Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Déterminants de l’hétérogénéité des pratiques de soin des patients lombalgiques.
Aucun livret d’information n’est remis systématiquement par tous les MG aux patients lombalgiques.
Certains livrets ont pourtant une efficience démontrée :
Le « Back Book » anglais est un livret d’information destiné aux patients souffrant de lombalgies aigues. Il est validé depuis 1999 pour changer les croyances des patients et augmenter leur adhésion aux programmes de rééducation (11). Il est démontré qu’il a permis de réduire les demandes d’indemnisation pour lombalgie, la durée d’arrêt de travail et la consommation de médicaments (12). Il contribue à réduire l’incapacité fonctionnelle de lombalgiques subaigus et chroniques hospitalisés en rééducation (13).
Il a été traduit en « Guide du dos » et validé en français en 2003 (14).
Il en existe une version gratuite au format pdf sur internet :
Le manque de communication entre professionnels de santé libéraux de disciplines différentes.
Le Bilan Diagnostique Kinésithérapique (BDK) est la synthèse que le MK devrait envoyer à la caisse d’assurance maladie du patient et au médecin traitant en cours ou en fin de séquence de rééducation du rachis. (voir un exemplaire de BDK sur le site internet www.ameli.fr)
Ce BDK est inscrit le Code de Santé publique depuis 2008 et inscrit dans la convention nationale des MK (15,16).
Il n’est pas réalisé systématiquement (17).
En 2004 moins de 20% des MK de l’Eure auraient déjà rédigé un BDK.
D’après la HAS (18) le succès de ce dispositif auprès des MK serait limité par le « manque de temps » disponible, la « lourdeur » du protocole de transmission, et parfois l’ajustement du nombre de séances par des MK afin de ne pas avoir à répondre à l’obligation de rédiger un BDK…
En l’absence de transmission de BDK, aucune transmission formalisée n’est systématiquement échangée entre MG et MK (en dehors du cadre des maisons de santé pluridisciplinaires et des pôles de santé qui intègrent une minorité des professionnels libéraux). Le patient est à la fois le soigné, le rapporteur de ce qu’a dit l’un et l’autre des praticiens, et le décideur passif des soins qu’il reçoit.
En l’absence de BDK il se trouverait donc des situations cliniques où MG et MK penseraient assurer une prise en charge correcte. Cette situation est confortable car elle leur évite la crainte d’être jugé par un professionnel qui n’est pas leur confrère.
Dans ce cas le choix par le patient d’une méthode de soin est donc influencé majoritairement par ses croyances personnelles, ses peurs, et le discours des praticiens (MG et MK) dans un contexte où la prescription du MG est influencée par les demandes voire les exigences de son patient, pour maintenir la qualité de la relation médecin-malade (19) .
En l’absence de trace écrite de ce qu’ont préconisé les uns et les autres des praticiens, parfois de manière contradictoire, il n’est donc pas étonnant de constater que la prise en charge de patients lombalgiques puisse s’écarter des recommandations officielles et aboutir à la chronicité, aux arrêts de travail voire à l’invalidité.
Aucun questionnaire n’est recommandé actuellement pour détecter précocement les patients à risque de lombalgie chronique.
L’absence de recommandation à ce sujet explique l’absence d’évaluation préventive du niveau de risque de chronicité en pratique courante de MG. Cela explique possiblement que les patients soient adressés aux spécialistes du rachis (rhumatologues, MK, RFR) seulement après que le constat de lombalgie chronique soit fait.
Nous avons recensé 5 questionnaires ayant cet objectif : ceux de Deyo RA aux USA (1988), Rossignol M au Québec (1993),
Hazard RG aux USA (1996), Valat JP en France (2000), Foster N en Grande-Bretagne (2005). Parmi eux, le « Start Back screening Tool » de Foster et al. (GB) est un auto-questionnaire en neuf items rempli par le patient dont le résultat permet d’attribuer au patient lombalgique subaigu un niveau faible/moyen/élevé de risque de chronicité (20). Il est validé depuis 2005.
L’équipe anglaise qui a développé cet outil a créé des parcours de soin spécifiques à chaque niveau de risque (stratified care ou soins stratifiés). En 2011 une étude parue dans le Lancet (21) montrait que ces soins stratifiés réduisaient significativement la consommation des soins, la douleur et les incapacités fonctionnelles associées et les durées d’arrêt de travail.
Nous n’avons pas trouvé de travail similaire réalisé par des médecins français pour attester la validité externe de ce concept.
Les entretiens pharmaceutiques peuvent être réalisés depuis 2014 par les pharmaciens pour faire l’éducation thérapeutique des patients sous AVK ou celle des patients asthmatiques. Leur objectif est de diminuer les comorbidités liées aux erreurs d’autogestion médicamenteuse (22).
Le modèle de ces entretiens est un moyen pour certains pharmaciens de diversifier leur activité en participant à l’éducation thérapeutique des patients. Pour les entretiens AVK ils peuvent réaliser deux entretiens par an et par patient. Cependant loin de faire l’unanimité, le modèle économique de ces entretiens est en pratique inadapté pour motiver la majorité des pharmaciens à intégrer ces entretiens dans leur pratique régulière (23).
• Le transfert de ces outils et connaissances dans la pratique quotidienne se heurte à des difficultés techniques, organisationnelles et financières. L’indépendance financière, professionnelle, éthique, des médecins généralistes libéraux, des pharmaciens d’officine, et des masseur-kinésithérapeutes libéraux et parfois leur manque de formation spécifique rend très difficile le projet de formaliser le parcours de soin des patients lombalgiques.
• L’adhérence des professionnels de santé aux recommandations basées sur les preuves nécessite plus que le simple rappel des recommandations (24). Elle nécessite notamment l’éducation des patients, de leur entourage, et un moyen de communication pluridisciplinaire en vue d’adopter au cas par cas un consensus pluridisciplinaire sur la prise en charge cohérente de chaque patient.
Le carnet lombalgie CORAIL.
Pour répondre au moins en partie à ces impératifs qui nécessitent des outils variés nous avons créé un carnet multifonction appelé « le carnet lombalgie CORAIL » (Coordination, Recherche, Autogestion et Information des Lombalgiques). Ce carnet regroupe :
_ le Start Back screening tool pour évaluer le niveau de risque de chronicité au stade de lombalgie subaigue
_ le questionnaire EIFEL pour mesurer les incapacités fonctionnelles
_ les informations du Guide du dos, pour promouvoir les conseils dont l’impact clinique est démontré.
_ un extrait des recommandations de prise en charge (1), qui présente le niveau de preuve d’efficacité des traitements médicamenteux, manuels et physiques et des dispositifs médicaux. Son intérêt est que les patients concentrent leurs efforts à suivre les méthodes de soin à haut niveau de preuve plutôt que sur les soins à niveau de preuve bas ou insuffisant.
_ des pages pour que le médecin note le diagnostic, le résultat de son évaluation, et la démarche proposée. Le kinésithérapeute peut y noter les techniques de soin utilisées. Le pharmacien peut y noter des informations concernant le patient dont le médecin n’aurait pas connaissance (consultation d’autres professionnels, de sites internet, non observance, raisons du manque d’adhérence aux soins prescrits, problèmes psychosociaux non évalués en consultation.)
_ des pages d’autogestion du patient, pour qu’il note les événements soulageant ou aggravant sa douleur, les exercices physiques réalisés, les difficultés rencontrées en consultation, les questions restées en suspens, les postures et activités douloureuses.
Les trois premières sections du carnet lombalgie CORAIL utilisent des outils validés par la recherche médicale. Ce sont le Back Book (traduit en français en Guide du Dos), le STarT Back Screening Tool et le questionnaire EIFEL (25) (Evaluation des Incapacités Fonctionnelles pour l’Evaluation des Lombalgies).
Les pages des trois dernières sections n’ont pas été validées préalablement.
Les bénéfices attendus du carnet lombalgie CORAIL sont :
_ aider les MG à déterminer le niveau de risque de chronicité de leur patient (avec l’autoquestionnaire STarT Back rempli avant la consultation)
_ gagner du temps en consultation sur l’évaluation des incapacités fonctionnelles du patient et de ses risques psychosociaux (avec l’autoquestionnaire EIFEL rempli avant la consultation)
_ compléter de façon écrite l’information orale donnée au patient en consultation
_ reconstituer en détail l’historique du parcours de soin pluridisciplinaire du patient en évitant le biais de mémorisation (conseils donnés, prescriptions, soins, hospitalisation etc)
_ apporter un support écrit à la réflexion du patient sur ce qui améliore ou ce qui aggrave ses douleurs, sur la façon dont il se soigne, et sur les causes de sa douleur éventuellement persistante.
_ (liste non exhaustive)
L’acronyme « CORAIL » du carnet évoque la multitude de personnes lombalgiques et la variété des méthodes de soin disponibles. Il illustre également la multitude de combinaisons de parcours de soin ambulatoire et les objectifs du carnet qui sont de permettre la coordination des soins par la communication écrite, la mise en évidence des parcours de soin qui conduisent à la chronicité, et d’informer le patient « naïf » (non expert des lombalgies et qui n’est pas formé à se servir du système de santé) pour l’aider à choisir par lui-même en connaissance de cause la trajectoire de son parcours de soin.
• Le mode d’emploi du carnet lombalgie CORAIL a été déterminé par l’auteur de cette étude de manière à ce qu’il soit prescrit par les médecins généralistes à leurs patients lombalgiques au stade subaigu, que ces patients aillent chercher ce carnet en pharmacie, qu’il leur soit remis en main propre lors d’un entretien pharmaceutique, que le patient l’apporte à chaque séance de rééducation du rachis et qu’il le rapporte au pharmacien à la fin du stade subaigu (avant le début du 3ème mois de l’épisode lombalgique). Il est notamment prévu dans ce mode d’emploi que les pharmaciens soient livrés en carnets sur commande auprès de l’auteur qui transmet la commande à l’éditeur du carnet (imprimerie et service logistique).
Il a été choisi en premier lieu que le carnet lombalgie CORAIL soit prescrit au stade subaigu parce que c’est durant cette période que selon les recommandations de la HAS la prise en charge devient pluridisciplinaire (18).
Il n’a jamais fait l’objet d’études auparavant.
Par conséquent nous ne disposons pas de données factuelles sur :
_ La faisabilité qu’il soit prescrit par des MG
_ la faisabilité que patient et pharmacien acceptent de réaliser un entretien pharmaceutique
_ la faisabilité que le patient réponde aux autoquestionnaires STarT Back et EIFEL dans ce contexte
_ la faisabilité que le patient ramène son carnet au MK et que celui écrive dedans
_ la faisabilité que le patient rende son carnet au pharmacien
Notre question de recherche découle de la problématique posée.
Le carnet lombalgie CORAIL est un outil innovant conçu pour être le support de la cohérence des soins et des conseils donnés au cours du parcours de soin, le support de l’information écrite du patient, de sa réflexion personnelle et son expression écrite, et de la traçabilité des soins.
Il est conçu pour donner en complément des conseils donnés oralement au patient lombalgique des conseils écrits, validés scientifiquement, fiables, pour que le patient puisse s’y référer lors des consultations médicales et de kinésithérapie. Il est un moyen potentiel pour le MG de diriger la vitesse et l’orientation de la prise en charge pluridisciplinaire, basé sur des données factuelles rapportées par le patient permettant de connaitre le niveau de risque de chronicité (outil Start Back), l’état physique, psychique et social (outil EIFEL et autogestion) du patient. Le tout avec un gain de temps espéré en consultation et dans la prise en charge globale puisque l’analyse des données écrites par le MG doit lui permettre de révéler des problématiques du patient qui auraient pu passer sous silence lors de l’interrogatoire oral. Ces problématiques sont par exemple les facteurs de risque psychosociaux de chronicité.
Il permet potentiellement au MG de suivre le contenu des soins de kinésithérapie réalisés, comme une sorte de « monitoring ».
Le regroupement de ces outils pourrait permettre d’évaluer prospectivement la concordance des soins réalisés avec les recommandations surtout en cas de haut niveau de risque de chronicité et de résultats cliniques défavorables (augmentation de la consommation de soins, prolongation d’arrêt de travail, allongement de la durée de l’épisode lombalgique).
Ce qui parait être un bénéfice pour la qualité des soins médicaux pourrait aussi l’être pour la qualité des soins kinésithérapiques. Le carnet CORAIL n’est pas un outil de formation des MK. Il est conçu pour donner aussi au patient la possibilité de comparer les soins de kinésithérapie qu’il a reçus à ceux qui sont au minimum recommandés.
Le recueil de l’avis du patient, de son ressenti sur les éléments soulageant ou aggravant sa douleur, en prenant le temps de se souvenir, d’analyser, de synthétiser les faits en dehors de la consultation médicale, sans le regard d’autrui, sans son influence, peut être considéré comme un examen complémentaire, de suivi, voire même thérapeutique (26,27) .
L’utilisation du carnet lombalgie CORAIL peut donc bénéficier au patient si MG et PHA et patient s’en servent. Le mode d’emploi du carnet lombalgie CORAIL décrit l’utilisation prévue du carnet par les MG, PHA, patients (Annexe 1).
Hypothèses
Dans un contexte socioprofessionnel où les patients recourent déjà à divers professionnels au long de leur parcours de soin, avec des orientations de politique de santé qui permettent de cofinancer le déploiement de maisons de santé pluridisciplinaires et la production de protocoles pluridisciplinaires, nous formulons l’hypothèse que les professionnels de santé impliqués dans ce parcours de soin adhèrent à ce projet qui répond à un enjeu majeur de santé publique (LOI HPST n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires).
Malgré ce contexte qui semble sociologiquement favorable à notre idée, le parcours d’usage du carnet sera une nouveauté pour tous les patients n’ayant pas encore connu de tel partage avec le médecin et les professionnels, comme savent déjà l’entreprendre les patients diabétiques avec leur carnet de suivi glycémique qu’ils partagent avec leur médecin traitant, PHA, diététicienne. L’ancrage anthropologique de la relation médecin malade est quant à lui bien plus profond qu’une tendance culturelle naissante même si elle est partagée par une jeune génération de médecin. Il est simple de constater que la relation médecin malade est passée d’une relation de médecin ordonnant patient obéissant, à une relation plus équilibrée avec la possibilité d’un dialogue. On peut souligner le passage dans la loi d’une obligation d’information éclairée (Loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé), la formation des professionnels à un dialogue enrichi vers une décision idéalement partagée, mais la réalité quotidienne se confronte aux exigences de temps, d’organisation, de réseau local de soin, ou même aux représentations subjectives du médecin et du malade (SFMG). Les difficultés que l’on peut rencontrer pour obtenir les changements adéquats chez un patient diabétique, ou bien obèse ou hypertendu, témoignent que le dialogue ne suffit pas. Il y a de la place pour d’autres approches visant l’obtention d’un changement de comportement chez le patient comme en témoigne le back book à l’étranger.
Nous avons conçu un parcours d’usage du carnet qui nous semble cohérent avec ce contexte, mais rien ne nous nous permet d’affirmer la faisabilité de son utilisation en pratique.
Etant donné que cet outil est nouveau, qu’il n’a pas été testé cliniquement auparavant et que les caractéristiques du parcours d’usage du carnet sont inconnues la première question de recherche que nous avons voulu explorer est la suivante : le parcours d’usage du carnet lombalgie CORAIL est-il faisable avec les moyens mis en œuvre dans notre protocole ?
Le parcours d’usage se définit comme la somme des évènements conduisant à la récupération puis à l’analyse des données cliniques recueillies prospectivement dans un carnet lombalgie CORAIL, depuis sa prescription par le MG.
Les objectifs de cette étude
L’objectif principal de cette étude est de connaitre la faisabilité de :
• l’utilisation ordonnée du carnet lombalgie CORAIL par la majorité des patients souffrant de lombalgie ou de lombosciatique subaigüe commune.
L’utilisation ordonnée du carnet signifie qu’il soit prescrit par un MG, délivré par un PHA, partagé par le patient avec les professionnels de santé consultés durant la période d’étude et rendu au même PHA.
Les objectifs spécifiques de cette étude sont :
_ Identifier des barrières et des facilitateurs à l‘utilisation du carnet par les participants
_ identifier les caractéristiques connues des MG dont la prescription conduit à la récupération de carnets en PHA.
_ Mesurer le nombre de carnets prescrits sur la période d’étude.
_ Evaluer la fiabilité de la distribution des carnets depuis la commande de carnets à l’éditeur jusqu’à leur livraison en PHA. La fiabilité est ici mesurée par la part de PHA ayant déclaré avoir reçu les carnets.
_ Calculer le cout des dépenses de fabrication et de distribution de chaque carnet.
• Justification du choix de la méthode :
D’après la Food and Drug Administration nord-américaine en 2013, voici la définition d’une « early feasibility study » que l’on traduira ici par « étude de faisabilité précoce» (28) : « (Traduit de l’anglais par l’auteur de cette étude) Une étude de faisabilité précoce est une expérimentation clinique limitée d’un outil en phase initiale de développement, typiquement avant que la conception de l’outil soit finalisée, dans une indication spécifique (par exemple outil innovant pour une utilisation nouvelle ou déjà bien codifiée, outil commercialisé pour une nouvelle application clinique). Elle peut être utilisée pour démontrer la preuve de concept du design de l’outil par rapport à sa sécurité clinique et sa fonctionnalité pour un petit nombre de sujets (généralement moins de 10 sujets inclus) lorsqu’en pratique cette information ne peut pas être fournie par d’autres évaluations non cliniques ou lorsque les tests non cliniques appropriés sont indisponibles. L’information obtenue d’une étude de faisabilité précoce peut servir à guider les modifications de l’outil. Une étude de faisabilité précoce n’implique pas forcément une première utilisation clinique de l’outil. (…) L’expérience obtenue grâce à une étude de faisabilité précoce augmente l’efficience du processus de développement de l’outil et peut être utilisée pour identifier les modifications appropriées à apporter à la procédure d’utilisation et à l’outil lui-même, optimiser la technique d’utilisation par les professionnels, affiner la population ciblée, développer des protocoles d’étude en conséquence.»
Le cadre de ce type d’étude semble être particulièrement dessiné sur mesure pour permettre l’autorisation par la FDA d’essais cliniques concernant l’utilisation d’outils innovants en phase de développement précoce et non aboutis, sur des sujets humains. Ces outils sont par exemple des outils chirurgicaux comme les endoprothèses vasculaires (29).
En comparaison avec les études pharmacologiques ce type d’étude partage des similitudes avec les essais cliniques de phase 1 (1ère administration à l’homme de molécules innovantes, test de combinaisons de médicaments, petit nombre de patients étudiés, évaluation en priorité de paramètres de sécurité et de tolérance, durée d’étude inférieure à 1 an).
Dans le même document la FDA définit une étude de faisabilité : « C’est un essai clinique qui est communément utilisé pour recueillir les données préliminaires de sécurité et d’efficacité d’un outil finalisé ou presque afin de préparer de manière adéquate un essai de plus grande envergure où le nombre de sujets à inclure doit être justifié. Une étude de faisabilité ne doit pas forcément faire suite à une étude de faisabilité précoce. »
Cette étude est une étude de faisabilité précoce.
Le choix de ce type d’étude, de ce cadre, est justifié parce que ce carnet est innovant et prévu pour une utilisation clinique en milieu de soins ambulatoires et qu’il n’a jamais été testé cliniquement auparavant.
Cette étude est expérimentale, sans comparaison de groupes, non interventionnelle, prospective et multicentrique.
Elle s’est déroulée du 05 Septembre 2016 au 28 Février 2017 dans le département de l’Eure en France.
Participants
Les patients inclus étaient des adultes âgés de 18 à 65 ans présentant un premier épisode ou une récidive de lombalgie commune (ou lomboradiculalgie) subaigüe évoluant depuis 4 à 10 semaines.
Les patients non-inclus avaient un antécédent de lombalgie symptomatique (infection, tumeur, rhumatisme inflammatoire, antécédent de chirurgie du rachis), un niveau insuffisant de lecture et écriture du français, ou étaient des femmes enceintes.
En intégrant la probabilité de patients perdus de vue, le choix d’inclure au moins une vingtaine de patients (en leur prescrivant un carnet à chacun) est cohérent avec la définition d’une étude de faisabilité précoce qui nécessite de réaliser l’analyse des résultats sur moins de 10 patients (qui équivaut ici à analyser moins de 10 carnets lombalgie CORAIL).
Les MG étaient des médecins libéraux exerçant en secteur ambulatoire dans le département de l’Eure seuls ou en cabinet de groupe.
Les MG non-inclus étaient les médecins salariés exerçant exclusivement dans les hôpitaux, institutions publiques ou privées.
Les MG investigateurs incluaient les patients à partir du moment où ils leurs prescrivaient le carnet lombalgie CORAIL.
Les PHA inclus étaient titulaires d’officine dans le département de l’Eure et exerçaient dans la même ville que les MG participants ou dans une commune voisine de la leur.
Les PHA exclus étaient les salariés d’entreprises qui ne pratiquaient pas la délivrance de médicaments directement au patient en officine de ville.
L’URPS masseur-kinésithérapeutes de Normandie était informée du déroulement de cette étude malgré que le protocole d’étude ne prévoyait pas de recruter des MK en tant qu’investigateurs.
Constitution de l’échantillon
Le recrutement a commencé par celui des MG de l’Eure. Pour atteindre le nombre minimal requis, celui-ci s’est fait de plusieurs façons entre Juin et Septembre 2016 :
En Juin 2016 des MG étaient recrutés lors d’une après-midi de formation continue à Evreux (les Rencontres Médicales de l’Eure).
En Juillet 2016 un mail a été envoyé par l’URML Normandie aux 390 MG de l’Eure. A noter que pour obtenir l’autorisation de diffusion du mail par l’URML cette étude a reçu un avis favorable du département de médecine générale de Caen.
Ce mail était une invitation à participer. Il rappelait le contexte, l’objectif de cette étude, qui sont les auteurs et en quoi consistait le travail demandé. Les anciens maitres de stage universitaires du promoteur de l’étude étaient contactés oralement. L’URML ne fournissait pas de liste d’accusés de réception des mails envoyés.
En Août 2016 des invitations à participer étaient imprimées et remises aux MG de l’agglomération de la ville de Vernon et de Bernay.
En Septembre 2016 des MG étaient recrutés lors d’une soirée de formation organisée par un laboratoire pharmaceutique.
Dans tous les cas le promoteur de l’étude présentait l’objectif de l’étude, le travail de prescription demandé, les critères d’inclusion des patients et demandait le consentement.
Ceux qui acceptaient de participer à l’étude donnaient leur consentement par écrit (signature ou en écrivant « oui » par mail) et leurs coordonnées pour recevoir à partir d’Aout 2016 le colis d’étude. Ensuite lorsque le nombre de 20 MG inclus était atteint, un mail était diffusé par l’URPS Pharmaciens Normandie (ex-Haute Normandie) en Aout 2016 aux PHA titulaires d’officine dans l’Eure. Les PHA exerçant dans la même ville que les MG participants étaient ensuite contactés par téléphone en Aout et Septembre 2016.
Dans un souci d’économie les colis étaient livrés en main propre à Vernon, Pacy sur Eure et Ménilles, les autres étaient livrés par voie postale.
Colis d’étude
Un colis a été remis en main propre ou envoyé par la poste à chaque MG, il contenait une fiche rappelant le synopsis de l’étude au recto et le questionnaire de suivi médical prospectif au verso, un exemplaire offert du carnet lombalgie CORAIL, le protocole d’étude contenant le mode d’emploi de la prescription des carnets, et 1 enveloppe vierge.
La fiche de suivi médical rappelait le nom du MG, les coordonnées du patient inclus, la date de prescription. Le MG devait aussi indiquer s’il avait revu son patient avec ou sans son carnet. Il devait évaluer succinctement l’utilisation du carnet.(Fiche de suivi médical prospectif en annexe)
Les PHA inclus recevaient un colis contenant une fiche rappelant le synopsis de l’étude au recto et le questionnaire de suivi pharmaceutique prospectif au verso, 10 exemplaires du carnet lombalgie CORAIL, le protocole d’étude contenant le mode d’emploi des entretiens pharmaceutiques, et 1 enveloppe vierge.
Procédure
Avant le démarrage de l’étude le Comité de Protection des Personnes Nord-Ouest au CHU de Rouen a jugé le 30/06/2016 cette étude non interventionnelle et ne nécessitait donc pas son avis préalable.
Nous avons formulé l’hypothèse que ce carnet ne serait pas dangereux pour la sécurité des patients et des professionnels qui s’en serviront et notamment que les informations contenues dans le carnet lombalgie CORAIL ne porteront pas atteinte au code de déontologie médicale, que tous les carnets distribués seront identiques pour tous les patients, que les PHA participants respecteront la condition de confidentialité des entretiens pharmaceutiques.
Durant toute l’étude les professionnels pouvaient poser leurs questions par mail ou par téléphone à l’investigateur principal.
Les carnets étaient délivrés uniquement par les PHA, et uniquement sur ordonnance médicale et gratuitement lors d’entretiens pharmaceutiques c’est-à-dire lors d’une entrevue individuelle dans un espace de confidentialité d’officine.
Les MG devaient identifier les patients éligibles, les informer de l’étude et lire son résumé puis leur demander leur consentement à participer à cette étude. En cas de réponse positive la mention « carnet lombalgie CORAIL » était manuscrite sur une ordonnance remise au patient, et le MG remplissait sa fiche de suivi médical qu’il gardait pour lui.
Le patient devait aller chercher lui-même son carnet en pharmacie.
Les patients n’étaient pas randomisés.
A réception de l’ordonnance de carnet, le PHA organisait un 1er entretien pharmaceutique avec le patient.
Lors de cet entretien il lui expliquait le mode d’emploi du carnet et devait prévoir la date du 2è entretien pharmaceutique et remplir la fiche de suivi pharmaceutique. Cette fiche indiquait le nom du prescripteur du carnet, les coordonnées du patient, la date du 2è entretien et le numéro de téléphone du patient pour le rappeler en cas d’oubli du rdv. A l’issue de ce 1er entretien le PHA remettait le carnet vierge au patient s’il était d’accord pour s’en servir. Le formulaire de consentement est intégré dans le carnet lombalgie et devait être lu et signé par le patient lors du 1er entretien pharmaceutique.
Le patient devait apporter son carnet lombalgie à chaque consultation d’un professionnel de santé et lui demander d’y écrire une synthèse de la consultation (évaluation clinique, soins prescrits).
Il devait répondre aux auto-questionnaires start back et EIFEL dès l’obtention du carnet, et répondre au 2ème questionnaire EIFEL avant le 2è entretien pharmaceutique.
Le 2ème entretien devait avoir lieu 2 mois après le 1er entretien.
Lors de ce 2ème entretien le patient rendait son carnet au PHA, qui devait observer si les renseignements étaient complets et écrire dans le carnet les facilités et difficultés évoquées par le patient pour se soigner et se servir du carnet durant ces 2 mois.
(Voir les fiches de suivi médical et pharmaceutique en annexe.)
Pour récupérer les fiches de suivi médical en Janvier 2017 nous avons contacté les MG participants par mail et par téléphone. Il leur était demandé d’envoyer leur fiche de suivi médical dans l’enveloppe prétimbrée offerte.
Pour récupérer les fiches de suivi pharmaceutique et les carnets en Février 2017 nous avons contacté les PHA participants par téléphone et par visite à l’officine. Il leur était demandé d’envoyer tous les carnets en leur possession (sauf le carnet spécimen offert) avec leur fiche de suivi pharmaceutique dans l’enveloppe offerte.
Rémunération
Malgré la demande faite à l’URML les MG recrutés ne touchaient pas de rémunération pour le travail effectué.
Suite à la présentation de ce projet l’URPS pharmaciens a accepté de rémunérer en fin d’étude les PHA participants de manière forfaitaire à hauteur de cinquante euros pour chaque carnet délivré et récupéré.
Concernant le modèle économique du carnet l’avis d’un membre représentatif de la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France (FSPF) avait été pris.
Critères de jugement de faisabilité
Le critère de jugement principal est le taux de carnets récupérés lors des EP2 parmi le nombre de carnets prescrits par les MG.
La faisabilité est définie ici par une majorité soit au moins 50% de carnets récupérés parmi ceux prescrits.
Les critères secondaires de jugement sont :
1_ la part de MG ayant prescrit au moins 1 fois le carnet lombalgie CORAIL parmi tous les MG inscrits.
2_ la quantité de carnets prescrits par mois par les MG.
3_ la part des MG qui ont demandé le mode d’emploi du questionnaire Start Back et qui en ont calculé le score total et qui ont noté le niveau de risque de chronicité (Bas, Moyen, Haut) dans les pages de coordination réservées aux médecins.
4_ pour chaque MG le taux de carnet comportant au moins 1 message daté et signé parmi le nombre de carnet qu’il aura prescrit.
5_ le taux de carnets délivrés lors d’EP1 (avec consentement signé) parmi le nombre total de carnets prescrits.
6_ le taux de carnets reçus lors d’EP2 parmi le nombre total de carnets délivrés lors d’EP1.
7_ la part de PHA déclarant que chaque patient a compris l’utilité et le mode d’emploi du carnet, parmi le nombre d’EP1 réalisés.
8_ le taux de carnets récupérés comportant au moins des écrits du MK et des écrits du patient (réponse aux auto-questionnaires ou rédaction dans la section Autogestion).
9_le taux de pharmacies déclarant ne pas avoir reçu leur colis d’étude parmi le nombre de pharmacies recrutées.
10_ le taux de carnets comportant au moins une écriture du MG, du patient et du PHA, parmi le nombre total de carnets reçus lors d’EP2.
11_ coûts de fabrication, frais logistiques et postaux, temps de développement, indemnités versées par l’URPS pharmaciens.
12_ les éléments facilitateurs ou faisant obstacle à l’utilisation ordonnée et complète du carnet, d’après les personnes recrutées.
Analyse des données collectées
L’analyse a porté sur toutes les fiches de suivi médical et toutes les fiches de suivi pharmaceutique récupérées ainsi que sur tous les carnets lombalgie CORAIL récupérés par les PHA participants et rendus au promoteur de cette étude.
• D’abord une lettre minuscule a été attribuée à chaque MG participant ayant rendu sa fiche médicale de suivi prospectif. Les lettres ont été attribuées par ordre alphabétique des noms des MG.
Puis un chiffre a été attribué à chaque patient selon la date de prescription du carnet.
Puis une lettre majuscule a été attribuée à chaque PHA ayant rendu sa fiche de suivi pharmaceutique. Les lettres majuscules ont été attribuées par ordre alphabétique des noms des PHA.
Les MK ayant écrit dans les carnets n’ont pas été identifiés par un symbole parce qu’ils ne faisaient pas partie des populations étudiées.
La combinaison de ces lettres et chiffre permet d’identifier de façon anonyme l’auteur de chaque prescription, le patient ciblé et la référence des entretiens pharmaceutiques réalisés. Cette combinaison permet également de référencer chaque carnet récupéré et analysé.
• Les Verbatim de chaque carnet et de chaque fiche de suivi sont présentés en annexe.
Les résultats chiffrés des auto-questionnaires ont été calculés lorsqu’ils étaient remplis. L’auto-questionnaire STarT Back est le questionnaire 1, l’auto-questionnaire EIFEL 1 est le questionnaire 2 et l’auto-questionnaire EIFEL 2 est le questionnaire 3.
L’orthographe, la conjugaison, la syntaxe et la mise en page des écrits personnels ont été conservés et retranscrits tels quels.
• Les remarques faites par les participants ont été retranscrites prospectivement sur un journal de bord tout au long de cette étude. Elles concernent les leviers facilitateurs et les obstacles identifiés pour utiliser le carnet lombalgie CORAIL. Ces remarques proviennent de discussions informelles, de mails, de discussions téléphoniques, et des fiches de suivi.
Elles ont été classées par catégorie de source d’information : MG, PHA, patient.
• La procédure et le contenu des carnets n’ont pas été modifiés en cours d’étude.
• La vente des carnets en officine n’était pas possible car conditionnée à une autorisation de vente par le Conseil
National de l’Ordre des Pharmaciens qui n’a pas souhaité se prononcer à ce sujet.
Caractéristiques des MG investigateurs 26 MG libéraux du département de l’Eure dont le directeur de cette thèse se sont inscrits comme investigateurs.
Quatre méthodes de recrutement étaient utilisées :
o 6 étaient recrutés lors des RMDE (parmi 7 MG abordés).
o 8 se sont inscrits par mail (parmi les 390 qui ont reçu théoriquement le mail d’invitation)
o 3 se sont inscrits par téléphone (parmi 15 MG appelés)
o 9 étaient recrutés lors de rencontres informelles (parmi 10 MG contactés)
o 3 exclus en fin d’étude (colis non reçu signalé en fin d’étude).
On comptait parmi les 26 MG recrutés 5 femmes (20%). Leur âge n’a pas été communiqué.
12 sont des Maitres de Stage Universitaires (46%).
2 font partie du Département de Médecine Générale de la faculté de médecine de Rouen (8%)
5 font partie d’un pôle de santé pluridisciplinaire. (19%) (dont 1 recruté lors des RMDE, 1 est le directeur de thèse, 2 ont répondu par mail, 1 contacté par téléphone.)
10 exercent seul dans leur cabinet médical. (38%)
12 MG (46%) sur les 23 recrutés ayant reçu leur colis d’étude ont rendu leur fiche médicale de suivi à la fin de l’étude, dont 1 femme parmi les 5.
o Parmi les 12 MG ayant rendu leur fiche de suivi 5 n’ont prescrit aucun carnet.
o Donc 7 MG ont prescrit au moins un carnet (30%) d’après les fiches récupérées.
o Parmi ces 7 MG, quatre ont prescrit des carnets qui ont été récupérés (17%).
11 MG (48%) n’ont pas répondu aux sollicitations par mail et par téléphone pour évoquer les difficultés rencontrées. Ils n’ont pas rendu leur fiche médicale de suivi et sont donc perdus de vue.
Caractéristiques des patients
29 carnets ont été prescrits par ces 7 MG ce qui signifie que 29 patients étaient inclus dont 10 femmes (34%).
La moyenne d’âge des patients inclus était de 46 ans.
Aucun patient n’était exclu en cours d’étude. Tous les patients ayant rendu leur carnet ont signé leur consentement à participer à cette étude.
3 patients ont refusé d’aller chercher leur carnet en pharmacie.
Les caractéristiques des patients à qui un PHA a délivré un carnet sont détaillées dans les verbatim des carnets et des fiches de suivi récupérées en Annexe 2.
Le nombre de carnets prescrits chaque mois, d’Août 2016 à Janvier 2017, était de 1 en Août, 9 en Septembre, 10 en Octobre, 4 en Novembre, 4 en Décembre, 1 en Janvier.
Carnets prescrits
Utilisation du questionnaire STarT Back par les MG
Aucun MG participant n’a demandé le mode d’emploi du questionnaire STarT BacK. Aucun MG participant ne semble avoir utilisé ce questionnaire pour mesurer le niveau de risque de lombalgie chronique vu l’absence de note à ce sujet dans les carnets.
Observations écrites par les MG
Un seul MG a noté une observation parmi les 5 carnets récupérés.
Carnets délivrés
Soit 5 carnets récupérés parmi les 29 carnets prescrits (17%)
2 de ces carnets étaient prescrits par l’auteur du carnet.
Les 3 autres carnets récupérés étaient prescrits par 3 MG distincts dont les points communs sont d’être des hommes, MSU, de plus de 45 ans, exerçant en cabinet de groupe, adhérents à des syndicats de MG (2 adhèrent au même syndicat), et ont rencontré l’auteur du carnet durant son internat (dans des contextes différents).
|
Table des matières
Résumé
Abstract
Introduction
A/ Déterminants de l’hétérogénéité des pratiques de soin des patients lombalgiques
B/ Le carnet lombalgie CORAIL
C/ Hypothèses
D/Les objectifs de l’étude
Méthode
A/Participants
B/ Constitution de l’échantillon
C/ Colis d’étude
D/ Procédure
E/ Rémunération
F/ Critères de jugement de faisabilité
G/ Analyse des données récoltées
Résultats
Discussion
Conclusion
Bibliographie
Télécharger le rapport complet