Le glioblastome multiforme est la forme la plus agressive et vascularisée des gliomes, une tumeur primaire affectant le système nerveux central (SNC). Ce cancer assez rare (3-4 nouveaux cas sur 100 000 personnes/an) représente néanmoins plus de 50% des gliomes primaires du SNC diagnostiqué chaque année (CBTRUS, 2010). Les glioblastomes se caractérisent par une forte densité de nouveaux vaisseaux à l’intérieur de la tumeur, ainsi que par un fort taux de cellules immunitaires circulant tout d’abord en périphérie, puis finalement au sein de la tumeur dans les phases les plus agressives de la pathologie (Hyafil et coll., 2007). Parmi les nombreuses populations de cellules immunitaires recrutées, les macrophages sont les plus abondants. Le rôle qu’entretiennent les cellules tumorales avec ces vaisseaux angiogéniques d’une part, et avec les cellules immunitaires d’autre part, reste mal connu et controversé. Pour ces raisons, il n’existe, à l’heure actuelle, aucun traitement efficace contre le glioblastome.
Il est nécessaire de développer un moyen d’investigation pour mieux comprendre et diagnostiquer le développement des tumeurs et les interactions que le glioblastome entretient avec son environnement. A cet égard, il serait intéressant de suivre simultanément la dynamique d’évolution de la vascularisation et la réponse inflammatoire via le recrutement de macrophages pendant le développement d’une tumeur (Charles et coll., 2011). Pour cela il est nécessaire d’avoir accès à une imagerie non invasive permettant de suivre l’évolution de la pathologie sur un même individu et de caractériser l’origine cellulaire du contraste enregistré. L’imagerie par résonnance magnétique (IRM), qui offre un contraste optimal dans le tissu cérébral, est actuellement avec la tomographie par émissions de positons (TEP) l’une des techniques de choix pour diagnostiquer les glioblastomes en clinique. Ces deux modalités d’imagerie sont cependant très coûteuse. L’IRM est difficile à mettre en œuvre compte tenu des champs magnétiques intenses qu’il est nécessaire d’établir pour obtenir une résolution suffisante, d’autant plus intense encore lorsqu’il s’agit d’investigations précliniques sur des souris puisque la résolution doit être bien inférieure au millimètre (< 10⁻¹ mm). En TEP, le temps nécessaire à l’examen est conséquent.
Par comparaison, la tomographie par rayons X ou CT (Computerized Tomography) est très rapide et peu coûteuse et représente une alternative de choix. Malgré la possibilité d’utiliser des agents de contraste pour améliorer la qualité des images dans les tissus mous, son utilisation dans le cadre des glioblastomes reste limitée à cause de la dose nécessaire pour imager le parenchyme cérébral qui est protégé par l’os du crâne. Les récents développements technologiques réalisés par le centre de physique des particules de Marseille (CPPM) dans le domaine des détecteurs de rayons X à pixels hybrides ouvrent cependant de nouvelles perspectives pour réduire la dose et améliorer le contraste tumoral dans le cerveau. C’est dans ce contexte que ce laboratoire et l’institut de biologie du développement de Marseille (IBDM) ont développés conjointement une nouvelle technique d’imagerie du petit animal basée sur le CT en faisceau conique ou CBCT (Cone Beam CT) (Delpierre et coll., 2007). Cette nouvelle technique possède de très bonnes propriétés permettant d’imager entièrement une souris et de magnifier le contraste, tout en travaillant à faible dose (Debarbieux et coll., 2010) (Ouamara et coll., 2012). L’utilisation de détecteurs à pixels hybrides permet d’obtenir des informations spectrales pour une meilleure visualisation de structures anatomiquement différentes (Schlomka et coll., 2008) (Dupont et coll., 2013) (Dupont, 2014). Par conséquent, l’atout majeur du prototype PIXSCAN II construit au CPPM est de permettre une imagerie des tissus mous faiblement contrastés et de diminuer la dose.
La production de rayons X
Les rayons X sont constitués de photons d’une longueur d’onde variant entre 0,01 nm et 10 nm. Ils peuvent être produits selon deux processus : la fluorescence et le rayonnement de freinage ou bremsstrahlung dans l’anode d’un tube à rayons X ou par l’oscillation forcée d’un faisceau d’électrons d’un synchrontron. Un tube à rayons X (fig. 1.1) est constitué d’un tube à vide pour ne pas ralentir les électrons, dans lequel se trouve une anode (cible) et une cathode. La cathode est le plus souvent un filament de tungstène ou de molybdène porté à haute température et parcouru par un fort courant induisant l’émission d’électrons par effet thermoélectrique. On applique alors une différence de potentiel de l’ordre de la centaine de kV entre la cathode et l’anode, ce qui engendre une accélération des électrons en direction de l’anode dans laquelle ils seront ralentis. Lors de la collision, 99% de l’énergie cinétique est convertie en chaleur et le reste en rayons X par rayonnement de freinage.
Le spectre d’émission d’un tube à rayons X est donc formé de la superposition d’un spectre de raies de fluorescence dont l’énergie dépend du matériel utilisé pour la cible et d’un spectre continu résultant du rayonnement de freinage dont l’amplitude dépend de la tension appliquée au tube (accélération des électrons).
La fluorescence X
La recombinaison des électrons dans une couche électronique vacante suite à l’ionisation de l’électron qui l’occupait entraîne l’émission d’un photon de fluorescence. Ce processus de réorganisation électronique permet à l’atome qui se trouvait dans un état excité suite à l’ionisation d’un électron de revenir à son état fondamental. L’émission de ce photon est caractéristique de l’énergie de liaison des couches électroniques qui augmente avec le numéro atomique. Pour que la transition ait lieu, il faut qu’elle suive les règles de conservation de la parité.
L’effet photoélectrique
L’effet photoélectrique consiste en l’interaction d’un photon avec un électron d’une couche interne de l’atome, c’est-à-dire en l’absorption d’un photon et l’ionisation d’un électron appelé photoélectron .
L’ionisation d’un électron d’une couche interne par effet photoélectrique laisse une place vacante, rapidement comblée par des électrons venant des couches plus éloignées, induisant l’émission de photons de fluorescence en cascade. Néanmoins, dans 80% des cas, des éléments légers avec un numéro atomique inférieur à 20 privilégient l’émission d’électrons Auger lors de la recombinaison des couches électroniques, tandis que la fluorescence est prépondérante pour des éléments plus lourds. Par ailleurs, comme illustré dans la fig. 1.5 des cassures apparaissent dans les graphes des valeurs des coefficients d’atténuation linéique par effet photoélectrique.
Ces différents sauts correspondent aux énergies de liaison des couches électroniques caractéristiques de l’élément considéré. En effet, le photon incident doit avoir une énergie suffisante pour vaincre l’énergie de liaison d’un électron sur sa couche atomique et pouvoir l’ioniser. Par conséquent, lorsque l’énergie du rayonnement incident est inférieure à l’énergie de liaison des électrons sur la couche considérée, l’effet aura lieu sur des couches d’électrons plus éloignées et, comme la densité électronique est plus faible sur une couche plus éloignée du noyau, sa probabilité d’interaction par effet photoélectrique diminue brutalement de part et d’autres de la valeur de l’énergie de liaison de l’électron. Ceci explique la présence de sauts (fig. 1.5) visibles pour chaque couche électronique . On remarque que le saut de la couche électronique K ou encore nommé « K-edge » est beaucoup plus net que ceux des couches supérieures.
La détection des rayons X
Les photons qui subissent différentes interactions lors de leur passage dans la matière ne sont pas directement détectés par les détecteurs de rayons X, mais ce sont les électrons résultant de leurs interactions photoélectrique et Compton dont le détecteur va déterminer l’énergie cinétique. Pour cela, on utilise un capteur formé d’un matériau dans lequel interagissent les rayons X. La probabilité d’atténuation des rayons X par unité de longueur dans le capteur est donnée par la somme des coefficients d’atténuation linéique des effets photoélectrique, Compton et Rayleigh propre au capteur et à l’énergie des rayons X. Le capteur est alors utilisé pour convertir directement ou indirectement l’énergie cinétique des électrons en signal électrique mesurable.
La conversion indirecte est réalisée avec des détecteurs à scintillation composés d’un matériau scintillant (poudre de Gd₂O₂S ou Gadox, aiguilles de CsI(Tl), etc.) qui émettent des photons de lumière visible (Knoll, 2000) que l’on dénombre à l’aide d’un photodétecteur. On retrouve ce type de système dans des caméras CCD (Charge Coupled Device) couramment utilisées en tant que détecteur dans les scanners cliniques et précliniques. La conversion directe quant à elle, convertit directement l’énergie déposée par les électrons dans le capteur en signal électrique. Ce type de capteur est constitué d’un semi-conducteur (souvent en silicium ou tellurure de cadmium). L’ionisation du milieu par les électrons résultant de l’interaction des rayons X dans le capteur génère des paires électron-trou (la quantité d’énergie nécessaire à la formation de paires électron-trou dépend du matériel dans lequel a lieu l’interaction et de l’énergie déposée). En imposant un champ électrique (typiquement une centaine de volts), ces paires se déplacent en sens opposés et sont collectées par l’électronique de lecture du détecteur.
Un détecteur à conversion directe est appelé détecteur à comptage de photons lorsque le photon est comptabilisé après imposition d’un seuil sur la charge collectée à l’aide d’un comparateur de charges. Ce type de détecteurs constitue une nouvelle génération de détecteurs dits à pixels hybrides (Broennimann et coll., 2006) (Kostamo2008174, 2008) (Pangaud et coll., 2008). La possibilité de pouvoir imposer des seuils à différentes énergies permet de comparer la quantité de charges collectées, donc de mesurer l’énergie déposée par les rayons X.
|
Table des matières
Introduction : contexte
Chapitre 1 Théorie
1.1 La production de rayons X
1.2 Les interactions des rayons X dans la matière
1.3 La détection des rayons X
1.4 La tomodensitométrie
Chapitre 2 Le dispositif expérimental
2.1 Le démonstrateur PIXSCAN II
2.2 La caméra XPAD3
2.3 Les protocoles de communication
2.4 Bilan
Chapitre 3 Génération et amélioration de la qualité des images
3.1 L’étalonnage géométrique
3.2 Le réglage des seuils de discrimination
3.3 Les artéfacts des coupes tomographiques
3.4 L’amélioration de la qualité des coupes tomographiques
3.5 Discussion
Chapitre 4 Les applications biologiques précliniques classiques du scanner PIXSCAN II
4.1 Le petit animal : la souris
4.2 Les agents de contraste
4.3 L’application au suivi de l’angiogénèse tumorale
4.4 L’application au suivi de l’inflammation
Chapitre 5 L’imagerie spectrale au K-edge
5.1 Le principe de l’imagerie au K-edge
5.2 L’utilisation des pixels composites
5.3 Discussion et perspectives
Conclusion