Tomographie par émission de positons
La tomographie par émission de positons (TEP ou en anglais PET pour Positron Emission Tomography (Phelps, 2004)) est aujourd’hui la modalité d’imagerie moléculaire de référence en recherche clinique. En TEP, des noyaux émetteurs de positons (radiation β+) tels que le 11C ou 18F sont incorporés à une molécule d’intérêt. Une fois émis, le positon se déplace dans les tissus sur une courte distance de l’ordre du mm avant de rencontrer son antiparticule : l’électron. Il s’en suit une réaction d’annihilation conduisant à l’émission de deux photons de 511 keV avec un angle de 180° approximativement. La détection de la paire de photons γ a lieu en coïncidence grâce à une couronne de γ-caméras placée autour du sujet. Grâce à la « collimation électronique » qui permet de n’enregistrer que les évènements ayant eu lieu dans une fenêtre de 0.5 à 10 nanosecondes et au grand nombre de désintégrations ayant lieu, il est possible de reconstruire la distribution spatiale de radioactivité au cours du temps. Du fait de la haute énergie des photons γ et du bon rendement des photodétecteurs, l’imagerie TEP possède une excellente sensibilité, de l’ordre de 10-11 à 10-12 M. Elle souffre toutefois de deux inconvénients majeurs. D’une part, sa résolution spatiale est limitée intrinsèquement par le libre parcours moyen du positon. Celui-ci dépend du radio-isotope mais est compris entre 0,5 et 3 mm. A cela s’ajoute l’impact de la géométrie de la caméra TEP et notamment de ses photodétecteurs. La fonction d’étalement du point caractérise la réponse de la caméra (pour un algorithme de reconstruction donné) à une source ponctuelle de radioactivité. En définitive, la résolution spatiale est de l’ordre de 3 à 5 mm pour les caméras TEP cliniques et de l’ordre de 1 à 1,5 mm pour les caméras TEP précliniques. L’autre inconvénient majeur de la TEP est la demi-vie courte des isotopes utilisés. Ainsi, l5O possède une demi-vie de seulement 122 secondes ; pour le 18F sa demi-vie est de 110 minutes. Par conséquence, il est souvent nécessaire d’acquérir un cyclotron et de disposer d’une équipe de radiochimistes à demeure pour la synthèse des radio-marqueurs. Par ailleurs, ces derniers doivent définir des voies d’incorporation du radio-isotope rapide et efficace pour maximiser l’activité spécifique du radio-marqueur. Malheureusement, ceci n’est pas toujours possible et limite donc l’applicabilité de l’imagerie TEP (Pimlott and Sutherland, 2011). De nombreux développements se poursuivent autour de l’imagerie TEP. On peut noter en particulier le développement de photodétecteurs de plus petites dimensions ou possédant une meilleure résolution temporelle (Lewellen, 2008) ainsi que l’arrivée de systèmes hybrides TEP/IRM (Judenhofer et al., 2008).
Vers la quantification en imagerie moléculaire
La finalité de l’imagerie moléculaire est la quantification d’une cible ou d’un processus biologique in vivo. Quelque soit la modalité d’imagerie moléculaire, la quantification n’est possible qu’après une chaîne de traitement de données que l’on peut représenter schématiquement par la figure F.II.1. La première étape consiste en l’acquisition du signal brut et/ou des images. Puisque des agents d’imagerie sont le plus souvent utilisés, il est nécessaire de modéliser le mécanisme de contraste. Il est ainsi possible de remonter à la densité d’agent d’imagerie à l’origine du signal ou du contraste dans l’image. Enfin, la dernière étape est la quantification des cibles biologiques. Cela nécessite de modéliser la prise de contraste en fonction de la nature des tissus et des propriétés physico-chimiques de l’agent de contraste. Le taux d’expression de la cible, la biodistribution de l’agent de contraste, son temps de demi-vie, son affinité pour la cible sont autant de paramètres qui entrent en ligne de compte. Souvent, certains de ces paramètres ne sont pas accessibles et l’opérateur est contraint de formuler des hypothèses. Par conséquent, la quantification en imagerie moléculaire reste une tâche très compliquée, et il est souvent plus juste de parler de semi-quantification. Cependant, cette information est plus pertinente qu’une simple intensité pour apprécier le processus biologique d’intérêt. Dans le cadre de cette thèse, nous avons adopté cette approche de semi-quantification et nous avons tenté de l’appliquer à l’imagerie CEST de la néo-angiogenèse tumorale chez la souris U87. Les résultats sont présentés dans les chapitres VI et VII de ce manuscrit.
Imagerie diaCEST et APT
En 2000, Ward et Balaban proposèrent l’utilisation de petits composés possédant des protons labiles (alcool, amide, imine) en tant qu’agent de contraste CEST pour l’IRM (Ward et al., 2000). L’originalité de ces molécules tient d’une part à la possibilité « d’allumer ou d’éteindre » le contraste grâce à l’application d’une impulsion sélective. D’autre part, les propriétés d’échange de ces composés étant intrinsèquement dépendantes de paramètres physiologiques tels que la température ou le pH, on peut envisager l’application de cette technique pour la thermométrie et la cartographie de pH (van Zijl and Yadav, 2011). Ces agents de contraste diamagnétiques sont désignés par l’acronyme diaCEST. On peut ainsi répertorier les approches glycoCEST pour l’imagerie du glycogène (van Zijl et al., 2007), gagCEST pour l’imagerie des glycosaminoglycanes (Ling et al., 2008) ou très récemment le gluCEST pour l’imagerie du glutamate (Cai et al., 2012). Cette approche diaCEST constitue une alternative crédible à l’imagerie spectroscopique de ces métabolites. La figure F.III.8 montre une application clinique de l’imagerie du gluCEST. Une carte gluCEST (voir figure F.III.8.b) acquise à 7T chez un volontaire sain montre une répartition du glutamate dans le cerveau comparable aux volumes de distribution des récepteurs métabotropes au glutamate de sous-type 5 (mGluR5) déterminés grâce à l’imagerie TEP (voir figure F.III.8.c). Ces dernières années, un type d’imagerie diaCEST en particulier a connu un essor important. Il s’agit de l’imagerie de transfert d’aimantation des protons amides (Zhou et al., 2003a). Ce contraste est désigné par l’acronyme APT (pour Amide Proton Transfer) et est lié à l’échange des protons amides avec les protons de l’eau libre. Les protons amides présentent des caractéristiques d’échange favorables, avec des taux d’échange de l’ordre de 10 à 30 Hz et sont relativement concentrés (environ 72 µM). De plus, les taux d’échanges sont dépendants des propriétés physiologiques du milieu comme la température ou le pH. Ces propriétés font de l’imagerie APT une méthode prometteuse pour la cartographie in vivo de ces paramètres mais aussi pour détecter des zones où ces paramètres varient comme dans le cas des tumeurs ou des ischémies cérébrales. Des études in vivo menées chez le rat ont montré que l’imagerie APT permet de mieux visualiser les contours des tumeurs cérébrales que l’imagerie de pondération T1 et T2 traditionnelle et est aussi performante que l’imagerie de diffusion (Zhou et al., 2003a). De plus, des études ont également démontré le potentiel de l’imagerie APT pour la détection de tumeurs cérébrales chez l’homme (Jones et al., 2006; Zhao et al., 2008), comme l’illustre la figure F.III.9. Afin d’augmenter la sensibilité de détection des agents diaCEST, l’équipe de Peter van Zijl a proposé d’utiliser des macromolécules possédant un grand nombre de fonctions amides ou imides (~500000) telles que la poly-L-lysine. Des facteurs d’amplification records ont été atteints (FA ~ 107) ouvrant le champ à une nouvelle génération d’agents de contraste exogènes tirant parti de ce phénomène d’amplification (Aime et al., 2002; Zhang et al., 2003; Zhang et al., 2001). De telles macromolécules peuvent aussi être exprimées de façon endogène en relation avec une protéine d’intérêt. Dans ce cas de figure, l’imagerie APT constitue une approche d’imagerie du gène-rapporteur particulièrement prometteuse pour la biologie moléculaire et la génétique (Liu and Gilad, 2011). Enfin, ces molécules diamagnétiques peuvent être encapsulées dans des liposomes pour multiplier le nombre de site d’échange de protons par nanoparticule, permettant d’atteindre des seuils de détection de l’ordre de 2 nM (Liu et al., 2011).
Formulation retenue et caractéristiques CEST
Grâce aux tests que nous avons menés sur différentes compositions de lipoCEST, nous avons pu sélectionner une formulation favorable à une application en imagerie moléculaire par IRM-CEST (voir figure F.IV.4). La membrane de ce lipoCEST est composée de POPC/DPPG/ Cholestérol/DSPE-PEG2000/rhodamine dans des proportions molaires de 32/5/58/5/0,1. La rhodamine est insérée dans la membrane afin de visualiser le lipoCEST en imagerie de fluorescence. Le lipoCEST fonctionnalisé ne comporte que 30% de POPC, les 2% restants étant remplacés par le DSPE-PEG2000 couplé au peptide RGD. Le complexe de Lanthanide choisi est un complexe de DO3A-Tm(III) encapsulé à une concentration intra-liposomale de 153 mM. Ceci implique que pour un volume moyen de la cavité liposomale de 10-18 L, approximativement 105 complexes sont encapsulés par lipoCEST. Un peptide RGD est greffé à la surface de la membrane afin de cibler spécifiquement l’intégrine ανβ3 surexprimée lors de l’angiogenèse tumorale. Des tests in vitro ont permis de montrer que le RGD-lipoCEST a une affinité sub-nanomolaire pour le récepteur ανβ3 (courbes dose-réponse confidentielles, données acquises par notre partenaire industriel Guerbet). Enfin, les lipoCEST contrôle (sans RGD) et fonctionnalisé (avec RGD) ont été caractérisés grâce à l’acquisition de leur Z-spectrum (voir figures F.IV.5.a et .b respectivement). On constate que les 2 lipoCEST sont légèrement moins efficaces que ceux évalués pour l’optimisation de la formulation. La différence pourrait être imputable à l’ajout de PEG dans la membrane. Bien que les Ctrl- et RGD-lipoCEST soient quasiment identiques, ils présentent des effets MTRasym légèrement différents (voir figures F.IV.5.c et .d respectivement). Il est possible que l’ajout de RGD à la surface de la membrane perturbe l’échange d’eau transmembranaire. Cette différence peut aussi être attribuée au processus de synthèse. En effet, si la quantité de complexes encapsulée ou la concentration en nanoparticules varient légèrement entre deux lots, les déplacements chimiques et les effets CEST peuvent changer. Ces 2 lipoCEST ont été évalués pour l’imagerie moléculaire de l’angiogenèse tumorale après injection intraveineuse (IV). Les résultats de cette étude font l’objet du chapitre VI de ce manuscrit.
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Table des matières
CHAPITRE I – Contexte de la thèse
I.1. Introduction générale
I.2. Présentation de NeuroSpin
I.3. Le Projet Iseult
I.4. Organisation du mémoire de thèse et contributions
Bibliographie du chapitre I
CHAPITRE II – Imagerie moléculaire
II.1. Introduction
II.2. Les modalités d’imagerie moléculaire
II.2.a. Tomographie d’émission de positons
II.2.b. Tomographie d’émission monophotonique
II.2.c. Imagerie Optique
II.2.d. Imagerie par Résonance Magnétique Nucléaire
II.3. Comparaison des modalités d’imagerie moléculaire
II.4. Vers la quantification en imagerie moléculaire
Bibliographie du Chapitre II
CHAPITRE III – Imagerie de transfert de saturation par échange chimique
III.1. Introduction
III.2. Théorie
III.2.a. Equations de Bloch-McConnell
III.2.b. Condition d’observation des populations de spins A et B
III.2.c. Transfert de saturation
III.2.d. Caractérisation du transfert d’aimantation
III.3. Applications
III.3.a. Imagerie MT
III.3.b. Imagerie diaCEST et APT
II.3.c. Imagerie paraCEST
Bibliographie du Chapitre III
CHAPITRE IV – Les lipoCEST
IV.1. Généralités
IV.1.a. Description
IV.1.b. Influence du complexe de Lanthanide paramagnétique
IV.1.c. Influence de la membrane
IV.2. Optimisation des lipoCEST
IV.2.a. Choix du Ln(III)
IV.2.b. Choix du ligand
IV.2.c. Choix de la membrane
IV.2.d. Furtivité et Fonctionnalisation
IV.3. Formulation retenue et caractéristiques CEST
Bibliographie du chapitre IV
CHAPITRE V – Protocole d’imagerie CEST in vivo à 7T
V.1. Montage expérimental
V.1.a. Scanner IRM 7T
V.1.b. Sondes radiofréquences
V.1.c. Anesthésie et positionnement des animaux
V.2. La Séquence CEST-MSME
V.2.a. Présentation
V.2.b. Reconstruction
V.2.c. Module de saturation
V.2.d. Choix de la puissance et de la fréquence de saturation
V.4. Acquisition des cartes de champs B1 et B0
V.4.a. Contrôle de l’homogénéité du champ B
V.4.b. Contrôle de l’homogénéité du champ B0
V.5. Protocole d’imagerie CEST in vivo
Bibliographie du chapitre V
CHAPITRE VI – Imagerie CEST de l’angiogenèse tumorale dans un modèle de tumeur cérébrale U87 à l’aide de lipoCEST fonctionnalisés
VI.1. Introduction
VI.1.a. Enjeux de l’imagerie moléculaire de la tumeur cérébrale 105
VI.1.b. Mécanisme de l’angiogenèse tumorale 106
VI.1.c. Détection de l’angiogenèse tumorale 107
VI.2. Matériels et Méthodes
VI.2.a. Modèle animal
VI.2.b. Protocole d’imagerie
VI.2.c. Analyse par région d’intérêt du contraste CEST
VI.2.d. Histologie et microscopie de fluorescence
VI.3. Résultats
VI.3.a. Caractérisation des lipoCEST et du contraste MT
VI.3.b. Détection in vivo des lipoCEST
VI.3.c. Sensibilité et persistance du contraste CEST
VI.3.d. Validation histologique
VI.4. Discussion
VI.4.a. Taille des tumeurs U87
VI.4.b. Significativité statistique des contrastes CEST observés
VI.4.c. Justification du contraste CEST
VI.4.d. Avantages et limitations des lipoCEST
VI.5. Conclusion
Bibliographie du chapitre VI
CHAPITRE VII – Semi-quantification des lipoCEST in vivo
VII.1. Modélisation des échanges de protons in vivo en présence d’agents CEST
VII.1.a. Modèle à 4 compartiments
VII.1.b. Détermination des paramètres du modèle pour les contrastes APT et MT
VII.1.c. Détermination des paramètres du modèle pour les lipoCEST
VII.2. Outil d’Analyse Quantitative (OAQ)
VII.2.a. Architecture de l’Outil d’Analyse Quantitative
VII.2.b. Validation in vitro de l’OAQ
VII.3. Application in vivo de l’OAQ chez la souris U87
VII.3.a. Quantification des lipoCEST in vivo
VII.4.b. Vers la modélisation compartimentale
VII.5. Conclusion
Bibliographie du chapitre VII
CHAPITRE VIII – Conclusion générale
Bibliographie du chapitre VIII
Annexe
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