Détection automatique de facteurs de risques liés à l’équilibre pour la prévention de la fragilité
Selon les dernières données récoltées par les Nations unies (2015), l’espérance de vie ne cesse d’augmenter partout dans le monde. La population devient de plus en plus âgée, et c’est la raison pour laquelle il est dans notre intérêt d’investir dans la prévention de la fragilité chez les personnes âgées. La capacité des institutions n’étant pas suffisante pour accueillir tout ce monde, il est nécessaire de tout mettre en œuvre afin de permettre à un maximum de personnes de continuer à vivre chez elles le plus longtemps possible. La réduction du risque de chute chez les personnes âgées est un objectif important pour la santé publique. En effet, les chutes et les blessures liées à celles-ci augmentent avec l’âge, entraînant de nombreuses conséquences. Non seulement elles sont associées à une baisse de forme et de mobilité ou même à la mortalité chez les personnes âgées, mais elles sont aussi une des causes principales des admissions à long terme dans les homes. Un système de prédiction des chutes efficace permettrait de réduire considérablement le déclin fonctionnel des personnes âgées, les blessures dues aux chutes, les hospitalisations et les placements en maison de retraite (Society, Society, Of, & On Falls Prevention, 2001).
Les chutes chez les personnes âgées peuvent avoir beaucoup de causes. Certains des facteurs de risques les plus souvent recensés sont l’historique des chutes, la peur de chuter, l’utilisation d’une aide pour se déplacer, les vertiges, les problèmes de marche ou l’ingestion d’antiépileptiques (Deandrea et al., 2010). Un autre élément très important, qui fait régulièrement l’objet de recherches, est la perte d’équilibre. Comme nous le verrons par la suite, l’équilibre est très souvent utilisé afin de prédire le risque de chute chez les personnes âgées puisqu’une faiblesse à ce niveau mène fréquemment à une chute. En effet, depuis des décennies, des tests ont été développés pour évaluer la forme physique des seniors au travers de leur équilibre.
L’équilibre
Définition de l’équilibre
D’un point de vue physiologique, l’équilibre est décrit comme étant l’état de quelqu’un maîtrisant sa position et ses mouvements ; qui ne tombe pas. Le maintien de l’équilibre est une activité complexe qui englobe une multitude de systèmes différents qui doivent sans cesse se coordonner grâce à un système de feedback. Chez l’être humain, le maintien de l’équilibre est géré par trois systèmes sensoriels : les systèmes visuel, proprioceptif et vestibulaire. Ces systèmes renseignent sur la position du corps et sur son environnement. Les informations sensorielles sont ensuite envoyées au système nerveux central qui, se basant sur un schéma interne, décidera d’une réponse appropriée à transmettre au système musculo-squelettique afin que celui-ci puisse maintenir la posture (Larousse, s. d.; Mancini & Horak, 2010).
Il est possible de distinguer deux sortes d’équilibre. La première est l’équilibre statique, qui consiste à rester en position immobile, par exemple se tenir debout. Le corps n’est jamais totalement immobile. En effet une vacillation constante est observable même si le point d’ancrage (ici les pieds) est fixe. Le second type d’équilibre est dynamique. Celui-ci nous permet de rester debout lors d’un mouvement, par exemple pour marcher. Le corps se met en déséquilibre afin d’avancer mais se remet tout de suite en équilibre. C’est un va-et-vient constant entre les deux états (Haag, Mess, & Haag, 2012).
L’équilibre chez les personnes âgées
Il est depuis longtemps connu que l’équilibre se détériore avec l’âge. Beaucoup de facteurs contribuent à ce déclin, dont principalement des changements biologiques liés au vieillissement dans les domaines tels que la force, la coordination et les systèmes sensoriels. Comme déjà mentionné dans le paragraphe précédent, l’équilibre dépend d’une multitude de systèmes sensoriels. Ceux-ci sont tous affectés d’une manière ou d’une autre par l’âge (Gadkaree et al., 2016). Prenons, par exemple, les changements survenant au niveau du système visuel. La détérioration des fonctions visuelles, dont l’acuité visuelle, le champ de vision ou la sensibilité des contrastes, est omniprésente dans la communauté des personnes âgées. La capacité proprioceptive n’est pas épargnée non plus, le déclin de celle-ci ayant également été observée (Gadkaree et al., 2016). Il existe également des documentations montrant une détérioration du système vestibulaire au niveau de presque tous les types de cellules vestibulaires, y compris les cellules capillaires, les fibres nerveuses ou les neurones du noyau vestibulaire (Zalewski, 2015). De même, on observe des changements liés à l’âge au niveau du système neuromoteur qui permet de contrôler la posture. Autant au niveau structurel (dégénérescence de la matière grise et blanche et des nerfs périphériques) qu’au niveau fonctionnel avec les modifications du fonctionnement des structures (détérioration ou compensation) ou au niveau du comportement qui en découle, l’altération du système neuromoteur est présente. Le système musculo-squelettique souffre lui aussi du poids des années (Chan, 2016). L’amplitude articulaire diminue, tout comme la force musculaire et les variables anthropométriques, qui sont également altérés. De plus, il ne faut pas négliger l’impact des maladies liées à l’âge qui ajoute un facteur supplémentaire au déclin de tous ces systèmes, comme, par exemple, l’arthrite qui limite le mouvement, le diabète qui réduit les fonctions proprioceptives et la vision, ainsi que la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson (Konrad, Girardi, & Helfert, 1999). Tous les systèmes responsables de l’équilibre se détériorant, l’instabilité augmente avec l’âge, prédisposant les seniors à un risque croissant de chuter.
L’évaluation de l’équilibre
Dispositifs d’analyse de l’équilibre
L’évaluation de l’équilibre ou du vacillement corporel est un moyen très efficace pour détecter des troubles de l’équilibre, et donc la prédiction des chutes. Il existe différents instruments permettant de mesurer l’équilibre quantitativement et d’obtenir des données précises et objectives. Communément, ces mesures quantitatives sont obtenues en mesurant le centre de pression, celui-ci étant l’origine de la force de réaction au sol qui agit sur le corps afin de maintenir la position (Yeung, Cheng, Fong, Lee, & Tong, 2014). Ces données sont facilement et directement accessibles grâce à des dispositifs tels que les plateformes de force. Une étude (Hewson, Singh, Snoussi, & Duchene, 2010) a démontré qu’il était possible de reconnaître les chuteurs des non-chuteurs rien qu’en observant la vitesse de déplacement du centre de pression. Des mesures comparables à celles des plateformes de force ont été obtenues grâce aux accéléromètres et gyroscopes (Mancini & Horak, 2010). Placés au bas du dos ou sur les cuisses, ces capteurs fournissent des informations sur le vacillement corporel au travers de l’accélération linéaire et angulaire du corps (Mancini & Horak, 2010). Une autre manière d’évaluer l’équilibre est à travers le mouvement du centre de masse. En effet, il a été démontré qu’un grand mouvement du centre de masse corrélait avec un risque de chute croissant (Yeung et al., 2014). Les données sur le centre de masse peuvent être obtenues de plusieurs façons. Elles peuvent notamment être calculées à partir du centre de pression, donc grâce à une plateforme de force. Cependant, il a été observé que le centre de pression ne permettait plus d’estimer un centre de masse assez précis lors de l’évaluation d’exercices plus complexes où le corps vacille beaucoup (Yeung et al., 2014). Il est également possible d’utiliser des systèmes de capture de mouvement 3D afin d’obtenir les données sur l’équilibre. Les systèmes tels que l’Optotrak Certus ou Vicon sont capables d’obtenir le centre de masse grâce aux données cinématiques récoltées (Yang et al., 2014). Les inconvénients de ces appareils résident dans leur coût élevé et leur manque de maniabilité, étant donné qu’ils nécessitent de porter des capteurs et qu’ils ne sont accessibles qu’en laboratoire. En revanche, un nouveau système prometteur, la Kinect de Microsoft, qui fournit également des données 3D sur les segments corporels, est un outil bon marché qui, de plus, est peu contraignant puisqu’il ne dépend pas de marqueurs et est facile d’utilisation. Plusieurs études ont d’ailleurs comparé la Kinect avec les autres dispositifs mentionnés ci-dessus. Ils en sont arrivés à la conclusion que même si la Kinect n’était pas aussi précise que les autres, les données étaient suffisantes pour l’évaluation de l’équilibre et qu’elle demeurait une excellente alternative aux autres instruments. Clark et al. (2012) ont comparé le système Kinect avec le système d’analyse du mouvement 3D Vicon pour l’évaluation du contrôle postural à partir de la cinématique du corps. Ils sont arrivés à des résultats comparables entre les deux systèmes et suggèrent que la Kinect est capable d’évaluer les stratégies cinétiques pour le contrôle postural. Une deuxième étude de Clark et al. (2015) sur la même lignée a comparé la Kinect à un autre système de capture de mouvement 3D (3DMA) et sur des exercices d’équilibre statique et dynamique. Les résultats étaient excellents, notamment pour les angles du tronc ou les mouvements antéro-postérieurs, mais moins pour les mouvements médio-latéraux, par exemple. D’autres études ont utilisé la Kinect pour évaluer l’équilibre grâce au centre de masse. González, Hayashibe, & Fraisse (2013) ont, par exemple, comparé le centre de masse obtenu au travers de la Kinect et d’une Wii Board, avec celui obtenu par le système Vicon et une plateforme de force. Des résultats similaires ont été obtenus et prouvent donc que ces nouvelles technologies sont de bonnes alternatives aux outils traditionnels. Yang et al. (2014) ont utilisé le système de capture de mouvement Optotrak Certus comme système de référence et sont arrivés à la conclusion que le système Kinect était un outil valide pour examiner l’équilibre lorsque le centre de masse est utilisé. Tout comme Yeung et al. (2014) qui ont mesuré le centre de masse en comparant la Kinect, le système Vicon et une plateforme de force et qui sont arrivés à la même conclusion sur la validité de la Kinect.
Tests cliniques
Dans la majorité des institutions pour personnes âgées, il est difficilement possible d’accéder à des appareils aussi précis que ceux mentionnés ci-dessus. Comme déjà évoqué, ces dispositifs sont trop coûteux, difficiles d’utilisation et souvent pas adéquats pour cette catégorie de la population. C’est pour cela qu’ils utilisent majoritairement des tests cliniques développés, afin de faire état de la forme physique de la personne et de son risque de chute. Ces tests sont souvent conduits par des experts ayant reçu une formation, afin de pouvoir juger correctement de l’exécution des exercices.
Le système Kinect
Les tests cliniques étant subjectifs et les instruments de mesures traditionnels étant coûteux et difficiles d’utilisation, le système Kinect propose une solution alternative pas chère, très facile d’utilisation et objective. C’est pourquoi il est intéressant de prouver son efficacité afin qu’elle fasse son entrée dans l’évaluation clinique .
Conclusion
Le système Kinect s’est montré très performant dans l’analyse du test TUG et du test d’équilibre, offrant une multitude de variables à analyser. Le test TUG est reconnu pour détecter les personnes à risque de chute. Cependant, ce n’était pas le test le plus adapté pour distinguer les groupes selon leur niveau d’activité physique. En revanche, certains exercices d’équilibre statique étaient tout à fait capables de souligner la différence entre les personnes âgées non-actives et les autres sujets en utilisant la variable adéquate. Ceci correspond à l’exercice avec les pieds joints, les yeux fermés, en analysant la vitesse de déplacement du centre de masse. Le même modèle d’identification était visible grâce à l’exercice sur l’Airex avec les yeux fermés, en analysant la position du centre de masse et de la tête. Le point commun entre les deux était leur double handicap (yeux fermés et base au sol instable). Les personnes âgées non-actives ne seraient pas capables de trouver une solution de compensation motrice pour garder leur équilibre avec autant de contraintes. Ainsi, il serait intéressant d’imaginer un test d’équilibre avec des exercices plus complexes qui handicapent doublement les sujets pour voir si cette théorie se justifie. Cela permettrait de repenser les tests d’équilibre pour déceler l’inactivité chez les personnes âgées, laquelle pourrait contribuer à un risque de chute. En revanche, utiliser uniquement un test de marche pour évaluer le niveau d’activité physique d’une personne âgée ne semble pas être un moyen très fiable. Aucun résultat significatif ne nous a permis de différencier correctement les groupes, les personnes ayant souvent une marche modifiée par le fait qu’elles le font consciemment. Nous avons tout de même vu que la marche possédait des paramètres permettant une distinction entre les groupes mais cela au travers du test TUG. En effet, en observant la vitesse de marche lors du test TUG, un modèle permettant de différencier presque tous les groupes était visible. Nous en concluons qu’il est important d’intégrer la marche parmi d’autres tâches, afin que l’attention du sujet soit portée ailleurs que sur la marche. Celle-ci resterait naturelle et permettrait ainsi d’obtenir des données correspondant aux capacités physiques réelles des sujets.
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Table des matières
1. Introduction
2. L’équilibre
2.1. Définition de l’équilibre
2.2. L’équilibre chez les personnes âgées
2.3. L’évaluation de l’équilibre
3. Le système Kinect
4. Buts et questions de recherche
5. Méthode
5.1. Sujets
5.2. Protocole
5.3. Mesures
5.4. Analyses statistiques
6. Résultats
6.1. TUG
6.2. Marche
6.3. Équilibre statique
7. Discussion
7.1. TUG
7.2. Marche
7.3. Équilibre statique
7.4. Général
8. Conclusion
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