2 Croissance bactérienne
1.3 Culture bactérienne
1.3.1 Facteurs chimiques de croissance bactérienne
1.3.2 Conditions physico-chimiques des milieux de culture
1.3.3 Techniques de culture bactérienne
1.4 Caractérisation des bactéries : apport des composés chromogéniques
1.4.1 Observation directe en boîte de Petri
1.4.2 Galerie API
1.5 Caractérisation des bactéries : apport des composés fluorogéniques
II. Les différentes fonctions cellulaires d’intérêt des sondes physiologiques
2.1 Introduction et différents types de sondes
2.2 Le potentiel électrochimique de membrane
2.3 L’intégrité membranaire
2.4 L’activité enzymatique
2.4.1 Activité oxydoréductase
2.4.2 Activité transférase
2.4.3 Activité hydrolase
2.5 L’activité pompe
III. Positionnement du sujet de thèse
3.1 Ciblage des activités enzymatiques extracellulaires
3.2 Approche millifluidique
3.3 Design des sondes fluorogéniques
3.3.1 Structures générales des sondes
3.3.2 Choix des différents motifs
3.4 Autres types de sondes fluorescentes
Chapitre 2. Synthèse des sondes pH et glycosidases
I. Introduction
II. Première stratégie de synthèse
2.1 Synthèse des fluorophores naphtalimide et coumarine
2.2 Étape de glycosylation
2.3 Couplage du polymère
III. Deuxième stratégie de synthèse
3.1 Synthèse de la sonde naphtalimide
3.2 Synthèse de la sonde coumarine
3.3 Synthèse de la sonde chlorocoumarine
IV. Synthèse de la sonde cyanine
4.1 Synthèse de la sonde pH cyanine
4.2 Glycosylation du fluorophore cyanine
Chapitre 3. Caractérisations physico-chimiques des sondes pH et glycosidases
I. Introduction à la fluorescence
II. Fonctionnement des sondes pH
III. Détermination du pKa des sondes pH
3.1 Sonde naphtalimide
3.2 Sonde coumarine
3.3 Sonde chlorocoumarine
3.4 Sonde cyanine
3.5 Sonde chlorocyanine
IV. Caractérisiques physico-chimiques des sondes
4.1 Fluorescence des sondes glycosidases
4.2 Détermination des coefficients d’extinction molaire et des rendements quantiques
Chapitre 4. Études de l’activité pH et glycosidase des sondes en milieu microbiologique
I. Étude de l’activité pH des bactéries Escherichia coli en plaque 96 puits
1.1 Méthode expérimentale
1.2 Résultats et discussion
II. Études enzymatiques
1.1 Enzyme β-galactosidase
1.1.1 Test ONPG
1.1.2 Cinétique enzymatique des sondes galactosidases
1.2 Enzyme α-mannosidase
III. Étude de l’activité galactosidase des bactéries Escherichia coli en plaque 96 puits
3.1 Opéron lactose
3.2 Étude des sondes galactosidases en milieu microbiologique
3.2.1 Méthode expérimentale
3.2.2 Activité de la sonde naphtalimide
3.2.3 Activité de la sonde chlorocoumarine
3.2.4 Modification de la concentration en lactose
3.2.5 Étude de l’influence du polymère
3.3 Contrôle négatif
3.3.1 Modification du milieu
3.3.2 Utilisation des sondes mannosidases
IV. Étude de l’activité galactosidase des bactéries Escherichia coli en milieu millifluidique
4.1 Le choix de la millifluidique digitale
4.2 Suivi de la sonde naphtalimide en milieu millifluidique
Chapitre 5. Synthèse et activités biologiques de sondes amphiphiles
I. Introduction
II. Synthèse des sondes amphiphiles
III. Caractérisations physico-chimiques des sondes amphiphiles
IV. Activité biologique des sondes amphiphiles
4.1 Sonde amphiphile verte 61
4.1.1 Etude de toxicité
4.1.2 Suivi de la fluorescence des bactéries
4.2 Sonde amphiphile bleue 63
4.3 Étude des sondes amphiphiles en microscopique
4.3.1 Essai de visualisation en microscopie optique
4.3.2 Caractérisation de la localisation cellulaire des sondes amphiphiles
Chapitre 6. Synthèse et activités électrochimiques et biologiques de sondes d’oxydation
I. Introduction
II. Synthèse
2.1 Première stratégie de synthèse
2.2 Deuxième stratégie de synthèse
III. Étude électrochimique
3.1 Voltamétrie cyclique
3.1.1 Principe
3.1.2 Expérience
3.2 Électrolyse à potentiel imposé
3.2.1 Principe
3.2.2 Expérience
IV. Activité biologique
Conclusion générale et perspectives
I. Développement de nouvelles sondes fluorogéniques pour le suivi de l’activité glycosidase
II. Développement de sondes fluorogéniques amphiphiles pour le marquage des membranes
III. Développement de sondes d’oxydation
Experimental part
Annexes
Bibliographie

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