DÉVELOPPEMENT DE L’AAO EN L2 DANS UN PIE DE MOYENNE OU DE LONGUE DURÉE

CONCEPTUALISATION DE L’AA O EN L2

II est traditionnellement reconnu que l’apprentissage d’une L2 est un défi cognitif de taille (v. Doughty et Williams, 1998) et que plusieurs variables influencent son acquisition (v. Coleman, 1998; Collentine, 2009; Freed, 1998). Bien que les variables soient nombreuses, l’une des celles qui influencent fortement l’acquisition d’une L2 est le contexte d’apprentissage dans lequel cette dernière est apprise (v. Lianes, 2011). De façon générale, les trois contextes d’apprentissage les plus répandus et les plus étudiés sont l’instruction formelle à domicile (IFD), les programmes intensifs d’immersion domestique (PIID) et les programmes d’immersion à l’étranger (PIE). De ces trois contextes, les PIE ont fait l’objet de nombreuses études et sont généralement considérés comme étant les plus bénéfiques pour le développement de la compétence en L2 puisqu’ils combinent de l’instruction formelle en classe à diverses opportunités d’interaction avec des locuteurs natifs de la langue étudiée.

Depuis les années 60, des études se sont penchées sur les gains linguistiques effectués par les apprenants d’une L2 dans un PIE (pour une discussion, v. Coleman, 1998; Collentine, 2009; Freed, 1998). Les résultats principaux de ces études pionnières suggèrent qu’une immersion à l’étranger est bénéfique pour le développement de la compétence en L2. Cependant, la plupart de ces études ont seulement évalué les gains linguistiques effectués par les participants à l’aide de tests de compétence générale en L2 administrés au début et à la fin du PIE (p.ex. Caroll, 1967; Dyson, 1988; Veguez, 1984). Conséquemment, il était plutôt difficile pour les chercheurs d’établir avec précision quels aspects de la compétence en L2 des participants se sont réellement développés durant le PIE. De plus, plusieurs études se caractérisaient par un petit nombre de participants et par l’absence d’un groupe contrôle, ce qui rendait difficile l’évaluation de l’influence potentielle du PIE sur le développement de la compétence en L2.

À la suite de ces études qui ont stimulé la recherche dans le domaine, de nombreux chercheurs ont ciblé de façon plus précise différents aspects qualitatifs et quantitatifs de la compétence en L2 afin de mieux observer leur développement chez des apprenants qui ont participé à un PIE (pour une discussion récente, Lianes, 2011). D’ailleurs, certaines de ces études ont permis de lever le voile sur des aspects de l’apprentissage de la L2 qui n’avaient jamais été étudiés en lien avec un PIE comme la motivation des apprenants (p.ex. Allen, 2010; Isabelli-Garcia, 2006; Yager, 1998), le développement de la compétence sociolinguistique (p.ex. Guntermann, 1995; Regan, 1995; Regan, Howard et Lemée, 2009; Sasaki, 2004; Sax, 2003) et l’impact du niveau de compétence en L2 des apprenants avant la participation au PIE (p. ex. Lapkin, Hart et Swain, 1995). D’autres études se sont surtout intéressées au phénomène de l’aisance (fluency) en L2 puisque les contextes d’immersion à l’étranger sont généralement reconnus comme étant bénéfiques pour le développement de cet aspect de la compétence orale en L2 (p.ex. Freed, 2000; Lennon, 1990; Towell, Hawkins etBazergui, 1996).

De façon spécifique, les études qui ont examiné différents aspects de la production orale en L2 indiquent que les apprenants qui participent à un PIE améliorent signifîcativement leur degré d’aisance à l’oral1 (AAO) en L2 tel que défini par des mesures temporelles et quantifiables bien documentées comme le débit de parole, la longueur moyenne de l’énoncé et le pourcentage du temps de production (p.ex. Freed, 1995; Freed, Segalowitz et Dewey, 2004). Les résultats de ces études suggèrent aussi que les PIE semblent être plus bénéfiques pour les apprenants qui démontrent un degré d’AAO ou de compétence faible en L2 (p.ex. Freed, 2000; Towell et al, 1996) et qu’ils influencent les apprenants à se rapprocher des normes natives d’AAO attendues dans la langue étudiée (Mora et Valls-Ferrer, 2012; Trenchs-Parera, 2009). Cependant, la majorité de ces études ne s’est intéressée qu’aux PIE de longue durée, c’est-à-dire aux programmes dans lesquels les participants sont demeurés à l’étranger pour une période qui s’étend d’un trimestre scolaire à une année complète. Par conséquent, certains chercheurs (p.ex. Allen et Herron, 2003; Lianes et Munoz, 2009) se sont interrogés sur le développement de l’AAO en L2 pendant un PIE de plus courte durée, soit de 8 semaines ou moins, et, plus particulièrement, ont tenté d’investiguer si la durée d’un tel PIE est également suffisante pour observer une amélioration significative de l’AAO en L2 chez les participant étudiés.

À ce jour, les études qui ont investigué le développement de la compétence en L2 chez des apprenants qui ont participé à un PIE de courte durée sont peu nombreuses (p.ex. Allen 2010; Cubillos, Chieffo et Fan, 2008), mais certaines d’entre elles ont démontré qu’un PIE de courte durée semble être suffisant pour observer une amélioration significative du degré d’AAO en L2 chez les participants étudiés (p.ex. Allen et Herron, 2003; Lianes et Munoz, 2009). De plus, tout comme les études portant sur les PIE de plus longue durée, elles suggèrent aussi que ce type de programme semble être plus bénéfique pour les apprenants ayant un niveau de compétence ou un degré d’AAO faible en L2 au début du PIE (Dupperon et Overstreet, 2009; Martinsen, 2008). Cependant, il est plutôt difficile d’interpréter et de regrouper certaines de ces conclusions puisque les études sur les PIE de courte durée présentent plusieurs différences méthodologiques, notamment en ce qui concerne les instruments utilisés pour mesurer l’AAO en L2 et la taille d’échantillonnage des participants observés.

La différence méthodologique la plus importante à noter parmi ces études est Popérationnalisation de l’AAO en L2 et les instruments de mesures qui y sont rattachés. Par exemple, d’un côté, Allen et Herron (2003) et Martinsen (2008) ont demandé à des juges entraînés d’évaluer l’AAO en L2 à l’aide de critères préétablis. Ce procédé fait appel à la notion de YAAO perçue (v. Segalowitz, 2010) et se base principalement sur des mesures subjectives. De l’autre côté, Lianes et Munoz (2009) et Dupperon et Overstreet (2009) ont plutôt choisi d’observer le développement de l’AAO en L2 avec des mesures temporelles et quantifiables de l’énoncé (p. ex. le débit de parole, la longueur moyenne de l’énoncé et la fréquence des pauses silencieuses) similaires à celles qui sont généralement utilisées dans les études sur les PIE de plus longue durée (p.ex. Freed, 1995; Freed et al., 2004; Trenchs-Parera, 2009). Dans ce cas-ci, les mesures d’AAO en L2 relèvent des propriétés spécifiques d’un énoncé produit par un locuteur sans recours aux impressions d’un juge et renvoient principalement à la notion de Y AAO énonciative (v. Segalowitz, 2010) et non à l’AAO perçue. Cette façon différente de conceptualiser et  de mesurer l’AAO en L2 et ce, à travers un nombre restreint d’études, fait en sorte qu’il est souvent difficile de bien comparer les résultats des études sur les PIE de courte durée, surtout en ce qui concerne la nature du développement de l’AAO en L2 chez les participants.

Une autre limite méthodologique importante que l’on retrouve dans les études sur les PIE de courte durée est la taille d’échantillonnage restreinte sur laquelle les résultats principaux sont basés. La majorité de ces études n’ont observé que 25 participants ou moins (Allen et Herron, 2003; Dupperon et Overstreet, 2009; Lianes et Munoz, 2009; mais v. Martinsen, 2008). Comme pour les différences dans Popérationnalisation de l’AAO en L2, la taille d’échantillonnage limitée de ces études restreint, de façon importante, la généralisation de leurs résultats à d’autres contextes et à d’autres populations d’apprenants. Conséquemment, ces importantes différences nous ont amené à constater qu’il importait de mener une étude à plus grande échelle observant un plus grand nombre de participants et adoptant une méthodologie qui permet de bien opérationnaliser et de bien quantifier l’AAO en L2.

Objectifs de l’étude

L’objectif principal de la présente étude était donc d’observer le développement de l’AAO en français L2 chez une centaine d’apprenants adultes qui ont participé à un PIE de courte durée de 5 semaines. Plus particulièrement, elle cherchait à déterminer si la durée du PIE était suffisante pour observer une amélioration significative du degré d’AAO en L2 chez les participants étudiés. De plus, l’étude comparait 2 groupes de participants distincts au niveau du degré d’AAO en L2, soit ceux qui étaient les moins et les plus aisés à l’oral en L2 à leur arrivée dans le PIE, et tentait de déterminer s’il existait une différence dans l’importance des gains effectués en AAO en L2 au cours des 5 semaines. Enfin, l’étude comparait les participants avec un groupe de locuteurs natifs du français afin d’observer si le degré d’AAO atteint par ces derniers à la fin du programme était similaire à celui des locuteurs natifs.

Aperçu du mémoire

Afin de faciliter la compréhension de ce travail de recherche d’envergure, nous présentons un aperçu du contenu des prochains chapitres. Le chapitre 1 présente le cadre théorique de l’étude de façon détaillée en définissant les concepts de PIE et  d’AAOen L2. La revue des études qui ont observé le développement de l’AAO en L2 dans des PIE est présentée au chapitre 3. Par la suite, le chapitre 4 présente de façon précise la méthodologie utilisée dans le cadre de notre étude. Les résultats aux questions de recherche sont présentés au chapitre 5. Finalement, le chapitre 6 propose une discussion des résultats de l’étude en faisant des liens avec les auteurs qui se sont intéressés à la même problématique et le chapitre 7 offre une conclusion global.

Définition et contexte du PIE

Comme le font remarquer Coleman (1998), Collentine (2009) et Freed (1998) dans leurs articles de revue qui couvrent l’ensemble des études sur les PIE, il est primordial de bien définir le concept du PIE puisqu’il n’est pas nommé de la même façon dans toutes les études qui s’y intéressent. Par exemple, Coleman indique que le concept de « résidence à l’étranger » est plus commun que celui de PIE à travers l’Europe. Cette résidence à l’étranger est généralement considérée comme étant une année académique dans laquelle un étudiant ou un petit groupe d’étudiants se retrouvent à travailler et à étudier dans un environnement où la L2 est utilisée par. la ccwfpnmaiité locale. Bien que légèrement différente, cette définition se rapproche grandement de celle qui est utilisée par un nombre considérable de chercheurs nord-américains pour définir le PIE. Ces chercheurs définissent le PIE comme étant une relocalisation de courte durée d’un groupe d’étudiants dans un nouvel environnement géographique afin d’apprendre, de communiquer et de vivre dans une langue qu ‘ils veulent maîtriser (p.ex. Freed et al., 2004; Segalowitz, Freed, Collentine, Lafford, Lazar et Diaz-Campos, 2004; Towell et al., 1996). En fait, cette dernière définition cerne précisément la réalité du PIE observé dans le cadre de notre étude.

Un PIE est donc considéré par ces chercheurs comme étant un contexte d’apprentissage de la L2 qui combine de l’instruction formelle en classe avec une période de résidence dans un autre pays ou dans une autre province où la L2 est utilisée par la communauté (Collentine, 2009; Freed, 1995, 1998, 2000; Freed et al., 2004; Segalowitz et al., 2004). Selon Freed (1995), un tel contexte peut regrouper plusieurs types d’expériences langagières, entre autres les étudiants qui étudient dans leur L2 dans une université étrangère, les élèves canadiensqui participent à des échanges bilingues interprovinciaux ou bien les militants de la paix qui reçoivent de l’instruction en L2 lorsqu’ils doivent apporter du support à une communauté locale. Ce type de contexte dans lequel de l’instruction formelle en classe est combinée avec des occasions d’utiliser la L2 dans la communauté ressemble en effet au PIE qui a fait l’objet de notre étude. Nous décrirons davantage ce contexte ainsi que les expériences qui s’y rattachent lors de la présentation de la méthodologie (v. 4.2).

Conceptualisation de FAAO en L2

Lorsque l’on s’intéresse au concept de l’AAO en L2, il est essentiel de bien le définir puisqu’il est sujet à de nombreuses et très différentes interprétations dans le domaine la linguistique appliquée. De façon précise, l’AAO fait référence au concept anglais « oral fluency » qui est bien défini dans le domaine de la psycholinguistique (Hilton, 2008) et qui correspond, d’une manière générale, au nombre d’unités linguistiques produites ou comprises dans un laps de temps déterminé (Gierski et Ergis, 2004). La notion d’AAO est souvent traduite de différentes façons dans la langue française, entre autres par Influence orale, la fluidité verbale et Faisance verbale. Par contre, dans la présente étude, nous avons opté pour Faisance à Forai car cette traduction, selon notre avis, se rapproche le plus du concept « oral fluency » tel qu’il est défini dans la plupart des études portant sur les PIE de courte et de longue durée.

L’AAO en L2, comme le font remarquer Lennon (1990) et Schmitt-Gevers (1993), est souvent utilisée pour décrire le niveau de compétence orale générale d’un locuteur en L2. Hilton (2008) donne l’exemple de l’expression française « parler couramment » qui est généralement utilisée pour exprimer un degré d’AAO élevé dans une L2 chez un locuteur donné, mais qui ne nous dit rien sur les éléments sur lesquels les auditeurs se sont basés pour émettre ce jugement. Cette vision large du concept de l’AAO en L2 ramène à Fillmore (1979) qui a décrit l’AAO en Ll comme étant un phénomène à plusieurs visages qui englobe les hésitations, les pauses, la complexité, la cohérence, le degré de précision et la créativité. La définition de Fillmore peut également s’appliquer au domaine des L2 et permet plus particulièrement de décrire la performance d’un locuteur en L2 qui se rapproche du niveau de compétence d’un locuteur natif de cette même langue (Chambers, 1997). En résumé, elle rappelle que l’AAO est un concept complexe et difficile à circonscrire, que ce soit en Ll ou en L2.

Dans le but de mieux baliser le concept plutôt vaste et vague que constitue l’AAO en L2, des chercheurs ont tenté d’identifier les éléments précis qui influencent l’évaluation des auditeurs lorsqu’ils jugent l’AAO en L2 d’un locuteur donné (p.ex. Cucchiarini, Strik et Boves, 2000, 2002; Derwin, Rossiter, Munro et Thomson, 2004; Freed, 2000; Lennon, 1990). Pour ce faire, ils ont utilisé différentes techniques. Freed (2000), par exemple, a demandé à différents types d’auditeurs de juger du degré d’AAO de 30 locuteurs du français L2 et de justifier leur évaluation à l’aide d’explications et de caractéristiques de la parole préétablies par les chercheurs. Les résultats de son étude ont démontré que les auditeurs se sont basés sur différents aspects de la parole pour établir leur jugement (p.ex. la précision des énoncés et la connaissance du vocabulaire). Toutefois, ils révèlent aussi, en considérant les évaluations de la majorité des auditeurs, que le débit de parole et les différentes formes d’hésitations étaient les aspects les plus marquants de l’AAO en L2.

À l’instar de Freed (2000), d’autres chercheurs ont démontré que le jugement des auditeurs est fortement influencé par différentes mesures d’AAO en L2 qui sont observables et quantifiables comme le débit de parole ainsi que la nature et la longueur moyenne des hésitations (p.ex. Cucchiarini et al., 2000, 2002; Derwin et al., 2004; Lennon, 1990). L’une des études les plus révélatrices dans le domaine est celle de Derwin et al. (2004) qui s’est intéressée à l’évaluation de l’AAO chez des locuteurs chinois de l’anglais L2. En effet, les résultats de cette étude suggèrent que le débit de parole et le nombre de pauses expliquent 65% et plus de la variance observée dans l’évaluation des locuteurs par les auditeurs.

Plus récemment, en faisant le bilan des études empiriques sur l’AAO, Segalowitz (2010) a souligné l’importance de bien diviser le concept de l’AAO en L2 en deux parties : 1) la conceptualisation psychologique qui est basée sur une impression subjective de la part des auditeurs) et 2) la conceptualisation physique qui est basée sur des aspects objectifs, temporels et quantifiables de la parole. Selon lui, ces deux parties sont fondamentalement différentes. En partant de ces distinctions, Segalowitz propose un modèle dynamique tridimensionnel de l’AAO en L2 permettant d’observer trois types d’AAO plus ou moins distincts : 1) YAAO cognitive, 2) YAAOperçue et 3) YAAO énonciative.

UAAO cognitive est en lien avec l’habilité du locuteur à mobiliser et à coordonner efficacement les processus cognitifs responsables de la production de la parole. L’AAO perçue est considérée comme étant le jugement subjectif qu’un auditeur porte sur un énoncé produit par un locuteur. Ce type d’AAO fait référence à la conceptualisation psychologique de l’AAO en L2 puisque, comme nous l’avons mentionné précédemment, l’auditeur se base généralement sur une combinaison de facteurs pour évaluer les énoncés produits par le locuteur. Finalement, la notion de YAAO énonciative est en lien avec les caractéristiques physiques, temporelles, observables et quantifiables des énoncés produits par un locuteur. Contrairement aux deux autres types d’AAO, elle peut s’observer et se mesurer objectivement puisqu’elle n’est pas basée sur des processus cognitifs difficilement observables directement ou sur une impression subjective de la part de l’auditeur. En d’autres termes, comme nous l’avons souligné plus tôt, l’AAO énonciative est une représentation de la conceptualisation physique de l’AAO en L2.

Dans le cadre de notre étude, nous nous sommes intéressés seulement à l’AAO énonciative car cette représentation nous a permis, de façon objective et précise, de quantifier et de mesurer l’AAO en L2. De plus, elle a facilité la comparaison de nos résultats avec ceux des études sur les PIE de courte et de longue durée qui ont aussi utilisé des mesures temporelles et quantifiables de l’énoncé pour déterminer le degré d’AAO en L2 des locuteurs observés. Ces comparaisons nous ont permis déjuger si les participants ont amélioré leur degré d’AAO en L2 de façon similaire à ce qui a été rapporté dans les autres études sur le sujet.

Mesures d’AAO en L2

Kormos (2006) fait remarquer qu’il peut être difficile de comparer les résultats d’une étude à l’autre puisqu’il y peu de consistance dans les mesures choisies par les chercheurs pour représenter l’AAO énonciative en L2. Nous allons donc nous pencher sur les résultats de quelques études notoires qui ont démontré la puissance prédictive de certaines mesures observables et quantifiables pour déterminer le degré d’AAO en L2 des locuteurs.

De nombreuses études ont tenté d’établir les mesures les plus fiables pour représenter l’AAO en L2 (p.ex. Ejzenberg, 2000; Freed, 1995, 2000; Kormos et Dénes, 2004; Lennon, 1990; Riggenbach, 1991; To well et al., 1996; van Gelderen, 1994). Plusieurs ont déterminé que le débit de parole (c.-à-d. le nombre de mots ou de syllabes articulés par seconde ou minute) et que la longueur moyenne de l’énoncé (c.-à-d. le nombre moyen de mots ou de syllabes articulés entre deux pauses) sont des mesures predicatives puissantes du degré d’AAO en L2 d’un locuteur donné (p.ex. Cucchiarini et al., 2000; de Jong, Schoonen et Hulstijn, 2009; Derwing et al., 2004; Ginther, Slobadanka et Yang, 2010; Iwashita, Brown, McNamara et O’Hagan, 2008). Le pourcentage du temps de production (c.-à-d. le pourcentage du temps dans lequel le locuteur produit de la parole et n’est pas en hésitation) est aussi considéré comme étant un bon indicateur du degré d’AAO en L2 (p.ex. Cucchiarini et al., 2002; Hilton, 2008). En résumé, dans le domaine de la psycholinguistique, les chercheurs s’entendent de plus en plus pour dire que le débit de parole, la longueur moyenne de l’énoncé et le pourcentage du temps de production sont parmi les mesures temporelles les plus prédictives du degré d’AAO en L2 et de la compétence orale en L2 (p.ex. Hilton, 2011; Mora et Valls-Ferrer, 2012; Segalowitz, 2010).

Freed (2000) a investigué le développement de l’AAO en L2 dans deux contextes d’apprentissage distincts : l’IFD et le PIE. Ses objectifs principaux étaient d’observer si un groupe de juges formé de locuteurs natifs du français était capable de distinguer les étudiants qui ont étudié le français L2 durant un semestre en France (n=15) de ceux qui l’ont étudié à domicile (n=15) et d’identifier les caractéristiques de la parole sur lesquelles ils se sont basés pour établir leur jugement. De façon similaire à Lennon (1990) et à To well et al. (1996), elle a aussi utilisé des mesures temporelles et quantifiables d’AAO en L2 telles que le débit de parole, la longueur moyenne de l’énoncé et le nombre de pauses silencieuses et remplies pour tenter d’identifier ces caractéristiques. Des extraits de parole de 45 secondes, tirés d’une entrevue decompétence orale en L2, ont été utilisés comme matériel d’enquête. Plusieurs résultats pertinents sont ressortis de l’étude de Freed. Premièrement, les juges ont été capables de distinguer les locuteurs qui ont participé à un PIE de ceux qui sont demeurés à domicile, et plus particulièrement ceux qui étaient les moins aisés l’oral en L2 au début du semestre à l’étranger. Deuxièmement, les évaluations des juges suggèrent aussi que les participants qui sont allés à l’étranger ont fait plus de gains en AAO en L2 que ceux qui étaient restés à domicile. Finalement, les analyses quantitatives effectuées post-hoc ont révélé que les locuteurs qui ont participé au PIE parlaient avec un débit de parole plus rapide et faisaient moins de pauses silencieuses et remplies. Regroupées, ces conclusions semblent confirmer que le PIE a eu une influence sur le développement de l’AAO en L2 chez les locuteurs étudiés. Cependant, encore une fois,comme pour Lennon et Towell et al., le petit nombre de participants rend difficile la généralisation des résultats présentés dans Freed.

En 2004, Segalowitz et al. ont étudié le développement de l’AAO en espagnol L2 à travers deux contextes d’apprentissage : PIFD et le PIE. Des 40 participants observés, plus de la moitié (n=22) a vécu un PIE de 13 semaines dans une université en Espagne et les autres (n=18) sont demeurés dans leur université locale aux États-Unis. Des mesures temporelles et quantifîables de l’énoncé (p.ex. le débit de parole, la longueur moyenne de l’énoncé, la fréquence et la durée des pauses silencieuses et remplies) ont été tirées d’extraits de 2 minutes d’entrevues de compétence orale en L2 qui avaient été effectuées avant et après le PIE ou la période d’IFD. Contrairement aux apprenants qui étaient demeurés à domicile, ceux qui avaient participé au PIE ont fait des gains significatifs au niveau du débit de parole, de la longueur moyenne de l’énoncé sans pause remplie et de la longueur de l’énoncé le plus long sans pause remplie ou hésitation. Ces résultats, qui sont, en effet, très similaires à ceux présentés dans Freed (2000), semblent aussi confirmer qu’un PIE est bénéfique pour le développement de l’AAO en L2.

Toutefois, dans le cas de Segalowitz et al. (2004), il est essentiel de souligner que les participants qui sont allés à l’étranger ont aussi reçu beaucoup plus d’heures (17) d’instruction formelle en classe par semaine que ceux qui sont restés dans leur université aux États-Unis (3 à 5 heures). Par conséquent, il est plutôt difficile de déterminer si c’était le contexte d’apprentissage ou le nombre d’heures d’instruction formelle en classe par semaine qui a généré le plus d’impact sur le développement de l’AAO en L2 dans cette étude.

Freed et al. (2004) se sont penchés sur le développement de la production orale du français L2 par 28 participants dans 3 contextes d’apprentissage différents : l’IFD (n=8), le PIID (n=12) et le PIE (n=8). L’objectif principal de leur étude était de comparer le développement de l’AAO en français L2 dans 3 contextes d’apprentissage distincts. Pour ce faire, ils ont tiré des extraits de 2 minutes d’une entrevue de compétence orale en L2  qui est similaire à celle utilisée dans Freed (2000) et dans Segalowitz et al. (2004) et qui a été effectuée au début et à la fin des différents types de programme. Des mesures temporelles et quantifiables telles que le débit de parole, la longueur moyenne de l’énoncé sans pause remplie et la longueur moyenne de l’énoncé sans pause silencieuse ont été choisies pour observer le développement de l’AAO en L2 des participants. Bien que les chercheurs aient observé que les apprenants qui ont participé au PIE ont fait plus de gains que ceux qui ont reçu de PIFD, c’était plutôt ceux qui ont participé au PIID qui ont effectué le plus de gains en AAO en L2. Selon les chercheurs, ce résultat surprenant pourrait s’expliquer par le nombre supérieur d’heures d’utilisation du français L2 à l’extérieur de la classe rapporté par les apprenants qui ont participé au PIID.

Par ailleurs, il est à noter que les participants au PIE, contrairement à ceux qui ont reçu de l’IFD, ont aussi démontré une tendance positive vers une amélioration de leur AAO en français L2 entre le début et la fin du programme, ce qui constitue la conclusion la plus pertinente pour notre étude. En effet, bien que ces résultats n’aient pas atteint la signifîcativilé statistique, ils suggèrent tout de même une tendance positive pour l’augmentation du débit de parole, de la longueur moyenne des énoncés sans pause remplie et de la longueur du plus long énoncé produit chez les apprenants qui ont participé au PIE (Freed et al., 2004). Un nombre supérieur de participants dans le PIE aurait peut-être permis aux auteurs de l’étude d’obtenir des résultats plus significatifs pour ce groupe d’apprenants.

Trenchs-Parera (2009) s’est intéressée au développement de l’AAO en anglais L2 chez des étudiants universitaires bilingues catalans/espagnols. Son premier objectif était de comparer le développement de l’AAO en L2, telle que définie et mesurée à partir de différents phénomènes d’hésitation observables et quantifiables comme la fréquence des pauses remplies, des pauses silencieuses, des pauses lexicales et des répétitions, dans deux contextes d’apprentissage différents, soit l’IFD et le PIE. Pour ce faire, elle a observé le développement de l’AAO en anglais L2 chez une cohorte de 19 étudiants bilingues catalans/espagnols de niveau avancé qui participaient à un programme qui combinait à la fois une période d’IFD et un PIE de 12 à 14 semaines dans une université anglaise.

Afin d’observer le développement de l’AAO en L2 dans ces deux contextes d’apprentissage distincts, Trenchs-Parera (2009) a testé les étudiants à différentes périodes : Avant la période d’IFD, après la période d’IFD (80 heures en classe) et après le PIE (12 à 14 semaines). Le deuxième objectif de Trenchs-Parera était de comparer l’AAO observée chez les participants après les différents types de programmes (IFD et PIE) à celle d’un groupe de locuteurs natifs de l’anglais. Les résultats de l’étude, tirés d’entrevues orales effectuées avant et après les différents types de programme, ont démontré que, contrairement à ce qui a été observé pour la période d’IFD, les participants ont amélioré leur AAO en L2 pendant le PIE. En effet, les participants ont fait une utilisation moins fréquente des pauses silencieuses et des répétitions pour les remplacer par une utilisation plus fréquente des pauses lexicales après le PIE, ce qui démontre une amélioration de leur AAO en L2 selon les chercheurs. De plus, les résultats suggèrent que le PIE à l’étude semble avoir amené les participants à se rapprocher des normes natives de l’anglais pour l’ensemble des mesures.

En 2012, Mora et Valls-Ferrer ont mené une étude qui comparait non seulement le développement de l’AAO en L2, mais aussi de la précision et de la complexité en L2 dans deux contextes d’apprentissage : l’IFD et le PIE. Ce projet de recherche a adopté plusieurs aspects méthodologiques de Trenchs-Parera (2009). En premier lieu, les participants observés (n=30) étaient des locuteurs bilingues

catalans/espagnols qui sont des apprenants de niveau avancé de l’anglais L2. En deuxième lieu, les mêmes participants ont été évalués avant et après une période de 80 heures d’IFD pour ensuite être réévalués après un PIE d’une période de trois mois dans une université anglaise. Finalement, les extraits de parole analysés étaient issus d’entrevues orales effectuées avant et après les différents type de programme et une base de 10 locuteurs natifs de l’anglais a été formée afin d’observer le développement de l’AAO en L2 des participants vers des normes natives.

Pour mesurer l’AAO en L2, Mora et Valls-Ferrer (2012) ont utilisé des mesures temporelles et quantifiables, entre autres le débit de parole, le débit d’articulation, la longueur moyenne de l’énoncé et le pourcentage du temps de production. Les résultats de cette étude nous indiquent que, contrairement à ce qui a été observé pour la période d’IFD, les participants ont développé leur AAO en L2 de façon significative pendant le PIE. En effet, les participants à l’étude ont augmenté leur débit de parole et d’articulation, la longueur moyenne de leurs énoncés et leur pourcentage du temps de production à la suite du PIE, ce qui les a aussi rapprochés des normes observées chez les locuteurs natifs de l’anglais.

Regroupés, les résultats des études mentionnées jusqu’à présent (Freed, 2000; Freed et al., 2004; Lennon, 1990; Mora et Valls-Ferrer, 2012; Segalowitz et al., 2004; Towell et al, 1996; Trenchs-Parera, 2009) semblent indiquer qu’un PIE de moyenne ou de longue durée (de plus de 8 semaines) est bénéfique pour le développement de l’AAO en L2 telle que définie par des mesures temporelles et quantifiables de l’énoncé. De plus, ils suggèrent que les gains sont plus facilement observables chez les participants qui ont un degré de compétence ou d’AAO faible en L2 au début du PIE (Freed, 2000; Towell et al., 1996). Finalement, les études récentes de Trenchs-Parera (2009) et de Mora et Valls Ferrer (2012) suggèrent qu’un PIE semble amener les participants à se rapprocher des normes natives au niveau de l’AAO.

Développement de l’AAO en L2 dans un PIE de courte durée (8 semaines ou moins)

Dans cette section, nous nous pencherons sur les études qui ont observé le développement de l’AAO en L2 dans des PIE de courte durée, soit de 8 semaines ou moins. Contrairement aux nombreux projets de recherche qui ont observé le développement de l’AAO en L2 à travers un PIE de moyenne ou de longue durée, il existe, à notre connaissance, peu d’études qui se sont intéressées à ce phénomène dans un PIE de courte durée (Allen et Herron, 2003; Dupperon et Overstreet, 2009; Lianes et Munoz, 2009; Martinsen, 2008). Parmi celles-ci, seulement deux ont utilisé des mesures temporelles et quantifiables pour observer le développement de l’AAO en L2 à travers un PIE de courte durée (Dupperon et Overstreet, 2009; Lianes et Munoz, 2009). Les autres ont plutôt demandé à des juges entraînés d’évaluer le degré d’AAO en L2 des  participants  à partir de critères préétablis par les chercheurs (Allen et Herron, 2003; Martinsen, 2008) .

CONCLUSION

L’objectif principal de la présente étude était d’observer le développement de l’AAO en français L2 au cours d’un PIE de courte durée de 5 semaines chez un échantillon important de participants (n=100). Plus précisément, nous avons tenté de savoir 1) si les participants ont développé leur AAO en L2 de façon significative au cours du PIE de courte durée, 2) si les participants les moins aisés à l’oral au début du PIE ont fait plus de gains en AAO en L2 que les plus aisés, et finalement, 3) si la performance moyenne des participants à la fin du PIE était similaire à celle de locuteurs natifs en ce qui concerne l’AAO. Dans la cadre de notre étude, l’AAO en L2 a été définie à l’aide de mesures objectives, temporelles et quantifiables des énoncés produits par les participants lors de la narration d’une histoire imagée effectuée à la fin et au début du PIE. Quant au PIE, il a été défini comme étant un contexte d’apprentissage de la L2 qui combine de l’instruction formelle en classe avec une période de résidence dans un autre pays ou dans une autre province où la L2 est utilisée par la communauté. Des locuteurs natifs ont aussi été enregistrés afin d’obtenir une base de comparaison en français Ll et de juger du développement de l’AAO en L2 des participants vers des normes natives.

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Table des matières

1. INTRODUCTION
1.1 OBJECTIFS DE L’ÉTUDE
1.2 QUESTIONS DE RECHERCHE
1.3 APERÇU DU MÉMOIRE
2. CADRE THÉORIQUE
2.1 DÉFINITION ET CONTEXTE DU PIE
2.2 CONCEPTUALISATION DE L’AA O EN L2
2.3 MESURES D’AAO EN L2
3. REVUE DES ÉCRITS
3.1 DÉVELOPPEMENT DE L’AAO EN L2 DANS UN PIE DE MOYENNE OU DE LONGUE DURÉE (PLUS DESEMAINES)
3.2 DÉVELOPPEMENT DE L’AAO EN L2 DANS UN PIE DE COURTE DURÉE (8 SEMAINES OU MOINS)
4. MÉTHODOLOGIE
4.1 ORIGINE DE L’ÉTUDE
4.2 CONTEXTE D’APPRENTISSAGE : PIE
4.2.1 Description et durée du PIE à l’étude
4.2.2 Lieu d’enseignement
4.2.3 Cours de français L2
4.2.4 Type d’hébergement
4.2.5 Occasions d’activités de communication
4.3 PROFIL DES PARTICIPANTS
4.4 TÂCHE DE PRODUCTION ORALE
4.5 PROCÉDURES POUR LA NARRATION
4.6 MESURES D’AA O EN L2
4.6.1 Débit de parole ajusté (DPA)
4.6.2 Longueur moyenne de l’énoncé ajustée (LMEA)
4.6.3 Pourcentage du temps de production (PTP)
4.6.4 Fréquence des pauses silencieuses (FPS)
4.6.5 Durée moyenne des pauses silencieuses (DPS)
4.6.6 Fréquence des pauses remplies (F’P.îfy)
4.6 J Durée moyenne des pauses remplies (DPR)
4.6.8 Résumé des mesures d’AAO en L2 utilisées
4.7 TRANSCRIPTION ORTHOGRAPHIQUE ET ANALYSE ACOUSTIQUE
4.8 ANALYSE STATISTIQUE
5. RÉSULTATS ET DISCUSSION
5.1 DÉVELOPPEMENT DE L’AAO EN L2 À TRAVERS LE PIE DE COURTE DURÉE
5.2 IMPACT SUR LES PARTICIPANTS LES MOINS ET LES PLUS AISÉES À L’ORAL
5.2.1 Création d’un IAAO en L2
5.2.2 Comparaison des gains au cours du PIE : Participants les moins versus les plus aisés à l’oral
5.3 DÉVELOPPEMENT PAR RAPPORT À DES NORMES NATIVES D’AAO
5.4 RÉSUMÉ DES RÉSULTATS.
6. DISCUSSION GÉNÉRALE
6.1 DÉVELOPPEMENT DE L’AAO EN L2 AU COURS DU PIE DE COURTE DURÉE
6.1.1 Développement significatif observé pour le DPA, la LMEA et lePTP
6.1.2 Particularités observées pour les phénomènes d’hésitation (PS et PR)
6.1.3 Conclusion
6.2 IMPACT SUR LES PARTICIPANTS LES MOINS ET LES PLUS AISÉES À L’ORAL AU Tl
6.3 DÉVELOPPEMENT PAR RAPPORT À DES NORMES NATIVES D’AA O
6.4 LIMITES DE L’ÉTUDE
7. CONCLUSION

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