Ces dernières années, l’émergence ou la réémergence de diverses maladies infectieuses ne cesse d’augmenter et constitue une menace réelle pour la santé publique (Wang & Crameri, 2014 ; Bueno-Mari et al., 2015 ; Bloom et al., 2017 ; Nii-trebi, 2017). Ces maladies ont généralement différentes sources mais dans 70% des cas, elles sont associées à la faune sauvage (Jones et al., 2008). Ainsi, une zoonose est définie comme étant une maladie ou infection chez les animaux transmise à l’homme et vice versa (Savey & Dufour, 2004 ; Moutou, 2015). De nombreuses études ont déjà mis en évidence l’implication de la faune sauvage ou domestique dans le maintien et la transmission des agents pathogènes (bactéries, virus et parasites), entrainant diverses formes d’infections chez l’homme qui peuvent être mortelles sans prises en charge (Meslin et al., 2000 ; Taylor et al., 2001 ; Simpson, 2002 ; Kruse et al., 2004 ; Morens et al., 2004 ; Saegerman et al., 2012).
Toutefois, il est important de mentionner que de nombreux facteurs peuvent provoquer ou accélérer l’émergence des zoonoses tels que les facteurs environnementaux, les changements climatiques (Daszak et al., 2001 ; Kruse et al., 2004 ; Randolph, 2004 ; Cutler et al., 2010) et les mouvements de la population (Aagaard-Hansen et al., 2010 ; Cutler et al., 2010) modifiant par la suite l’habitat des réservoirs et offrant un contact plus étroit entre ces réservoirs et l’homme.
De nombreuses études ont permis de constater que les petits mammifères sont les plus impliqués dans le maintien et la transmission de ces agents pathogènes d’importance médicale ou vétérinaire (Collares-Pereira et al., 2001 ; Meerburg et al., 2009 ; Anh et al., 2015 ; Han et al., 2015 ; Kuo et al., 2015 ; Dietrich et al., 2016). Ces animaux hébergent en majorité des bactéries souvent responsables de plusieurs épidémies dans le monde. Tel est par exemple le cas de la peste qui a déjà fait l’objet de trois pandémies à savoir la peste Justinienne, la peste noire et la troisième pandémie (Stenseth et al., 2008 ; Wagner et al., 2014 ; Bos et al., 2016). Cette maladie reste encore actuellement endémique dans certaines localités avec un taux de létalité variable (Chanteau et al., 2000 ; WHO, 2008). Outre la peste, les rickettsioses ont causé également plusieurs épidémies dans le monde. En effet, le typhus épidémique a fait 20 à 30 millions de morts en Europe après la première guerre mondiale (Gross, 1996) et récemment, la fièvre boutonneuse a causé la mort de 411 personnes au Brésil (de Oliveira et al., 2016).
Les petits mammifères terrestres de Madagascar
Madagascar abrite une large biodiversité de petits mammifères dont la majorité est endémique de la Grande île. Les petits mammifères non-volants comptent 64 espèces dont 59 sont endémiques et cinq introduites (Soarimalala & Goodman, 2011). Ils sont regroupés dans trois ordres : Afrosoricida, Soricomorpha et Rodentia.
Dans l’ordre des Afrosoricida, les tenrecs sont les plus connus et sont les représentants de la famille des Tenrecidae ; classés dans la sous-famille des Tenrecinae. La présence d’une série de poils épineux ou grossiers est caractéristique de cette sous-famille. Les tenrecs fréquentent une large gamme d’habitats (Stephenson, 1993). Il existe aussi la sous-famille des Geogalinae caractérisée par une fourrure particulièrement courte et des oreilles assez longues. La troisième sous-famille dans cet ordre est la sous-famille des Oryzorictinae qui présentent une grande variété de formes et d’espèces.
En général, les tenrecs passent une période d’hibernation dans leur vie et peuvent passer jusqu’à huit mois de torpeur. Quand la température devient plus chaude, les mâles réapparaissent avant les femelles (Nicoll, 1985). L’ordre des Soricomorpha, famille des Soricidae, est représenté par un seul genre avec deux espèces introduites à Madagascar à savoir Suncus murinus et S. etruscus. La première espèce est largement présente sur l’île, dans les zones forestières ou dans les zones habitées par l’homme voire même dans des maisons ; la deuxième espèce vit généralement dans les zones forestières, mais il est parfois possible de la rencontrer proche des constructions humaines (Soarimalala & Goodman, 2011).
Les rongeurs endémiques et les rongeurs introduits sont regroupés dans l’ordre des Rodentia. Les rongeurs endémiques sont regroupés dans la sous-famille des Nesomyinae qui est représentée par neuf genres et 27 espèces. Le genre Eliurus est le plus diversifié avec 12 espèces dont la plupart vit dans les forêts naturelles et seulement deux espèces ont été enregistrées dans des zones ouvertes. Ces animaux sont en grande partie arboricoles (Soarimalala & Goodman, 2011).
En ce qui concerne les rongeurs introduits, ils sont classés dans la famille des Muridae, dans la sous-famille des Murinae. Le genre Rattus et Mus sont les représentants de cette sous-famille, ils vivent en général en étroite relation avec les hommes (dans les champs de culture ou même dans les maisons). L’espèce Rattus norvegicus vit dans les villes tandis que R. rattus fréquente les forêts distantes des habitations humaines mais aussi les habitats anthropisés. Ces rongeurs introduits sont les plus connus dans la transmission des agents pathogènes chez les espèces endémiques et chez l’homme (Soarimalala & Goodman, 2011). Ces diverses espèces de rongeurs introduits fréquentent divers types d’habitats, que ce soit les zones forestières ou les zones urbaines.
Les bactéries pathogènes
Toutes les bactéries sont potentiellement pathogènes quand la défense immunitaire de l’hôte est affectée, même les bactéries commensales peuvent provoquer des troubles : ce sont les bactéries opportunistes (Moualkia, 2015). Cependant, il existe des bactéries pathogènes strictes qui sont capables de provoquer des maladies chez un individu dont la défense immunitaire est normale. Certaines bactéries peuvent se multiplier en dehors de la cellule et secrètent des toxines responsables du pouvoir pathogène, tandis que d’autres sont intracellulaires et sont incapables de survivre en dehors de la cellule (Silva, 2012). Actuellement les informations disponibles sur les agents pathogènes d’origine zoonotiques sont loin d’être exhaustives et méritent d’être approfondies. Une meilleure connaissance des agents pathogènes, comme Yersinia pestis et Rickettsia sp., hébergés par les petits mammifères faciliterait les recherches sur les moyens de préventions à travers diverses techniques.
Caractéristiques de Yersinia pestis
Le genre Yersinia rassemble 18 espèces dont trois sont pathogènes pour l’homme: Y. pestis, Y. enterocolitica et Y. pseudotuberculosis (Sulakvelidze, 2000 ; Sprague et al., 2008 ; Laporte, 2015). Elles ont une croissance plus lente que celles des autres Entérobactéries. Elles ont un tropisme pour les organes lymphoïdes (Y. pestis), comme la rate, et le tube digestif (Y. enterocolitica et Y. pseudotuberculosis) (Carniel et al., 2010).
Yersinia pestis appartient à l’ordre des Enterobacteriales, à la famille des Enterobacteriaceae. Cette bactérie est connue comme étant l’agent de la peste et c’est l’espèce la plus virulente dans le genre Yersinia. C’est un coccobacille, Gram négatif , immobile, non sporulant, présentant une coloration bipolaire mise en évidence par la coloration de Wayson (Chanteau, 2006). Cette bactérie peut vivre à partir de 4°C jusqu’à environ 40°C, avec un optimum situé entre 28 à 30°C. Le pH optimal pour sa croissance est compris entre 7,2 et 7,6. Les colonies de Y. pestis présentent des caractères biochimiques comme lactase négative, ONPG positive, catalase positive, oxydase négative, indole négative et fermente le glucose. Le bacille pesteux est un pathogène intracellulaire facultatif, se multiplie dans les cellules au début de l’infection suivie d’une croissance extracellulaire (Prentice & Rahalison, 2007).
|
Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I. GENERALITES
Les petits mammifères terrestres de Madagascar
Les bactéries pathogènes
CHAPITRE II. MATERIELS ET METHODES
II.1. Sites d’étude et méthodologie de capture
II.1.1. Description des sites d’étude
II.1.2. Méthode de capture des petits mammifères
II.1.2.1. Méthode de piégeage des petits mammifères à Fandanana
II.1.2.2. Méthode de piégeage des petits mammifères à Ambohitromby et Ambohitantely
II.2. Travaux sur terrain
II.2.1. Mensuration et pesage
II.2.2. Prélèvement des matériels biologiques
II.3. Travaux de laboratoire
II.3.1. Méthodes de détection de Yersinia pestis
II.3.1.1. Test de Diagnostic Rapide (TDR)
II.3.1.2. Tests de confirmation bactériologique et biochimique
II.3.1.3. Détection moléculaire
III.3.1.4. Test sérologique
III.3.2. Méthode de détection de Rickettsia sp
II.4. Analyse du taux d’infection de Yersinia pestis et de Rickettsia sp. chez les petits mammifères selon la localité
CHAPITRE III. RESULTATS ET INTERPRETATIONS
III.1. Diversité spécifique de petits mammifères par site de collecte
III.2. Détection des bactéries cibles
III. 2.1. Détection de Yersinia pestis
III.2.1.1. Test de Diagnostic Rapide
III.2.1.2. Test de confirmation bactériologique
III.2.1.3. Confirmation des échantillons TDR positifs par PCR
III.2.1.4. Test sérologique (ELISA)
III.2.2. Taux d’infection à Rickettsia sp
CHAPITRE IV. DISCUSSION
CONCLUSION