Développement de films polymères nanostructurés à hautes propriétés barrières

Quelques considérations sur les propriétés de transport

               Au préalable, il convient de faire un rappel sur la notion de « coefficient de perméabilité d’un matériau ». Le coefficient de perméabilité, paramètre intrinsèque au matériau étudié, caractérise la capacité d’un film à transporter une molécule. Il est le résultat du produit des coefficients de diffusion D et de solubilité S, comme le montre l’équation 1, et est généralement exprimé en unité Barrer (soit 10-10.cm3(STP).cm.cm-2.s-1.cmHg-1) pour l’étude des gaz. Eq.I.1 Le coefficient de diffusion D, souvent exprimé est en cm2 .s-1 , est le paramètre cinétique du transport global. Il décrit la mobilité du pénétrant dans la membrane et dépend de la taille et de la forme de la molécule pénétrante, des chaînes du polymère et de son volume libre. Il traduit l’aptitude du perméant à se déplacer dans le polymère. Il peut être constant, dépendre de la concentration en perméant ou encore varier avec le temps. Le coefficient de solubilité S, dont l’unité est en cm3.(STP).cm-3.cmHg-1 , est une grandeur thermodynamique du transport global. Il représente la quantité de molécules perméantes dissoutes dans la matrice polymère et il est lié aux interactions perméant/polymère.

La nature des molécules diffusantes

                  Pour finir, le dernier paramètre jouant un rôle dans l’effet barrière d’un film est la nature de l’espèce diffusante qui va le traverser. Une petite molécule, par exemple de gaz ou de vapeur, se caractérise par sa polarité, son paramètre de solubilité, sa constante diélectrique mais également par son diamètre cinétique1-29, son volume de Van der Waals1-29, et sa température critique1-30. Comme il a été dit précédemment, la diffusivité d’un gaz décrit la mobilité de celui-ci au sein du film polymère. Il va donc principalement dépendre de la taille de la molécule pénétrante. Plus le volume de la molécule sera faible, et plus facile sera sa migration à travers le film, alors qu’une molécule avec un volume plus important sera ralentie et donc aura plus de difficulté à se frayer un chemin à travers les chaînes de polymère. Pour illustrer le propos, le dioxygène, présentant le plus faible volume molaire par rapport au diazote et au dioxyde de carbone, possède un coefficient de diffusion généralement plus élevé. Chern et al.1-31 ont montré une diminution du coefficient de perméabilité lorsque le volume de Van der Waals de différentes molécules perméantes augmentait, comme on peut le voir sur la Figure 6.a. La solubilité d’un gaz est reliée à son aptitude à la condensation qui peut être évaluée par la température critique (Tc) du gaz. Plus un gaz aura une température critique élevée et plus il sera condensable, d’où une solubilité plus forte. Prenons le cas du CO2, il présente la plus forte solubilité (et perméabilité) par rapport à N2 et O2, en raison d’un diamètre cinétique plus faible et une température critique plus élevée. Des travaux menés par Van Amerongen1-32, ou encore par Barrer et Skirrow1-33, ont montré qu’il existait une relation linéaire entre le coefficient de solubilité S et la température critique de divers gaz. En effet, comme illustré sur la Figure 6.b, le coefficient de solubilité augmente lorsque la température critique des molécules diffusantes augmente.

Les différentes voies d’élaboration des nanocomposites

                     Il existe principalement trois grandes voies d’élaboration de nanocomposites : la voie solvant, la polymérisation in-situ et la voie fondue1-67,68,69,70. La voie solvant consiste à faire gonfler la charge dans un solvant afin d’augmenter l’espace interfoliaire pour que les chaînes macromoléculaires, solubles également dans le solvant, puissent venir s’intercaler entre les feuillets. Le procédé de polymérisation in-situ consiste à faire gonfler la charge dans un solvant contenant cette fois-ci des monomères qui, de par leur faible taille, vont réussir à s’intercaler entre les feuillets. Une étape de polymérisation de ces monomères est ensuite réalisée afin d’obtenir une matrice polymère. Ces deux premières voies d’élaboration présentent les inconvénients d’utiliser des solvants ce qui peut être onéreux et/ou présenter une certaine toxicité. La dernière méthode pour élaborer des nanocomposites est la voie fondue. Elle consiste simplementà mélanger la charge dans la matrice polymère à l’état fondu. Grâce au cisaillement induit par la vis,les charges vont se fragmenter et les chaînes de polymères vont pouvoir plus facilement s’insinuer entre elles. Cette voie est la plus utilisée par les industriels car elle est considérée comme la technique la plus économique et la plus facile à mettre en œuvre1-68 .

Développement de matériaux multicouches

               La dernière technique que l’on peut rencontrer pour améliorer les propriétés barrières est la réalisation de systèmes multicouches où chacune des couches va garder un rôle spécifique. Ces structures multicouches sont généralement obtenues par la technique de coextrusion.Généralement, ces films sont constitués d’une couche interne présentant un rôle barrière aux gaz, et de couches externes à base de polyoléfines pour amener de bonnes propriétés mécaniques garantes de la tenue du film et de bonnes propriétés à la vapeur d’eau. En effet, l’une des couches internes les plus utilisées dans l’industrie de l’emballage est l’EVOH1-41 qui possède une très bonne imperméabilité à l’oxygène, aux gaz carboniques et aux arômes ; à condition de la protéger de l’humidité qui va drastiquement faire chuter ses performances. On retrouve l’EVOH principalement pris en sandwich avec des polymères peu sensibles à l’humidité tels que du polyéthylène (PE), du polypropylène (PP) ou bien du polystyrène (PS) par exemple. Très souvent, pour faire le lien entre la couche interne d’EVOH et les couches externes apolaires, l’utilisation d’une couche adhésive est essentielle1-82. Comme dans le cas des mélanges de polymères, nous pouvons également retrouver le MXD6 comme matériau barrière à l’oxygène, au dioxyde de carbone et aux arômes1-48 dans des systèmes multicouches utilisés par les industriels. Citons comme exemple les bouteilles en PET de Graham Packaging Company présentant une couche centrale composée de MXD6 et d’absorbeurs d’oxygène pour améliorer de 40% les propriétés barrières au CO2 1-48 ou bien l’exemple de la société Perrier commercialisant des films tri-couches PET/MXD6/PET pour limiter la perte de CO2 des boissons gazeuses. De nombreux brevets1-83,84,85 ont également été rédigés sur la réalisation de films multicouches contenant du MXD6 car il permet de garder une bonne stabilité face aux températures élevées et d’avoir un faible taux de transmission d’oxygène1-83. Un des brevets1-84 déposé par les sociétés Tetra Pak et Tetra Laval décrit l’utilisation du MXD6 sous forme multicouche dans l’emballage alimentaire (lait, soupe, sauces…) car il possède de bonne propriétés barrières et mécaniques. De nos jours, les films d’emballage au niveau industriel sont composés de 5 voire 9 couches au maximum, où chacune des couches va avoir un rôle spécifique et une épaisseur de l’ordre du micromètre. Une nouvelle technique de coextrusion dite multinanocouche utilisé jusqu’à présent seulement à l’échelle laboratoire depuis environ une quinzaine d’années, permet d’élaborer des films multicouches possédant 2000 jusqu’à même environ 4000 couches de taille nanométrique. Le fait d’avoir un grand nombre de couches de tailles nanométriques peut amener un effet sur la structure des polymères et conduire à un comportement barrière bien différent.

Point sur les films multicouches contenant des charges

               Lors de l’écriture de ce manuscrit, seulement deux publications faisaient référence à l’incorporation de charges dans un système multicouche dans le but d’améliorer les propriétés barrières et mécaniques. Il est important de noter que les couches de ces systèmes sont de taille micrométrique et non nanométrique comme dans notre étude. Le premier travail que l’on peut citer concerne le développement de films multicouches composé de LDPE et de LDPE-g-MA contenant 5% en poids de montmorillonite Cloisite® 20A1-133. Les auteurs ont évalué l’effet du recuit du film multicouche contenant les charges sur les propriétés perméamétriques. Ils ont montré une diminution du coefficient de perméabilité du film avec l’augmentation du temps du recuit, passant de 1,23 à 0,75 Barrer après 25 minutes de recuit. Pour expliquer cela, une diminution de l’épaisseur de la couche contenant les charges a été mise en évidence. En effet, la couche initialement épaisse de 5,3 µm a atteint 1,3 µm après 25 min de recuit, entraînant directement une augmentation du pourcentage en volume de montmorillonite incorporée dans la couche de PE-g-MA. Cette réduction d’épaisseur s’est accompagnée d’une diminution du coefficient de perméabilité à l’oxygène de la couche contenant les charges de 0,84 à 0,14 Barrer, soit une amélioration des performances barrières de 83%. Le recuit du film multicouche a provoqué également un alignement inattendu des particules d’argiles dans le plan des couches chargées. On peut conclure que l’obtention d’une structure multicouche chargée possédant des couches de l’ordre du micromètre ou même du nanomètre est donc une approche très intéressante et prometteuse pour parvenir à l’amélioration des propriétés barrières. Le second travail concerne des films multicouches de PP-g-MA alterné avec du PP-g-MA contenant des charges de verre de phosphate nommées Pglass1-134. Différents films ont été élaborés en faisant varier le nombre de couches jusqu’à 129, ce qui correspond à des couches ayant une épaisseur de 3 µm. Pour chacun des films analysés directement en sortie de filière, c’est-à-dire sans traitement préalable, la charge se trouve sous forme sphérique (Figure 23). Une diminution du coefficient de perméabilité à l’oxygène est mesurée allant de 20 à 30% suivant le taux d’incorporation. Si nous prenons comme exemple le film dont les couches sont les plus fines (3 µm), l’incorporation de 20% de charges conduit à une diminution du coefficient de perméabilité de 0,86 à 0,62 Barrer, soit une diminution de 28%.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 : Etude bibliographique
I. Généralités sur les polymères barrières
II. Quelques considérations sur les propriétés de transport
II.1. Les facteurs externes (température, taux d’humidité)
II.2. La nature des matériaux polymères
II.3. La nature des molécules diffusantes
III. Amélioration des propriétés barrières : différentes approches
III.1. Modification en surface par plasma froid
III.2. Modification en volume par mélange de polymères
III.3. Modification en volume par incorporation de charges
II.1.1. Les différentes voies d’élaboration des nanocomposites
II.1.2. Les différents états de dispersion
II.1.3. La montmorillonite native et organo-modifiée
III.4. Développement de matériaux multicouches
IV. Les systèmes multinanocouches
IV.1. Etat de l’art
IV.2. Principe de la coextrusion multicouche
IV.3. Propriétés thermo-mécaniques des systèmes multinanocouches
IV.4. Systèmes multinanocouches pour l’amélioration des propriétés barrières
IV.4.1. Les résultats les plus marquants décrits par l’équipe de Baer
IV.4.2. Point sur les films multicouches biodégradables
IV.4.3. Point sur les films multicouches contenant des charges
V. Modèles mathématiques de prédiction de la perméabilité
V.1. Modèle de Maxwell (cas d’un mélange classique)
V.2. Modèle en série (cas d’un système multicouche)
V.3. Modèle de Nielsen-Bharadwaj (cas d’un matériau chargé)
Chapitre 2 : Matériels et Méthodes
I. Présentation des matériaux
I.1. Les matrices polymères
I.1.1. Le polycarbonate (PC)
I.1.2. Le poly(m-xylène adipamide) (MXD6)
I.1.3. L’acide polylactique (PLA)
I.1.4. Le poly(butylène succinate) (PBS)
I.1.5. Le poly(butylène succinate-co-butylène adipate) (PBSA)
I.2. La montmorillonite Cloisite® 30B
II. Elaboration des films monocouches et multicouches avec et sans charges
II.1. Procédé pour préparer des films monocouches et multicouches
II.1.1. Elaboration des films à partir de PC et de MXD6
II.1.2. Elaboration des films à partir de PLA, de PBS et de PBSA
II.2. Préparation de films monocouches et multicouches chargés
II.2.1. Incorporation des charges C30B dans le PBSA
II.2.2. Elaboration de films monocouches de PBSA chargé
II.2.3. Elaboration de films multicouches de PLA/PBSA chargé
III. Méthodes de caractérisation
III.1. Rhéologie
III.2. Microscopie optique
III.3. Microscopie à force atomique (AFM)
III.4. Microscopie électronique à transmission (MET)
III.5. Analyse thermogravimétrique (ATG)
III.6. Analyse calorimétrique différentielle (DSC et MT-DSC)
III.7. Analyse de diffraction des rayons X (DRX)
III.8. Tests de traction
III.9. Propriétés de transport
III.9.1. Généralités
III.9.2. Principe de la perméation
III.9.3. Détermination du coefficient de perméabilité P
III.9.4. Détermination du coefficient de diffusion D
III.9.5. Sorption à l’eau liquide
Chapitre 3 : Développement de films multicouches de PC/MXD6
I. Etude des films monopolymère en multicouches : PC/PC et MXD6/MXD6
I.1. Films monocouche de PC et multicouche de PC/PC
I.1.1. Analyses thermiques et microstructurales
I.1.2. Propriétés barrières
I.1.3. Essais mécaniques
I.2. Films monocouche de MXD6 et multicouche de MXD6/MXD6
I.2.1. Analyses thermiques et microstructurales
I.2.2. Propriétés barrières
I.2.3. Essais mécaniques
II. Etude de films multicouches de PC/MXD6
II.1. Structure et morphologie
II.2. Analyses thermiques et microstructurales
II.3. Propriétés barrières
II.4. Analyses mécaniques
III. Cristallisation du film multicouche de PC/MXD6-2 (80/20) par recuit et par plastification par l’eau
III.1. Structure et morphologie
III.2. Analyse thermique et microstructurale
III.3. Propriétés barrières aux gaz
III.3.1. Impact du recuit sur le film monocouche de MXD6
III.3.2. Impact du recuit sur le film multicouche de PC/MXD6-2
III.4. Propriétés barrières à l’eau
III.4.1. Impact des traitements sur le film monocouche de MXD6
III.4.2. Impact des traitements sur le film multicouche de PC/MXD6-2
III.5. Propriétés mécaniques
Chapitre 4 : Développement de films multicouches biodégradables
Partie A : Etude du système multicouche de PLA/PBSA
I. Etude du film multicouche de PLA/PBSA (300 µm)
I.1. Structure et morphologie
I.2. Analyses thermiques et microstructurales
I.3. Propriétés barrières
I.4. Analyses mécaniques
II. Influence de l’épaisseur des couches
II.1. Sur la morphologie
II.2. Sur les propriétés thermiques
II.3. Sur les propriétés barrières à l’eau
II.4. Sur les propriétés mécaniques
Partie B : Etude du système multicouche de PLA/PBS
I. Etude du film multicouche de PLA/PBS (230 µm)
I.1. Structure et morphologie
I.2. Analyses thermiques et microstructurales
I.3. Propriétés barrières
I.4. Analyse mécanique
II. Influence du recuit et du biétirage
Partie C : Etude du système multicouche de PLA/PBSA contenant des charges de montmorillonite C30B
I. Impact de l’incorporation de charges dans le PBSA
I.1. Dispersion des charges
I.2. Analyses thermiques et microstructurales
I.3. Propriétés barrières
I.4. Analyses mécaniques
II. Impact de l’incorporation des charges dans le film multicouche de PLA/PBSA
II.1. Structure et morphologie
II.2. Analyses thermiques et microstructurales
II.3. Propriétés barrières
II.4. Analyses mécaniques
III. Influence de l’épaisseur des couches
III.1. Sur les propriétés thermiques
III.2. Sur les propriétés barrières
III.3. Sur les propriétés mécaniques
Conclusion générale et Perspectives

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