Une volonté de réduire les consommations énergétiques dans le secteur tertiaire
Entre 1990 et 2007 la consommation en énergie finale du secteur tertiaire a augmenté de 27% pour atteindre 223 TWh (figure 1) soit 15% de la consommation nationale. Cette croissance est principalement due à la construction de nouveaux bâtiments, aux usages électriques spécifiques (informatique par exemple) et à l’augmentation de la surface refroidie l’été. La loi « Grenelle » (Giraudet, et al., 2011) impose au parc de bâtiments existants une réduction de 38% de leur consommation énergétique par rapport à 2008, soit un objectif de consommation de 138 TWh en 2020.
Une des actions préconisées pour atteindre cet objectif est la mise en place de stratégies de Maitrise de la Demande en Energie (MDE), avec notamment l’amélioration de l’exploitation des systèmes de chauffage et refroidissement. Il est précisé dans le Guide du Contrat de performance Energétique (Regnier & Criner, 2010) qu’il est possible de « changer les conditions d’usages du bâtiment ». De fait, il est envisageable de mettre en place des actions de MDE qui impactent le confort des occupants (diminution de la température de consigne par exemple). Le contexte est idéal pour proposer des stratégies de réduction de consommation dans les bâtiments du secteur tertiaire. Il s’agit de trouver les stratégies qui ont un impact réel sur la consommation tout en respectant les contraintes d’exploitation et en gardant un niveau de confort acceptable.
Le bâtiment comme acteur de la flexibilité offre-demande
L’énergie électrique a la spécificité de ne pas pouvoir être facilement stockée à grande échelle. Ainsi, il est nécessaire de garantir, à tout instant, l’équilibre entre la production et la demande. Augmenter la flexibilité des besoins électriques permettrait d’optimiser et de rationaliser la production, et de diminuer les coûts liés à la gestion du réseau (renforcement des lignes, infrastructures d’ajustement, …). Les bâtiments tertiaires sont responsables de 27% de la consommation électrique (RTE, 2011) et semblent pouvoir jouer un rôle de premier ordre dans cette rationalisation.
La consommation nationale d’électricité varie à l’échelle d’une journée (figure 2). Pour aplanir la demande, il est possible de décaler certains besoins en période de faible demande. Les tarifs variables de l’électricité (tarif vert d’EDF par exemple) incitent les consommateurs à privilégier les périodes creuses.
Le bâti des bâtiments permet de stocker gratuitement l’énergie thermique; il pourrait être utilisé comme variable d’ajustement pour lisser la courbe de charge. Cela permettrait au producteur d’électricité de limiter l’utilisation de systèmes de production de pointes, chers et souvent émetteurs de CO2. Pour le consommateur et le gestionnaire du bâtiment, cela permettrait de réduire la facture d’électricité en profitant des périodes à faible coût.
La part des énergies renouvelables intermittentes (éolien et photovoltaïque) dans la production nationale reste faible : 1.02 TWh en 2010 soit 0.2% de la production nationale (5.8 GW de puissance installée pour l’éolien et 0.9 GW pour le photovoltaïque). D’ici 2020, RTE (RTE, 2011) estime, dans le scénario de référence, que le parc de production français devrait être doté de 35.8 GW d’énergie éolienne et de 8.4 GW d’énergie photovoltaïque. Cela représenterait 7.4% de la puissance disponible en 2020 (scénario de référence de l’ENTSOE ). Il faudra alors que le réseau puisse absorber toutes les EnR disponibles sans mettre en péril son équilibre. En effet, si une majorité des EnR intermittentes produisent ou s’arrêtent de manière brutale, le réseau doit pouvoir absorber ces variations. Pour cette éventualité il est aussi possible d’utiliser le bâtiment comme variable d’ajustement pour maintenir l’équilibre du réseau. Cela permettrait d’augmenter la part des EnR intermittentes dans le bouquet de production tout en limitant les investissements dans les infrastructures (réseau et production d’appoint).
En Allemagne la puissance éolienne installée (31 GW en 2012) est bien supérieure à celle de la France. Dans la seconde moitié du mois de décembre 2012, les besoins d’électricité ont été faibles (climat doux et baisse des activités due aux vacances) et la production éolienne a atteint des records (plus de 5 GW le 27 décembre 2012). Ces conditions ont créé une surproduction d’électricité qui a entrainé une baisse des prix du marché spot, avec même des prix négatifs plusieurs heures de suite le 25 décembre 2012 . Les réseaux français et allemand étant interconnectés, cette baisse des prix a donc impacté le marché français.
Focus sur le chauffage et le refroidissement
Dans l’analyse qui suit, seules les consommations en chauffage et en refroidissement sont étudiées. Le chauffage représente 51% de la globalité des consommations des bâtiments tertiaires (figure 3), diminuer cet usage permet d’impacter significativement les consommations totales. Le refroidissement ne représente que 6% des consommations, mais il a augmenté de 40% entre 2000 et 2007 (Site internet du Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie) et risque d’augmenter encore dans les années à venir.
Ces usages sont thermosensibles, et donc responsables des pointes nationales de consommation électrique en hiver. Proposer des stratégies de décalage de charge permettrait de réduire les pics de consommation sur quelques heures.
Ces usages autorisent la mise en place de stratégies de MDE évoluées, car la chaleur ou le froid peuvent être stockés dans les parois du bâtiment. Cela permet de mettre en place des méthodes de décalage des besoins (surconsommer lorsque la demande est faible pour sous consommer en période de pointe) et de délestage tout en limitant l’impact sur le confort.
Focus sur les bâtiments du parc existant
Les normes de construction actuelles imposent aux bâtiments neufs de consommer peu d’énergie (consommation de référence fixée à 50 kWh/m² annuelle pour les Bâtiments Basse Consommation et ceux respectant la Règlementation Thermique 2012, (CSTB, 2012)) mais le parc immobilier se renouvelle lentement avec environ 1% de bâtiment neuf par an (INSEE, 2012). La consommation annuelle moyenne tous usages confondus des bâtiments tertiaires est de 211 kWh/m² (ADEME, 2012) ce qui est loin des standards actuels de construction. Cette étude porte sur le parc de bâtiments existant, car le potentiel d’économie d’énergie y est le plus important.
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Table des matières
Introduction
1 Contexte et objectifs
1.1 Contexte de la thèse
1.1.1 Une volonté de réduire les consommations énergétiques dans le secteur tertiaire
1.1.2 Le bâtiment comme acteur de la flexibilité offre-demande
1.1.3 Focus sur le chauffage et le refroidissement
1.1.4 Focus sur les bâtiments du parc existant
1.2 Les objectifs de la thèse
Bibliographie
2 Construction de modèles de bâtiment pour la prévision de charge
2.1 Modélisation thermique des bâtiments pour la prévision de charge : le choix des modèles inverses
2.2 Création d’un jeu de données pour l’apprentissage des modèles
2.3 Définition de critères pour la mesure des performances des modèles
2.4 Analyse et élaboration de modèles inverses « boite noire »
2.4.1 Modèles paramétriques linéaires « boite noire »
2.4.2 Modèle « boite noire » non linéaire : exemple des réseaux de neurones
2.4.3 Bilan sur les modèles « boite noire »
2.5 Elaboration de modèles contraints dits « boite grise »
2.5.1 Analyse bibliographique
2.5.2 Elaboration et test de modèles « boite grise »
2.5.3 Validation du modèle R6C2 par une étude de sensibilité
2.5.4 Validation du modèle avec des stratégies d’effacements
2.5.5 Bilan de l’étude des modèles « boite grise »
2.6 Limites d’utilisation du modèle R6C2
2.6.1 Validité du modèle dans le temps
2.6.2 Validation du modèle R6C2 sur différents bâtiments et climats
2.7 Obtention des entrées/sorties du modèle R6C2 sur un site réel
2.7.1 Instrumentation d’un bâtiment type et interprétation des mesures
2.7.2 Calcul des gains solaires adapté au modèle R6C2
2.7.3 Gestion des prévisions météo
2.7.4 Bilan sur l’obtention des entrées des modèles
2.8 Conclusion
Bibliographie
3 Conception de stratégies d’optimisation énergétique et d’effacement
3.1 Analyse bibliographique
3.2 Contraintes sur les stratégies d’optimisation
3.2.1 Le confort des occupants
3.2.2 Contraintes de pilotage
3.3 Présentation des stratégies d’optimisation
3.3.1 Calcul des performances des stratégies de conduite optimale
3.3.2 Stratégie 1 : optimisation de la relance en chauffage
3.3.3 Stratégie 2 : optimisation tarifaire
3.3.4 Stratégie 3 : effacement en puissance
3.3.5 Bilan sur les stratégies d’optimisation et d’effacement
3.4 Analyse paramétrique : test de la généricité des potentiels de gain
3.4.1 Variation du climat
3.4.2 Variation des caractéristiques du bâti
3.4.3 Variation de la structure de prix de l’énergie
3.4.4 Bilan de l’analyse paramétrique
3.5 Conclusion
Bibliographie
4 Cas d’étude : une école élémentaire à Nancy
4.1 Présentation du bâtiment
4.1.1 Information générales
4.1.2 Relevé des masques
4.2 Capteurs et mesures
4.3 Etude du modèle de bâtiment en régime libre
4.4 Validation du modèle R6C2 en période d’occupation
4.5 Test hors ligne des stratégies d’optimisation et d’effacement
4.5.1 Stratégie 1 : optimisation de la relance de chauffage
4.5.2 Stratégie 2 : optimisation tarifaire
4.5.3 Stratégie 3 : effacement en puissance
4.5.4 Bilan sur les stratégies « hors ligne »
4.6 Optimisation en temps réel du bâtiment
4.6.1 Objectifs et contraintes de l’optimisation
4.6.2 Identification et validation du modèle R6C2
4.6.3 Résultats de l’optimisation en temps réel
4.6.4 Bilan de l’optimisation
4.7 Conclusion
Conclusions
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