Importance industrielle de la solidification
La solidification est un phénomène dans lequel une phase liquide se transforme en phase solide. Ce phénomène joue un rôle de premier plan dans de nombreux procédés industriels comme la solidification directionnelle, la soudure (You et al. 2014), et les procédés de solidification rapide tels que l’atomisation (Fuqian et al. 2001). Lors de ces procédés de solidification, on distingue généralement deux types de morphologie de base : les structures colonnaires et les structures équiaxes (Figure I-1-a). Pour les structures colonnaires, les grains sont allongés et dirigés suivant la direction du gradient de température. Cette structure donne des propriétés directionnelles aux matériaux ce qui est recherchée dans certains cas comme les aubes de turbine. Pour les structures équiaxes, les grains croissent sans orientation particulière ce qui donne des propriétés isotropes au matériaux, propriétés recherchées dans le cas des matériaux de structures. Dans la plupart des procédés industriels, aucune direction privilégiée n’est imposée concernant le flux de chaleur, mais localement la situation peut être équivalente à une solidification de type directionnelle due à la présence de gradients de température résiduels. Ceci justifie l’intérêt de réaliser des expériences modèles avec un gradient de température imposé comme dans les dispositifs de croissance de type Bridgman-Stockbarger. Comprendre les mécanismes physiques mis en jeu lors de la solidification d’une pièce métallique permet de répondre à une double exigence des procédés industriels : améliorer la qualité et la productivité, tout en réduisant les délais de mise au point des prototypes. La solidification des métaux purs et des alliages nécessite la compréhension de nombreux principes fondamentaux issus de la thermodynamique, la cinétique de transformation de phase et les phénomènes de transport de chaleur et de matière. Améliorer l’étape de solidification permet non seulement d’obtenir des propriétés physiques et mécaniques optimales pour le matériau mais aussi de supprimer les défauts inhérents au procédé tels que :
• Macroségrégation et microségrégation : répartition non homogène de la composition chimique dans la masse de la pièce.
• Porosités : les vides formés dans la masse de la pièce dues à la présence de gaz résiduel comme l’hydrogène dans le cas des alliages d’aluminium et l’oxygène dans le cas des aciers.
• Retassure : les vides formés dans la masse de la pièce dues au retrait du solide lors de la solidification.
L’origine des défauts est directement liée aux structures qui se forment lors de la solidification.
Intérêt industriel de la transition colonnaire – équiaxe CET
Dans les situations réelles (casting, soudure), une transition entre un mode de croissance colonnaire vers un mode de croissance équiaxe est généralement observée, conséquence des variations des conditions thermiques et solutales au cours de la solidification. Cette transition, appelée transition colonnaire – équiaxe « Columnar to Equiaxed Transition, CET » a un impact important sur les propriétés finales du matériau puisque la microstructure résultante est complétement différente (Figure I-22). En solidification dirigée, nous avons vu que l’existence de grains équiaxes est liée au fait qu’il existe une zone de liquide surfondu devant les pointes des dendrites colonnaire. Si des germes solides sont présents dans cette zone, ils pourront croître et une compétition entre la croissance de cristaux équiaxes libres et l’avancée du front colonnaire s’établit, pouvant conduire à la CET. La formation des germes solides équiaxe à deux origines possibles : la germination sur des particules affinantes et/ou la fragmentation des branches secondaire des dendrites colonnaires. La CET est un phénomène complexe parce qu’il y a beaucoup de phénomènes qui interagissent entre eux tels que le transfert de chaleur et de soluté, la convection naturelle, la germination et la croissance. Pour étudier la CET, des modèles ont été développés, parmi lesquels le modèle de Hunt (Hunt, 1984) qui est un modèle dit de blocage mécanique, et le modèle de Martorano et al. (Martorano, et al, 2003) , qui est un modèle dit de blocage solutal.
Modèle de Hunt (1984)
Considérons le cas d’une croissance colonnaire dendritique, avec un front constitué de dendrites qui avancent à une vitesse V dans un gradient de température G (Figure I-23). L’avancée du front dendritique, avec une température Ttip à la pointe des dendrites, donne naissance à une zone de liquide surfondu devant le front de solidification jusqu’à la température du liquidus de l’alliage Tl. Dans ce liquide surfondu, la germination de nouveaux grains peut avoir lieu si la surfusion du liquide est supérieure à la surfusion de germination. Ces nouveaux grains peuvent se développer devant l’interface pour ensuite bloquer l’avancée du front colonnaire : c’est la transition colonnaire -équiaxe.
Les premières tentatives de radiographie X en laboratoire
La radiographie X est une méthode d’observation non-destructive qui permet de visualiser différents contrastes entre les éléments qui constituent un matériau, en fonction de l’épaisseur et du coefficient d’atténuation des milieux traversés. La première utilisation de la radiographie X pour l’observation de la solidification des métaux a été effectuée par Forsten et Miekkoja (Forsten and Miekkoja, 1967). Miller et Beech ont ensuite amélioré la résolution et acquièrent en continue les phénomènes au cours de la solidification d’un alliage Al-Cu et Al-Sn par l’utilisation de la méthode de microradiographie (Miller and Beech, 1972) (Figure II-1a). L’utilisation de la radiographie comme méthode d’observation in situ de la solidification d’alliages d’aluminium a permis de mettre en évidence des phénomènes importants qui affectent la formation de la microstructure. Par exemple :
• Stephenson et Beech (Stephenson and Beech, 1979) ont étudié la longueur de la couche solutale devant un front plan ou cellulaire. Ils ont relié la variation du niveau de gris dans les radiographies au profil de concentration en soluté devant l’interface solide-liquide pour un alliage Al-2%pdsAu (Figure II-1b).
• Lee et Hunt (Lee and Hunt, 1997) ont étudié in situ et en temps réel la formation de porosités pendant la solidification dirigée d’un alliage Al-20%pdsCu (Figure II-1c).
Ces premiers dispositifs de laboratoire ont permis d’étudier avec succès la solidification des systèmes métalliques pour lesquels la différence d’atténuation des rayons X entre la phase solide et la phase liquide est suffisante pour fournir un bon contraste. Cependant, le faible flux de photons X délivré par les sources de laboratoire restait une limitation majeure dans les années 1990. Ce problème a été résolu ensuite par l’utilisation de sources de rayonnement synchrotron.
|
Table des matières
Chapitre I: Généralités sur la solidification des alliages métalliques et les microstructures dendritiques
Introduction
I.1 Contexte et motivation de l’étude
I.1.1 Importance industrielle de la solidification
I.1.2 Solidification d’un alliage binaire dans un gradient de température
I.1.3 Objectifs de la thèse
I.2 Structure dendritique colonnaire
I.2.1 Surfusion de constitution
I.2.2 Analyse linéaire de Mullins et Sekerka
I.2.3 Croissance dendritique colonnaire
I.3 Structure dendritique équiaxe
I.3.1 Affinants pour les alliages à base d’aluminium
I.3.2 Rappels sur la théorie de la germination
I.3.3 Modèle de croissance hémisphérique
I.3.4 Interaction entre grains équiaxes
I.4 La transition colonnaire-équiaxe
I.4.1 Intérêt industriel de la transition colonnaire – équiaxe CET
I.4.2 Modèles de blocage mécanique
I.4.3 Modèles de blocage solutale
Conclusion
Références
Chapitre II: Caractérisation in situ et en temps réel de la formation des microstructures équiaxes d’alliages métalliques par radiographie X
Introduction
II.1 Application de la radiographie X à l’étude de la solidification des alliages métalliques
II.1.1 Les premières tentatives de radiographie X en laboratoire
II.1.2 Radiographie X par rayonnement synchrotron
II.1.3 Dispositifs de laboratoire modernes
II.2 Principe de la radiographie X
II.2.1 Absorption des rayons X
II.2.2 Calcul de la transmission à travers un échantillon
II.2.3 Calcul du contraste solide-liquide
II.3 Dispositif SFINX (Solidification Furnace with IN-situ X-radiography)
II.3.1 Échantillon et creuset
II.3.2 Four à gradient de température
II.3.3 Système de radiographie X
II.3.4 Traitement des images
II.4 Caractérisation du système d’imagerie
II.4.1 Grandissement
II.4.2 Flux de photons incident
II.4.3 Temps d’exposition
II.5 Détermination des paramètres de solidification
II.5.1 Détermination de la vitesse de déplacement du front de solidification
II.5.2 Gradient de température G dans l’échantillon
II.6 Outils de caractérisation de la structure de grains
II.6.1 Taille des grains
II.6.2 Mesure de l’allongement d’un grain
II.6.3 Mesure de l’orientation des grains par rapport au gradient de température
Conclusion
Références
Chapitre III: Développement de la structure de grain lors de la solidification horizontale de l’alliage Al-20%pdsCu affiné dans un gradient de température
Introduction
III.1 Description des expériences
III.1.1 Choix de l’alliage
III.1.2 Orientation du dispositif expérimental (solidification horizontale)
III.1.3 Protocole expérimental
III.1.4 Plan d’expériences
III.2 Effet de la vitesse de solidification sur la structure de grains
III.2.1 Description de la dynamique de formation des microstructures de solidification
III.2.2 Effet de V sur la taille de grains
III.2.3 Effet de V sur la morphologie de grain
III.2.4 Discussion sur les effets de la vitesse de solidification sur la microstructure
III.3 Effet du gradient de température sur la structure de grain
III.3.1 Comparaison des microstructures pour des gradients de température différents
III.3.2 Effet du gradient de température sur la distance de germination
III.3.3 Effet de G sur la taille des grains
III.3.4 Effet de G sur la morphologie des grains
III.3.5 Discussion sur les effets du gradient de température sur la microstructure
Conclusion
Références
Chapitre IV: Influence de la gravité sur la dynamique de formation des grains dendritiques lors de la solidification dans un gradient de température
Introduction
IV.1 Effets de la gravité sur la formation de la microstructure de solidification
IV.1.1 La convection naturelle lors de la solidification verticale
IV.1.2 Sédimentation et flottaison du solide
IV.1.3 Effets mécaniques
IV.1.4 Pression hydrostatique
IV.2 Description des expériences
IV.2.1 Orientation du dispositif expérimental
IV.2.2 Paramètres de solidification appliqués
IV.3 Solidification vers le haut
IV.3.1 Description de la formation des microstructures de solidification
IV.3.2 Effet de la flottaison des grains sur la microstructure équiaxe de solidification
IV.3.3 Effet du gradient de température sur la structure de grains
IV.4 Solidification vers le bas
IV.4.1 Description des microstructures de solidification
IV.4.2 Effet des plumes sur la cinétique de croissance des dendrites
IV.4.3 Effet de la convection thermosolutale sur la structure des grains
Conclusion
Références
Conclusion générale
Nomenclature
Télécharger le rapport complet