Si, comme on le dit souvent, les chats vivent la nuit et arrivent à chasser dans le noir, c’est grâce à leur capacité à voir dans la pénombre qui se base sur un des deux principes majeur de la vision nocturne : l’amplification de la lumière. La grande ouverture possible de leur pupille couplée à une composition améliorée de leur rétine (elle possède un nombre élevé de bâtonnets, sensibles à l’intensité lumineuse, au détriment du nombre de cônes, qui permettent la vision en couleur) leur permet de voir même avec une quantité de lumière extrêmement faible. Ce caractère nyctalope se retrouve chez de nombreux animaux, comme l’ensemble des félins, les rapaces nocturnes ou encore les lémuriens. Cependant, ils ont besoin d’un minimum de lumière pour voir et sont totalement aveugles dans l’obscurité totale.
En revanche, certains serpents peuvent voir même dans le noir le plus total grâce au second principe de la vision nocturne : la détection du rayonnement infrarouge. En effet, dès qu’un corps a une température non nulle (supérieure à 0 K), il émet spontanément un rayonnement électromagnétique dû à l’agitation thermique. Ce rayonnement a donc un spectre de longueurs d’onde qui ne dépend que de la température du corps et qui est dans le domaine de l’infrarouge, entre 750 nm et 1 mm, pour des températures inférieures à 4000 K. Ces serpents ont des fossettes thermosensibles qui détectent ce rayonnement infrarouge et produisent donc une image thermique, qu’il y ait une intensité lumineuse ou non, leur permettant de chasser en repérant leur proie grâce à la chaleur.
Détection infrarouge par HgCdTe : principe et impact des contraintes
Tout corps noir d’une température supérieure à 0 K émet spontanément un rayonnement électromagnétique dû à l’agitation thermique. La longueur d’onde de ce rayonnement ne dépend que de la température, en particulier un corps à température ambiante (300 K) possède une émissivité maximale à 9,66 µm. Cette longueur d’onde se situe dans le domaine des infrarouges, qui ne peut pas être visualisé par l’œil humain, et va donc nécessiter la conception de détecteurs capables de capter ce rayonnement et le transformer en un signal, le plus souvent électrique.
La détection infrarouge
Spectre infrarouge et techniques de détection
L’atmosphère terrestre, qui laisse principalement passer le domaine visible, absorbe une grande partie du spectre électromagnétique : les rayons gamma, X, ultraviolets, la plupart des infrarouges et ceux dont la longueur d’onde est supérieure à 10 m. La fenêtre atmosphérique est définie comme la partie du spectre électromagnétique dont l’absorption par l’atmosphère terrestre est minimale, elle concerne le domaine optique et les ondes radio de faible longueur d’onde.
La détection de ces différentes bandes peut se faire par deux types de détecteurs : thermiques ou quantiques. Les détecteurs thermiques se basent sur la conversion de l’énergie du rayonnement électromagnétique en chaleur dans un absorbeur. Les variations de flux thermique sont ensuite mesurées à l’aide d’une thermistance dans les bolomètres [77], par effet pyroélectrique [53] ou par effet thermoélectrique [29] pour obtenir une image 2D des contrastes de températures de la scène observée. Ces détecteurs ont des performances limitées par rapport aux détecteurs quantiques mais ont un coût bien plus faible et ne nécessitent pas de système de refroidissement.
Les détecteurs quantiques reposent quant à eux sur l’effet photoélectrique pour transformer les photons incidents en courant électrique. On peut simplement utiliser la propriété d’un matériau semi-conducteur à absorber un photon d’énergie supérieure à son énergie de bande interdite, ou gap, pour exciter un électron et pouvoir détecter un courant électrique au niveau d’une photodiode. Ce matériau peut être un semi-conducteur à gap direct, comme InSb [66] ou HgCdTe [24], ou un semi-conducteur très fortement dopé de façon extrinsèque (As, Sb, Cu, P…), par exemple du silicium ou du germanium [84]. Il est à noter que pour obtenir les mêmes performances que les détecteurs à base d’InSb ou HgCdTe, les détecteurs en Si ou Ge nécessitent une température de fonctionnement bien plus faible ce qui limitera donc leur utilisation. En plus de cette technologie simple de photodiode, des technologies alternatives plus complexes ont pu être développées telles que les détecteurs à base de multi-puits quantiques ou les structures super-réseaux. Dans la première, réalisée à base de GaAs/AlGaAs dont les énergies de gap sont supérieures aux énergies des photons infrarouges, la structure multi-puits est construite de telle sorte que les transitions se produisent entre deux états d’une même bande [54, 78]. Les structures super-réseaux définissent des mini-bandes qui sont équivalentes aux bandes de conduction et de valence, dont l’énergie de gap peut donc être ajustée en modifiant la composition, les épaisseurs des couches ou l’état de contrainte entre celles-ci [87]. Elles sont principalement réalisées à base de InAs/InGaSb.
Les détecteurs quantiques peuvent présenter de très hautes performances et sont majoritairement présents dans les applications militaires de vision nocturne ou de guidage des missiles, et dans les applications spatiales pour l’observation des galaxies avec le futur télescope James-Webb, de la matière noire (ESA-Euclid) ou la détection d’exo-planète (ESA-EChO) .
Performances des détecteurs
Ces détecteurs quantiques se fondent sur l’absorption des photons pour créer des paires électrons-trous, puis sur la collection de celles-ci au niveau d’une jonction p-n. Les performances de ces détecteurs sont ainsi grandement liées à la durée de vie de ces porteurs [24, 48] et à leur propension à être collectées par la jonction p-n du même pixel que celui où le photon a été absorbé [67, 55]. En effet, si les porteurs n’ont pas une durée de vie suffisante pour atteindre la jonction p-n, l’information est perdue. Et si le porteur créé au niveau d’un pixel dérive pour être collecté par un pixel voisin, l’information globale de l’image est bruitée, phénomène que l’on appelle « crosstalk ».
De plus, comme dans tout photodétecteur, un courant d’obscurité est présent à cause de l’agitation thermique des électrons [68, 38]. Pour limiter ce phénomène, les détecteurs sont refroidis grâce à une machine à froid jusqu’à une température d’environ 77 K. Un des principaux axes de recherche est d’augmenter cette température de fonctionnement dans le contexte de la réduction du SWaP (size, weight and power) afin de limiter d’une part la consommation du détecteur lors du refroidissement mais aussi l’encombrement de celui-ci en diminuant la taille et le poids de la machine à froid. Les récentes avancées dans la fabrication de ces détecteurs permettent maintenant d’accéder à une température de fonctionnement dans la bande LWIR de 100 K en production [75] et des recherches sont effectuées sur des systèmes à une température de plus de 200 K [50]. Ces caractéristiques de durée de vie, de crosstalk et de courant d’obscurité sont très fortement liées à la qualité cristalline du matériau. Selon le matériau utilisé pour la couche active, ces caractéristiques impacteront donc plus ou moins les performances finales du détecteur.
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Table des matières
Introduction
1 Détection infrarouge par HgCdTe : principe et impact des contraintes
1.1 La détection infrarouge
1.1.1 Spectre infrarouge et techniques de détection
1.1.2 Fonctionnement d’une photodiode
1.1.2.1 Performances des détecteurs
1.1.2.2 Choix du matériau
1.2 Caractéristiques du matériau
1.2.1 Propriétés du HgCdTe
1.2.2 Substrat de CdZnTe
1.2.3 Substrats alternatifs
1.3 Apparition et effet des contraintes
1.3.1 Épitaxie du HgCdTe
1.3.1.1 Tenseur des déformation
1.3.1.2 Dislocations et épaisseur critique
1.3.1.3 Épitaxie en phase liquide
1.3.1.4 Épitaxie par jets moléculaires
1.3.2 Étapes technologiques
1.3.3 Mesure et effet des dislocations
1.3.4 Effet piézoélectrique
1.4 Mesures conventionnelles de contraintes sur HgCdTe
1.4.1 Diffraction des rayons X
1.4.2 Profilométrie mécanique
1.4.3 Microscope électronique à transmission
1.5 Microdiffraction des rayons X
1.5.1 Mise en place expérimentale
1.5.2 Mesure des rotations, déformations et plastification
1.5.3 Spécificité de notre méthode de mesure
1.6 Conclusion
2 Étapes technologiques et réalisation des échantillons
2.1 Influence des étapes technologiques sur les contraintes
2.1.1 Gravure
2.1.2 Passivation
2.1.3 Implantation
2.1.4 Recuit
2.1.5 Hybridation
2.2 Réalisation des échantillons
2.2.1 Préparation de surface et clivage
2.2.2 Interféromètre
2.2.3 Photolithographie
2.2.4 Gravure
2.2.5 Passivation et recuit
2.2.6 Implantation et recuit d’activation
2.3 Conclusion
3 Traitement des données de microdiffraction et mesure expérimentale
3.1 Installation expérimentale et mesure
3.1.1 Mise en place de l’échantillon
3.1.2 Positionnement et mesure
3.1.2.1 Positionnement grossier avec le microscope optique
3.1.2.2 Positionnement fin avec la fluorescence X
3.2 Problématiques associées à notre mesure
3.2.1 Détermination précise de la position des pics
3.2.1.1 Moyenne des mesures et bruit de fond
3.2.1.2 Positions des pics
3.2.1.2.1 Fit d’un modèle non linéaire
3.2.1.2.2 Adaptation à nos pics
3.2.2 Longueur de pénétration des rayons X
3.2.2.1 Théorie dynamique de la diffraction
3.2.3 Inclinaison de l’échantillon
3.2.4 Pics rétrodiffractés et surface libre
3.3 Indexation des pics et traitement final
3.3.1 Méthode traditionnelle de dépouillement
3.3.2 Stratégie de mesure alternative
3.4 Conclusion
4 Déplacements des pics selon l’axe x : désorientation, déformation et plastification
Conclusion