Determinants de la resistance osseuse

L’os 

L’os est un matériau vivant composé principalement de trois constituants : des cristaux minéraux d’hydroxyapatite (phosphate de calcium), du collagène (protéine fibreuse) et de l’eau. A l’échelle macroscopique ( ≈1cm ), on distingue deux type d’os: l’os cortical (ou os compact) et l’os trabéculaire (ou os spongieux) .

L’os cortical représente approximativement 80% de la masse osseuse dans le squelette humain. Il est peu poreux (typiquement entre 5 à 15%) et constitue la couche externe de l’os. Il est particulièrement présent dans la partie centrale des os longs (diaphyse). L’os trabéculaire est très poreux (typiquement entre 75 à 95%) et se trouve au centre de l’os et en particulier aux extrémités des os longs (épiphyse). On appelle périoste et endoste les interfaces externe (en contact avec les tissus mous) et interne (en contact avec la moelle) de l’os respectivement. Le canal médullaire constitue la cavité des os longs qui contient la moelle. L’épaisseur corticale est la distance entre le périoste et l’endoste. A l’échelle mésoscopique ( 1 ≈ mm), l’os cortical peut être décrit comme un matériau composite constitué, d’une part, d’une matrice minéralisée dense (cristaux d’hydroxyapatite et collagène) et d’autre part, d’un réseau de cavités qui rend compte de la porosité (Figure 2). Plusieurs types de cavités constituent la porosité corticale :

– les cavités de résorption, d’un diamètre φ ≈ 50 à 200µm, qui résultent du processus de remodelage osseux
– les canaux de Havers ( 50 φ ≈ µm) dans lesquels circule le sang et qui sont reliés entre eux par des canaux de Volkmann
– les lacunes ostéocytaires (φ ≈10 à 20µm) dans lesquelles sont logées des ostéocytes.

A l’échelle submicrométrique ( ≈ 0.1µm) on observe les cristaux minéraux d’hydroxyapatite fixés sur des fibres de collagène. Un dysfonctionnement dans le processus de remodelage osseux peut entraîner une perte de matière osseuse. L’ostéoporose est une maladie systémique du squelette caractérisée par une faible masse osseuse et une détérioration de la microarchitecture du tissu osseux, entraînant une augmentation de la fragilité osseuse et du risque de fracture [1]. Le tissu osseux se dégrade avec l’âge davantage chez les femmes que chez les hommes. Ainsi, parmi 100 femmes françaises arrivant à la ménopause, 40 présenteront au moins une fracture ostéoporotique avant la fin de leur vie alors que parmi 100 hommes âgés de plus de 50 ans, 18 environ présenteront au moins une fracture par fragilité avant la fin de leur vie [2]. La détérioration du tissu osseux avec l’âge tend à fragiliser certains sites du squelette plus que d’autres. Les principaux sites de fractures liées à l’ostéoporose sont la hanche, le radius et la colonne vertébrale [3]. En France, 82 % des dépenses en hôpitaux liées à l’ostéoporose sont associées aux fractures de la hanche [4]. Ces fractures sont associées à un fort taux de mortalité (on observe dans l’année suivant la fracture un taux de 10 à 20% de décès de plus qu’attendu pour leur âge chez les femmes s’étant fracturé la hanche) ainsi qu’à une grande perte d’autonomie (jusqu’à un tiers des individus qui se sont fracturés la hanche deviennent totalement dépendants) [5-7].

Déterminants de la résistance osseuse

La résistance de l’os à la fracture est déterminée par la masse osseuse, mesurée par des techniques utilisant les rayons-X et par des propriétés matérielles (élasticité, minéralisation, orientation des cristaux minéraux), microstructurelles (porosité) et géométriques (taille, épaisseur corticale, …). Certaines de ces propriétés ne sont pas indépendantes les unes des autres. On appellera « indices de la résistance osseuse » des paramètres géométriques de l’os qui sont liés à la résistance osseuse telles que l’épaisseur et l’aire corticale. De telles indices peuvent être estimés par des méthodes ultrasonores en particulier.

Méthodes ultrasonores

Un certain nombre de dispositifs ultrasonores ont déjà été développés afin d’évaluer la résistance osseuse et la prédiction du risque de fracture. Les techniques ultrasonores quantitatives ou « Quantitative UltraSound » (QUS) mesurent des caractéristiques ultrasonores telles que l’atténuation en fonction de la fréquence ou « Broadband Ultrasonic Attenuation » (BUA) et la vitesse ou « Speed Of Sound » (SOS) qui sont corrélées à la Densité Minérale Osseuse (DMO) et au risque de fracture. Les dispositifs ultrasonores utilisent deux types de méthodes : la transmission axiale [10-12] et la transmission transverse [13-16]. Dans une configuration en transmission axiale un émetteur et un récepteur sont placés dans la direction de l’axe long d’un os pour mesurer la vitesse de propagation de l’onde dans la couche d’os cortical. En transmission transverse, le site osseux est intercalé entre un émetteur et un récepteur situés l’un en face de l’autre et la vitesse de propagation du signal à travers le site osseux est mesurée. Elles peuvent être appliquées à des sites constitués principalement d’os cortical (radius, tibia, phalange digitale) ou bien d’os trabéculaire (calcanéum) [17]. Ces sites de mesure périphériques sont privilégiés à cause d’une facilité d’accès pour les sondes ultrasonores.

Les techniques QUS à l’ESF

L’ESF constitue l’un des principaux sites de fracture ostéoporotique [3,18]. Johnell et al. ont rapporté que parmi toutes les admissions de femmes âgées de plus de 50 ans dans un hôpital suédois sur une année entière à cause d’une fracture, 49% concernaient la hanche, 8% l’avant-bras et 8% la colonne vertébrale [3]. La mesure de la DMO par absorptiométrie bi-photonique par rayons-X ou DXA (Dual X-ray Absorptiometry) constitue actuellement la méthode de référence utilisée en clinique pour prédire le risque de fracture. La prédiction du risque de fracture de la hanche est meilleure pour une mesure directe de la DMO au niveau de la hanche plutôt qu’à un autre site osseux [19]. Cependant, la prédiction du risque de fracture par DXA n’est pas toujours correcte. Ces observations ont motivé le développement de nouvelles technologies QUS afin de mesurer des paramètres QUS directement à la hanche. Cependant la localisation de l’ESF en profondeur ainsi que sa forme complexe rend délicate une évaluation avec des méthodes ultrasonores. Une équipe constituée dans le cadre d’un projet de recherche européen « FemUS », auquel le laboratoire a participé, a conçu le premier scanner ultrasonore éponyme dédié à l’ESF. Les mesures ultrasonores in vitro à l’ESF ont révélé une très bonne prédiction ( 2 R = 0.95 ) de la DMO dans la région intertrochantérienne, qui est principalement constituée de l’os trabéculaire [13,20]. En outre, la possibilité de mesurer la hanche in vivo avec des ultrasons en transmission transverse a été démontrée avec une précision raisonnable [21,22] et une capacité de discrimination entre des femmes ayant une récente fracture de la hanche et des femmes contrôles [23]. Ces premiers résultats obtenus in vitro et in vivo dans le cadre d’une étude clinique sont encourageants [13,23]. Cependant, les mesures ultrasonores correspondantes sont associées à une propagation d’onde principalement dans l’os trabéculaire. Or l’os cortical contribue aussi à la résistance mécanique de l’ESF [24]. Certaines études ont rapporté que les compartiments cortical et trabéculaire contribuent dans des proportions similaires à la résistance mécanique de l’ESF [25] alors que de récents travaux suggèrent que la contribution de l’os trabéculaire par rapport à l’os cortical est négligeable [26,27]. La localisation en profondeur de l’ESF écarte le choix de la méthode de transmission axiale. La propagation ultrasonore dans un milieu hétérogène ayant une forme tubulaire irrégulière peut se faire suivant des chemins courbes ou même des chemins multiples, générant ainsi des signaux complexes provenant de l’interférence entre les ondes correspondant aux divers chemins. Il a été observé dans un métacarpe de cheval une onde se propageant dans l’enveloppe corticale et une autre à travers le canal médullaire [28]. Chez l’homme, la simulation de la propagation des ondes à travers un modèle de phalange digitale a également révélé que des ondes se propagent à la fois dans la coque corticale courbe que directement à travers le canal médullaire [14]. Des chemins de propagation similaires à travers le radius humain ont été rapportés dans une étude expérimentale qui a montré la capacité des techniques QUS au radius d’estimer des caractéristiques géométriques telles que l’épaisseur corticale et l’air de la section transverse ou CSA (Cross-Sectional Area) [16]. Les ondes se propageant circonférentiellement dans la coque corticale ayant une forme approximativement cylindrique sont appelées «ondes circonférentielles » dans la littérature [16,29]. Ces ondes seront désignées dans la suite de notre étude comme des ondes circonférentielles « de coque » en référence à leur propagation le long de la coque corticale. Leur nature physique exacte dépend du rapport entre l’épaisseur de la coque et la longueur d’onde. Les études en transmission transverse sur la phalange digitale et le radius rapportent que ces ondes circonférentielles de coque sont associées au premier signal reçu. Cette observation serait due au fait que les ondes circonférentielles de coque dans l’os cortical se propagent à une vitesse beaucoup plus élevée que les ondes transmises dans l’os trabéculaire ou à travers le canal médullaire. À l’ESF, un signal rapide communément appelé premier signal ou FAS (First Arriving Signal) a été observé in vivo dans une configuration en transmission transverse, principalement dans les régions corticales de la diaphyse et du col du fémur [30] (Figure 5).

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Table des matières

Chapitre 1 : Introduction générale
1 L’OS
2 DETERMINANTS DE LA RESISTANCE OSSEUSE
3 L’EXTREMITE SUPERIEURE DU FEMUR
4 SYSTEME DE REFERENCE EN ANATOMIE
5 METHODES ULTRASONORES
6 LES TECHNIQUES QUS A L’ESF
7 OBJECTIFS DE LA THESE
REFERENCES
Chapitre 2 : Relations entre le premier signal et les propriétés de la coque corticale du col fémoral: étude numérique
1 POSITION DU PROBLEME
1.1 CONTEXTE
1.2 OBJECTIFS DE L’ETUDE
2 INFLUENCE DE LA GEOMETRIE DE L’OS CORTICAL SUR LE FAS
2.1 MATERIELS ET METHODES
2.1.1 Élaboration de modèles de col du fémur pour les simulations numériques
2.1.2 Paramètres géométriques du col
2.1.3 Simulations numériques
2.1.4 Analyse des données
2.2 RESULTATS
2.2.1 Origine du FAS
2.2.2 Relation entre le TOFFAS et les paramètres géométriques
2.2.3 Influence de la position le long de l’axe du col
2.3 DISCUSSION
2.3.1 Origine du FAS
2.3.2 Relation entre le FAS et les indices de résistance osseuse
2.3.3 Influence de la position le long de l’axe du col
2.3.4 Intérêt de la région au milieu du col
2.3.5 Discussion des hypothèses
3 INFLUENCE DES PROPRIETES MATERIELLES ET MICROSTRUCTURELLES DU COL DU FEMUR SUR LE FAS
3.1 MATERIEL ET METHODE
3.1.1 Préparation des échantillons
3.1.2 Mesures SAM
3.1.3 Les modèles numériques
3.1.3.1 Modèle de référence
3.1.3.2 Modèle sans l’os trabéculaire
3.1.3.3 Modèle avec une élasticité homogène de la matrice minéralisée et une microstructure
3.1.3.4 Modèles de milieu effectif
3.1.3.5 Autres modèles homogènes
3.1.4 Les simulations numériques
3.1.5 Analyse des données
3.2 RESULTATS
3.3 DISCUSSION
3.3.1 Discussion des résultats
3.3.2 Discussion des hypothèses
4 CONCLUSION
RÉFÉRENCES
Chapitre 3 : Relations entre le premier signal et la résistance mécanique de l’extrémité supérieure du fémur : étude expérimentale
1 INTRODUCTION
1.1 CONTEXTE
1.2 OBJECTIF DE L’ETUDE
2 METHODE
2.1 PREPARATION DES FEMURS
2.2 MONTAGE EXPERIMENTAL ULTRASONORE
2.2.1 Choix des capteurs ultrasonores
2.2.2 Description du montage expérimental
2.2.3 Orientation des capteurs
2.2.4 Positionnement de l’axe du col
2.3 MESURES ULTRASONORES
2.3.1 Types de mesures au fémur
2.3.1.1 Balayage le long de l’axe du col
2.3.1.2 Rotation autour de l’axe I-S et de l’axe du col
2.3.2 Caractéristiques des mesures
2.3.3 Traitement des signaux
2.4 MESURES DXA
2.5 ESSAIS MECANIQUES
2.5.1 Configuration
2.5.2 Mesures
2.6 ANALYSES STATISTIQUES
3 RESULTATS
4 DISCUSSION
4.1 CARACTERISATION DU FAS
4.2 SENSIBILITE AU POSITIONNEMENT
4.3 RELATION ENTRE TOFFAS ET LES PARAMETRES MECANIQUES
4.4 CHOIX DU MONTAGE
4.5 CHOIX DU TRAITEMENT DE SIGNAL
4.6 PERSPECTIVES
4.6.1 Application au cas réel
4.6.2 Eléments à prendre en compte pour une mesure ultrasonore de l’ESF
CONCLUSION
REFERENCES
Chapitre 4 : Conclusion

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