Au croisement de la physique, la chimie et la biologie, les nanotechnologies sont un ensemble de techniques permettant la conception, l’élaboration et la caractérisation de structures et de dispositifs aux dimensions nanométriques. Elles attisent la curiosité des scientifiques depuis une vingtaine d’années car les nano objets possèdent, par rapport aux matériaux massifs, des propriétés électroniques, mécaniques, optiques, magnétiques… tout à fait originales qui sont à l’origine de progrès remarquables dans des domaines aussi variés que la nano-optique, la nano-électronique, le nano-magnétisme, la catalyse chimique ou le marquage biologique…
Les multiples techniques développées pour fabriquer des nano-objets sont communément différenciées selon deux approches. La première, appelée approche « top-down », consiste à structurer la matière à partir de l’état massif pour réduire les dimensions jusqu’à l’échelle nanométrique. Citons quelques techniques issues de la microélectronique qui ont permis de descendre à l’échelle nanométrique comme la photolithographie par ultra-violet, la lithographie par rayons X ou encore la lithographie électronique. Cependant, malgré les évolutions incontestables permises par ces techniques en termes de résolution et de densité, les équipements requis pour les mettre en œuvre demandent des investissements de plus en plus lourds, qui ne sont pas toujours envisageables. Par opposition à cette approche « top-down » qui est historiquement à l’origine des nanotechnologies et reste encore largement majoritaire, une approche « bottom-up», plus récente, utilise des briques de base (atomes, molécules ou agrégats d’atomes) qui s’auto-organisent pour former des structures de taille nanométrique. Cette autre approche a largement été inspirée par les travaux de la communauté scientifique en chimie, permettant de synthétiser entre autres des nanoparticules colloïdales de nature, géométrie et fonctionnalisation surfacique diverses, et ce à moindre coût.
De nombreux travaux dans la littérature sont dédiés à l’étude des propriétés intrinsèques de ces nanoparticules colloïdales de manière individuelle ; d’autres s’intéressent aux propriétés collectives d’assemblées de colloïdes, par exemple en utilisant ces briques élémentaires pour réaliser la zone active de nouvelles générations de capteurs. En parallèle, de nombreuses techniques ont été développées pour assembler ces colloïdes en suspension dans un solvant sur des surfaces solides. Toutes ces techniques d’assemblage mettent en œuvre des interactions spécifiques entre les nanoparticules et la surface d’accueil (interactions capillaires, chimiques, électriques, magnétiques,…) qui, en surpassant les autres interactions présentes en suspension, permettent d’aboutir à un assemblage des colloïdes sous forme de films continus ou sous forme localisée sur des zones spécifiques d’une surface.
Colloïdes : synthèse, assemblage et élaboration de capteurs résistifs
Grâce à leur taille nanométrique, les nanoparticules colloïdales présentent des propriétés physiques étonnantes qui diffèrent des matériaux massifs. Depuis les années 90, ces propriétés sont étudiées dans des domaines scientifiques très divers. Citons à titre d’exemple les études de l’interaction des ondes lumineuses ou des plasmons avec des assemblées de nanoparticules , des mesures de confinement quantique ou de conduction tunnel entre des nanoparticules , ou encore des réactions de catalyse tirant parti de la très grande surface d’interaction disponible dans un volume réduit … Au-delà de la mise en évidence et de la compréhension de ces propriétés spécifiques des colloïdes, certains les ont exploitées pour réaliser des dispositifs fonctionnels tels que des capteurs innovants par exemple.
Après avoir défini ce que sont les nanoparticules colloïdales et leurs principales caractéristiques, nous présenterons dans ce chapitre les principales techniques développées dans la littérature pour assembler ces colloïdes, dispersés dans des solvants, sur des surfaces solides. Cette étape est cruciale pour étudier les propriétés des colloïdes et les intégrer dans des dispositifs fonctionnels. Finalement, nous nous intéresserons aux travaux de recherche qui utilisent des nanoparticules colloïdales pour réaliser des capteurs résistifs tirant parti des propriétés électriques d’assemblées de nanoparticules pour remonter à la quantification d’un stimulus extérieur.
Les suspensions colloïdales
Généralités
Définition
Une dispersion colloïdale est constituée au minimum de deux phases : une phase dispersée et une phase de dispersion, qui peuvent toutes les deux être solides, liquides ou gazeuses . Il existe différents types de dispersions colloïdales, les plus courantes sont les suspensions colloïdales (constituées de particules solides dispersées dans un milieu liquide) et les émulsions (particules liquides dispersées dans un autre liquide non miscible avec le premier). Dans ce manuscrit et les sections qui suivent, nous nous intéresserons uniquement aux suspensions colloïdales. Par convention, un colloïde est un objet en suspension dans un solvant qui a au minimum une de ses dimensions qui est comprise entre 1 nm et 1 μm. Cependant, cette gamme de taille peut varier en fonction de la masse volumique du matériau constituant la phase dispersée et peut être étendue jusqu’à plusieurs dizaines de micromètres pour certains matériaux légers sur lesquels l’influence de la gravité est négligeable. Lorsqu’une ou plusieurs des dimensions des particules est comprise entre 1 et 100 nm, on parle alors de nanoparticule.
La forme et la nature des objets solides en suspension dans un solvant peuvent être variées. Les composants de la phase dispersée peuvent être par exemple des nanoparticules d’or ou de silice ou des nanotubes de carbone ou encore des particules plus grosses telles que les microsphères de polystyrène. Les macromolécules telles que les dendrimères, les protéines ou les molécules d’ADN et les entités biologiques telles que les cellules, les virus et les bactéries en suspension dans un milieu liquide sont également considérées comme des colloïdes . Dans le cadre de ces travaux, nous nous intéresserons à un seul type d’objets, les nanoparticules en suspension. Ces nano-objets sont constitués d’un amas d’atomes généralement entouré par des molécules appelées ligands .
Notons que, selon les méthodes de synthèse utilisée, la taille, la forme ou encore le solvant des nanoparticules peut varier. Il est ainsi possible, par exemple, de synthétiser des nanoparticules d’or sphériques , ou des nano-fils d’or ou encore des nano-étoiles d’or.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : Colloïdes : synthèse, assemblage et élaboration de capteurs résistifs
A. Les suspensions colloïdales
B. Etat de l’art des techniques d’assemblage de colloïdes sur des surfaces
C. Etat de l’art des capteurs résistifs à base de nanoparticules colloïdales
Chapitre II : Elaboration des jauges de contrainte à nanoparticules
A. Synthèse chimique des nanoparticules
B. Assemblage convectif des nanoparticules
C. Adressage électrique de l’assemblée de nanoparticules par lithographie stencil
Chapitre III : Caractérisations des jauges de contrainte à nanoparticules
A. Caractérisations électriques des jauges de contrainte à vide
B. Caractérisations électro-mécaniques fonctionnelles des jauges
C. Nano-caractérisations par SAXS et GISAXS
Chapitre IV : Elaboration de surfaces tactiles flexibles FlexiTouch
A. Etat de l’art des surfaces tactiles
B. La technologie Flexitouch
Conclusion
Annexe A : Copie des travaux et communications