Détection, diagnostique et caractérisation d’Aeromonas salmonicida
Détection et culture des souches d’Aeromonas salmonicida chez les poissons
Dans le cas de la furonculose chez les poissons, qu’elle soit sous forme typique ou atypique, la détection de l’agent pathogène se fait par culture directe sur TSA (Annexes), à partir de prélèvements faits sur des organes internes, comme par exemple le rein, mais aussi au niveau des zones de lésions des muscles, de la peau, des branchies et du mucus. Après culture, le pathogène est identifié par des observations morphologiques, des tests biochimiques, physiologiques, sérologiques et des études moléculaires (Bernoth, 1997b ; Byers et al., 2002a,b ; Austin et Austin, 2007 ; Janda et al., 2010). Pour les poissons porteurs de l’infection mais ne manifestant pas de signes cliniques apparents ou « porteur sains », il faut, au préalable, des tests d’induction de stress favorisant la manifestation du pathogène et sa détection, de même pour ceux qui ont une charge bactérienne faible (Bullock et Stuckey, 1975a ; Hiney et al., 1997 ; McCarthy, 1977a ; Daly et Stevenson, 1985b ; Hirvelä-Koski et al., 1988). La méthode par PCR directe (avec amorces spécifiques) est très utilisée pour détecter l’agent pathogène sur les tissus des poissons. Cependant Colquhoun et Cunningham (2002) ont montré que la méthode de culture du pathogène est plus efficace et plus sensible que la méthode par PCR directe sur les tissus de poissons, surtout en cas d’absence de signes cliniques, compte tenu du faible pouvoir de détection qui est approximativement de 4 x 10⁵ CFU/g (Byers et al., 2002a). Par ailleurs, dans certaines conditions d’études les méthodes moléculaires ont un rendement et des avantages plus importants que les méthodes classiques de culture d’A. salmonicida, c’est le cas par exemple lors de la détection chez des géniteurs par des tests sanguins non mortels, sur des œufs ou des produits dérivés, des sources d’eau d’approvisionnement (Colquhoun et Cunningham, 2002).
Propriétés biochimiques et morphologiques de la sous-espèce salmonicida
La sous-espèce salmonicida est une souche bactérienne à Gram négative, anaérobie facultative, non mobile et qui ne forme pas de spore (Griffin et al., 1953). Son optimum de croissance se situe entre 20 et 22oC, à ph 5,3 à 9,0 dépendant de la composition du milieu de culture. La sous-espèce salmonicida produit une pigmentation brune soluble dans l’eau et qui est un caractère distinctif entre les sous-espèces. Cependant bien que la production de cette pigmentation constitue une caractéristique majeure de diagnostic d’A. salmonicida (MartinCarnahan et Joseph, 2005), la prudence devrait être de mise, dans la mesure où il existe des variations entre les souches pigmentées, mais aussi de la quantité produite et du temps nécessaire pour son apparition (Horne, 1928 ; Mackie et Menzies, 1938). Par ailleurs il est à noter que certaines souches atypiques peuvent parfois induire la production de ce pigment, de même certaines souches typiques peuvent perdre ce caractère en cas de cultures répétitives. Ce critère doit donc être combiné avec les autres caractères permettant de distinguer les 5 sous-espèces. Le diagnostic est obtenu par des techniques de culture, généralement sur TSA ou BHIA (Annexes) dans ce cas les isolats typiques peuvent produire une pigmentation brune caractéristique. Le bleu de coomassie « Coomassie Brilliant Blue » (CBB) R-250 (Figure 4) peut également être utilisé comme un moyen différentiel permettant une diagnose préliminaire (Cipriano et Bertolini, 1988; Cipriano et Blanch, 1989 ; Markwardt et al., 1989).
Sur gélose nutritive, les colonies d’A. salmonicida sous-espèce salmonicida sont lisses, de marges entières et convexes ; elles ont en moyenne moins de 1 mm de diamètre en 24 heures d’incubation et 1-2 mm après 4 jours d’incubation (Griffin et al., 1953). Duff et Stewart (1933), puis Munro et Hastings (1993) font remarquer que les colonies d’A. salmonicida sur gélose sont d’une telle cohérence qu’elles peuvent être récupérées sur la surface de la gélose sans se casser et sans difficulté. Dans une coloration à Gram pour des colonies d’une journée d’incubation, les cellules apparaissent sous forme de courtes tiges charnues avec des extrémités arrondies, la largeur des tiges étant de 1 µm et la longueur de 1,7 à 2 µm (Griffin et al., 1953). Aeromonas salmonicida peut être distinguée des souches atypiques et des autres pathogènes de poissons sur la base de tests phénotypiques sélectifs, notamment par la réaction de coloration de Gram (petits bâtonnets Gram-négatifs), la motilité (apparaît généralement comme non mobiles), la croissance à 37°C (négative), le métabolisme fermentatif, la production de catalase et oxydase (positive respectivement) et la production d’acide à partir du saccharose et xylose (négative). Ces tests constituent une identification provisoire ou présomptive d’A. salmonicida (McCarthy, 1976). Il est en outre, recommandé que les isolats soient examinés pour la dégradation de la gélatine (positive), de l’amidon (positive) et de l’urée (négative), la dihydrolyse de l’arginine (positive), l’oxydation du gluconate (négative) et la décarboxylation de l’ornithine (négative). Le tableau II présente les tests biochimiques permettant d’identifier et de distinguer la sous-espèce salmonicida des 4 autres sous-espèces d’A. salmonicida.
Caractérisation moléculaires de la sous-espèce salmonicida
Les études moléculaires ont montré que la sous-espèce salmonicida est génétiquement homogène, confirmé par des résultats d’électrophorèse en champ pulsé (PFGE) de 44 isolats de la sous-espèce salmonicida, qui a généré 30 profils différents et 40 types distincts (Chomarat et al., 1998). Les génomes de deux souches, A449 (4,7 Mb) et 01-B526 (4,75 Mb), ont été séquencés, le premier a deux grands plasmides de 166 et 155 kb alors que le second a un grand plasmide, pAsa5, de 155 kb et trois petits plasmides, pAsa1, pAsa2 et pAsa3, de 5424 , 5247 et 5616 bases, respectivement (Reith et al., 2008 ; Charette et al., 2012). L’uniformité génétique de la structure de la population d’A. salmonicida sous espèce salmonicida a été rapportée par plusieurs auteurs utilisant diverses méthodes moléculaires, y compris l’analyse des empreintes des restrictions endonucléases (McCormick et al., 1990), le profil plasmidique (Bast et al., 1988 ; Toranzo et al., 1991 ; Sorum et al., 1993), amplification au hasard de l’ADN polymorphe (RAPD : Miyata et al., 1995), digestion des empreintes digitales I-Ceui par électrophorèse en champ pulsé (PFGE: Umelo et Trust, 1998), PFGE et analyse en composantes principales (Livesley et al., 1999) et combinaison RAPD et PFGE (O’hIci et al., 2000). Des amorces qui sont spécifiques à la sous-espèce salmonicida (Byers et al., 2002) ont été conçues par Miyata et al. (1996) ; elles représentent des amorces standards utilisées dans les laboratoires pour le diagnostic moléculaire de la furonculose.
Prévention et contrôle de la maladie de la furonculose
L’adage « mieux vaut prévenir que guérir » prend tout son sens dans le cas des stratégies de contrôle d’une maladie, particulièrement dans les écloseries de poissons. Il y a des pré-requis indispensables pour prévenir des épizooties dans les fermes aquacoles. La migration des poissons anadromes dans des zones d’approvisionnement en eau des écloseries, la forte concentration de poissons infectés dans les stations piscicoles qui sont proches des stations non contaminées, et le partage de matériel entre les stations représentent des risques très importants à l’introduction de la furonculose (Jarp et al., 1993). L’une des étapes fondamentales dans la prévention de la furonculose pour son écloserie, fait remarquer Schachte (2002), consiste à souscrire à un programme d’inspection et à un système de classification des maladies. Au minimum, tous les lots de poissons en écloserie doivent être inspectés au moins une fois par an pour détecter la présence de la maladie, ce qui permettrait d’utiliser les données issues de ces inspections pour parer à une éventuelle épizootie ou bien manager son écloserie. Il faut aussi éviter les transferts de poissons suspects ou de poissons porteurs connus du couvoir à l’écloserie. Tous les œufs provenant d’espèces sensibles doivent être régulièrement désinfectés en utilisant des composés organiques tel que de l’iode actif (McFadden, 1969 ; Amend, 1974 ; Piper et al., 1982 ; Sako et al., 1988 ; USFWS, 1995). L’alimentation en eau de l’écloserie devrait être exempte de poissons ; de même, des mesures doivent être prises pour empêcher l’introduction de poissons sauvages, potentiels porteurs, dans l’écloserie. Des souches résistantes de poissons devraient être utilisées lecas échéant comme un outil de gestion de la maladie. Si les œufs doivent être importés de l’extérieur du système d’élevage, il faut insister pour que soient fournis uniquement des œufs qui sont inspectés et certifiés ne possédant pas la bactériose.
Développement d’un vaccin
Le développement d’un vaccin efficace contre la redoutable infection causée par A. salmonicida semble être un grand défi pour les chercheurs. La résistance de plus en plus accrue de certaines souches d’A. salmonicida à des méthodes de traitement a amplifié la nécessité de trouver une alternative, notamment un vaccin contre la furonculose. La première tentative sérieuse de mettre au point un vaccin peut être attribuée aux travaux de Duff (1942), qui a utilisé le chloroforme inactivé par les cellules pour protéger la truite fardée (Salmo clarki) contre la furonculose.
Plusieurs autres tentatives de combinaison ont vu le jour :
• Les vaccins sous forme de cellules entières inactivées chimiquement ou à la chaleur. Ces vaccins peuvent être mono- ou polyvalents ; ce sont les plus simples, disponibles en quantité et les moins chers parmi les vaccins de poissons.
• Les extraits cellulaires solubles inactivés (texoïds).
• Les lysats cellulaires.
• Les vaccins sous forme de cellules vivantes atténuées par modification génétique. Notons que ce genre de vaccins est utilisé avec beaucoup de précautions, certaines autorités étant réticentes du fait de l’existence d’un risque que la souche vaccinale redevienne pathogène.
• Les vaccins sous-unitaires, par exemple le produit génétique du gène tapA pour le contrôle des infections à A. salmonicida (Nilsson et al., 2006).
• Les vaccins ADN (Pasnik et Smith, 2006)
• Les composants sous-cellulaires purifiés, par exemple OMP et LPS. Ces vaccins nécessitent une compréhension détaillée de la chimie microbienne, dont certains aspects sont déficients pour la plupart des agents bactériens pathogènes des poissons.
• Le Sérum pour l’immunisation passive (Shelby et al., 2002). C’est en grande partie un intérêt théorique, dans la mesure où il est difficile d’envisager l’utilisation de la technique dans l’environnement de pisciculture, à l’exception des géniteurs ou des poissons ornementaux (Austin et Austin, 2007).
|
Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 : Synthèse bibliographique
I. La furonculose
I.1. Définition
I.2. Taxonomie, propriétés et classification
I.3. Hôtes et distribution géographique
I.3.1. Hôtes
I.3.2. Distribution géographique
I.4. Pathologie
I.4.1. Signes cliniques
I.4.1.1. Forme typique de la furonculose
I.4.1.2. Forme atypique de la Furonculose
I.5. Epidémiologie
I.5.1. Transmission de l’infection
I.5.2. Survie du pathogène dans le milieu aquatique et facteurs prédisposant à l’infection
I.5.3. Facteurs de virulence
I.6. Détection, diagnostique et caractérisation d’Aeromonas salmonicida
I.6.1. Détection et culture des souches d’Aeromonas salmonicida chez les poissons
1.6.2. Propriétés biochimiques et morphologiques de la sous-espèce salmonicida
1.6.3. Caractérisation moléculaires de la sous-espèce salmonicida
I.7. Prévention et contrôle de la maladie de la furonculose
1.8. Développement d’un vaccin
1.9. Traitement de la furonculose
II. La columnariose
II.1. Définition
II.2. Hôtes et distribution géographique
II.3. Impact économique
II.4. Taxonomie
II.5. Agent pathogène
II.6. Pathologie
II.6.1. Signes cliniques
II.6.2. Transmission de l’infection
II.7. Epidémiologie
II.8. Virulence
II.9. Diagnostic et caractérisation de Flavobacterium columnare
II.9.1. Caractérisation phénotypiques
II.9.2. Caractérisation moléculaires
II.9.3. Isolement et culture du pathogène
II.9.4. Sensibilité aux antibiotiques
II.10. Prophylaxie
II.11. Contrôle et vaccins
II.12. Traitement
Chapitre 2 : Matériel et Méthodes d’étude
I. Matériel biologique et localités d’échantillonnages
I.1. Poissons examinés
I.2. Souches bactériennes
I.3. Milieux de cultures
II. Détection, diagnostic et caractérisation des souches bactériennes
II. 1. Essais biochimiques, physiologiques et morphologiques
II.2. Essais de sensibilité aux antibiotiques
II.3. Etudes moléculaires et analyses phylogénétiques
II.3.1. PCR simples
II.3.2. L’analyse de 16S rDNA-RFLP
III. Les infestations expérimentales
III.1. Actions pathogènes en conditions contrôlées et dose médiane létale (LD50)
III.2. Détermination de la courbe cinétique de croissance
III.3. Pathologies et histopathologie
IV. Analyses statistiques
Chapitre III: Caractérisation Polyphasique des Souches d’Aeromonas salmonicida Isolées chez les Poissons Salmonidés et non Salmonidés
Polyphasic Characterization of Aeromonas salmonicida Isolates Recovered from Salmonid and Nonsalmonid fishes
Résumé
Abstract
Introduction
Material & Methods
A. Fish and sampling
B. Bacterial isolation
C. Phenotypic characterization of isolates
D. Additional characterization and variability among isolates
E. Molecular analysis
F. Gene sequencing and phylogenetic analysis
G. Statistical analyses
Results
Discussion
Acknowledgements
References
Chapitre IV : Infection de la Lamproie Marine par une Souche Inhabituelle d’Aeromonas salmonicida
Infection of Sea Lamprey with an Unusual Strain of Aeromonas salmonicida
Résumé
Abstract
Introduction
Material & Methods
A. Fish and sampling
B. Phenotypic characterization
C. Molecular analysis
D. Gene sequencing and phylogenetic analysis
E. Experimental challenge studies
Results
Discussion
Acknowledgements
Literature Cited
Chapitre V: Isolement et Caractérisation des Souches de Flavobacterium columnare chez les Poissons du Bassin des Grands Lacs
Isolation and Characterization of Flavobacterium columnare Strains Infecting Fishes Inhabiting the Laurentian Great Lakes Basin
Résumé
Abstract
Introduction
Materials and Methods
A. Fish and sampling
B. Bacterial isolation
C. Presumptive identification of bacterial isolates
D. Molecular analysis
E. 16S rDNA-RFLP analysis
F. Gene sequencing and phylogenetic analysis
G. Experimental challenge
Determination of growth kinetics
Experimental challenge by intraperitoneal (IP) injection and determination of Median
lethal dose (LD50)
H. Histopathology
I. Statistical analysis
Results
Discussion
Conclusion générale